Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
6000644468
#
ff
illllllllH
6000S444SS
HISTOIRE
DB LA
RÉVOLUTION FRANÇAISE
DAlfS LB8
ALPES-MARITIMES
La Société Niçoise des Sciences naturelles et historiques laisse aux
auteurs la responsabilité entière de leurs publications.
HISTOIRE
RÉVOLUTION FRANÇAISE
DÂNg LE*
ALPES-MARITIMES
Le Chaioine t. TUMkSt
MEIIBI.E DI LA BOCIÉTt inÇOUE, AnHOKIEI DU LTCËK Dg Nid,
H PUBMQUI, COU.UPOini*MT DD HIHUriU,
NICE
TTFOfiBlPaiB, LITHOOBAPBIE ET UHAIBIB 8. CAUVIN-EMPBBBUB,
Rue de Ia Fitrectan, 6 et plaça da U PréTactura. I.
237. e. 5Sl- /
DÉDICACE
A la Société Niçoise des Sciences naturelles et historiques.
Mes Ghers Collègues,
Je vous dédie cet ouvrage, dont vous voulez bien
faire les frais. Veuillez Tagréer comme un faible
hommage de ma reconnaissance et comme ma part
de bonne volonté et de collaboration. Le seul dessein
que je me propose dans cette Histoire de la Révolu-
tion Française dans les Alpes-Maritimes , c'est de
compléter les Monographies de Nice, de Vence et
dAntibes qui s'arrêtaient à 1789, et de mettre en
ordre les documents puisés dans les archives com-
munales et dans celles de la préfecture, sur les évé-
nements si émouvants de notre grande Révolution.
Nos contrées en ont ressenti d'autant plus les effets
qu'elles étaient plus rapprochées de la frontière. Aussi
presque tous nos grands généraux sont-ils venus
VI
s'illustrer dans les Alpes-Maritimes. C'est chez nous
que Bonaparte et Masséna ont débuté. Dieu lit dans
le fond des cœurs. Je n ai point d'autre but dans cet
ouvrage, que de contribuer, selon la mesure de mes
forces, au bien de mon pays, en tâchant, par la con-
naissance des faits, de rendre à jamais impossible le
retour des excès de cette époque exceptionnelle. Je
me rends aussi à l'appel des Sociétés savantes et de
la nôtre en particulier, que réclament le concours de
tous, dans les recherches des archives locales pour
aider à l'histoire générale de la nation. J'ai emprunté
au Moniteur universel, aux ouvrages de M. Toselli,
du comte Saint- André, de Jomini, du général Koch.
Mais je dois surtout remercier M. le général d'Au-
vare de m'avoir laissé puiser dans le précieux ma-
nuscrit de son vénérable père. Si nous n'avons pas
chargé ce volume de plus de notes justificatives j c'est
que les sources se supposent facilement : J'écris les
archives à la main. Voici encore les sources où j'ai
puisé ' Registres des délibérations des Conseils
communaux d'Antibes, de Belvédère, de Nice, de
Vence, etc., correspondances, registres des Districts
de Nice, de Grasse et de Saint-Paul, qu'on trouve à
la préfecture de Nice; PoUce secrète, armée, etc. J'at-
teste une fois de plus, que je n'ai écrit que sur des
documents officiels. Il serait trop ambitieux de pré-
tendre tout dire, mais c'est peut-être un titre à l'in-
dulgence de mes collègues, et de tous, d'avoir ouvert
le champ à ceux qui voudront encore découvrir et
VII
écrire après moi sur la Révolution Française dans
les Alpes-Maritimes.
Agréez de nouveau, Messieurs et honorables Col-
lègues, l'expression de ma reconnaissance et de
mon sincère et respectueux attachement.
Votre très-^évotcé et humble Collègtie,
E. TISSERANDp
Cktitiie htieriirc, iiaèiier éi Lyi^i,
utuhn it la Steiélé Niçtiie.
Lycée de Nice, samedi 6 juillet 1878.
QA5>
Cette Histoire formera six chapitres :
Chapitre I"". Assemblée Constituante
— II. Assemblée Législative
— III. Convention nationale.
— IV. Directoire.
— V. Consulat et Empire.
— VI. Les Deux Restaurations, 1814-1815.
Fastes chronologiques de 1816 à 1878.
Nous mettons à la fin les notes additionnelles et justifi-
catives, suivies d'une table générale.
t
CHRONIQUE DE PROVENCE
HISTOIRE DE LA GRANDE REVOLUTION
OAlfB L^
DÉPARTEMENT DBS ALPES-MARITIMB8
CHAPITRE PREMIER
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789)
I. — ÉTAT DES ALPES-MARITIMKS AU MOMENT DE LA GRANDE
REVOLUTION.
"^ÉTvjîrous avons fait observer dans nos monographies
1^ précédentes que la féodalité ne fut jamais aussi
rigoureuse dans la Provence que dans le Nord. Si quel-
(jnes communes payaient des redevances seigneuriales,
elles se trouvaient soumises au propriétaire en vertu
de conventions librement acceptées. Beaucoup de fa-
milles pauvres , appelées de la rivière de Gênes ou
d'autres pays , avaient reçu du propriétaire des terres
à titre de rentiers ou de colons, et ils soldaient en na-
ture ou en espèces, suivant le contrat fait en bonne
forme. L'impôt était plutôt payé en corps de commu-
nauté que personnel. Assurément beaucoup de droits
seigneuriaux du Midi ressemblaient à ceux du Nord;
il y avait une différence marquée entre le bourgeois
et le marquis, entre le manant ou le roturier et le
4 CHAPITRE PREMIER
ble. Le peuple, entraîné par la bourgeoisie frondeuse,
aspirait à l'égalité. Elle entendait dire à chaque in-
stant que nous naissions tous égaux et libres. Pas un
homme un peu lettré de nos communes chez qui on
ne trouvât au XVIII™® siècle dans sa bibliothèque les
œuvres de Jean-Jacques Rouséeau, de Voltaire et au-
tres ouvrages du XVIII™® siècle. Disons-le, l'idée d'une
réforme sociale , la révolution , était dans toutes les
têtes avant 1789. Il est malheureux que le souffle de
l'irréligion et de l'indépendance s'en mêlât pour entraî-
ner la France en sens inverse de l'autorité légitime :
depuis quelque temps déjà les conseils communaux, s'af-
franchissant de l'idée religieuse, ne commençaient plus
leurs délibérations par la formule d'usage : Aie nom
de Dieu. Née des scandales de la régence, et des ou-
vrages impies et lubriques publiés à cette époque , la
société du XVIII'"® siècle sentait un affaiblissement gé-
néral des mœurs. La jeunesse qui a toujours aimé
l'indépendance ne rêvait plus que la jeune Amérique ;
la magistrature aimait la constitution anglaise; un cer-
tain monde haïssait les nobles et les prêtres. — Le chi-
rurgien Gourmette , de Vence , rencontre un jour, en
revenant de la chasse, le vénérable évêque qui, avec
son grand-vicaire et son secrétaire, goûtait sur l'herbe
à la campagne de Saint-Martin. « Bientôt, dit-il, en
montrant son fusil, nous ferons une autre chasse. » Il
ne se trompait pas. Ce sera un des plus forcenés révo-
lutionnaires de Vence.
La noblesse et le haut clergé de nos pays jouissaient
pourtant d'une considération méritée.
A Vence^ peuplée de 3,000 habitants, brillait noble
et magnifique marquis , illustre rejeton de Romée de
Villeneuve , Pierre-Paul-Ourse-IIélion de Villeneuve ,
baron de Vence , marié avec Clémentine de Laage ,
fille de l'intendant général des gabelles. 11 était en 1785
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 5
capitaine au régiment royal-Corse, et en 1789 maître
de camp au régiment royal-Pologne cavalerie.
L'évêque de Vence se nommait Charles Pisani, mar-
quis de la Gaude, conseiller du roi, avocat au parle-
ment d'Aix. Né à Aix en 1743 de Joseph -César de
Pisani, marquis delà Gaude, avocat en la cour, et de
Catherine de Reboul de Lambert, il suivit la carrière
paternelle. Il eut le malheur de perdre, le jour même
de ses fiançailles, la noble et riche demoiselle d'Entre-
casteaux. Ce chagrin le détermina à prendre les ordres
ecclésiastiques. Il devint évêque de Vence en 1783 ; et
digne successeur des Véran, des Lambert, des Godeau,
et des Surian, il se montra savant, pieux, doux, cha-
ritable. Il choisit pour grand-vicaire l'abbé LatiK futur
cardinal de Reims , et pour secrétaire l'abbé Méro ,
prêtre et orateur distingué. Son chapitre se composait
de sept chanoines : Antoine Suche , prévôt ; Jacques
Mars, sacristain ; Joseph Savournin, archidiacre ; Jo-
seph Alziary, François Savournin, Christophe Rostan,
François Espitalier et l'abbé Vernachan , supérieur du
séminaire. Les deux curés de la cathédrale se nom-
maient Vial et Archier, et le capiscol, Tabbé Abbon. La
bourgeoisie de Vence possédait des hommes intelligents
et instruits ; Honorât Savournin , avocat , est le juge
seigneurial avec Pierre Blacas, notaire, sous-lieutenant.
Nommons Joseph Blacas et Jean Mars notaires, Théodore
Rostan, Charles-Antoine Guérin et Théodore, son frère,
avocats, Jean-Baptiste Bérenger,Charles Vacquier, Pierre-
Paul André, Jean-Louis Isnard, Pierre Auzias, Alexandre
Vacquier, Antoine Savournin, Alexandre Boyon, Jean-
Alexandre Mallet, Pierre Baussy, François Calvy, com-
mandant des gardes-cotes , Jean Savournin , capitaine
des cannoniers gardes-côtes, tous bourgeois ; Jean-Phi-
lippe Suche, docteur médecin , Jean Suche, chirurgien
du roi , Joseph Aussel et Christophe Gaitte , chirur-
6 CHAPITRE PREMIER
giens, Joan-Pierre Savournin et Joseph Maurel, phar-
maciens ; Joseph Fanton, receveur des gabelles, Pierre
Hugues, orfèvre.
iSai>//-Paî^?, H trois kilomètres de Vence, chef-lieu de
baillage, petite place de guerre, avait 1,800 habitants
en y comprenant Roquefort et La Colle qui vont, en
1790, obtenir chacun leur titre communal. — Honoré
Alziary de Roquefort, fils d'Alexandre Alziary, et de
Marie-Christine de Grimaldi, avait cédé sa charge de
viguier de Saint-Paul à Jean Raymond, baron des Con-
ségudes , pour se livrer à sa passion de l'art drama-
tique. Ses deux filles, Pauline et Marie Blanche avaient
joué au pensionnat des Bernardines d'Antibes où elles
étaient élevées, des petites pièces de théâtre qui avaient
excité un véritable enthousiasme. Le viguier de Saint-
Paul partit avec elles pour Montpellier, où tous les trois
débutèrent dans Zaïre. Le triomphe de Pauline à Paris
fut Mer ope ; et celui de Marie Blanche à côté de Talma
Iphigénie en Aulide. Ces deux artistes étaient con-
nues au théâtre sous le nom des demoiselles Sainval.
Le père de Pauline et de Marie Blanche eut aussi
deux fils : le juge de Saint-Paul, Jean-Antoine Alziary
de Roquefort, marié en 1787 avec Claire de Beaumont, et
François Alziary, qui sera en 1790 commandant de la
garde nationale. Le sieur Guevarc était lieutenant du
viguier. Parmi les notabilités de Saint-Paul nous avions
Esprit Bellissime de Roquefort, Layet, Achard, Gar-
denqui, Euzière, Raybaud, Bonnet, Mougins, Payan,
Issaurat, etc.
Au chapitre de la Collégiale, l'abbé Flory, curé-
doyen, J. Félix Raybaud, sacristain, Sicard, Baussy, etc.
A Cagnes^ c'était haut et puissant marquis et baron
Laurent-Sauveur-Gaspard de Grimaldi, qui convoitait
toujours l'héritage de Monaco. 11 avait son frère Louis
André évêque du Mans ; et il était allié avec le mar-
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 7
quis Panisse-Pacy, son voisin, seigneur de Villeneuve-
Loubet et Cipières.
TotirretteS'Veiice avait pour seigneur le marquis
Joseph Guichard de Villeneuve, aussi baron de Saint-
Jeannet, qui avait épousé une sœur du marquis de
Vence.
A CarroSj c'était le marquis Alexandre Claude Bona-
venture de Blacas qui épousa le 13 mai 1789 Marie de
Pélissier de Chanterieux.
Grasse, ville riche, peuplée de 12,000 habitants, chef-
lieu de Viguerie et de Sénéchaussée , est vraiment la
petite capitale de la rive droite du Var. Son évêque,
homme distingué par sa science et par sa piété, appartient
à une famille parlementaire. François d*Estienne de Pro-
nière siège depuis 1753. Ses grands vicaires se nom-
ment Jaury et Geoffroy du Rouret ; son secrétaire, Conte.
Voici son chapitre : Messires Charles Hubert Chevretel,
sacristain, Pierre Antoine Barbaroux de Gévaudan, ca-
piscol, parent du trop célèbre Barbaroux de Marseille,
Joseph Bernard, archidiacre, Al. Mallet, archidiacre, Marc
Chéry, Antoine Roustan, théologal, F. Albanelly, J.F.
Pugnaire. Auban Augier ; les deux curés MM. de Mougins
et de Gasq. 11 y avait douze bénéficiers.
D'ordres religieux, on comptait à Grasse : les Augus-
tins, las Observantins, les Dominicains, les Capucins, les
Oratoriens, les Visitandines ; les sœurs de Nevers des-
servaient rhôpital.
Dans le diocèse, il y avait des Capucins, à Cannes ; des
Observantins-Cordeliers et des Bernardines, à Antibes. —
I^rins était fermé depuis 1787.
La bourgeoisie de Grasse, opulente et visant à la
noblesse, coudoyait la vieille aristocratie. On voyait en
face des Villeneuve- Vence-Tourrette, Bargemon, Mons,
Beauregard, Saint-Césaire , les de Grasse du Bar, les
Grasse-Briançon, TIsle-Taulanne, les Pontevès, le mar-
8 CHAPITRE PREMIER
quis de Clapiers marié avec la sœur de Mirabeau, Lom-
bard de Gourdon , Puget-Chasteuil , Durand-Sartoux ,
Castellane , de Flotte , d'Agout , Geoffroy du Rouret ,
Robert d'Escragnolles, C'était la jeune noblesse : Théas
d'Andon et de Caille, Ainesy de Briançonnet, Calvy de
Vignolet, Fanton d*Andon, Isnard et Luce deSeillans,
Bounin de Cabris, coseigneur de Chàteauneuf, Cresp de
Saint-Césaire, Mougins de Roquefort, Bain de Séranon,
Barbaroux de Gévaudan. Un fils de Luce de Seillans re-
vendiquait à cette époque l'héritage des comtes Gaspari
de Corse. Parmi les familles actuelles de Grasse nommons:
Bruér3\ Bonafons, Bérenger, Bartel, Amie, Aubert,
Albanelly, Barbery, Bernard et Bernardy, Bompar, Court,
Chautard, Cavalier, Chéry, Daumas, Fanton, Feraud,
Gazan, Gérard, Girard, Giraud, Gasq, Gaitte , Imbert,
Isnard, Lambert, Jaumes , Jourdan , Martelly, Marcy,
Maure , Le More , Maubert , Mercurin , Niel , Ricord,
Roubaud, Roustan, Payan, Pngnaire, Saissy, Rancé, etc.
Quelques personnages marquaient alors ou sMUustraient
en ce temps-là : les deux Mougins de Roquefort, fils
de Jean Joseph et de Marie Anne Abbo. Le général
Gazan ( Honoré Théodore ) ; le conventionnel Maxi-
min Isnard ; le général comte F. L. J. Gabriel Luce de
Gaspari, comte de Belval ; Léopold de Bompar, chef
d'escadre, Iiouis Augustin de TIsle-Taulanne aussi chef
d'escadre ; les peintres Fragonard , Cresp et Margue-
rite Gérard ; le botaniste J. H. de Jaume Saint-Hilaire.
En 1789 , voici le dénombrement des seigneurs de
l'arrondissement de Grasse : Messire Pierre François de
Grasse, seigneur, comte du Bar.
Messire François Orengo, comte et seigneur de Ro-
questeron.
Jean Sauteron et Laurent Saissy ,coseigneui^ de Séranon .
F. de Durand, sieur de Sartoux, résidant à Grasse,
et Messire de la Tour RomoUes, coseigneur de Sartoux.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 9
Louis de Villeneuve, seigneur de Mouans.
Joseph de Villeneuve, seigneur de Saint-Auban.
M. de Caille, résidant à Aix.
Antoine de Flotte d'Agout , seigneur de Gars, rési-
dant à Seillans.
Jean de Theas, et Jean-Paul de Clapiers, marquis de
Cabris, coseigneur aussi de Gars, résidant à Grasse.
Jacques de Robert , d'EscragnoUes, capitaine de ca-
valerie de l'ordre royal, ayant son fils officier de marine.
Jean-Paul de Lombard, marquis de Gourdon, et son
fils aussi Jean-Paul, marquis de Montauroux, lieute-
nant de la Compagnie des Maréchaux de France.
Jean-Paul de Puget-Chasteuil, baron de Chàteauneuf,
résidant à Grasse.
Jean-François de Bounin, coseigneur de Chàteauneuf.
M. de Saint-Ferréol de Mastre, seigneur d'Amirat,
résidant à Montauban.
René Alphonse-Paulin de Grasse, lieutenant des vais-
seaux du roi, domicilié à Toulon , seigneur baron de
Brianconnet.
Le sieur d'Ainesy, résidant à Grasse, coseigneur de
Brianconnet.
Dame Anne-Marie de Blanqui, et Jean-Paul Alziary
de Malaussône, coseigneurs d'Aiglun.
La veuve du sieur de Clapiers et M. de Lombard de
Gourdon, coseigneurs de Saint-Césaire.
A Biot^ le dernier commandeur de Malte se nomme
Antoine-François de Groze de Lincel, commandeur de
Nice.
Résident à Cannes MM. de Rioufie de ThorenC,
commissaire de marine, et le chevalier de Thorenc son
fils, et Jean-Baptiste de Riouffe.
André Souquet, colonel d'artillerie.
M. de Montgrand , gouverneur des îles de Lérins.
Antibes, avec ses 5,600 habitants, place de guerre,
10 CHAPITRE PREMIER
port de mer, sentinelle sur la frontière du Var, avait
toutes les bonnes grâces du roi, qui depuis l'acquisition
de Henri IV, en était le seigneur. Elle méritait bien du
pays par sa constante fidélité et surtout par le blocus
glorieux qu'elle avait soutenu en 1746. Son gouverneur
se nommait le marquis de Cugnac, successeur de M. de
Lesrat depuis le 15 février 1787. M. de Mont-Choisy
était mnjor du fort Carré ; il sera remplacé en 1789
par M. de Sanglier. M. Lombard de Roquefort était di-
recteur du génie, Pierre Sartoux entrepreneur des for-
tifications , Michel-Josepli-Emond d'Esclévins , direc-
teur du courrier de la Corse, noble Joseph de Guide,
viguier royal ; Joseph Bonneau, lieutenant-général au
siège de l'amirauté ; les sieurs Curault et Tourre juges,
Tun de la ville, l'autre de la marine; Esprit-Joseph
Reille, lieutenant-général au siège royal ; noble Reibaud
de Clausonne, procureur du roi ; le sieur Allègre, maître
du port, Sébastien Vial procureur du roi à l'amirauté.
Le régiment des chasseurs royaux tenait garnison,
avec un détachement à Monaco. Beaucoup d'officiers re-
traités avaient établi leur domicile dans cette petite ville
de guerre, tels que le major Saint-Ferréol, le capitaine
Leroy de Beurry, le sieur Joseph de Boyer de Choisy,
le capitaine Eléonore-Joseph-Gabriel de Bouchard d'An-
betaire. Beaucoup d'Antibois ser^'aient dans la marine ou
dans l'armée, les Guide, les Barquier, les Gazan, les
Vial. Massénay recherchait déjà la main de la fille unique
du chirurgien Lamarre qu'il épouse en 1789.
Lorsqu'après avoir parcouru la rive droite du Var,
nous franchissons la frontière, nous nous trouvons dans
le comté de Nice, tout dévoué à la maison de Savoie.
A'/(v,' , peuplée de 20,000 habitants, pas aussi grande
et aussi belle qu'aujourd'hui, ne manque pas pourtant
d'agréments. Excepti la bourgade Saint-Jean-Baptiste ,
sur la rive droite du Paillon, la ville n'occupe encore
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) H
que la rive gauche entre Tembouchure du Paillon et
la mer, et autour du rocher appelé le Château. Depuis
qu'elle n'a plus de citadelle , elle tend à s'embellir de
jour en jour. Un nouveau quartier, appelé Ville-Xeuve
(Saint-François-de-Paule) , remplace le pré aux oies ;
le cours, la place Victor, le théâtre, le nouveau port
Limpia datent de ce temps-là.
Les étrangers commencent à rechercher son climat
pendant l'Inver. Le duc de Glocester y passait l'hiver de
1784 ; l'archiduc de Milan et la duchesse de Bourbon-
Condé, celui de 1786. Son commerce, grâce au port-
franc, est assez considérable. De riches armateurs frètent
des navires pour les échelles du Levant, pour les cotes
d'Afrique. Il y a un mouvement inceî^sant de Nice avec
Gènes et Marseille.
Ses libertés municipales, un peu amoindries, ne dif-
fèrent pourtant guère de ce qu'elles étaient au Xll"'
siècle ; M. le marquis de Planargia , qui avait rem-
placé, en 1787, le comte de Saint-André, devenu vice-roi
de Sardaigne, était gouverneur de la ville et du Comté ;
le comte ïrinquieri de Venançon, intendant ; Charles
Valperga de Maglione, évoque depuis 1780; en 1789,
le comte Augustin Léa exerçait la charge de P'"" consul,
avec J. Avouas et J. B. Fédel. En 1790, ce seront :
MM. F. Peyre, marquis de Chàteauneuf ; A. Ricordi,
L. Vigon. En 1791, M. de Grimaldi, baron deSausse, sera
l^' consul.
Parmi les grandes familles de Nice, on pourrait nom-
mer les Lascaris, les Grimaldi, les de Roubion (Caissotti),
les d'Auvare qui suivront des partis opposés, comme les
deux frères Trinquieri, les de Pierlas, le comte de Saint-
Léger, les Caravadossy de Thoët, les comtes de l'Esca-
rène, de Falicon. de Cessole, les de Orestis, les Raynardi,
comtes de Belvédère. — La population niçoise nvait un
profond attachement à ses rois et à la religion. Il y
12 CHAPITRE PREMIER
avait de nombreux couvents : deux maisons d'Augus-
tins ; PP. Observantins de saint François ; Récolets de
Cimiez , Capucins de saint Barthélémy ; Minimes de
saint François-de-Paule ; deux maisons de Visitandines,
Clarisses , Bernardines ; quatre ou cinq confréries de
Pénitents entretenaient le zèle religieux.
Le monastère bénédictin de Saint-Pons était sur le point
d'être sécularisé, comme l'avait été Lérins.
AMenton,àSaorge, à Sospel, à Lantosque, il y avait
des Franciscains ; des Carmes gardaient le sanctuaire de
Laghet.
Voici quels étaient les vénérables chanoines du cha-
pitre de Nice en 1789; D. D. Balduini, prévôt et vicaire
général ; Barralis, prieur ; Trinquieri, archidacre ; Barli-
Fabri, préchantre ; Fighiera, chantre inférieur ; Bottieri,
théologal ; Casoni,Thaon,Navello, Garin, Garidelli, curé,
Belmondi, Massilia, Berengeri, Provasso, bibliothécaire,
Biscarra, Torini,OUvari, pénitencier, Passeroni, chanoine
secrétaire.
Quoique le Var séparât la France du Comté de Nice,
on laissait la plus grande facilité de communication entre
les habitants des deux rives. Le Var se passait à gué.
La passerelle de Saint-Laurent-du-Var ne date que de
1792 à 1793.
Racontons maintenant. Nous nous abstiendrons le
plus souvent de toute réflexion . Souvent même, on ne
pourra apprécier les hommes et les événements d'après
les règles ordinaires ; la société, dans un état violent,
et jetée en dehors de la légalité, ressemble à un fleuve
qui, rompant ses digues, ne respecte ni le sacré, ni le
profane. Telle sera la grande Révolution.
II. — ASSEMBLÉES PROVINCIALES.
L'Assemblée des notables à Versailles avait amené le
roi à convoquer les ossenMèes provmcialesj afin d'éta-
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 13
blir l'égalité des impôts : ce qui avait mis en joie toute
la Provence, heureuse de recouvrer ses États supprimés
depuis cent quarante sept ans. Quiconque sait discourir
va faire entendre sa voix dans les moindres communes.
C'est vraiment le règne des avocats. Dans nos pays la
place d'honneur appartient à M. Jean-Joseph Mougins
de Roquefort, maire et viguier de Grasse. 11 salue avec
tant d'enthousiasme l'ère nouvelle de la liberté qui
apparaît, qu'on le couvrirad'applaudissements. Le conseil
général de Grasse lui continuera sa charge de maire
pour 1788, à cause du zèle et du patriotisme qu'il mon-
trera aux États d'Aixet de Lambesc.
Le premier discours qu'il prononcera date de l'As-
semblée générale de la Viguerie de Grasse, 18 décembre
1787, pour l'élection des représentants aux États d'Aix.
M. Mougins fut chargé de représenter Grasse aux États.
Les autres communes, suivant le tour de rôle, avaient à
choisir entre le maire de Vence et celui de Vallauris qui
se portaient comme candidats. M, Girard, maire de
Vallauris, fut élu par onze voix contre M. Bérenger, maire
de Vence, qui n'en obtint que neuf. De là un vif méconten-
tement des Vençois.Le 22 décembre, dans l'Assemblée du
Co7iseil municipal jM. Bérenger déclare que cette pré-
férence donnée au maire de Vallauris offense toutes les
communautés, et plus particulièrement celle de Vence ; le
sieur Girard par des sollicitations publiques et secrètes
a capté des suffrages qui malheureusement font poids
par le nombre. Ledit Conseil exprime donc le vœu que
la communauté de Vence, la plus importante de la Vi-
guerie après Grasse, par son ancienneté, son affbuage-
ment, sa population de 4,000 habitants, son siège épis-
copal, ait le droit de fournir aux États un député au nom
de la Viguerie ; que le choix du sieur Girard est peu
honorable pour elle, puisque par là elle a été convaincue
d'insuffisance, n'ayant pas trouvé dans sa communauté
14 CHAPITRE PREMIER
un seul sujet digne de recueillir l'honneur d'une pareille
députation, honneur d'autant plus grand que le rétablis-
sement des États fait époque.
La requête de Vence n'aura aucun succès, ce qui met-
tra les communautés en demeure de demander à cor et
à cri l'abohtion du tour de rôle.
Les Etats s'assemblèrent solennellement à Aix, le 31
décembre, dans l'église du Collège-Bourbon, sous la pré-
sidence de l'archevêque. Nos évêques de Grasse, de
Vence, de Glandèves, s'y trouvaient ; toute la noblesse,
les députés du clergé et des communes. Grasse y avait
MM.'Mougins et Girard ; Antibes, M. Bonneau, François;
Saint-Paul, MM. Bellissime et Euzière. Tout s'y passa
sans incident remarquable.
Une nouvelle convocation des Etats eut lieu à Lam-
besc pour le 4 mai 1788. Les communautés nommè-
rent le 25 avril leurs députés à l'assemblée de la Viguerie
de Grasse, pour le 29 avril. On s'y occupa beaucoup
de l'abolition du tour de rôle pour en revenir au règle-
ment de 1440. Le sieur Bonneau, député d' Antibes,
avant de se rendre à Lambesc était chargé par ses com-
mettants de demander la réforme des assemblées pro-
vinciales. On le chargeait de dire que tout pesait sur
le peuple, quoique dix fois plus nombreux ; pour lui
toutes les charges; mais les privilèges, les immunités
pour la noblesse et le clergé. Plus de privilèges, mais des
droits égaux pour tous les citoyens d'une même patrie.
« Vous vous associerez aux félicitations données au roi
pour avoir rendu à la Provence ses assemblées provin-
ciales, et rempli les vœux de son Parlement, des assem-
blées générales des communautés et de tout bon citoyen. >
Mais voici venir l'année mémorable 1789. Il s'agit main-
tenant de la tenue des Etats généraux à Versailles, pour
le 4 mai. Les États d'Aix se réuniront le 25 avril. Les
communautés de nos pays nomment leurs députés aux
chefs-lieux de Viguerie, le 11 janvier.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 15
Le 15 janvier, M. le maire et viguier de Grasse, Jean-
Joseph Mougins de Roquefort, prononce le discours sui-
vant qui renferme toute la Révolution :
< Messieurs, nous touchons au moment de la restau-
ration publique ; nous entendons retentir dans toutes les
provinces le cri de la Liberté et les élans du Patriotisme.
Le Tiers- État j dont nous sommes membres, qui jusqu'à
aujourd'hui n'avait pas assez connu ses forces, ses lumiè-
res, ses ressources, vient enfin de se reconnaître, de
sentir tout le prix de son existence, et il touche au mo-
ment heureux où, dégagé de ses fers, il n'aura plus qu'à
obéir à son roi et à servir sa patrie.
€ Cette Révolution est l'ouvrage du temps, qui met
enfin un terme à l'ambition et à l'injustice ; il est encore
celui de la bienfaisance du monarque adoré, qui en mar-
chant sur les traces de l'immortel Henri IV, en suivant
ses heureuses intentions, nous appelle à lui pour rétablir
dans l'exercice de ses droits un Ordre que son illustre
aïeul appelait le nerf et l'appui de l'État.
€ C'est donc à nous à faire usage de cette liberté
précieuse ; c'est à nous qu'il appartient de nous régénérer
et de rendre cette nouvelle vie à TEmpire français. Et
quelle circonstance plus favorable pour adopter ces
salutaires principes que celle qui nous rassemble !
« Vous allez donner un représentant à la Viguerie ;
vous allez nommer celui qui doit assister à la prochaine
convocation des Etats pour concourir avec nous au
soutien de vos intérêts, à la discussion de vos droits, à
la défe)ise de la cause publique. Que ce choix forme
l'objet de vos sollicitudes, mais qu'il soit volontaire et
libre ; qu'il ne soit point asservi, qu'il soit dicté par la
confiance et par l'expression de ce sentiment intérieur
qui vise au maintien de l'ordre et du bien public. La
députation à tour de rôle que l'on avait voulu propager
présentait un sj'stème destructeur des droits les plus
16 CHAPITRE PREMIER
précieux et surtout de ceux de la liberté. Il est de droit
naturel, de droit positif que les Vigueries aient la liberté
de choisir leur représentant,
< Le libre arbitre et la volonté sont les propriétés les
^\\x^ précieuses de l'humanité, disait dans la délibération
prise par la ville d'Aix, ce 18 décembre dernier, un juris-
consulte tout à la fois administrateur zélé et citoye^i au
talent et au patriotisme duquel nous ne devons cesser
d'applaudir. Ces deux bases doivent être le signal de
l'abrogation du tour de rôle. Les anciens règlements qui
avaient reçu la sanction du souverain laissent ce choix
volontaire et libre ; ils sont plus conformes à la justice et
à l'équité. Le tour de rôle présente des inconvénients
dangereux. Si on ne les évitait, ils entraîneraient les
suffrages et produiraient une source d'abus également
funestes au Tiers-État. Le Consul d'une petite commu-
nauté est ordinairement peu instruit ; plus susceptible de
préventions, plus asservi ; il serait nul à nos assemblées
provinciales, parce que les objets qu'on y traite seraient
hors de sa sphère ; ou bien il apporterait une opinion
dictée par la crainte, ou subjuguée par l'empire que les
personnes qui ont un intérêt opposé à ceux du Tiers-État
pourraient avoir sur lui.
€ Les deux premiers ordres nomment leurs représen-
tants librement et sans gêne ; le Tiers-État ne connaît ni
la forme, ni le régime de cette nomination et il ne s'en
plaint pas. Pourquoi n'aurions-nous pas la liberté d'user
d'un droit égal, lorsqu'il s'agit de discuter les intérêts de
la Province ou de la Nation : nous sommes réunis dans le
sein d'une même famille, ne sommes-7ious pas toits
égaux ? La loi du tour de y^ôle ne peut être née que par
l'effet de l'erreur; elle se ressent de Vancien régime
féodal. Elle n'aurait pour base et pour principe qu'un
esprit de domination, de despotisme. Empressons-nous
de l'abdiquer. — Pénétré de la force de ces raisons, le
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 17
Conseil de notre communauté nous chargea, par sa délibé-
ration du 14 décembre dernier, de vous faire aujourd'hui
la motion d'abroger le tour de rôle. Cette mission nous
est d'autant plus flatteuse qu'elle est conforme à nos vues,
au cri de la justice et de la vérité, de l'opinion enfin, que
tx)utes les Communautés de la Province ont déjà portée.
Nous n'ignorons pas que quelques communautés du
district ont voté, dans leurs délibérations particulières,
pour le tour de rôle.
< Mais leur opinion a-t-elle été libre ? Des impressions
étrangères n'ont-elles pas présidé à ce vœu ? N'a-t-il pas
été le fruit de la contrainte et de l'empire de cette an-
cienne servitude dont nous voyons encore, malheureuse-
ment pour nous, éclore quelque étincelle? Sans approfondir
davantage les motifs d'une si étrange défection, aujour-
d'hui que nous sommes venus dans ce temple de concorde
et de paix, aujourd'hui que vous sentez tous le prix de
votre liberté, vous vous empresserez d'abjurer ces
funestes principes et de conserver les droits de votre
patrie dans leur intégrité. . . Suivons cette loi salutaire
que nous donne notre auguste souverain, par un effet de
sa bonté et de sa justice paternelle, et en rendant hom-
mage à sa justice ne cessons jamais de publier sa gloire et
ses bienfaits. Nous avons donc à vous demander : P le
vœu de la Viguerie sur l'abrogation du tour de rôle ;
29 la nomination volontaire et libre d'un député pour la
représenter aux prochains États.
< Vous venez d'entendre nos vœux, la fermeté de nos
résolutions. Nous les devions à nos sentiments, au devoir
de nos charges, à la confiance de nos concitoyens qui
nous ont placé pour la troisième fois parmi vous. Unis
par les mêmes liens, n'ayant qu'un même objet et un
même cœur, recevez aujourd'hui, messieurs^ dans ce
temple auguste, le serment public et solennel que nous
faisons d'apprécier les droits de notre patrie avec zèle, d'en
iS CHAPITRE PREMIER
défendre les intérêts avec soin et de concourir mieux à
délivrer le Tiers-État des entraves qu'on avait mises à sa
liberté et de le faire jouir des avantages que la dignité de
son existence et la nature, trop longtemps outragées,
réclament en sa faveur. >
Ce discours fut couvert d'applaudissements, et chaque
membre de rassemblée en emporta une copie.
Presque tous les députés des communes lurent à
leur Conseil ce discours remarquable, et l'universalité
des citoyens non-seulement l'approuva, mais vota des
éloges à l'orateur si bien inspiré^ et fit transcrire ces
nobles paroles sur le registre des délibérations. Cette
fois Jean Savournin,capitainedescanonniers gardes-côtes,
représentait aux États Vence et les autres communautés.
Il y avait les deux frères Mougins de Grasse^ J. -François
Lombard de Roquefort, maire d'Antibes, et M. Bellissime
de Roquefort, maire de Saint-Paul. Les États d'Aix
furent très-orageux, à l'exemple de ceux de Grenoble, de
Bordeaux, de Rennes, de Toulouse et de beaucoup
d'autres provinces. Les deux premiers ordres ne voulu-
rent faire aucune concession au Tiers-État, et prétendi-
rent même concourir à la légitimation des pouvoirs des
députés du tiers ordre. Ceux-ci se retirèrent le 28 janvier,
de la salle et dressèrent un acte de protestation en forme
de supplique au roi. Mirabeau^ qui devait dans quelques
mois entraîner dans la même voie le Tiers-État, et con-
stituer l'Assemblée nationale^ se trouvait parmi les députés
des États d'Aix, et sans doute il fut l'instigateur de cette
protestation. Pourtant le tiers ne voulut pas se séparer
sans promettre à Louis XVI de lui venir efficacement en
aide pour les impositions demandées : « Malgré la
détresse du pays et l'épuisement où l'a jeté le fardeau des
impositions qu'il a supporté presque seul jusqu'à présent,
et la justice qu'il y avait de le faire supporter par les trois
ordres, la voix impérieuse des besoins de l'État, le danger
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 19
qu'il y aurait à ce que par les longueurs et les difficul-
tés émises par les deux premiers ordres, les impositions ne
fussent pas versées dans le trésor royal, ces considé-
rations ont seules porté les députés du dernier ordre à les
consentir sans protestation. Cette démarche manifestera
aux yeux du roi et du royaume les vraies dispositions et
intentions de chacun des ordres ; et tandis que les deux
premiers ordres refusent de payer de leur superflu cette
part d'imposition, le tiers, malgré son accablement, ne
consultant dans les dangers de l'État que le moyen de
le sauver et son amour pour son roi, consent à prendre
sur son nécessaire pour le payement de ces impositions
et à faire l'avance des portions concernant les deux pre-
miers ordres. » Les représentants des communes rendent
compte à leur conseil de ce qui s'est passé aux États
d'Aix (3 février).
Le maire de Vence fait observer que malgré les inten-
tions du roi, les deux premiers ordres se sont présentés
en nombre supérieur à celui des députés du tiers, et ont
de plus prétendu concourir à la légitimation des pouvoirs
des députés de cet ordre, que le tiers-ordre est sorti de la
salle pour dresser une protestation le 28 janvier. Le Con-
seil de Vence déclare que l'acte du 28 janvier renferme
l'expression de ses sentiments, et approuve la conduite
tenue à Aix par le sieur Savournin, maire et député de la
Viguerie de Grasse aux dits États. Il loue aussi le talent
et le zèle patriotique de M. Mouginsde Roquefort qui a
discuté avec autant d'énergie que de vérité l'abrogation du
tour de rôle dont la communauté de Vence avait demandé
la suppression. Il adhère aux délibérations prises par la
municipalité d'Aix, les 26 et 31 décembre dernier, pour
la réformation de nos États de Provence et notre repré-
sentation aux États généraux du Royaume, 72e pouvant
qté'applatedir a2i patriotisme qui les a dictées. Il adhère
enfin aux manifestations faites par les principales villes
20 CHAPITRE PREMIER
du royaume au sujet de la formation des prochains États
généraux, de l'égale répartition de tous les impôts sur
les trois ordres. Il envoie une copie de la présente délibé-
ration, notamment aux villes de Rouen, Quimper, Car-
cassonne, Vesoul et Marseille. Il dit que si sa commu-
nauté s'est condamnée au silence, tant en raison du peu
de sensation que pourrait faire une ville à l'extrémité du
royaume, que de la crainte de ne point exprimer assez
noblement la réclamation des droits sacrés et impres-
criptibles du peuple j elle est amplement dédommagée de
ce sacrifice et de la retenue qu'elle a imposés aux élans
de son patriotisme par la sagesse des délibérations prises
par les principales villes du royaume. »
Il se répand en remerciements pour le noble exemple
donné par le parlement de Grenoble. Il charge le maire
député, qu'il envoie aux États, de demander que cette
ville ait la faculté de nommer habituellement un député
aux États provinciaux, faisant valoir les motifs de cette
demande sur une population de 4,000 âmes, sur son com-
merce, son importance, son ancienneté, sa qualité de
première ville frontière à la sortie de l'Italie, et de la plus
ancienne ville épiscopale de Provence ; le sieur maire-
député observera que Vence est la seule ville épiscopale
qui n'ait pas séance au;c États ; Senès par son exiguité
n'ayant pas qualité de ville, et Entrevaux, chef-lieu du
diocèse de Glandevès, ne faisant pas corps de la Provence ;
que Vence vaut mieux par son importance que la moitié
des trente-six villes qui députent aux États, qu'elle est
plus affouagée que neuf d'entre elles , qu'elle renferme
une foule de représentants aptes à administrer la chose
publique ; qu'elle est totalement séparée de la Viguerie
de Grasse et qu'elle demande à en être distraite. Enfin
ledit sieur maire-député priera M*' l'Évèque qui se trouve
aux États d'appuyer la demande du Conseil de tout £on
crédit.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 21
MM. Mougins^ frères, font part aux communautés de
Grasse et de Vence qu'ils ont été nommés aux États-
Généraux pour représenter les Sénéchaussées de Grasse,
Digne et Castellane. On les en félicite unanimement.
Le 22 mars, le maire d'Antibes rendait compte, lui
aussi, de ce qui s'était passé à Aix : < Messieurs, disait-il,
l'État a des besoins. Le roi les expose à la Nation, mais
à la diflférence des monarques asiatiques dont la volonté
forme la mesure du pouvoir, c'est par l'assentiment de
ses sujets que notre monarque veut obtenir les secours
que les circonstances rendent nécessaires. Le roi étant
assuré de trouver dans l'amour d'un peuple idolâtre de
son souverain les ressources au rétablissement de la ba-
lance entre les recettes et les dépenses, sa sollicitude a
rien moins eu pour objet le soin de se faire obéir que
d'aviser au moyen d'arrêter les excès d'un zèle im-
modéré. Pour déterminer la quotité du tribut , il était
indispensable de connaître la plaie et d'en sonder la pro-
fondeur. C'est à un pareil motif que doit être rapportée
la première assemblée des notables et que les provinces
ont été ensuite redevables, les unes du retour de leur an-
tique constitution, les autres de leur régénération dans
l'ordre municipal. Les besoins étant constatés et les té-
moignages de confiance de la part du souverain étant
réitérés et non équivoques, il faut chercher les moyens
de prévenir l'explosion du zèle d'un peuple prêt à tout
sacrifier A l'honneur et à la splendeur de la couronne de
son souverain. D'après les sentiments que le troisième
ordre a fait paraître pour dissiper jusqu'à l'ombre des
soucis de son souverain, il ne restait plus aux deux pre-
miers ordres que de lui adoucir le poids du joug. > Ici le
maire reproche la conduite des deux premiers ordres
contre le troisième, -et attaquant les privilèges de la no-
blesse et du clergé : < L'un de ces ordres, dit-il, n'est re-
devable de ses privilèges qu'aux siècles d'ignorance, et
22 CHAPITRE PREMIER
Tautreà ceux de la féodalité. Or, TÉtatne formant qu'une
seule famille, chacun doit, suivant ses moyens, contribuer
à son avancement, de sa bourse, comme de ses connais-
sances et de son industrie. Il est de l'essence de toute société
bien ordonnée que les associés participent également aux
profits comme aux pertes en proportion de leur intérêt.
Quelle idée se former de ceux qui voudraient ne figurer
que pour les profits, et qui cependant pousseraient la pré-
tention immodérée jusqu'à aspirer à la prépondérance
dans les assemblées du Corps? >
Dans la même séance, Antibes dresse f on cahier de
doléances au roi, et exprime en trente considérants ses
vœux et ses besoins, savoir : abolition des privilèges, vote
par tête et non par corps d'état : impôts proportionnels.
n faut que les vœux du Tiers-États montent librement
jusqu'au trône, comme ceux des deux premiers ordres.
On remercie Sa Majesté des témoignages de confiance
qu'elle donne aux communautés et à ses sujets. Elle sup-
plie Louis XVI et Necker d'accorder à la Provence la
même Constitution qu'au Dauphiné. > Le maire décline
l'honneur d'aller porter son cahier des doléances à l'as-
semblée de Grasse.
La commune de Vence étant l'une des vingt-quatre
villes comprises dans le règlement donné par le roi
(2 mars 1789) pour la Provence, s'assemble par corporation.
Toutes les corporations de ladite ville, même celle des
paysans, ménagers et fermiers, ayant observé que tout
habitant désirait prendre part à la délibération, le Conseil
général décide que tout individu était libre de participer
à l'assemblée soit pour arrêter le cahier des doléances
et remontrances au seigneur roi, soit pour nommer les
six députés qui porteront le ?5 avril à l'assemblée de
la Sénéchaussée les vœux de la ville de Vence. Quant
aux vœux généraux, tous les cahiers de doléances se
ressemblent au fond.
ASSEMBLEE CONSTITUANTE (1789) 23
Grasse fait de même le 22 mars. Parmi ses vœux, elle
émet celui d'être érigée en chef-lieu de département ,
comme ville frontière, la plus peuplée de la Sénéchaussée,
commerçante et cité épiscopale. On vote en même temps
pour la salle de l'Hôtel-de-Ville les bustes de Henri IV,
de Louis XVI et de Necker. Necker enverra le sien et le
conseil communal lui adressera ses remerciements. Le
2& mars se tient rassemblée générale de la Viguerie à
Grasse.
Une autre question agite vivement le pays, à cette
époque. La r^lte avait manqué, l'hiver avait été rude
et désastreux pour le Midi. Le 11 janvier, la neige et la
gelée avaient perdu beaucoup d'oliviers. Il fallut que le
roi nous envoyât des provisions de blé, et qu'il permît
aux communes des districts de Grasse et de Saint-Paul
d'aller puiser aux magasins d'Antibes (6 avril).
Les évêques et les chapitres de Grasse et de Vence se
montrèrent généreux envers la population. Us cédèrent à
la commune tout ce qu'ils avaient dans leurs greniers.
Une partie de la noblesse devançant déjà les États-
Généraux s'empresse d'envoyer aux municipalités leur
adhésion à l'égalité des charges et des impositions. L'un
des premiers qui donne l'exemple est le marquis Louis
Villeneuve Saint-Césaire, sénéchal de Grasse. Le marquis
de Vence par une lettre du 17 mars au maire de Vence,
consent à une renonciation de tout privilège pécuniaire,
il se soumet à supporter dans la plus parfaite égalité
toutes les charges publiques.
Le Conseil enregistrera la lettre et les paroles que M.
Mougins de Roquefort prononça à ce sujet dans l'as-
semblée de la Viguerie : « Cette lettre, dit-il, donne
un nouveau lustre à sa naissance et à sa vertu, d'autant
plus que le Tiers-État de ces pays a été formé sous les
yeux et sous les auspices de M. Louis de Villeneuve, séné-
chal d'épée, président de cette assemblée. Le même sang
24 CHAPITRE PREMIER
qui coule dans ses veines lui a fait exprimer le même
sentiment et lui a attiré les applaudissements de toute
rassemblée, > Tout s'anime déjà au souffle de la révo-
lution et au cri de lil)erté. On sent l'orage qui gronde à
rhorizon et la lave du volcan qui bouillonne. A Toulon,
le 23 mars, 1 ,800 forçats, au cri de vive la liberté, bri-
saient leurs fers, semant partout la terreur dans le Midi.
Le peuple s'agite. Au Luc, on abat la maison et le bureau
du droit de piquet. A Antibes, le peuple crie famine et
manque d'ouvrage. On l'occupe aux réparations des
chemins et des rues. Les enfants de dix ans sont même
reçus dans les chantiers.
Nice se préoccupait de cet état de fermentation en
France et il y avait dans sa population des propagateurs
des idées nouvelles, entre autres, Blanqui et Dabray. La
colonie étrangère, composée de la plus riche aristocratie
de TAngleterre et d'autres États, ne restajt pas indif-
férente à notre politique. On s'en inquiétait dans les
salons. C'est à Nice que le ministre banni de la France,
Léoménie de Brienne, venait de se réfugier. Il y rece-
vait même le chapeau de cardinal des mains de M*"" Picco-
lomini (2 février 1789).
Pour venir en aide à la misère publique, disons qu'a-
lors comme aujourd'hui, cette riche aristocratie donnait
des fêtes pour les pauvres. Elle ouvrait largement sa
bourse, et Brienne ne se montrait pas des moins généreux.
Le roi de Sardaigne, la municipalité, l'évêque Valperga,
les couvents et, entre autres, les moines de Saint-Pons
distribuèrent des secours multipliés. Les moines de Saint-
Pons allaient pourtant avoir, eux aussi, le même sort que
ceux de Lérins. Le roi avait demandé au pape leur sécu-
larisation. L'édit du roi et la bulle du pape ne paraîtront
pourtant qu'en juin 1792 ; et ce sera fini de l'abbaye
royale de Saint -Pons fondée et dotée par Charle-
magne.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 25
in. — LES ÉTATS GÉNÉRAUX
Les Étals Généraux s'ouvrent à Paris le 5 mai 1789.
Cette séance où se rend le roi est des plus solennelles et
des plus enthousiastes. Pendant ce temps-là, la province
délibérait aussi de son côté. A Antibes, dans l'assemblée
du 2 mai, on émettait de nouveau ses vœux. On de-
mandait des syndics ou tribuns aux assemblées provin-
ciales pour défendre les intérêts du peuple (2 mai).
Les Vençois, le 10 mai, chargeaient leur député à
rassemblée de la Viguerie de demander qu'en envoyant
la lettre de convocation on en motivât les motifs et les
objets de délibération ; qu'on supprimât le secours de
1,200 francs que la Viguerie donnait au collège de Grasse,
et les honoraires de l'ingénieur de la Viguerie, puisque
les ingénieurs de la Provence faisaient leurs travaux.
Cette assemblée de la Viguerie, se tint, le 14 mai. Les
députés d'Antibes, de Vallauris se rallièrent aux vœux
du député de Vence. Mais les consuls de Grasse, non-
seulement s'opposèrent à ce que leurs vœux fussent
l'objet d'un vote , mais encore à ce qu'ils fussent tran-
scrits sur les registres : ce qui excita une vive irritation.
On se sépara dans de mauvais termes.
Des aflfaires plus importantes firent bien vite diversion.
Que se passait-il aux États de Versailles ? On attendait
sur les deux rives le courrier pour en dévorer les nouvelles
avec avidité. Luce Gaspari écrivait de Versailles à son
père : « Dès le premier jour de l'assemblée, les nobles et le
clergé ont formé bande à part pour examiner les pouvoirs
de chaque ordre. Le Tiers-État aprétendu inutilement que
les pouvoirs devaient être examinés en États-Généraux.
La noblesse a soutenu le contraire à la majorité de 158
voix contre 44. Le clergé louvoie. Le Tiers-État a voulu
se rendre, lundi 11, au service anniversaire de Louis XV;
26 CHAPITRE PREMIER
M. le marquis de Brézé leur a dit qu'il n'y avait de place
que pour douze d'entre eux. Tous se sont retirés. On reçoit
aujourd'hui la nouvelle d'une émeute à Caen.
< Le Tiers-État veut jouir pour la première fois d'une
représentation double qui le rende égal en nombre aux
deux autres ordres réunis. La noblesse s'y refiise, le
clergé fait cause commune avec elle ; la Cour soutient les
deux premiers ordres. Mais une partie des membres du
clergé et delà noblesse se joint aux Tiers-États, et le il
juin LE TIERS SE CONSTITUE EN ASSEMBLÉE NATIONALE. >
Luce Gaspari écrit à Grasse le même jour : t Jamais
la Provence ne s'est trouvée dans un pareil moment de
crise. Jamais révolution n*a été plus frappante. »
« Dès le 15 juin, écrit toujours notre correspondant:
M. Mougins, curé de Grasse, s'était rendu à l'assemblée
du Tiers-État. 11 y a dit, en substance, qu'il tardait de-
puis longtemps à son cœur et à sa conscience de se joindre
à l'ordre du tiers pour commencer la grand'œuvre de
la régénération de la France. Il fut applaudi, comme de
raison , par toute l'assemblée . Son frère , le maire de
Grasse, qui avait contribué à cette détermination, ne se
possédant plus de joie,a demandé la parole et dit: < Je joins
mes acclamations à celles que l'on donne à la conduite
de ce digne pasteur pétri du même sang, ayant les mêmes
principes. J'éprouve dans ce moment la joie la plus vivo
Et les acclamations ont redoublé. >
Les événements maintenant se précipitent.
Luce Gaspari, témoin oculaire, continue de faire part
de toutes ses impressions â son père
11 juillet, avant la prise de la Bastille : « La fermen-
tation est plus forte que jamais. 11 vient des troupes de
tous côtés. Les hussards ont balayé les rues, le sabre à la
nlain, entre dix et onze heures du soir, samedi dernier.
M. de Broglio fait mettre en ce moment les troupes sous
les armes. Le 9, la population a pris un agent de police.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 27
lui a fait faire amende honorable dans le bassin du Palais
Royal, l'a ensuite mutilé, pendu, puis décroché et porté à
THôtel-de-Ville où il expira. Hier, à Paris, les ouvriers
de Montmartre ont ouvert les prisons. La troupe a dîné
avec le peuple, dansé, sauté au Palais-Royal, et ceux qui
étaient trop ivres ont dormi sur des matelas dans les
galeries. »
Le 18 juillet, il redira les scènes du 14 : < Le 17, le roi
est allé de Versailles à Paris au milieu d'une population
immense qui applaudissait de la voix et des mains. La
garde bourgeoise l'a accompagné de Versailles à Sèvres.
Là, il a été reçu par la garde bourgeoise de Paris, et
escorté jusqu'à l'Hôtel-de-Ville au milieu d'une haie de
la garde bourgeoise. Il a tout accordé. La milice de Paris
se compose de 280,000 hommes. Elle a tous les canons de
la Bastille et des Invalides. Tout ce qui passe à Paris est
fouillé, et on ne sort plus qu'avec un passe-port de
La Fayette. Le roi en ce moment n'a plus ni armée, ni
ministres, ni argent, mais il a l'amour de ses peuples. >
SOjuillet : a Les provinces sont dans les horreurs de
l'insurrection. La Bretagne est en feu. On signale des
scènes terribles à Tours, au Mans, à la Flèche, à Saumur. >
A mesure que ces nouvelles parviennent dans notre
bassin du Var,onsesent le frisson. Aussi écoutons quelques
uns des discours de nos maires après les journées du 14
et du 17 juillet.
€ Messieurs, dira le maire d'Antibes , M. Lombard de
Roquefort, vous avez été instruits par des nouvelles pu-
bliques de l'appareil éclatant avec lequel le roi s'était
montré à V Assemblée de la Nation à la séance du 23 juin.
Vous n'ignorez pas que cet événement, en annonçant un
mécontentement que nos représentants croyaient n'avoir
pas mérité et qui était incompatible avec les témoignages
réitérés que le souverain leur avait donnés de sa satis-
faction pour l'activité et le zèle avec lesquels ils se por-
28 CHAPITRE PREMIER
taient à ravancement de ce grand projet qu'il avait
proposé dans sa sagesse pour le bonheur de son peuple,
leur avait navré le cœur d'une douleur profonde et avait
successivement plongé la Nation dans la plus profonde
consternation ; que toute leur ressource étant dans les
bontés de l'Être Suprême qui veille à la conservation de
l'État et entre les mains duquel les cœurs des rois sont
comme le morceau d'argile dans les mains de Touvrier,
ces députés attendaient, dans la plus grande résignation,
qu'il eût plu à la Providence de tirer du trésor de sa mi-
séricorde les ressources nécessaires pour le retour des
bonnes grâces du monarque envers son peuple, après la
barrière insupportable qu'on avait élevée entre lui et le
souverain sans ressource pour lui faire parvenir ses peines.
Et nous, tristes spectateurs des troubles et des horreurs
qui ont couvert la France d'un deuil universel^ nous
gémissions intérieurement. Mais tranquillisez-vous, mes-
sieurs^ les sentiments de bonté qui jusqu'ici ont dirigé
les démarches do ce père tendre et affectueux reprennent
le (I(3ssus; ces jours de sang ont disparu comme l'ombre
do la nuit et ont fait place aux plus douces espérances.
Votre sécurité en ses bontés doit être d'autant plus par-
faite (lue ce généreux monarque, dépouillé cette fois de
ra[)pareil du trône, seul et sans suite, est venu de lui-
même à la séance du 15 de ce mois, rassurer nos re-
présentants contre les préventions qu'on pourrait leur
avoir inspirées sur ses véritables sentiments et les in-
viter à coopérer avec lui à la restauration de l'État. La
franchise de cette démarche est un nouveau témoignage
de la confiance du souverain envers la Nation. Qu'avait-
elle à redouter de ces menées sourdes, à la faveur des-
quelles on voudrait rendre ses sentiments suspects?
Persuadés qu'une pareille annonce ne saurait manquer
de vous être agréable, nous avons cru indispensable de
vous assembler pour vous en faire part et vous naettre à
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 29
portée de donner un libre cours aux sentiments de re-
connaissance dont vous êtes pénétrés pour ce généreux
souverain, comme à ceux de gratitude envers vos repré-
sentants. > Après quoi on met en délibération ce qui suit :
« L'^lssemblée considérant que si elle est redevable aux
sentiments paternels du roi du rétablissement de la tran-
quillité comme du bonheur que sa sagesse a préparé à la
Nation, elle ne doit pas moins de reconnaissance à l'As-
semblée nationale pour la prudence, la constance et la
fermeté qu'elle a fait paraître dans les circonstances
critiques où elle s'est trouvée^ et donnant cours aux
sentiments dont elle est pénétrée, déclare que la ville
(TAntibes tmie par des liens particuliers au roi et
d'après rattachement qu'elle a toujours fait paraître
pour ses souverains et dont elle 7ie se départira jamais^
veut vivre et mourir fidèle à son service^ et est prête
à tout sacrifief* pour un objet si précieux. Cet objet
rempli, elle déclare qu'édifiée et pénétrée de vénération
pour la conduite des représentants de la Nation et per-
suadée que c'est à leur zèle, à leur constance et à leur
fermeté que la Nation est redevable du retour des bonnes
grâces du roi, elle a cru indispensable d'en consacrer les
assurances dans la présente délibération. Déclare éga-
lement protester contre ce qui s'est passé à la séance
royale du 23 juin dernier, ou contre ce qui pourrait
être fait dans la suite dans de pareilles séances contre le
droit de laNation, comme des actes surpris à la religion du
monarque contraireifient à sa bienfaisance et à sa volonté,
ainsi qu'au bien et à l'avantage de son peuple ; comme
aussi adhérer à l'arrêté de l'Assemblée nationale à l'issue
de la séance du20juin,etàcelui du 17 du même mois,
ensemble et à tout ce qu'elle a fait et pourra faire pour
seconder les vues du souverain en faveur de la Nation . >
La parole est maintenant à M. Jean Savournin, maire
de Vence :
30 CHAPITRE PREMIER
» Messieurs, faites cesser les larmes que vous donniez
au sort des députés. Je vous annonce que les tristes nou-
velles qui les produisaient et que les ennemis de notre
auguste monarque ont faussement répandues,sont tombées
dans le néant, comme dans leur centre, par les bontés
de notre roi bienfaisant, par la fermeté inébranlable de
messieurs les députés et de la plus saine partie des deux
premiers ordres. Tous, guidés par un esprit de droiture
et de justice, se sont rendus avec grand cœur à la légiti-
mité des prétentions de messieurs des communes. La
réunion est faite par une heureuse concorde. Us ne for-
ment qu^un tout qui \a donner une nouvelle vie au
royaume. La Nation, non moins jalouse du nom français
que de son trône, va faire taire les bruits séditieux qu'on
essayait de propager. Les vues iniques des ennemis du
pays sont anéanties par les soins infatigables des repré-
sentants de la Nation. Tout occupés de l'intérêt de Sa
Majesté et du bonheur du peuple, ils n'épargnent ni soins,
ni veilles pour atteindre le but proposé, la restauration
du royaume. La légitimité de leurs prétentions les rend
inébranlables contre les contradictions que chaque mo-
ment fait éclore. Ils les dissipent, ils les anéantissent et ne
laissent aux contradicteurs que le honteux regret de leur
avoir donné le jour. Notre monarque s'est rangé en partie
de leur côté, et il adoptera toutes leurs résolutions, n'en
doutons pas. La bonté de son cœur nous en est un sûr
garant. Ce prince chéri de son peuple veut le rendre
heureux et, lui-même, rendre son trône inébranlable et
son nom redoutable à toutes les Nations. >
Puis on rédige et on vote l'adresse dans le sens de celle
des Antibois.
Le 30, le discours du sieur Savournin s'accentue encore
davantage devant l'assemblée générale des Vençois :
« Tandis que la France est agitée entre le souvenir af-
freux des événements sous lesquels elle paraissait devoir
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 31
succomber, et l'idée constante que son roi ne veut plus
s'occuper que du bonheur de son peuple, il nous est impos-
sible de contenir l'explosion de nos sentiments. Au milieu
des transports de joie de tous les Français qui espéraient
la régénération de la patrie par une bonne constitution,
des ennemis de l'État, couvrant l'intérêt le plus vil des
apparences du bien public, étaient presque parvenus à
renverser l'édifice du bonheur national pour s'asseoir
audacieusement sur ses ruines. Dans le sein de la paix, le
meilleur des rois était trompé, et entouré de l'appareil des
combats, les Français étaient traités comme une nation
rebelle, les ministres vertueux étaient écartés du trône,
l'ange tutélaire de la patrie banni de son sein ; et des
hommes qui bravaient l'opinion publique avaient osé
prendre la place occupée auparavant par la vertu. L'As-
semblée nationale allait être dispersée; et des forfaits
inouïs se tramaient dans l'ombre. Déjà le sang français
avait rougi la terre sur laquelle, peu de jours après,
Louis XVI fut reçu comme un père au milieu de ses en-
fants. Ah ! puissions-nous effacer de nos fastes ces jours
désastreux ! C'en était fait de nos libertés, si l'Assemblée
nationale ne nous eût sauvés. Aucun péril n'a effrayé ces
généreux Français qui la composaient. Ils ont écarté les
barrières qu'on avait cherché à établir entre le souverain
et ses sujets ; la vérité a pénétré jusqu'au trône, l'im-
posture a frémi, l'espoir du bonheur nous a été permis. »
Il appelle les représentants, Père de la Patrie^ et en-
gage à voter une nouvelle adresse au roi et à l'assemblée,
et à redoubler de zèle pour la Nation et d'amour pour le
roi. — « L'Assemblée générale des citoyens de Vence
considérant qu'on ne peut penser sans frémir aux dangers
auxquels ont exposé l'État le despotisme militaire et
(Si* ambitieux aristocrates qui n'ont pas rougi d'imputer à
la Nation fidèle à sa loi, le projet de vouloir attenter aux
vrais principes de la monarchie ; considérant que des per-
32 CHAPITRE PREMIER
fides conseillers redoublant d'audace et d'efforts ont
imaginé de mettre des barrières de fer entre le meilleur
des rois et les représentants du peuple ; qu'ils ont poussé
le délire jusqu'à penser qu'à leur voix les militaires fran-
çais se rendraient de sang froid parricides et assassins, et
tourneraient contre leurs frères et amis des armes qui ne
sont destinées qu'à combattre les ennemis de l'État ; consi-
dérant que la démarche du renvoi des ministres, amis de
l'humanité, fidèles an souverain et chers à la Nation ; que
l'appareil militaire qu'on a déployé, que l'idée déshono-
rante d'une infâme banqueroute qu'on a osé mettre au
jour, annonçaient le projet de faire naître des circon-
stances la nécessité apparente de la dissolution de l'As-
semblée nationale et de la dispersion de ses membres,
contre l'intention maintenant manifestée du meilleur des
souverains, qui n'a vu le moyen de sauver la patrie et de
régénérer l'État que dans la conservation de cette as-
semblée ; pénétrée en même temps du plus vif amour pour
son souverain, a unanimement délibéré qu'il sera fait,
dimanche prochain, dans l'église cathédrale de cette ville
des prières publiques pour la conservation d'un roi au-
quel il n'a fallu que jeter un regard sur l'abîme creusé
sous un voile trompeur du bien public par de perfides
conseillers, pour le porter à se réunir avec sa famille dans
l'assemblée auguste des députés de la Nation, à paraître
dans sa capitale pour en dissiper les alarmes et à ci-
menter cette union d'une manière éternelle par l'assu-
rance qu'il a donnée ; qu'il n'existe désormais aucun in-
termédiaire entre lui et les représentants de son peuple ;
qu'en mémoire de cet heureux événement, il sera chanté
un Te Deum le même jour dans la même église, et qu'il
sera fait une distribution de pain aux pauvres qui se pré-
senteront à la porte de l'hôpital général Saint-Jacques ;
qu'à l'effet des dites prières et Te Deum les sieurs maire
et consuls feront toutes les démarches nécessaires par
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 33
devant qui de droit. De plus l'Assemblée déclare adhérer
expressément à toutes les délibérations prises et à prendre
par l'Assemblée nationale ; notamment à celles des 17 et
23 juin dernier, et 13 du courant. Elle envoie des vœux
pour que la Constitution paraisse le plus tôt possible.
Pareil extrait de cette délibération sera envoyé à MM. les
maires et échevins de Paris, l'Assemblée déclarant qu'elle
a partagé douloureusement les désastres arrivés dans la
capitale, qu'elle les supplie d'agréer Fhommage de sa re-
connaissance et de son admiration pour la conduite
qu'elle a tenue, et à laquelle on doit en grande partie
l'heureuse résolution du 15 et du 17 de ce mois, ne dou-
tant pas que l'Assemblée nationale ne s'occupe du sou-
lagement à accorder aux malheureuses familles des vic-
times du despotisme et des martyrs de la Constitution ;
que pareil extrait sera adressé à MM. Necker et de Mont-
morin, l'Assemblée ne pouvant peindre l'accablement et
l'affliction des habitants à la nouvelle de leur retraite ;
que pareil extrait sera adressé à M. le prince de Beauveau,
gouverneur de cette province; à M. le comte de Caraman,
commandant en chef de la province, dont ils font le
bonheur par leurs vertus. La présente délibération sera
imprimée au nombre de 600 exemplaires pour être en-
voyée aux villes de Provence et aux principales villes du
royaume. > Suivent les signatures du juge, du maire, des
consuls, des chanoines du chapitre , du clergé et de tous
les citoyens.
Il n'est pas peut-être de ville en Provence qui ne prenne
une part plus active aux événements de la grande révo-
lution. Les principaux membres de la bourgeoisie, qui
impriment et dirigent le mouvement, MM. Savournin,
Bérenger, André, Blacas, Boyon, quoique dévoués au
roi, sont pour toutes les réformes de 1789, et pour les
décisions de l'assemblée nationale.
34 CHAPITRE PREMIER
IV. — PREMIER CRI D' ALARME DANS LE MIDI. — !•' AOÛT.
Vence est avisée la première par le maire de Bouyon,
M. Bérenger. On lui annonce que cinq à six mille bar-
bets mettent à feu et à sang les villages voisins et qu*ils
sont en marche sur Castellane, où ils doivent être arrivés.
Les consuls de Puget-Théniers et de Roquesteron ont
envoyé demander des secours à Nice. < Veuillez prévenir
toutes les communes > . La nouvelle court de pays en pays,
à Saint-Paul, à Antibes, à Grasse ; on dépêche à Aix.
Vence dirige des courriers à Roquesteron et à Castellane
pour savoir ce qu'il en est. Vence et Antibes dépèchent
auprès de notre consul Leseurre à Nice. MM. Vacquier
et Boyon se rendent aussitôt auprès du commandant de
place à Antibes, M. de Cugnac, pour obtenir des secours
et des armes. En un instant la ville de Vence s'organisait
en milice bourgeoise, de huit compagnies de vingt-cinq
hommes chacune, et nommaient pour chefs François
Calvy et Joseph Maurel. Le marquis de Gagnes offrait aux
Vençois les tusils et les munitions de guerre qu'il avait de
son château. Milices de Gagnes, de Tourette, de Saint-
Jeannet, de la Gaude, de Goursegoules, de Garros, de
Gattières, deVilleneuve-Loubet, du Bar se réunissaient
à Vence pour se former en corps d'armée. — Même ardeur
à Saint-Paul, à Antibes, à Biot, à Grasse et dans toutes
les communes. Mais le 3 août le consul Leseurre écrit
qu'après informations prises, il s'agissait de quelques
centaines de barbets ou meurt-de-faim, qui, manquant
de nourriture et de travail, s'étaient organisés en bandes
de malfaiteurs du côté de Puget-Théniers, et que quel-
ques troupes parties de Nice les avaient promptement
dispersés. Le maire de Gastellane écrivit dans le même
sens. M. de Gugnac rassura les populations. Gomme Vence
avait donné l'éveil, la municipalité remercia les commu-
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 35
nés de leur élan patriotique, de leur zèle valeureux et de
leur concorde (6 août).
Par la même délibération, elle demande deux brigades
de gendarmerie, une à pied et l'autre à cheval en résidence
à Vence, et elle adresse pour cet objet trois lettres au
Ministère de la guerre, à M. de Caraman et à M. de Bour-
nissac, grand prévôt de la Maréchaussée.
Des émeutes sérieuses éclataient déjà à Grasse et à
Vence. Nous avons la teneur des troubles de Grasse au
commencement du mois d'août par les quelques mots du
Luce-Gaspari à son père. < M. de Mougins m'a fait voir
une relation de V insurrection de Grasse. Je suis étonné
de n'avoir plus reçu de nouvelles depuis lors. >
C'était au moment de la fameuse nuit du 4 aoûtj où
s'effondrait, par la volonté nationale, tout l'ancien régime
de la féodalité.
Nous avons extrait des délibérations de Vence la lettre
que M. Mougins de Roquefort, rentré à son hôtel, adressa
le 5 pendant la nuit même à la commune de Vence :
€ Nous sommes restés en séance jusqu'à deux heures
après minuit. Je dérobe les moments de mon sommeil
pour instruire une ville intéressante comme la vôtre
d'événements aussi précieux. Il a été délibéré et décrété :
1<> L'abolition de tout privilège pécuniaire. La noblesse et
le clergé contribueront à toutes les charges locales et rura-
les sans distinction et réserve ; 2® Les impôts seront ré-
partis dans la plus parfaite égalité ; 3*" Tous les droits de
serf et de main-morte sont abolis; 4^ Tous les habitants de
la France peuvent racheter de leurs seigneurs les cens,
tasques, bannalités, lods, droits de chasse et autres droits
seigneuriaux,à la charge d'indemniser les seigneurs sui-
vant la fixation faite par les assemblées provinciales.
Toutes les dîmes seront rachetables à charge d'indem-
nité ; 6® Toutes les justices seigneuriales sont supprimées ;
7® La vénalité des offices est abrogée. Les charges seront
36 CHAPITRE PREMIER
données au mérite. La justice sera rendue gratuitement;
8° Toutes les jurandes et maîtrises sont abrogées. Tout
citoyen exerce librement un art quelconque ; 9*^ Tout
citoyen sera admis indistinctement à tous les emplois ci-
vils et militaires ; 10° Les capitaineries et la pluralité des
bénéfices sont supprimés; 11° La portion congrue des
curés et des vicaires sera augmentée suivant le taux que
déterminera ultérieurement l'Assemblée ; 12° Déjà toutes
les provinces et villes du royaume ont déclaré qu'elles
renonçaient à tout privilège, exemptions, jouissances,
immunités et qu'elles s'inscrivaient d'avance à tout ce qui
sera décidé par l'Assemblée nationale, pour qu'il n'existe
dans toute la France qu'une administration générale et
uniforme. Tout les membres de la noblesse et du clergé
ont renouvelé, tant en leur nom qu'en celui de leurs com-
mettants, la renonciation à tous leurs privilèges, et il a été
décidé qu'on chanterait un Te Deum dans la chapelle
royale., qu'il serait frappé une médaille patriotique et que
Louis XVI serait proclamé le restaurateur delà liberté fran-
çaise. Mon frère, qui participe à ma joie, vous offre ses
devoirs et vous prie de faire part de ma lettre à messieurs
vos curés. >
On comprend, avec ces nouvelles, l'effervescence des
pays seigneuriaux. Au Bar, à Tourrette-Vence, à Saint-
Jeannet la population ne se tenait plus de joie et tradui-
sait par des excès sa haine contre ses seigneurs et leurs
domaines. Certains exaltés de Vence disaient hautement
que le juge seigneurial n'avait plus rien à faire. Le
marquis de Vence avait envoyé sa famille avec M. de
Beauveau. La populace poussa des huées et des menaces.
Ce qu'ayant appris M. de Villeneuve écrivit au maire
cette lettre datée de Paris, le 26 août :
€ 11 est douloureux pour moi que dans les circonstances
malheureuses où nous nous trouvons, je n'aie plus même
Tespoir de considérer comme un asile un lieu si ancien -
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE C1789) 37
nement et si constamment habité par nos pères. Le mur-
mure qu'a excité à Vence la présence de M. de Beauveau,
tout en paraissant une injustice m'est cependant une
preuve que je n'ai pas obtenu des habitants de Vence les
sentiments que j'attendais d'eux, et les succès que je m'en
promettais en travaillant sans cesse à les mériter. Je
pense pourtant que le grand nombre me veut encore du
bien, et c'est avec cette persuasion que je vous écris, et ce
qui m'encourage à mettre sous votre sauvegarde ma
femme, mes enfants, enfin tout ce que j'ai dei plus pré-
cieux. >
Il les conjure d'atténuer chez eux l'effet des troubles
qui agitent le royaume par l'accord le plus parfait. Il
rappelle l'abandon qu'il a fait de ses privilèges, et il est
disposé à faire tous les sacrifices, mais celui auquel il se
résoudrait le plus difficilement ce serait de renoncer à
l'attachement des habitants de Vence.
On ne pouvait parler avec plus de cœur. Le conseil
municipal lui fit répondre par le maire qu'il était vive-
ment surpris de sa lettre du 26 août, par laquelle il pré-
sentait les citoyens de ceiie ville, comme des gens capables
de sédition et de révolte ; que le maire était chargé de
dissuader M. le marquis de la mauvaise idée que pou-
vaient lui avoir donnée certains malintentionnés sur la
conduite tenue par la municipalité dans ces circonstances.
La modération qu'elle a montrée dans son cahier des
doléances, devrait être une preuve, non équivoque pour
lui, qu'il était toujours porté dans le cœur des citoyens de
Vence ; que M. le marquis devait rejeter de lui des infoi»-
mations données par des gens suspects et dangereux
qui ne savaient que faire la cour et ternir la réputation
d'autrui ; que de pareils individus devaient être regardés
comme des monstres et des fléaux de l'humanité ; qu'un
extrait de cette délibération lui serait envoyé, pour qu'il
sache que toute la ville attachait toujours un grand prix
38 CHAPITRE PREMIER
à Tamitié dont il veut bien l'honorer ; que M. le marquis
voudra bien leur transmettre les noms des dénonciateurs.
Le conseil municipal d'Antibes enregistrait le 25 août
le serment que le marquis de Cugnac et le maire avaient
fait prêter sur la place d'armes au régiment des chasseurs
royaux de Provence et aux autres troupes. On s'occupe
partout d'organiser la milice bourgeoise ou nationale.
Antibes n'en sent pas la nécessité, ayant la garnison ;
mais la jeunesse n'en forme pas moins une garde natio-
nale sous les ordres du commandant Saint-Féréol. Us
sont trois cents volontaires.
Le 6 septembre , les municipalités enregistrent le
décret de l'Assemblée nationale leur ordonnant de dé-
fendre le pays contre les ennemis de la nation qui, ayant
perdu l'espoir d'empêcher par la violence et le despo-
tisme la régénération et l'établissement de la liberté, ont
le projet criminel d'en venir au même but par la voie du
désordre et de l'anarchie.
€ Les municipalités veilleront au maintien de la tran-
quillité publique, dissiperont les rassemblements et at-
troupements séditieux, et requerront au besoin la milice
et la maréchaussée. Elles feront prêter le serment de
défendre l'ordre à la milice entre les mains de son com-
mandant, et cela avec la solennité la plus auguste. Les
curés notifieront à leurs paroissiens le présent arrêté. >
Quelques jours après, les ouvriers italiens de l'atelier
de Montmartre renvoyés de Paris à Nice sont refusés à la
frontière du Var. Ils se rabattent sur Antibes qui en écrit
au gouverneur de Provence et leur fournit le gîte et
les vivres jusqu'à ce qu'on ait statué sur leur compte.
Nous ne parlerons pas de l'impression produite ici et à
Nice par les journées du 5 et du 6 octobre. L'émigration
commençait déjà. Le comte d'Artois et sa famille en-
traînaient un grand nombre de fugitifs. La nou-
velle constitution ôtait au roi presque toute l'autorité
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1789) 39
quMl avait eue jusqu^alors et le soumettait à la volonté de
TAsserablée nationale ; elle brisait avec l'Église et avec
le Saint-Siège, mettait les biens du clergé à la disposition
de rÉtat, s'ingérait dans le donlaine de la conscience en
supprimant les vœux et les couvents, en décrétant la
constitution civile du clergé, en faisant de son chef une
autre circonscription des diocèses, en confisquant les biens
des monastères, en interdisant tout costume religieux.
La raison d'État, la loi d'État plie tout sous elle. Chaque
citoyen devra jurer d'observer cette loi, s'il veut être
accepté comme citoyen français, ou considéré comme
suspect. Des comités se fonderont déjà sous le titre de
clubs ou de sociétés de frères et amis de la Constitution
pour surveiller les administrateurs municipaux eux-
mêmes, pour faire exécuter la Constitution, et tous les
décrets de l'Assemblée nationale. Un de ces décrets invite
alors les communes à faire des dons patriotiques à la
patrie , et les riches à sacrifier le quart de leurs revenus.
Le roi donne l'exemple en remettant à la monnaie sa
vaisselle d'argent. L'évèque de Grasse ofire 6,000 livres
de ses revenus.
L'année 1789 s'achève dans nos parages par le serment
civique que font prêter à Antibes le 29 novembre, MM.
de Saint-Ferréol et de Cugnac à leurs corps respectife.
De sérieuses préoccupations agitaient aussi nos prin-
cipales villes. La nouvelle organisation civile et ecclé-
siastique supprimait des évêchés, des tribunaux, créait
des chefs-lieux d'arrondissement, des districts, des can-
tons. Grasse et Vence écrivent à l'Assemblée nationale
pour qu'on leur conserve leur évêché et leur chapitre.
Saint-Paul s'alarme pour sa collégiale. Grasse voudrait
obtenir d'être chef-lieu d'un département ; Antibes ,
Saint-Paul et Vence se disputent le district. Ils envoient
pétitions sur pétitions, écrivent à M. Mougins de Roque-
fort, à Mirabeau, aux ministres.
40 CHAPITRE RREMIER
Année 17110
V. — NOUVELLES CIRCONSCRIPTIONS, DONS PATRIOTIQUES,
ALARMES.
Les communes les plus intéressées continuent de
muer ciel et terre pour ne pas perdre les administrations
qu'elles possèdent. Grasse voudrait être le chef-lieu d'un
département et ne pas perdre son évêché. Antibes voudrait
avoir le district au lieu de Saint-Paul. «Saint-Paul, disait-
on, petite ville de 1 ,200 habitants, sans route, sans com-
merce et retirée dans la montagne ne peut le disputer à
Antibes port de mer, place de guerre, chef-lieu d'ami-
rauté, peuplée de plus de 5,000 habitants. > Vence jalousait
Saint-Paul, et avait pour elle Gagnes et la Colle, qui
apostillaient ses pétitions afin de supplanter cette rivale.
Elle faisait valoir son ancienneté, son titre de cité, son
évêché, une population de 4,000 âmes. Le décret fut
rendu le 16 février. Antibes ne fut que chef-lieu de
canton ; Vence ne voulut pas de Saint-Paul et ressortit
de Grasse. Elle fut chef-lieu d'un petit canton avec la
Roque-Esteron, les Conségudes et les Ferres pour com-
munes. Saint-Paul eut le district, et fut aussi canton de
Roquefort et de la Colle érigés en communes. Les autres
cantons ressortissant de Saint-Paul furent Gagnes, Tour-
rettes-Vence, le Broc et Goursegoules.
Malgré ce décret Vence ne cessa pas de réclamer. Elle
pria même le marquis de Villeneuve, qui était à Vence,
le 10 avril, d'apostiller sa lettre à Mirabeau. Ce qu'elle
gagna seulement , ce fut l'incorporation du Malvans
à sa commune, malgré les te:tatives des Tourrétins.
Antibes, grâce à M. Mougins de Roquefort, envoyé par
l'Assemblée nationale pour visiter les ports de Provence,
obtint un professeur d'hydrographie pour les élèves qui se
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 41
destinaient à la marine (25 avril). Elle imita Vence,
demandant à cor et à cri de former un district à part et
indépendant. Les deux villes de Grasse et d'Antibes
avaient toujours gardé rancune l'une contre l'autre. Dans
les circonstances actuelles l'animosité ne fit aller qu'en
croissant.
Quels temps ! Il semblait que les éléments eux-mêmes
fussent conjurés contre la France. La rigueur de l'hiver
s'ajoute à la cessation du commerce, à la rareté du nu-
méraire, au malheur du temps, disait le nouveau maire
d'Antibes, Esprit Reille, au conseil municipal. Malgré
cela l'État demande des secours pécuniaires pour venir
en aide aux finances épuisées. Eh bien ! puisons dans le
trésor de l'église pour montrer notre bonne volonté,
nous offrons à la Nation les bustes en argent de saint
Sébastien, de saint Roch, de Notre-Dame de la Garde,
deux lampes, un encensoir, etc. Les Cordeliers et les
Bernardines sont invités à y joindre leurs oflFrandes afin
de coopérer aussi au soulagement de l'État, à la régé-
nération de la liberté et au grand œuvre de la Con-
stitution. L'orfèvre Joubert évaluera cette offrande à
3,612 fr. 15". . . (73 marcs, 4 onces 1* d'argent). Jean-
Baptiste Suply, capitaine d'une des felouques des cour-
riers de France, porte le tout à la monnaie de Marseille.
Grasse fera aussi son don patriotique à la Nation .
Vence abandonnera un capital de 1 ,026 fr. qu'elle a en
rentes sur l'État.
VI. — SECOND CRI d'alarme
Un second cri d'alarme parcourt le midi au mois
d'avril. On dit qu'à Turin où est le comte d'Artois, et à
Nice, le prince de Condé, on prend déjà des dispositions
hostiles, qu'il s'y imprime des libelles incendiaires \}0\xt
les introduire dans le pays. Le consul Leseurre rassure
42 CHAPITRE PREMIER
pourtant dos populations. Il écrit le 18 avril au maire
d'Antibes en réponse à une lettre du 14 : < Ni le gou-
verneur de Nice, ni le marquis de la Planargia, ni le
gouverneur de Turin n'ont aucune part aux ma-
nœuvres dont on suppose que ces deux villes sont le
foyer, d'où sont partis de nos alentours des écrits incen-
diaires qu'on cherche à introduire dans le pays. Faites
surveiller la route. Quant aux dispositions militaires,
personne n'y songe. Restez donc sans inquiétude. »
Bientôt éclatent les troubles de Marseille, de Nîmes et
de Montpellier. Le 30 avril, la garde nationale de Mar-
seille occupe violemment les forts de Notre-Dame , de
Saint-Nicolas et de Saint-Jean. Le 1®' mai, le peuple
s'attroupe. Le chevalier de Bausset, major du fort Saint-
Jean, en se rendant vers 3 heures à l'Hjtel -de- Ville, est
mis en pièces, sa tête coupée et portée dans les rues au
bout d'une pique. Et des soldats du régiment de Vexin,
mêlés à la populace, accompagnent cet horrible trophée
avec des danses et des cris frénétiques. Quand cette
nouvelle parvint à Paris, on écrivit en marne temps que
la garde nationale d'Antibes avait aussi expulsé la gar-
nison du Fort-Carré. Le ministre, comte de Saint Priest,
adressa cette lettre de reproche au maire d'Antibes :
< Paris, 17 mai. Le roi a été fort mécontent de Toccu-
pation que vous avez faite du Fort-Carré. Sa Majesté
jugeant dans sa clémence que vous avez été égarés par
l'exemple des Marseillais se borne à vous prescrire de re-
mettre immédiatement cette forteresse à la garnison
qui l'occupait auparavant. Une prompte ob iissance répa-
rera sans doute votre faute et je serai fort heureux de
pouvoir la mettre sous les yeux du roi. >
Il n'en était rien. Tout le conseil protesta contre cette
calomnie et déclara qu'il était et resterait inviolablement
attaché à son roi. — Le ministre se confondit en excuses.
€ Vous avez toute raison, Messieurs, de vous plaindre de
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 43
la croyance que j*ai donnée trop légèrement à Tarticle du
Bulletin de Provence^ où j'avais lu l'entrée de la garde
nationale de votre ville dans le Fort-Carré. En m'accusant
àSaMajestéde vous avoir inculpés sur un bruit vague,
j'ai eu la satisfaction de lui lire votre lettre où votre
respect pour sa personne et votre fidélité sont si bien
peints. Le roi m'a chargé de vous en témoigner sa sa-
tisfaction et je m'en acquitte avec empressement. >
Ces mouvements insurrectionnels hâtent la formation
de la milice nationale. Le maire d'Antibes trouve une
sorte d'apathie dans la population. 11 parle en ces termes
au conseil : < Vous avez vu des milices citoyennes se
former dans toutes les parties du royaume. C'est par
leur bravoure que les ennemis de la révolution ont vu
avorter leurs complots. La ville d'Antibes n'a pas été
insensible à l'exemple qui lui est donné. Trois cents de
ses citoyens se sont généreusement dévoués à la défense
de la chose publique. Il n'est pas juste que les fonctions
de soldat citoyen portent continuellement sur eux. Nous
savons que la municipalité de Toulon fait mettre ses
remparts et ses batteries en état de défense et que tous
les citoyens sont sous les armes. Faisons de même. Le
procureur de la commune vous dit que les tentatives se
sont renouvelées par les ennemis de la Révolution. Les
trames odieuses qu'ils ne se lassent pas d'ourdir, les
conspirations contre la liberté qu'ils forment chaque jour
et les libelles, les écrits incendiaires qu'ils affectent de
répandre par tous les moyens possibles, la situation de
notre ville sur la frontière et dans le voisinage d'une
cité qui paraît être devenue le refuge des ennemis de
notre liberté,- et l'antre où se forgent tous les instruments
que l'on croit propres à la renverser , l'agitation uni-
verselle que l'on remarque dans les esprits, la crise où
se trouve TÉtat , l'émigration presque continuelle des
citoyens de toute classe, l'exportation vraiment factieuse
44 CHAPITRE PREMIER
du numéraire, toutes ces circonstances imposent plus
strictement que jamais, à tous, le devoir de veiller à la
conservaiion d'une liberté que nous avons acquise, pour
ne plus nous la laisser ravir. Aujourd'hui plus que jamais
chaque ville, chaque citoyen doit tout mettre en usage
pour déconcerter et intimider les suppôts de f aristo-
cratie. Parmi ces moyens il n'en est pas de plus puissant
que rétablissement d'une milice vraiment nationale qui
soit assez nombreuse pour veiller à tout. Tous les ha-
bitants connaissent les difficultés qu'on a eues à vaincre
pour former la garde nationale actuellement existante.
Les obstacles qui l'avaient gênée dans son origine n'exis-
tent plus. La municipalité assemblée, bien loin d'envisager
l'établissement d'une garde nationale comme un moyen
d'amener des troubles dans la ville , la regarde au
contraire comme le rempart de notre liberté, le boule-
vard de notre Constitution. Tous les citoyens actifs doi-
vent être soldats de la patrie. Je crois qu'on ne doit
écarter ni le vieillard qui a assez vécu pour pouvoir
mourir libre, ni le jeune citoyen qui bientôt deviendra
l'un de ses plus fermes soutiens. La milice nationale
n'est autre chose que la commune armée ayant pour chef
ses officiers municipaux. >
Malgré ce discours, Topposition continua.
Le 9 mai, M. de Saint-Ferréol, commandant de la mi-
lice volontaire, déclara au maire qu'il n'eût pas d'inquié-
tude, que la milice volontaire s'entendait fort bien avec
la troupe pour le service de la place.
L^ autres commîmes n'avaient pas agi ainsi. A Vence,
parexempîe. lagardenationaleétait entièrement constituée
dès la fin du moi d août 1TS9. Le 25 avril 1790, elle avait
prèt'^Ies'^rment^et fait bénir son ilrapeauparM^^rÉvèque.
L'ëtai-m:t <jr avec le o>rps municip;il all:\ prendre Tévè-
quedaas son ptiais, et le prc^Iat accompagné de son cha-
pitre éiant arrivé au sanctuaire, après le chant de
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 45
VExaiidiatj prononça un dis(îours fort affectueux et
fort touchant analogue à la cérémonie. Les drapeaux
lui ayant été présentés par le maire et par le commandant,
il les bénit, puis il fut reconduit solennellement à l'évê-
ché. La garde nationale, de retour à THôtel-de- Ville,
prêta le serment à la Nation, à la Loi et au Roi, au mi-
lieu des cris réitérés de : Vive la Nation ! Vive le Roi !
Le 9 mai, les gardes nationaux du Broc, de Garros et
de Vence commençaient déjà à arrêter les émigrants, et
les conduisaient dans la prison de Grasse. Pour combattre
ce qu'on appelait la Contre-Révolution, toutes les milices
nationales formèrent dans la France entière une sorte de
pacte d'union appelé pacte fédératif. En attendant la
grande réunion de Paris, chaque département eut la
sienne. Le 20 mai, deux cent cinquante communes en-
voyaient leurs représentants à BrignoUes. On y attendait
depuis quatre ou cinq jours les députés de Marseille qui
n'arrivaient pas, à cause de la fermentation qui régnait
dans cette ville. On se réunit dans l'église des Cordeliers.
Les fédérés s'engagent à se secourir mutuellement contre
les efforts incessants de l'ancienne aristocratie. Les muni-
cipalités organiseront définitivement leurs milices natio-
nales ; il y aura trois bureaux de correspondance pour se
mettre rapidement en rapport : Digne, Lambesc etFréjus.
En cas d'attaque imprévue de l'étranger, ou de quelque
mouvement intérieur, le bureau , avisé le premier, avertira
les autres et les communes environnantes, en indiquant
le lieu de réunion des milices. Chaque municipalité fera
marcher aussitôt le plus d'hommes possible avec vivres
et munitions. Il est dit que l'Assemblée ne peut voir sans
indignation les détestables manœuvres de ceux qui, sous
le prétexte d'une religion sainte, que leur conduite outrage,
veulent renouveler dans le siècle de la raison et de la phi-
losophie les horribles attentats des siècles du fanatisme.Elle
voue àl'exécration la délibération des catholiques de Nîmes
46 CHAPITRE PREMIER
qui veulent mettre entre les mains des citoyens français le
poignard du fanatisme. Elle invite les municipalités à
empêcher la distribution des libelles incendiaires qui ten-
dent à égarer le peuple contre la Constitution. Elle invite
à employer tous les moyens possibles pour extirper la
mendicité et le vagabondage, et pour arrêter ces gens
sans aveu dont le nombre effrayant inonde les villes et
les campagnes. Comme la vente des biens domaniaux et
ecclésiastiques et la confiance aux assignats sont les
moyens les plus propres à consolider l'édifice de notre
Constitution, elle invite les municipalités à acquérir les
biens qui sont à sa convenance et à seconder de tous leurs
efforts les intentions de l'Assemblée nationale. Les agents
du pouvoir exécutif, et notamment les commandants et
les états-majors des places fortes, officiersdu génie et de
l'artillerie doivent prêter le serment comme les autres ;
s'ils s'y refusent, il faut les dénoncer à l'Assemblée natio-
nale commet antipatriotes. L'Assemblée prie l'Assemblée
nationale de réunir Avignon à l'Empire français.
Voici les termes du pacte fédératif de Brignolles :
< Nous sommes libres et citoyens français, députés en ce
lieu par les municipalités des départements, pour y jurer
en leur nom le pacte fédératif d'union fraternelle et civique.
Reconnaissant que la liberté est le patrimoine des hom-
mes, quo le pacte social ne peut avoir de base immuable,
s'il ne repose sur les droits éternels et sacrés de la nature,
que la Constitution dont la France goûte déjà les premiers
bienfaits peut seule nous rendre ces droits, imperceptibles
sans doute, mais cruellement altérés par treize siècle
d'erreurs et d'abus, et qu'enfin c'est à la force qu'il appar-
tient d'assurer l'exécution des lois décrétées par la justice,
nous arrêtons de réunir le concours de nos lumières et de
nos forces pour défendre d'aussi grands intérêts, de nous
aider mutuellement de nos conseils et de nous secourir
fraternellement de nos armes. Nous regardons comme
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 47
ennemis tous ceux qui le sont de la Constitution. Nous
appelons la vengeance du ciel sur ces monstres, qui sous
rabominal)le prétexte de défendre une religion qu'ils ou-
tragent, essayent d'allumer les torches et d'aiguiser le
poignard du fanatisme. Puisse notre anathème attirer sur
leur mémoire l'exécration des siècles à venir. Nés pour
vivre libres sous l'empire des lois, unis désormais par les
liens d'une égalité patriotique, fiers et uniquement jaloux
du titre de citoyen français, nous abjurons tout privilège,
toute qualité, tout titre qui tendrait à nous distinguer de
la grande nation. Enfin pour assurer l'exécution du pacte
dont notre intérêt même est le garant,c*est au nom de Dieu,
qui lit dans les cœurs des parjures, c'est en présence de nos
frères,témoins de l'imposant appareil de cet acte religieux,
que nous jurons d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au
Roi et de maintenir la Constitution jusqu'à notre dernier
soupir. »
Vingt-quatre membres, après avoir pris connaissance de
ce serment ne crurent pas devoir le prêter, et quittèrent
Tassemblée.Tous les autres, la main le vée prononcèrent la
formule.
Pendant l'assemblée de Brignolles, Vence faisait son
émeute, et contre qui? Contre celui-là même qui avait déjà
renoncé à tous ses privilèges. Le seigneur continuait à gar-
der son banc dans l'église. La municipalité le revendiqua
pour elle-même. M. le marquis de Villeneuve répondit que
ce banc lui appartenait comme haut justicier du lieu. La
populace ameutée voulait aller l'assiéger dans sa maison.
C'était le 12 mai, à l'époque des fêtes de la Pentecôte. La
municipalité empêcha le désordre et écrivit à l'Assemblée
nationale, quelaisser ces privilèges aux seigneurs ce serait
compromettre le succès de la révolution et de la liberté
française : < Nous avons eu peine à contenir le peuple qui
voulait se faire justice lui-même. Et ce n'est qu'au nom
de l'auguste Assemblée Nationale et du respect qu'il a pour
ses décisions que nous sommes parvenus à le calmer.
48 CHAPITRE PREMIER
M. de Villeneuve dut enlever ses bancs. Quelques jours
après le Conseil municipal défendait à Tévêque de présider
le bureau de l'hospice. Et puis voici que les évoques de
Noyon et de Toulon, obligés de fuir de leur diocèse, arri-
vent à Vence sur ces entrefaites. Le parti .du peuple,
hostile aux nobles et au clergé, s'agite de nouveau. Les
deux prélats ayant besoin de donner leur procuration chez
un notaire avant de quitter la France, s'adressent à maître
Blacas. On s'assemble sous ses fenêtres, on profère des
cris de mort (2G mai;. Les autorités municipales accourent
à temps pour arrêter la foule ; et envoient immédiatement
demander du renfort à monsieur de Cugnac, gouverneur
d'Antibes.
vu. — TROISIÈME ALERTE.
Pour la troisième fois, la rumeur se répandait d'une
invasion prochaine des étrangers unis aux émigrés. E| le
maire de Vence écrivait le 27 mai à M. de Cugnac :
< Ce que nous avons à craindre et à combattre ce n'est
pas tant un ennemi étranger que l'ennemi domestique.
Nous avons besoin d'armes et de munitions. Envoyez-
nous 200 fusils, ou au moins des baïonnettes, pour ne faire
servir les balles et la poudre qu'à la dernière extrémité. > Il
prie en môme temps le maire d'Antibes de lui céder les
tambours laissés par le régiment Corse. < Nous montons
la garde nuit et jour. > Le consul Leseurre, au sujet de
l'invasion étrangère essayait pourtant de calmer cette
panique : « J'ai reçu hier la lettre que vous m'avez écrite,
disait- il le 25 an maire d'Antibes. Cette prétendue armée
de plusieurs mille hommes, prête à entrer en Provence,
n'existe pas. 11 n'y a rien ni à Sospel, ni à Tende, ni à Nice.
11 n'y a ni approvisionnements, ni armements, ni rassem-
blements, ni troupes, ni argent, ni moyens, ni intentions,
ni projets semblables. N'ajoutez aucune foi pour le moment
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 49
à tout ce qu'on Ton pourra vous dire. Je vous avertirai
au moindre mouvement. »
Ce qu'il y a de plus curieux, ce sont les dénonciations
d'un adjudant des chasseurs des Ardennes en garnison à
Monaco. Il écrit au maire d'Antibes en juin :
€ Entre 9 et 10 heures du matin, dit-il, j'étais chez M.
ColUnet, quartier-maître, trésorier du bataillon et je lui
faisais part des nouvelles du courrier d'Avignon n"* 126.
Entnî M. de Castellane, officier. On se met à parler des
privilèges et de la dureté des grands; on parle de M. Millo,
commandant de place qui se montrait dur envers la
troupe, du prince deMonaco,qui mettait un officier en pri-
son et l'y oubliait. Alors me tournant vers M. de Castellane,
je lui dis : — Le prince en a joliment rabattu cette année,
et il n'a plus passé de revue. — On ne lui a pas oflfert d'en
passer , reprit Castellane. — Ah ! je me doute bien
pourquoi. — Et pourquoi ? — Parce qu'en endossant son
uniforme de maréchal, il eut été obligé de mettre la co-
carde qu'il a en horreur. L'an dernier, à l'arrivée de ses
gens à Antibes, dès qu'ils furent en mer sur la felouque du
prince, il leur signifia de mettre la cocarde dans leurs po-
ches, avec défense de ne plus la porter. La femme de M.
Angelous, son secrétaire, qui avait fait provision à Paris
de rubans tricolores, ne peut en faire usage à Monaco. Le
fils du prince, qui a passé son hiver à Nice, étant venu
voir son père à Monaco, a porté, comme pour nous nar-
guer, une cocarde noire sur son uniforme de major du ré-
giment des chasseurs. > M. de Castellane entrant alors en
fureur contre moi, me demanda de quoi pouvait servir ce
chiffon-là ; que dans son pays de Gascogne personne ne
le portait, et qu'à son avis la France était devenue folle.
Je lui répondis qu'à la vérité il se commettait bien des
extravagances, mais que l'Assemblée y mettrait bon
ordre.
€ Là-dessus, il riposta que dans un mois il n'y aurait plus
50 CHAPITRE PREMIER
d'Assemblée nationale, qu'elle serait égorgée et qu'il ne
voudrait pas être dans la peau du comte de Mirabeau. J'en
frémis d'indignation. Il a fini par me dire que cette révo-
lution lui enlevait les trois quarts de sa fortune. Quoi ! cette
heureuse révolution qui doit un jour faire l'admiration de
l'Europe entière, qu'en ce moment je regarde comme le
plus beau des phénomènes ! Ses ennemis sont dans les
classes privilégiées sur qui l'ancien régime répandait tou-
tes ses faveurs au détriment des honnêtes citoyens. Je
dois vous annoncer que le prince Joseph, fils du prince de
Monaco, est venu ici le 21 avec le prince Camille et qu'il
est entré à l'imprimerie par la porte de derrière. Il y a
aussi un abl)é do la Vannière, un M. Ferrault, conseiller
au Parlement de Paris, et M. de la Fargue, chevalier de
Saini^Louis. Ce sont autant d'ennemis de la Révolution
qui colportent de Monaco des écrits incendiaires. Indi-
quez-moi ce que je dois faire. >
Quelques jours après, il dénonçait le lieutenant Colon.
€ Aujourd'hui samedi, étant à déjeuner chez moi avec le
ca[)itaine Gabres, j'apprends que le lieutenant Colon a
tenu les propos suivants chez le maître-tailleur. Un chas-
seur se faisait prendre mesure d'un habit pour partir à
Paris, assister à la fête de la Fédération. — Savez-vous
faire un habit ? dit Colon au maître-tailleur. — Assuré-
ment, c'est mon métier. — Eh bien, prenez mesure à mon
chien ; je veux l'envoyer siéger à l'Assemblée de Paris.
Un certain Paris, receveur de tailles, en s'indignant contre
l'abolition des armoi ries : < Moi , criait-il , si j 'étais le maître,
je ferais brûler vifs tous les représentants de l'Assemblée.»
Voilà ce qui se dit à Monaco. — En attendant mon passage
à Antibes, recevez mon serment civique: « Je jure,
sur mon àme et toutes mes facultés, d'être fidèle à la
Nation, à la Loi et au Roi, et de servir de tout mon cœur
la nouvelle Constitution. > Cette façon d'hommes de
Baudry ne me plaît pas. »
ASSEMBLEE CONSTITUANTE (1790) 51
Le marquis de la Planargia à Nice avait un rôle diffi-
cile à remplir vis-à-vis des émigrés et du gouvernement
français. On avait dit à Vence et à Antibes que les Niçois
et les émigrés avaient insulté la cocarde française et Tu-
niforme de garde national. M. de la Planargia rassu-
rait en ces termes le maire d'Antibes:
€ Nice, le 23 juin 1790. Il n'y a eu aucune violence
contre les gardes nationaux et contre les citoyens fran-
çais. On leur laisse porter la cocarde nationale, quoi-
qu'elle soit défendue chez toutes les autres puissances
étrangères. J'ai même fait arrêter trois individus de Saint-
Martin du Var qui, par un zèle sauvage, avaient arraché
la cocarde à un Broquois venu au romérage . La munici-
palité broquoise m'en a remercié. N'ajoutez pas foi à tou-
tes les odieuses faussetés qu'on forge en France contre la
ville de Nice. Cependant, Messieurs, je ne pourrais pous-
ser la tolérance jusqu'à laisser porter, dans cette ville ou
dans la province, des cocardes ou autres devises qui au-
raient des emblèmes opposés aux principes de notre État ;
d'un autre côté, je n'oublierai rien pour maintenir la paix
et la bonne harmonie entre les deux pays limitrophes. >
De grandes solennités s'accomplissaient dans les dis-
tricts de Grasse et de Saint-Paul, pendant le mois de
juin. Le serment fédératif, après s'être prêté à BrignoUes,
devait aussi avoir lieu dans chaque district et dans chaque
commune. Or, le 20 juin, cette fête nationale se célébrait
dans la plaine de Chàteauneuf au milieu d'un concours con-
sidérable de peuple et de dix mille gardes nationaux. On
y dressa l'autel, on y prononça des discours et l'on jura.
Malheureusement, des gardes nationaux de Grasse se mi-
rent à insulter ceux d'Antibeset de Vallauris, à les traiter
de réactionnaire-s, d'antipatriotes. La députation antiboise
et le bataillon de la garde nationale, qu'y avait conduits
le major, Gabriel Bouchard d'Aubeterre, se retirèrent,
ainsi que le commandant Girard, de Vallauris. Cette scène
5*2 CHAPITRE PREMIER
regrettable ne fera qu'augmenter l'antipathie de ces deux
villes,si bien qu'Antibes essaiera de se détacher de la juridic-
tion de Grasse. C'est l'objet de la délibération du 27 juin.
Le maire expose que la ville d'Antibes réclame, depuis des
siècles, sa séparation de la juridiction de Grasse, et qu'il
n'est aucun des habitants qui ne regarde le jour, où cette
demande sera accueillie, comme celui qui servira d'é-
poque à son bonheur : < Jusqu'ici notre cité a été courbée
sous son joug. Le moment est venu de prendre Tattitude
qui convient à une ville libre et française ». On sollicitera
cette séparation dans l'assemblée électorale qui doit se
tenir à Toulon, et on la motivera sur l'inimitié croissante
que Grasse a toujours eue pour Antibes et sur ce qui s'est
passé au camp fédératif de Chàteauneuf, où elle a éclaté
avec plus de violence que jamais. On tâchera d'obtenir la
réunion d'Antibes au district de Saint-Paul, d'autant plus
que Grasse compta 206 feux, tandis que Saint-Paul n'en a
que 58. > La garde nationale d'Antibes et la municipalité
ont envoyé une députation à la Confédération générale
de Paris, et non à Grasse, à cause du peu de sécurité
qu'elles auraient trouvé dans l'assemblée qui a été tenue
hier, 26 juin, dit l'acte de délibération du 27.
Toutes les communes ensemble firent le 14 juillet, en
même temps que Paris, une grande solennité qui prit le
nom de fête de la Fédération. Le clergé lui-même y prit
part ; un autel fut élevé sur la place principale de chaque
commune, et la messe y fut célébrée. On y chanta le îh-
mine Salvum et le Te Deum.
Grasse dressa son autel enguirlandé sur le Cours ; Anti-
bes, sur la place Neuve. Ici assistaient la municipalité et
toute l'administration au grand complet, l'Etat-Major,
MM. de Cugnac, Désiré de Sanglier, major du Fort-
Carré, Balthazar Maurice de Barquier, le futur général.
11 y avait outre la milice volontaire, les chasseurs des Ar-
dennes, les chasseurs Corses, une compagnie du régiment
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 53
de Salis-Grisons (Suisse), une compagnie du régiment de
Clémensalle, les canonniers des Invalides. Le maire pro-
nonça le discours suivant :
€ Messieurs, dit-il, quel spectacle plus imposant que
celui que les Français nous présentent en ce jour. Jamais
les fastes de Thistoire ne peuvent vous en offrir un pareil.
Une nation entière, après avoir langui pendant des siècles
sous le joug de l'oppression, vient de recouvrer les droits
imprescriptibles de Thomme, la liberté et l'égalité ; et le
premier usage qu'elle en fait c'est de se réunir à sa capi-
tale pour ne faire de tous les citoyens de ce vaste empire
qu'une famille de frères. Joignez-vous, Messieurs, à ces
généreux frères ; adhérez au pacte fédératif qu'ils vont
contracter et jurez de maintenir la Constitution et d'être
fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi. Oui, nous maintien-
drons cette Constitution ; c'est par elle que nos fers sont
brisés, que notre liberté est pour toujours assurée. Oui,
nous serons fidèles à la Nation. Maintenant nous avons
une Patrie, et la défendre sera le plus saint et le plus cher
de nos devoirs. Nous seront fidèles à la loi . Par elle nos pro-
priétés et nous serons protégés. L'anarchie ne serait-elle
pas le pire des maux ? Nous serons fidèles à notre roi, il
est le père et l'ami de son peuple, le restaurateur de la
liberté française. Que de titres pour nous le rendre cher !
Généreux soutiens de la Patrie, vous dont les mains sont
armées pour la défendre, et vous enfants de la gloire,
braves soldats, je lis dans le fond de vos cœurs, et je vois
couler vos larmes, vous êtes impatients de prononcer ce
serment sacré. Oui, qu'un même cri se fasse entendre et
que nos lâches ennemis palissent d'effroi. Nous sommes
libres et nous sommes frères. »
Midi sonnait ; une décharge de toute l'artillerie de
l'armée et des forts retentit et le maire prononce le
serment. Tous crient : Je le jure. M. de Cugnac parle à
son tour au nom de tout le corps administratif de la
54 CHAPITRE PREMIER
place ; M. d'AUons, au nom des chasseurs royaux des
Ardennes. Après quoi, la joie éclate, on crie mille fois :
Vive la Nation ! Vive la Loi ! Vive le Roi Louis XVI, le
restaurateur de la liberté ! Vive la Garde nationale
antiboise ! Vivent les Chasseurs de Provence !
L'après-midi,on fraternisa pêle-mêle citoyens et soldats,
on fit de bruyantes farandoles et des danses, avec tambours
et musique. Le soir, à 9 heures, toute la ville illumina,
chaque citoyen alluma des feux devant sa maison : et
cette fête se termina avec cette satisfaction que ressent
et apprécie seul V homme vraime^it libre. Tous les officiers
municipaux et les chefs de corps ont signé le registre des
délibérations. On lit parmi les officiers : le chevalier de
Radulfd, Chiarelli, Sainte Croix, le sieur des Fossés, le
chevalier Agaldy, le chevaher de Girabotti, Gabrielli, de
Quincenet, d'Agar ; les sergents Jolibois, Graindavoine,
la Violette, la Victoire, Beauséjour. Il y a même le clergé
d'Antibes, Barquier, curé. Merle, Jaubert, Ardisson,
vicaires, Raybaud, prêtre.
L'enthousiasme n'est pas moindre à Vence. Après avoir
entendu la messe dite à la cathédrale par le chanoine
Rostan, aumônier de la garde nationale, le Conseil muni-
cipal et la garde nationale se rendent sur le Coui^. On
prête le serment. Le soir il y eut aussi danse, et à la nuit,
feu de joie, illumination et feu d'artifice. Une circonstance
particulière à noter, c'est qu'après le serment civique, la
municipalité entra en délibération pour recevoir avec
honneur le portrait de M" Surian, ofiert par l'adminis-
tration de l'hospice à la commune. On décida que le por-
trait de ce prélat, illustre par ses talents et ses vertus, qui
avait comblé la ville de ses bienfaits et laissé aux pauvres
une succession considérable, resterait placé dans la salle
du Conseil, où on le voit encore aujourd'hui. L'avocat
Théodore Guérin avait composé pour la circonstance une
notice du savant évêque académicien dont il distribua des
exemplaires à tous les municipaux.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 55
M. Théodore Guérin mérita Thonneur d'être élu com-
me membre du Directoire de Tadministration centrale du
département, résidant à Toulon. La municipalité de
Vence Ten félicita : < Notre pays s'applaudit, dit-elle, de
vous avoir donné le jour, et il ressentira les effets de
votre élection à ce poste éminent. » Les suffrages se por-
tèrent aussi sur M. Léonore Bernardy d*Antibes, sur
MM. Gazan, Roubaud et de Bain de Grasse, M. Mauret
de Gagnes, etc Les compétitions recommencent. Bri-
gnolles voudrait l'emporter sur Toulon, Grasse sur
Draguignan, Antibes sur Saint-Paul. Il n'y a pas jusqu'à
Cannes qui se pose en antagoniste de Grasse ; Fréjus et
Saint-Raphaël qui veulent l'emporter sur Draguignan.
Antibes voudrait obtenir le tribunal du district, puisqu'elle
a eu jusqu'à ce jour ses trois tribunaux... Elle se plaint
beaucoup de ce qu'on rappelle à Toulon et à Marseille
presque toute sa garnison, de ce que le commerce est
anéanti, que les terres sont en friche. < Les trois cents indi-
vidus qui viennent de la rivière de Gênes et de Nice
exploiter notre territoire emportent chez eux au bout de
trois mois une grande partie du numéraire. Une bonne
garnison rendrait un peu de vie et d'aisance à notre
ville, > (c'était le !•' août).
Le 29 août, le maire annonçait au conseil antibois que
les démarches de la municipalité avaient échoué. < Un
décret de l'Assemblée nationale a ordonné que la Viguerie
de Grasse resterait dans son intégrité. Ainsi le crédit et
l'intrigue l'ont emporté. La France entière est instruite
des insultes graves que nos citoyens ont essuyées de la
part de la garde nationale de Grasse au camp fédératif de
Chàteauneuf. Elles ont été suivies des menaces les plus
outrageantes dont nous avons la preuve écrite dans nos
archives. Depuis que la ville de Grasse est parvenue à
s'emparer du siège épiscopal qui avait été érigé chez
nous, elle n'a cessé de nous faire sentir le poids de sa
56 CHAPITRE PREMIER
supériorité et le joug de sa tyrannie, au point qu'il règne
entre les habitants respectifs un sentiment de haine qu'il
sera impossible de déraciner, tant qu'ils se trouveront
réunis dans le même district. Cette haine s'est singulière-
ment accrue par les insultes que nous avons reçues au
camp fédératif. Nos électeurs n'ont pu depuis se rendre à
l'assemblée du district tenue à Grasse, le 20 de ce mois, et
par cette abstention la ville d'Antibes s'est trouvée sans
influence dans le choix des administrateurs du district ;
l'Assemblée primaire et celle de la commune ont déclaré à
l'unanimité qu'on ne se rendrait jamais à l'Assemblée du
district. Toutes ces raisons bien examinées, le Conseil
adresse une pétition à l'Assemblée nationale pour être
réuni à Saint-Paul qui n'est qu'à deux lieues et demie
d'Antibes, et pour avoir à Antibes le tribunal de première
instance.
On chargera encore, le 14 septembre, M. Léonore Ber-
nardy de recommander cette afiaire aux administrateurs
de Toulon. Antibes n'était vraiment pas favorisée. Elle
apprendra le 17 octobre que deux de ses tribunaux sont
définitivement supprimés, et que celui de l'amirauté est
balancé. Le Conseil écrit à l'Assemblée nationale, que
l'abolition du tribunal de l'amirauté porterait un coup
funeste au commerce d'Antibes. Nouvelle pétition pour
être réuni à Fréjus si le district de Saint-Paul est supprimé.
Elle fait valoir la constante bravoure de ses habitants.
Huit cents d'entre eux ont péri généreusement à la
Hogue. En 1746 la population a déclaré préférer s'ense-
velir sous les ruines de la ville que de se rendre. Elle
renouvelle la demande du tribunal de commerce, du
tribunal de première instance et la conservation du tribu-
nal de l'amirauté, sans plus de succès. Vence n'obtient rien
contre Saint-Paul. Le sieur Pierre-Henri Mougins, mem-
bre du directoire de Grasse, envoyé à Vence pour faire
le recensement de la population, constate que cette com-
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 57
mune a énormément exagéré puisqu'il n'y a que 2.615
habitants, au lieu de 4,000 qu'elle prétendait avoir.
Grasse et Saint-Pavl triomphaient.
Le conseil administratif ou directoire du district de
Grasse se compose de la manière suivante : MM. Giraud
Honoré président, Roubaud, Durbec, Henri Mougins,
Cavalier, Olivier, Gourmes, Bérenger, Rancé, Mallet,
Sassy, Carmin, H. PerroUe et Serraire. M. Antoine Cresp
maire. Le 30 octobre toute l'administration assistait dans
l'église des Cordeliers au service funèbre des victimes de
la garde nationale de Nancy.
A Saint-Paul : MM. Alziary , Hyacinthe Mougins,Porcel,
Isnard, Barrière de Saint- Jeannet, Bonnet, Bérenger,
J. Isnard, G. Maurel, A. Constantin, B. Josserand.il
commence ses délibérations le 6 août. François Alziary
est le commandant de la garde nationale. « 11 s'agit de
déployer une activité fébrile et continue pour consti-
tuer à nouveau le royaume de France, contre l'opposition
intérieure et les alarmes continuelles de l'extérieur. >
VIII. — QUATRIÈME ALERTE.
Elle nous vient des régiments en garnison à Antibes et
à Monaco. On répand de plus la nouvelle le 3 août que
des troupes se concentrent à Nice, et qu'une escadre an-
glaise entrera prochainement dans la Méditerranée ; on
a rencontré des troupes allemandes qui se rendent en
Brabant. Un bateau napolitain, venant de Villefranche à
Antibes , annonce qu'une frégate anglaise débarque à
Villefranche des canons et des munitions de guerre. Aus-
sitôt Grasse, Saint- Paul et Vence demandent des armes à
M. de Coincy, lieutenant général de Provence. Le maire
d' Antibes observe qu'il n'y a que deux cents hommes de
troupes à Antibes e^ que trois soldats seulement gardent le
fort carré. Le Ministre de la guerre envoie un renfort de
58 CHAPITRE PREMIER
deux bataillons. On reconnaît encore une fois que ces
bruits sont prématurés.
Vallauris faisait une émeute le 12 novembre. M. Plau-
cheur y accourut d'Antibes avec un détachement de garde
nationale. Pierre Guirard fit des excuses au nom de son
fils, fauteur du désordre. Mais le véritable périU disait-on,
se trouvait dans la garnison d'Antibes et de Monaco. Il
y avait un complot ourdi entre les émigrés de Nice et les
chasseurs royaux de Monaco et d'Antibes. Les ordres ve-
naient de Turin où l'on achetait dc^ chevaux et où l'on
forgeait des armes. Les conjurés portaient une rosette
bleue et une croix à la boutonnière. Déjà, le 17 août, le
conseil de guerre d'Antibes avait condamné à la peine de
mort par contumace dix chasseurs royaux qui avaient
déserté leur drapeau. Le 24 novembre, la garnison d'An-
tibes devait se révolter. Or, le 20 novembre, le comman-
dant de place qui avait l'éveil ordonne de saisir, dans une
maison de la place du Ravelin, un grenadier du régiment
de Vexin qu'on soujiçonnait du complot. Les chasseurs
royaux prennent parti pour lui et ameutent une partie
du peuple. On hue le peloton chargé de l'arrêter. Le gre-
nadier se sentant soutenu rentre dans la maison. Il était
6 heures 1/2 du soir. Le conseil municipal arrive, convo-
que la garde nationale, disperse le peuple et fait conduire
le grenadier à la prison militaire. Un compte-rendu de
cette affaire partit pour Toulon, Marseille et Paris.
Voici ce qu'écrivent les Antibois le 12 novembre au
directoire du Var : « Messieurs, il est de notre devoir de
vous instruire que la chose publique est en danger, et que
les réfugiés français qui sont à Nice font les préparatifs
nécessaires pour venir s'emparer de notre place. Malgré
l'état de détresse dans lequel nous nous trouvons, soyez
persuades. Messieurs, que nous ferons tout ce qu'il nous
sera possible de faire pour les repousser. Notre garnison
est des plus Ciibles; nos remparts sont presque sans
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 59
canons, et la place a très-peu de munitions. Cependant
nous ne nous découragerons pas. Nous mourrons, s'il le
faut, mais nous mourrons libres ; nous nous ensevelirons
sous les ruines de notre patrie. Ils n'arriveront à nous
qu'en marchant sur nos cadavres expirants. Nous ne vous
demandons qu'un marbre avec cette inscription : Ici fut
Antihes. — Signé : Reille, maire, Vautru, Bonneau,
Reibaud, Tourre, procureur de la commune (1). >
On bâtit sur cet incident tout un vaste système de con-
spiration. Antibcs, disait-on, a la gloire de l'avoir fait
avorter. Le maire de Nîmes écrivait à celui d'Antibes : « Il
paraît que l'exécution d'un projet de contre-révolution
devait se tenter en divers lieux à la fois. A Perpignan les
bons citoyens devaient être égorgés. A Lyon, une trame
odieuse a été éventée et ses coupables auteurs ont été ar-
rêtés. Un fourbisseur de Turin a la commission de fa-
briquer une certaine quantité de grands sabres à lame de
solingen larges, et de trois pieds et demi de long, tran-
chants des deux côtés, la pointe à langue de serpent bien
aiguë en cuivre doré, à plusieurs branches pour garantir la
main. A mesure qu'on en fabrique, on les envoie à Nice,
et l'ouvrier en a déjà fabriqué plus de 400. 11 est chargé
aussi de faire des stylets triangulaires pour porter sur le
tèton gauche. Il n*y aura plus de réfugiés français dans
un mois en Piémont. Le moment du départ des princes
doit être signalé par une rixe nouvelle dont le prétexte
serait la religion. Tandis qu'ils s'avanceront vers le Var
cent mille partisans arriveront de France à leur secours.
Ceux-ci ont envoyé à Gênes l'abbé de Galonné pour em-
prunter six millions sur des diamants. La république ne
l'a pas souffert sur son territoire. Le sieur Biaise de Va-
lence, fils d'un receveur du prince de Monaco, compromis
dans l'affaire de M. de Bussy, a été arrêté à Lyon avec un
(i) Moniteur. toI 6. p. 601.
60 CHAPITRE PREMIER
sieur Borie. Il a pu se sauver par l'entremise du sieur de
la Chapelle, alors commandant de la garde nationale, et
aujourd'hui réfugié à Turin auprès du prince de Condé.
La plus grand partie de la jeunesse de Valence est en-
rôlée dans ce complot. Ce qui vient de se passer à Lyon
peut faire ouvrir les yeux. Il se tient à Turin quatre
conseils par semaine. >
Cependant des lettres de félicitation pleuvaîent à An-
tibes. Le consul Le Seurre écrivait de Nice : < J'ai lieu de
regarder le succès de la révolution à peu près assuré et la
fin de Topposition, au moins de nos côtés. > Le citoyen
Barquier, antibois, domicilié à Paris, électeur de la ville
de Paris depuis le 14 juillet 1789, membre de la Société
des amis dé la Constitution, rue du Bazar-Richelieu, 4,
écrit à ses concitoyens qu'il les complimente d'avoir
déjoué les complots des ennemis de la Constitution. L'ad-
ministrateur du département du Gard s'exprime en ces
termes : « Nous avons lu avec attendrissement le récit de
votre dévouement généreux dans la lettre que vous avez
adressée aux administrateurs du Var. Vous voulez mourir
pour la cause de la patrie, et vous êtes glorieux du poste
périlleux que le sort vous a confié. Nous frémissons de
vos dangers et nous brûlons de les partager. S'il le
faut, nous volerons à votre secours, fallut-il mourir
comme les Spartiates aux Thermopyles. Qu'ils sachent,
ces vils assassins, que la vengeance les attend, que l'en-
thousiasme de la liberté fermente dans l'àme de tor.s les
Français. >
En vue de toutes ces rumeurs, M. de Cugnac obtient de
M. de Coincy un nouveau secours de 200 hommes des
régiments Dauphin et Barois. Ils arrivent à Grasse le 2
décembre.
Le directoire de Grasse écrit à Toulon le 3 décembre :
€ Le détachement de troupe de ligne a été accueilli hier à
Grasse avec toute la fraternité qu'il méritait. Des ordres
ASSEBiBLÉE CONSTITUANTE (1790) 61
étaient donnés qu'on le dirigeât sur Antibes ; mais 140
citoyens pétitionnent pour qu'on le leur laisse. >
Le directoire de Toulon ordonne en outre aux districts
de Grasse et de Saint-Paul de renforcer la garnison d'An-
tibes par 300 hommes de leurs gardes nationaux.
On apprend le 6 décembre qu'il y a un projet d'invasion
par Puget-Théniers sur Entrevaux, Castellane et Digne.
Les officiers municipaux de Grasse proposent aussitôt
aux Dignoisde leur envoyer la garde nationale. Le maire
d'Antibes écrit aux communes : « Comme il est de Tin-
térêt de tous d'être unis et de se porter secours, s'il arri-
vait que vous fussiez les premiers attaqués, vous pouvez
compter sur nous. Nous recevons une circulaire du Di-
rectoire au sujet d'un projet contre-révolutionnaire et
d'une invasion ennemie sur la frontière. > Le 9 décembre
le détachement d'artillerie arrivé à Antibes trouve les
canons braqués sur la place. Ordre est donné à tous les
gardes nationaux d'accourir au premier signal sur la
place Sainte-Claire. Quarante hommes choisis iront im-
médiatement au magasin de poudre.
Le 19 décembre, les officiers municipaux d'Antibes
prêtaient, après la grand'messe, le serment à la Con-
stitution. Tout le clergé souscrivait: MM. Barquier, curé,
Merle, Ardisson, Gandolphe.
IX. — TROUBLES DE GRASSE.
Une autre cause de division compliquait encore la si-
tuation. L'Assemblée nationale obligeait, par son décret
du 28 novembre, tout le clergé à prêter le serment à la
Constitution. Les évêques de Grasse, de Vence^ de Glan-
dèves envoient une circulaire à leurs prêtres pour les
engagera rester fermes dans la foi. Hélas! malgré ces
ordres supérieurs, il y eut dans notre contrée trop de
prêtres réftwîtaires. Le haut clergé, évêques et chanoines.
62 CHAPITRE PREMIER
resteront fidèles au Saint-Siège et à TÉglise et préfére-
ront l'exil et la prison à un serment que réprouve leur
conscience. De plus, l'État, de son propre droit, avait osé
supprimer des évèchés. Le décret de l'Assemblée na-
tionale était daté du 1®*^ octobre. Il fut signifié auxévêques
de Grasse et de Vence le 28 octobre. En vain protes-
taient-ils. Les fidèles catholiques prenaient parti pour
eux et refusaient de pactiser avec les prêtres indignes qui
rompaient avec leur évêque, et, par une lâche désertion, se
faisaient prêtres constitutionnels. Nous nommerons en-
tre autres MM. Mougins et Gasq, curés de Grasse ; MM.
Vial et Archier, de Vence ; M. Barquier, d'Antibes, qui
mettront la loi d'État au-dessus de la loi d'Église? De là le
schisme, et une guerre de religion, la pire de toutes, se
joignant à tous les fléaux de cette époque révolutionnaire.
€ Le culte divin se continue à Grasse, écrira le direc-
toire de Grasse à l'administration centrale de Toulon,
mais une coalition s'est formée en faveur du ci-devant
évêque Pninières. > Quel manque de respect pour un
pontife vénéré, qu'on encensait hier ! ... « L'ex-chanoine
Chéri, procureur fondé du curé Gasq infirme, est à la tète.
La plupart des chanoines reprennent, dimanche prochain,
le service du culte dans la cathédrale (9 novembre). Le ci-
devant évêque est contraire à tous les décrets de l'Assem-
blée nationale. >
Le même directoire dénonce, le 21 novembre, le sup-
pléant de M. le curé Mougins qui a lu au prône un mande-
ment du ci-devant évêque Prunières. Une partie du peuple
est pour l'évêquo et le chapitre, il doit faire une grande
démonstration pour leur rétablissement.
A cette nouvelle, le directoire do Toulon envoie à
marche forcée sur Grasse deux cents hommes des régiments
du Dauphiné et de Barois. Le 2S novembre, en apprenant
que la troupe arrive, le peuple se rassemble. Le comman-
dant de la garde nationale, M. Barbieri, laisse battre la
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 63
générale. Le peuple va trouver le directoire pour lui de-
mander qu'on fasse rétrograder les soldats. Le président
répond qu'il ne peut rien contre les ordres supérieurs. On
se dirige vers la municipalité, et Ton déclare qu'il faut
rétablir Tévêque et le chapitre.
Le 2 décembre les deux cents hommes entrèrent en ville
et fraternisèrent avec la municipalité et le directoire.
La force armée eut raison de cette démonstration.
Le directoire signale un menuisier comme le principal
meneur.
Le 22 décembre 1790, les soldats de la compagnie
France, dite de Castellane, en garnison au fort de l'île
Sainte-Marguerite, voyant que les prisonniers au nombre
de sept n'obtenaient, malgré leurs réclamations, aucun
adoucissement à leur sort, vont trouver le commandant
pour demander leur élargissement. Celui-ci, soit intimi-
dation, soit sentiment d'humanité, accorda. Aussitôt nos
soldats courant ouvrir les portes, prirent avec eux les
détenus et se mirent à faire la farandole. 11 y en avait qui
étaientlà depuis 1777, et entre autres le fils du premier
président de Metz amené en 1781. Le comte de Monteil,
détenu depuis trente-deux ans, refusa seul de sortir. Il
déclara vouloir que la prison fût son tombeau. On alla re-
mercier le commandant et on s'embarqua pour Cannes,
où l'on continua les réjouissances. Vingt-cinq soldats es-
cortaient les libérés. On se rendit à Grasse, tambour bat-
tant et drapeau en tète. Chacun avait orné son chapeau de
branches de laurier. Arrivés à Grasse, le conseil d'admi-
nistration les logea à l'hôtel duDauphiné.ll envoya savoir
ce qu'il en était auprès du commandant de Sainte-Mar-
guerite et on rédigea un rapport à l'Assemblée nationale.
On ne donna aucune suite à cette affaire. Les prisonniers
s'en allèrent en liberté (1).
(1) Moniteur — 1790 — 22 décembre.
64 CHAPITRE PREMIER
Le conseil municipal de Vence envoie au directoire de
Toulon une dénonciation du curé Vial contre son évêque.
Celui-ci se plaint que Tex-évêque Pisani commande encore
à Vence. On répond de Toulon au curé qu'il est le seul
maître dans la paroisse, qu'on n'a aucun ordre à lui donner,
l'évêché étant supprimé; que c'est à lui de disposer digne-
ment toute chose pour le service du culte divin,
A la Roquette-Siagne, le peuple hue le curé constitu-
tionnel. Les femmes le menacent jusqu'à l'autel, lorsqu'il
est revêtu de ses habits sacerdotaux. Et le Directoire de
Grasse écrit à la municipalité de la Roquette : < Que cette
conduite oflfense la Religion, la Patrie et la Cionstitution ;
qu'elle doit faire respecter le prêtre constitutionnel. »
Voici ce qu'écrit l'évèque de Vence à ses ouailles au
sujet de la Constitution civile du clergé ; le Directoire de
Saint-Paul le dénonce au Directoire de Toulon (22 dé-
cembre).
€ Toujours évêque des âmes qui composent les parois-
ses du territoire ci-devant appelé diocèse de Vence, et
toujours comptable à Dieu du salut des officiers publics,
comme de celui des simples fidèles, je ne puis me dispenser
de vous instruire dans les circonstances alarmantes où se
trouve l'Église, vous et Messieurs vos collègues, de vos
obligations relativement à la prestation du serment que
vous êtes obligés d'exiger des prêtres destinés aux fonc-
tions du saint ministère. Le prophète annonçait aux rois
les commandements du Seigneur sans crainte d'être con-
fondu. A son exemple, je dois malgré les dangers inévi-
tables auxquels je m'expose, je dois vous dire à vous, qui
exercez une partie du devoir social, ce que la loi divine
vous prescrit à l'égard de la demande de ce serment. Cette
démarche de votre premier pasteur sera une des preuves
de son zèle pour le salut de ses ouailles ; et si l'effusion de
son sang pour le sacrifice de la foi était dans les décrets de
la Providence, nécessaire pour la vérifier, je m'y soumets
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1790) 65
avec joie comme Tapôtre. Si la religion chrétienne fait un
devoir à tous ses disciples de se soumettre aux constitu-
tions politiques et aux lois des divers empires où ils habi-
tent, elle veut qu'en matière de foi ils obéissent à l'Église.
Veuillez donc dans la prestation du serment n'y pas com-
prendre les articles qui conrîernent les personnes, dépen-
dant de l'autorité seule de l'Église. < Il finit ces admirables
pages par les belles paroles de Saint-Ignace d'Antioche à
ses fidAles : < Comme enfants de la lumière et de la vé-
rité, évitez tout ce qui peut rompre l'unité. Là où est le
pasteur, là, comme ses ouailles, vous devez le suivre. Je
vous écris ceci, non parce que je crois que le schisme soit
déjà au milieu de vous, mais pour vous prémunir, comme
étant les enfants de Dieu. Que tous ceux qui appartiennent
à Jésus-Christ demeurent attachés à leur évêque et que
tous ceux qui s'en séparent pour communiquer avec
les méchants en soient retranchés avec eux. Je vous
souhaite mille bénédictions en Notre-Seigneur-Jésus-
Christ. »
Cette lettre de M*' Pisani est digne en tout des Pères de
la primitive Église.
179].
X. — CRAINTES ET ALARMES.
Une lettre adressée de Turin à la municipalité d'Antibes
contient les renseignements qui suivent : < Tous les agi-
tateurs de Lyon vont quitter la ville pour se réunir à l'ar-
mée étrangère. Ils sont plus de mille cinq cents. Le rendez-
vous est à Évian d'où ils traverseront le lac pour gagner
Iverdun. Là ils trouveront quatre vingt mille hommes des
troupes autrichiennes et allemandes. L'empereur leur as-
sure la Lorraine et l'Alsace. Dans peu de temps vous allez
voir tout à feu et à sang
€ La pauvre France sera livrée aux lâches assassina de
5
66 CHAPITRE PREMIER
la Germanie. Je ne m'épouvanterais pas des ennemis du
dehors, s'il n'y en avait à l'intérieur. Quel massacre ! Le
cri de nos ennemis est : As-tu du cœur ! A ce cri, tous les
antipatriotes se rallieront ; et ceux à qui on demandera
ces quatre mots et qui n'y répondront pas seront aussitôt
égorgés.
a On fait fabriquer pour les aristocrates un nombre pro-
digieux de stilets et des armes de toute espèce. Il y a quatre-
vingts-six selles de commandant à franges d'or, garnies
de velours cramoisi. Le jour de l'an, M. de Condé étantallé
faire sa visite au roi de Sardaigne, Sa Majesté lui dit :— Eh
bien ! mon cousin, on m'assure que vous voulez rentrer.
— Enfin, oui, sire, mais ce ne sera que les armes à la main.
Nous l'avons tous juré. Nous mourrons ou nous remet-
trons le roi sur le trône. — Mais il est à craindre, reprit
le roi, que le peuple en vous voyant rentrer, ne s'empare
de la famille royale et ne l'égorgé. — Tant pis, pourvu
que nous rentrions et que nous restaurions la royauté. —
L'Espagne, dit-on, paie l'armée que fournit l'empereur
Léopold. M. d'Artois et les princes resteront à Turin. Les
princes vont à l'Académie (collège). Je viens d'apprendre,
en terminant ma lettre, que l'Espagne fournit aussi une
armée,que le clergé de France a envoyé aux princes quinze
millions en espèce. — Ah ! que fait le roi Louis XVI ? Pour-
quoi donc ne sanctionne-t-il pas les décrets de l'Assem-
blée, pourquoi ne souscrit-il pas à la loi qui oblige les évo-
ques à la résidence? Pourquoi envoie-t-il secrètement M.
Duras complimenter l'empereur Léopold de son avène-
ment au trône ? Pourquoi reproche-t-il au journal de Pa-
ris de parler du complot de Lyon ? Pourquoi écrit-il au roi
de Sardaigne d'engager les princes à suspendre le départ
de Turin ? Pourquoi cette motion de Mirabeau qu'on ex-
cepte les princes du décret des fonctions publiques? >
Un négociant de Nice apportait en même temps cette
lettre au maire d'Antibes : « Envoyez un exprès à Gap,
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 67
pour qu'on surveille un certain Balthazar Caire de Brian-
çon. On a parlé chez M. le marquis d' Au ti champ de ce
sieur Caire, comme devant livrer à l'ennemi le fort de
Briançon. Assurez-vous de cet homme. »
Les moindres incidents qui se passaient soit en France,
soit à l'étranger, étaient exagérés. — En voici un trait :
Un sieur Remoniel, de Toulon, vient de Menton à Nice,
habillé en garde national. 11 voulait s'embarquer pour
rentrer chez lui. Tandis qu'il se promenait sur le port, en
attendant le départ, son uniforme lui attira les insultes
de quelques individus. Il demanda aussitôt à l'officier de
port une ordonnance pour le conduire chez le marquis de
la Planargia, porter sa plainte. Il fut reçu avec tous les
égards possibles et reconduit au port sous sauvegarde.
Mais la curiosité avait attiré un grand rassemblement de-
vant la porte du gouverneur. Il était déjà assez tard.
Quelques individus se mirent à huer le garde national, et
des voix crièrent même : à la lanterne! Arrivé au poste
de la porte-marine, il se hâta de s'y réfugier. Un officier
du régiment de la Reine, passant par hasard de ce côté,
ap[)rend ce qu'il en était, entre dans le corps de garde, et
par de bonnes paroles essaie de rassurer notre homme :
« Ne craignez rien, dit-il, vous êtes sous la protection du
roi. Ceux qui portent votre uniforme doivent être res-
pectés: c'est l'ordre supérieur.» Un sieur Cagnoli, employé
du gouverneur, l'emmène même chez lui et le présente de
nouveau au gouverneur, qui lui donne un adjudant et
deux ordonnances pour l'escorter au port, où enfin il
s'embarque. M. Leseurre qui rendit compte de cette
affaire au maire d'Antibes, lui dit qu'à Nice, tous les hon-
nêtes gens avaient manifesté leur indignation contre les
auteurs de cette scène indécente ; que le marquis de la
Planargia avait ordonné de rechercher les coupables et de
les punir rigoureusement : « Malheur à ceux qu'on décou-
vrira! »
68 CHAPITRE PREMIER
Le 17 janvier, Leseurre écrivait qu'on avait saisi les
coupables ; qu'un d'eux avait été enfermé dans le fort de
Villefranche, et que les autres avaient été dirigés sur
Turin.
Le gouverneur de Nice reçoit l'ordre de la cour d'agir
avec beaucoup de prudence, afin de ne pas indisposer la
France.
Des troubles éclatent en plusieurs endroits à la fois.
A Saint-Vallier, on ne veut pas du juge de paix qui a été
nommé par une cabale. Il faut la force armée pour ramener
l'ordre. — Au Bar, une grande partie des habitants s'in-
surge contre l'ex-seigneur. 11 s'agit de certains droits lé-
gitimes de banalité, dont Thabitation est redevable à la
famille de Qrasse-du-Bar. Le sieur Chareiron, agent du
seigneur, réclame. Les émeutiers le menacent. Les gardes
nationaux accourent de Grasse pour protéger Chareiron
et sa famille, et les emmènent avec eux (11 janvier). On
veut faire entendre raison aux Barrois, et on leur re-
montre qu'il s'agit d'un arrêt du 21 août 1785. Ils répon-
dent que les droits féodaux ont été abolis, et que si ledit
seigneur persiste, ils en viendront à des voies de fait. Ce
qui arriva en effet.
Vallauris n'était pas plus tranquille. L'ex-maire Girard,
à la faveur de certains arrêts qu'il avait obtenus contre
les moines de Lérins, était en lutte avec une grande
partie des habitants. Il s'agissait des droits de pâture, des
cours d'eau, de beaucoup d'autres droits de banalité. Il
avait un parti, non-seulement à Vallauris, mais encore
dans les communes environnantes et surtout à Antibes. Il
avait pris fait et cause pour les Antibois au camp fédé-
ratif de Chàteauneuf. « Son caractère aussi violent qu'im-
périeux, disaient ses adversaires, le rendait redoutable à
toute l'habitation. 11 y avait eu prise de corps contre lui
à cause de l'affaire du camp fédératif ; mais comme com-
mandant de la garde nationale, il avait tout bravé jusqu'à
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 69
ce jour. > Un détachement du régiment des Barrois, sous
la conduite du sieur Pluvières, arriva le 29 janvier pour
contenir Témeute. On arrêta Girard, Gimbert et Cevoules.
L'émeute continua ; les prisonniers s'échappèrent de la
prison. Girard prit la fuite; Gimbert fut, le 22 février,
suspendu de ses fonctions d'officier de la garde nationale
par arrêté du Directoire du Var ; mais étant revenu au
pays le 19 mars, il se mit à parcourir les rues, le sabre à
la main, en proférant des menaces et des injures contre
la municipalité et contre la garde nationale nouvellement
constituée. Le sieur Bel, maire, parvint à le faire saisir.
Girard semblait rentrer dans une vie plus calme, mais il
poussait en dessous ses partisans ; tellement que le 9 avril,
la sédition reprit. Enfin, le 2 mai, on déclara Girard sus-
pendu de ses fonctions municipales, privé de tous ses
droits de citoyen, et séquestré de tous ses biens.
XI. — AFFAIRES RELIGIEUSES.
L'évêque de Vence avait signifié qu'il n'abandonnerait
le palais épiscopal que contraint. Les officiers municipaux
pressés de mettre les décrets de l'Assemblée nationale à
exécution, écrivaient au directoire de Toulon qu'ils trou-
vaient une vive opposition de la part du sieur Pisani et
de l'ex-chapître ; que le sieur Pisani logeait toujours dans
l'évêché, et qu'il conservait sa porte de communication
avec l'église paroissiale. Une partie de la population es-
saya de réagir contre la faction opposée à l'évêque, en le
nommant même juge de paix du canton (6 janvier). Les
patriotes arrivèrent en masse au troisième tour de scrutin,
et élurent M Bovon aux acclamations de l'assemblée. Le
28 janvier, une lettre du directoire du Var lui notifia
l'ordre de sortir dans les vingt-quatre heures : ce que des
officiers municipaux eurent le courage de lui notifier. Le
prélat leur répondit qu'il viderait toiU de suite les lieux.
70 CHAPITRE PREMIER
Il écrivit dans son écusson de la grande salle épiscopale
jEqicus Dominiis dédit 1783 ^ Dominus ahstulit 1790.
Sit nomen domini benedictum. 11 ferma les portes, le 22
janvier, et en porta les clefs au maire: puis il se retira
chez M. Boy on. Un ouragan terrible avait éclaté sur la
ville le 21 janvier. On vendait déjà les biens de TÉglise à
Saint-Paul et à Grasse. Le 15 janvier, on avait mis aux
enchères Notre-Dame des Crottons et Saint-Raphaël, puis
Saint-Jean de la Bastide.
Une véritable lutte va s'engager entre la municipalité
etM^^'Pisani qui continue ses fonctions épiscopales, et
publie son Mandement pour le Carême. < Nous craignons
d'avoir des troubles pour le Carême. Notre ci-devant
évêque, qui avait gardé jusqu'à présent certaines me-
sures, reprend, malgré les curés, le gouvernement de
l'église. Dimanche dernier, en disant la grand'messe, il a
annoncé que rien ne l'empêcherait de faire les fonctions
épiscopales. 11 a donné la bénédiction épiscopale pendant les
derniers trois jours de carnaval, et hier matin, malgré les
protestations du curé Vial, il a béni les cendres, assisté
de quatre chanoines et de quelques ecclésiastiques qui lui
sont dévoués. Il a déclaré qu'il prêcherait lui-même le
carême. 11 dit tout haut dans son instruction que lui seul
sera toujours l'évêque de Vence ; que celui qu'on pourrait
nommer serait un intrus. Quand un prédicateur monte
en chaire, il ne manque pas de recevoir la bénédiction du
sieur Pisani, et de lui donner le nom de Monseigneur, de
le saluer avant le discours et à la fin. >
Le 16 mars, les officiers municipaux écrivent à Toulon :
€ Le curé Archier fuit et se cache. Le curé Vial reste dans
les bons principes ; l'ex-évêque distribue de l'argent ; son
valet régale les citoyens dans les cabarets. Le sieur
Pisani fait distribuer une circulaire imprimée aux élec-
teurs, afin de les détourner d'aller à l'Assemblée qui doit
nommer à Toulon l'évêque du département : < Grand
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 71
Dieu, disait le courageux prélat, quel jugement de ri-
gueur VOUS exercez sur la France ! Punissez-vous enfin
de leur indifférence pour votre loi sainte les habitants de
ce beau royaume qui vous fut si fidèle autrefois!... Ne
désespérons pas pourtant, mes chers confrères. Dieu vous
donnera la force, et ramènera la joie après l'épreuve. >
Et quelques temps après : < Ces épreuves n'auront qu'un
temps ; du sein de la persécution, l'Église, telle que le lis,
s'élèvera plus pure, sans tache et toute rayonnante de
gloire. >
Et quand il écrivit au directoire du Var sa célèbre pro-
testation : < L'évèque de Vence s'attend à tout, même à la
mort, s'il le faut, pour défendre les droits de son siège et
sa juridiction qu'aucune puissance temporelle n*a le droit
de lui enlever. On lui a signifié de quitter la maison
épiscopale pour le 1®' janvier.... Lorsque la Nation s'est
emparée de toutes nos propriétés ecclésiastiques, fondées
sur les titres les plus solides, maintenues par une posses-
sion de plusieurs siècles, placées sous la sauvegarde des
lois anciennes de l'Église et de l'État, garanties par les
plus rigoureuses censures, personne de nous ne s'y est
opposé : si notre conscience ne nous permettait pas de les
livrer, nous ne les avons pas du moins refusés, et peut-
être notre silence nous sera reproché devant Dieu.. . Mais
aujourd'hui vous m'enjoignez de renoncer au gouverne-
ment spirituel de mon diocèse et de n'exercer aucune ju-
ridiction spirituelle. Si je tenais cette juridiction des
hommes, je la céderais en preuve de ma fidélité à la Nation,
à la LfOi et au Roi ; mais je la tiens tonte de Jésus-Christ et
de son Vicaire sur la terre. Mes pères dans Tépiscopat
l'avaient reçue d'eux, avant que l'empire adoptât la reli-
gion chrétienne. Et je dois l'exercer, cette juridiction, dût
la religion catholique être proscrite de l'empire. > 11
ajoute qu'il a une obligation étroite de ne pas abandonner
son église, et qu'un évèque étranger ne pourrait la gou-
72 CHAPITRE PREMIER
verner légitimement. < Jugez vous-mêmes si je dois obéir
à Dieu plutôt qu'aux hommes. L'autorité temporelle p(îut
contraindre, mais un évêque doit souffrir. Ma volonté est
de ne pas abandonner mon troupeau ; mon devoir est de
ne pas résister à la force. Si elle m'éloigne de mes ouailles,
mon corps sera absent, mais mon esprit et mon cœur ha-
biteront toujours au milieu d'elles. > Cette lettre est datée
de Vence, 28 octobre 1790.
Il fallait avoir des yeux pour ne pas voir, et un cœur
pour ne pas sentir , pour ne pas être ému d'un langage si
plein de logique et de magnanimité. Ah ! combien les per-
sécuteurs du clergé sont petits devant une si noble atti-
tude ! Et dire que tous ces hommes des directoires de
Toulon, de Saint-Paul et de Grasse, que tous ces agents
municipaux, qui traquaient leurs prêtres et leurs évêques,
les avaient naguère fréquentés et connus dans l'intimité.
Grasse ne se conduisit pas mieux que Vence envers son
évêque. M^*" de Prunières fut forcé de s'expatrier le 21
juin, et M^*" de Vence, menacé d'être incarcéré, le de-
vança ; il se fit signer son passeport le 21 mai et se retira
à Nice, d'où il lança, le 12 juin, son ordonnance avec le
brefdu Pape qu'on afficha do nuit à la porte de l'église
cathédrale. C'était le jour même que la commune de
Vence achetait aux enchères de Grasse le ci-devant évê-
ché pour 14,000 livres en assignats.
Le brefdu Pape produisit son effet sur la population,
puisque le maire de Vence écrira au directoire de Toulon :
€ On nous regarde comme des pestiférés depuis le bref du
Pape ; et on fuit la paroisse pour aller à l'église des Pé-
nitents noirs. L'église est désertée, quand paraît le curé
constitutionnel, M. Vial. >
XII. — MORT DE MIRABEAU.
La mort de Mirabeau comme sa vie, selon l'expression
de Malouet, fut un malheur public (2 avril). < J'emporte
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 73
dans mon cœur, avait-il dit en mourant, le deuil de la
monarchie. > Comme la plupart de ceux qui firent la Ré-
volution, il n'en voulait pas les excès ; et entrevoyant
déjà que Ton dépasserait les bornes, il s'était rappro-
ché sincèrement de Louis XVI pour le sauver. Mira-
beau était connu intimement de beaucoup de familles
de Grasse. Sa sœur, madame la marquise de Cabris,
l'avait eu souvent dans son château. Aussi s'associa-t-on
d'une manière toute particulière aux regrets que mani-
festa la majorité de l'Assemblée constituante. « Pénétrés
de la perte de ce grand homme dont les talents et le patrio-
tisme étaient si bien connus de toute la France, les mem-
bres du directoire de Grasse enjoignent à toutes les muni-
cipalités du district qu'elles aient à célébrer le 3 mai,
samedi, le service anniversaire de M. Honoré-Gabriel
Riquetis Mirabeau. Vence, Tourrette et autres pays don-
naient à une de leurs places le nom de Mirabeau.
Le cri de Marat < Peuple, réjouis-toi, > contrastait avec
cette ovation funèbre de Mirabeau. En effet, le seul hom-
me qui, par son énergie, contenait encore le flot populaire,
c'était Mirabeau. Louis XVI comprit qu'il n'avait plus
personne capable de le défendre et c'est alors qu'il médita,
lui aussi, d'émigrer à l'Étranger.
La fermentation était générale en France aussi bien
qu'au dehors. Depuis la journée dite des Chevaliers du
poignard du 28 février, on s'acharnait contre les nobles
et contre les prêtres non assermentés sur tous les points de
la France. A Auribeau, le curé Vidal, quoique assermenté,
est en butte aux insultes de la population. Un membre du
directoire de Grasse, Pierre-Henri Mougins, accourt avec
des gardes nationaux pour mettre la paix (11 juin). Le
marquis de Montgrand, qui a gardé jusqu'à ce jour le
gouvernement des îles Sainte-Marguerite, se défend le 16
juin, auprès de l'Assemblée nationale de l'inculpation
d'antipatriotisme .
74 CHAPITRE PREMIER
XIII. — FUITE DU ROI. — 20 JUIN.
La nouvelle de la fuite du roi et de la famille royale
exaspère encore plus les patriotes. Il y avait assurément
tout un projet d'une levée de boucliers, combiné avec
Tarrivée du roi au delà des frontières.. Un émigré écrivait
cette lettre qui fut interceptée à Saint-Laurent-du-Var
(fin juin) : < Je crois que nous partirons de Turin dans
les premiers jours de juillet. Nous irons sur Nice avec
70,000 hommes, y comprit les Espagnols qui nous
rejoindront en Provence. > Le bruit courut d'abord à Nice
et sur la rive droite du Var que le roi avait passé la
frontière. Les administrateurs du district de Saint Paul,
Mougins, Isnard et Barrière, écrivaient à Grasse et à An-
tibes : < Nous vous informons que l'on dit à Nice que le roi
a fui de France, que c'est M. de Bouille qu'il l'a mené à
l'étranger. > En effet les émigrés qui se trouvaient à Nice,
avaient à cette nouvelle pris la cocarde blanche, et foulé
aux pieds la cocarde tricolore. Les bâtiments français
avaient été obligés d'arborer le drapeau blanc. « Dans
trois jours, disaient-ils tout haut, tous les Français re-
prendront la cocarde blanche. >
Le directoire de Grasse, mieux informé par Toulon, an-
nonçait, le 28 juin, à son district et à celui de Saint-Paul
que dans le moment où il leur transmettait la malheu-
reuse nouvelle de l'enlèvement du roi et de la famille
royale, il apprenait par des lettres de la Haute-Marne qu'on
les avaient arrêtés le 22 à Varennes. « Envoyez des
exprès à toutes les communes pour calmer les inquié-
tudes > signé Debain, Gazaa, fils...
Mais le 2 juillet, un exprès de Nice à Saint-Paul racon-
tait que la famille royale avait été enlevée à Varennes
par M. de Bouille et un régiment de dragons, qu'elle
avait passé la frontière, et qu'elle était dans le Luxem-
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 75
bourg. De Saint-Laurent on écrivait aussi le même jour
au district de Saint-Paul : < Nous ne savons que penser de
la nouvelle de l'arrestation du roi. Les Français ont été
insultés aujourd'hui à Nice par les émigrés ; M. de Bouille
aidé de deux régiments de dragons aurait délivré le roi à
Varennes. Cette nouvelle est venue de Turin la nuit der-
nière. >
Le consul Leseurre écrit au maire d'Antibes, le 3
juillet : € Un exprès, arrivé de Turin à Nice, annonce que
le roi a été repris et qu'il se trouve dans le Luxembourg.
Les émigrés ont fait éclater leurs transports de joie. Je ne
vous dirai pas les saillies incroyables que cette nouvelle a
provoquées. Les domestiques des nobles émigrants se sont
montrés d'une insolence extrême. Le commandant de
Nice a défendu de porter quelque cocarde que ce soit pour
éviter les rixes. Écrivez-nous ce que vous savez de votre
côté. Je crois la nouvelle mal fondée. >
Et le 4 juillet : < Les émigrés de Nice ne veulent pas
croire que le roi a été ramené à Paris. Ils continuent de
dire qu'il est à l'étranger. » Le maire d'Antibes en pré-
sence de son conseil réuni : « Les émigrés, dit-il, se jac-
tent de rentrer bientôt en France, les armes à la main, et
d'y mettre tout à feu et à sang. Prenons, Messieurs, cette
attitude noble et fière qui convient à des hommes libres.
Attendons d'un front calme et serein l'orage qui gronde
sur nos têtes. Nos ennemis pourront se repentir de leur
témérité. > Le commandant est requis de mettre la place
en état de siège, de garnir les ramparts de canons, de dou-
bler les postes et surtout celui du Fort-Carré. On fait
afficher cette proclamation : < Citoyens, des bruits sourds
paraissent vouloir compromettre votre tranquillité.Qu'au-
cune crainte ne soit capable d'interrompre vos travaux.
Vous nous avez mis à votre tête. Nous vous promettons
de veiller scrupuleusement pour vous. Nous allons faire
préparer tous les moyens de défense contre nos ennemis .
76 CHAPITRE PREMIER
C'est le seul moyen de déjouer leurs intrigues. Nous joui-
rons des avantages de la paix, quand ils nous sauront en
état de les repousser. »
Le bruit court à Vence que l'ennemi est à Nice et qu'il
marche sur la frontière. Chaque citoyen se fait inscrire
pour défendre le pays. Même entrain à Saint-Paul et par-
tout. La panique cesse ensuite pour un instant. Nous avons
des troubles à l'intérieur.
Cependant l'Église schismatique de France fonctionnait.
Le comité central du Var avait pourvu à toutes les pa-
roisses. L'évèque constitutionnel avait sa nomination de
par le peuple. 11 se nommait Rigotiard^ ancien curé de la
Salède. Le 4 juillet, il arrive à Grasse, et toutes les admi-
nistrations vont au-devant de lui, jusqu'en dehors delà
ville, pour l'accompagner à l'église. Le lendemain, elles
assistaient en corps à la messe pontificale. Le 6 juillet,
elles sont informées que l'évêque, ayant su que le curé
était appelé pour porter le Saint- Viatique à un malade,
voulait s'y rendre en personne ; elles vont encore lui faire
cortège. Enfin le 7, elles l'escortent sur la route de Ca-
bris, et le directoire de Grasse écrit à cette municipalité
de lui rendre les mêmes égards dont il avait été l'objet à
Grasse. Les prêtres constitutionnels se chargeaient de dé-
noncer leurs con frères non assermentés. Le curé d'Auribeau
se plaignait au district de plusieurs ecclésiastiques qui cé-
lébraient le culte divin à Notre-Dame de Valcluse. Le curé
Audoly , quoique du comté de Nice et du diocèse de Glan-
de ves, desservant de Roquesteron, déclarait au directoire
de Grasse (28 juin) ne plus recevoir aucun ordre de
M.Henri Hachette Desportes, mais être tout à fait soumis
au régime constitutionnel. 11 signale deux prêtres réfugiés
à Roquesteron-Nice, comme révolutionnant les femmes
depuis le 22 mai : c'est l'abbé Isnard de Tourrette-Vence,
ex-vicaire de Gagnes ; et l'abbé Garel de Besse, curé de
Gréolières-Basses. < Ces deux prêtres, dit-il, ont reçu la
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 77
visite de Tévêque de Vence avant les fêtes de la Pente-
côte ; ils répandent des écrits contre les nouvelles lois
françaises, et composent des cantiques anti-constitution-
nels. L'évêque de Vence, au nom de M. Henri Hachette
Desportes, leur a conféré tous les pouvoirs. Ces prêtres et
leurs adeptes disent que les prêtres assermentés ne célè-
brent plus qu'au nom du diable, que tout ce que je fais est
de nul effet ; que pactiser avec nous c'est se damner, que
nous sommes excommuniés. Le sieur Charrier, curé d'An-
don, réfugié à Sigale, prêche dans les mêmes termes. La
conduite de ces trois prêtres met le trouble dans les fa-
milles, séduit les femmes et les âmes faibles. Mes confrè-
res s'en plaignent aussi bien que moi, par exemple MM.
Audoly, curé des Ferres, Dedoue des Mujouls, Besler
d'Aiglun, Barnaud de Conségudes, Niel de Collongues. >
Le district de Grasse, en avisant de Toulon, demande
qu'on pré vienne la cour de Turin d'éloigner de la frontière
ces prêtres émigrés.
La garde nationale déployait la plus grande activité
pour arrêter à la frontière les brochures anti-patriotes.
Le directoire de Toulon complimentait, le 16 mai, la com-
mune du Broc d'avoir saisi deux brochures incendiaires.
Le 3 juillet, une femme de Vence, domestique du cha-
noine Baussy , en allant de Vence à Nice, laisse tomber de
sa poche, par mégarde, une lettre adressée à l'évêque de
Vence. On s'en empare ; les officiers municipaux de Saint-
Laurent la décachètent et déclarent qu'elle est pleine
d'insultes et de menaces contre les décrets de l'Assem-
blée nationale. On envoie cette lettre au district de
Saint-Paul et de là au directoire de Toulon. L'Admi-
nistration de Saint-Laurent est félicitée. Le 7 juillet, est
arrêté à Saint-Laurent du Var le sieur de Chavigny
officier du 28™® régiment pour être conduit à Saint-Paul.
Les patriotes de Grasse rendaient compte à l'Assemblée
nationale, au mois de décembre 1790, du mandement de
78 CHAPITRE PREMIER
leur évêque. < Dans ce discours de 16 pages, qu'on colporte
de maison en maison, il établit que le civil n'a aucune
autorité sur le spirituel, que \es pratiques des évèques
remontent à la primitive Église et sont fondées sur les
droits des anciens empires et les décrets des Conciles, Il finit
par ordonner aux curés de ne reconnaître que lui pour
évêque. Aussi le clergé se coalise, et cherche à intéresser
les dévotes (1).... »
XIV, — TROUBLES D'aNTIBES ET d' AUTRES PAYS.
Le serment fédératif se prêta cette année avec un redou-
blement de zèle patriotique. A Antibes le maire M. Reille,
prononça un chaleureux discours : « Messieurs, dit-il, un
an s'est écoulé depuis que sur cet autel sacré de la Patrie
et en présence de l'Être suprême nous avons tous juré de
maintenir la Constitution. Que de moyens n'a-t-on pas
employés cependant pour l'étouffer dans son berceau? Des
ministres d'un Dieu de paix ont répandu partout le souffle
impur du fanatisme et de la révolte. Des Français indignes
de la Patrie qui leur a donné le jour et qu'ils ont abandon-
née, n'ont respiré que le trouble et le désordre. Les
puissances étrangères semblent nous menacer de tout
l'appareil de leurs forces. Enfin Louis XVI, ce roi qui
s'enorgueillissait d'être le premier citoyen de son empire
et le restaurateur de la Liberté française, Louis XVI
cédant à des insinuations perfides, allait abandonner le
royaume ; mais une main puissante a veillé sur nous.
Toutes les trames ont été découvertes, tous les complots
ont été déjoués,et Une leur reste que la honte et le remords
de les avoirs conçus. Ainsi les flots amoncelés de TOcéan
viennent se briser contre le rivage, et toute leur fureur
se réduit dans une écume impuissante qui n'atteste que
(1) MoniUur, 6« toI. page 695, 23 décembre.
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 79
leur faiblesse. Notre liberté repose aujourd'hui sur des
bases inébranlables. Nos têtes ne seront plus courbées
sous le joug odieux du despotisme; nos mains cesseront
d'être enlacées dans les fers honteux dont une autorité
arbitraire se plaisait à les charger. Les citoyens ne seront
plus dégradés par des distinctions humiliantes toujours
injustes, et peu méritées. Enfin nous ne connaîtrons plus
ces noms barbares inventés par la féodalité pour enlever
nos propriétés et flétrir même jusqu'à notre existence.
Soldatscitoyens, citoyens soldats, renouvelons aujourd'hui
sur cet autel le pacte auguste que nous avons contracté....
Aucune puissance n'osera nous attaquer si nous sommes
unis. Dût cet empire finir, nous mourrons avec lui, mais
nous mourrons libres. >
Cette journée du 14 juillet, dans laquelle on prêchait
l'union, fut pourtant troublée vers le soir. On avait mis
aux arrêts le capitaine La Prune. Le club des Amis de la
Constitution se rendit en masse chez le colonel , M. de Lowe,
qui passait la soirée dans la maison de M°^® Daniel, et lui
enjoignit de mettre ledit La Prune en liberté , comme
l)on patriote. Le colonel s'y refusa. Les clubistes firent
entendre des cris de mort au colonel. Le maire et les of-
ficiers municipaux accourent en toute hâte et somment les
membres du club de se retirer. < Si l'on veut que nous nous
retirions, crie le tailleur Nicolas Grailler, apportez ici le
drapeau rouge. > Sur une seconde sommation sans eff'et,
le maire requiert aussitôt M. deSaint-Ferréol, comman-
dant de la garde nationale. Un détachement de cinquante
hommes eut raison de ces séditieux, qui en gardèrent
rancune. Ils essayèrent d'ameuter le peuple, en répan-
dant le bruit que le maire voulait rétablir le droit de pi-
quet et les droits féodaux. « Soyez sans crainte, fait dire
le maire le 26 juillet, de pareils bruits n'ont pour objet que
de vous égarer. Nous nous occupons d'en connaître les
auteurs pour les livrer à toute la sévérité de la loi. Nous
80 CHAPITRE PREMIER
avons fait détruire la roue qui servait au poids de la
farine, et nous destinons le local à un corps de garde. >
Le même jour, à Grasse, après la solenniié du matin,
tandis que dans la soirée le peuple fêtait, dit le procèâ-
verbal, l'anniversaire de la prise de la Bastille, et que le
conseil municipal assemblé s'occupait de faire rentrer au
domaine communal les biens usurpés, une bande plus
exaltée qu'à l'ordinaire se dirige vers la maison du sieur
Théas, maréchal de camp, et profère des cris menaçants ;
puis elle va vers le jardin du sieur de Ponte vès qu'elle dé-
vaste. Le maire, M. Girard, cadet, averti et les officiers
municipaux ceignent leur écharpe, et arrivés au lieu de la
sédition, ils sont accueillis par des huées. La garde na-
tionale et la troupe sont requises, le maire fait déployer
le drapeau rouge, des membres du directoire se joignent
aux officiers municipaux et les émeutiers finissent par
rentrer en ville. On pensait avoir obtenu le calme, quand
vers 9 heures du soir, les plus audacieux, en grand nom-
bre, retournent vers le même jardin, forcent le corps de
garde occupé par vingt-cinq hommes, et achèvent d'abattre
les murs et le pavillon. Les troupes, lancées au pas de char-
ge, dispersèrent le rassemblement, quand il n'y avait plus
rien à démolir. M. de la Chapelle, qui commandait le dé-
tachement du 28'°*' en garnison à Grasse envoya son rap-
port au ministre de la guerre. Toutes les administrations
en écrivirent à leurs chefs respectifs. Mais que faire ?
Le 25 juillet c'est Tourrette, la Gaude et Saint-Jeannet
qui en veulent aux propriétés de leur ancien seigneur, le
manjuis de Villeneuve. Les Tourretins, les plus osés,
courent pille;^ la propriété du Caire, et ils arrivaient en-
suite sur le château du pays même, où ils commettiûent
mille excès. Le 30, cinquante hommes des chasseurs des
Ardennes étaient envoyés d'Antibes pour tenir garnison
dans ce village.
Cagnes alla encore plus loin. Un certain François
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 81
Isnard, ancien valet du marquis de Grimaldi, menait les
insurgés. Us ne voulaient pas du sieur Gairaud, comme
juge de paix (25 juillet). Mais le 31, ils pénétrèrent dans
l'église paroissiale, en vociférant, arrachèrent les bancs
et les chaises du sieur de Grimaldi, les entassèrent sur la
place et y mirent le feu, en faisant la farandole. Ils vin-
rent ensuite, tambour en tête, à la mairie, et forcèrent le
maire, M. Latty, de les suivre, ainsi que les conseillers
municipaux. Ils continuèrent la farandole dans tout le
pays, obligeant en passant citoyens et citoyennes démar-
cher avec eux. Quand on fut sur la place du château, ils
dirent qu'il fallait abattre les merlettes et les créneaux
du château. M. Latty leur représente qu'il vaut mieux
envoyer un exploit au sieur Grimaldi pour qu'il ait à les
démolir lui-même.
La foule semble accueillir cette motion, on se disperse
mais une heure après, les émeutiers se ravisent, vont de
nouveau chercher le maire, et l'amenant vers la porte
basse du château, ils le forcent de donner un coup de pied
à la porte, puis ils lui disent de s'en aller. Ils se mettent
alors à l'œuvre à coup de hache, enfoncent la porte, bri-
sent ce qu'ils rencontrent dans les appartements, tandis
que d'autres gagnent le toit et abattent créneaux et
merlettes.
A quelques jours de là ,ils s'assemblent devant la maison
commune, en demandant qu'on fasse comparaître devant
le conseil tous les débiteurs de la commune. Le maire
promet de s'en occuper activement ; cinquante hommes de
gardes nationaux se tiennent sous les armes, nuit et jour.
Le 7 août, les émeutiers, toujours conduits par François
Isnard, se mettent à hurler : A la lanterne, à la lanterne
les débiteurs de la commune ! Le maire sort de la mairie,
et les assure qu'on doit agir incessamment contre eux par
les voies de la justice. Le 15 août, fête du pays, après la
procession généi*ale, le sieur Isnard, au milieu de ses
6
82 CHAPITRE PREMIER
affidés, insulte la municipalité publiquement : < Voyez
donc cette bande de Cartouches, crie-t-il ; ils sont de
connivence avec les débiteurs de la commune. Faites
donc justice, M. le maire. Et puis nous voulons le vin
à six sous le pot, entendez-vous, ou nous verrons. »
M. Latty s'avance vers le peuple et gardant son sang-
froid : < Que voulez-vous? — Isnard répondit : Nous
saurons vous le dire. Maintenant le peuple délibère. >
Les officiers municipaux rentrèrent dans la salle du conseil
m
et au bout d'une heure, une députation se présenta et
remit au maire une pétition écrite dans laquelle on de-
mandait une prompte justice des débiteurs et )e vin à six
sous le pot.
Un exprès accourut de Gréolières à Saint-Paul, dire que
la vie du sieur Mallet et des officiers municipaux était en
danger. Le 31 juillet, Pierre Claude Mallet, procureur de
la commune de Gréolières s*étant rendu à Téglise parois-
siale pour obliger le curé de lire au prône les décrets de
l'Assemblée nationale , celui-ci s'y étant refusé, maître
Mallet se plaça au banc municipal. Bientôt un certain
nombre d'individus marchent sur lui, l'arrachent dubanc^
et léchassent à coups de pied et de poing de l'église. Ils le
poursuivent jusque sur le chemin de Saint-Paul par où il
fuyait, le ramènent en le frappant, en l'outrageant, et
l'emprisonnent. Le lendemain ils continuent l'émeute. Ils
maltraitent le fils Ravel partisan de Mallet, et le mena-
cent de la potence. Le maire n'ose se montrer, la garde
nationale n'est pas même convoquée. Le district de Saint-
Paul, après avoir fait dresser un rapport, révoque les offi-
ciers municipaux de GréoUères.
Et Vence, le 15 août ! Plusieurs Vençois, comme de
coutume, étaient allés au romérage de Sainte-Claire à
Saint-Paul, le 12 août. Étant entrés dans l'auberge du
sieur Bernard, arrivèrent quelques Saint-Paulois, qui
s'attablèrent à côté d'eux, quand l'un des Saint-Paulois,
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 83
poussé par quelque mauvais esprit, lança du côté des Ven-
çois un gobelet qui heureusement frappa la muraille. Les
Vençois demandèrent raison d'un pareil procédé ; les
autres, n'écoutant rien, forcèrent les Vençois de déguerpir
de la salle, et fortifiés d'un grand rassemblement, et
même de la parole du sieur Achard, officier municipal,
poursuivirent les fugitifs à coups de pierre, bien loin sur
la route de Vence. Ni maire, ni garde nationale ne bou-
gèrent. Le lendemain, le 13 août, le sieur Hyacinthe
Mougins, président du directoire de Saint-Paul, étant allé,
dit-il, pour affaire à Vence chez 1(3 notaire Blacas, devint
un objet de curiosité pour le pays, où l'on s'entretenait de
l'affaire de la veille. Chabert l'aîné, dit le Gai, se mit à
dire à Pierre Broc, à Jean Savournin, fils du maire, et à
l'autre Savournin, fils cadet du commandant de la garde
nationale : < Il ne faut pas qu'il sorte vivant d'ici.... Nous
allons le pendre, nous allons l'assommer. > Le peuple s'était
attroupé. Quand il sortit, ces individus continuèrent de le
suivre en le provoquant ; et Mougins se retournant vers
eux leur dit : < Je m'aperçois que vous êtes à mes trous-
ses. Avez-vous quelque chose à médire? Expliquez- vous,
je vous donnerai satisfaction, si c'est possible. > Là-dessus
Chabert s'approche et lui donne un soufflet, si fort que la
joue enfle immédiatement. Le sieur Guérin, receveur de
l'enregistrement, s'interpose alors et recueille chez lui
Mougins, tandis que les sieurs Isnard et Reynard essayent
de calmer l'effervescence. Guérin laissa échapper le Saint-
Paulois par une porte donnant sur la campagne. Le 14, une
bande de Vençois s'en alla saccager la campagne de Saint-
Paul. La garde nationale de Saint-Paul prit les armes
pour les repousser, et cinq parlementaires se rendirent à
Vence ; c'était Esprit Mougins, Etienne Borrelly, Jean
Raybaud, Élie Baudoin et Pierre Bompart. La populace
courut à la mairie et, s'emparant des armes, cerna les cinq
parlementaires, en blessa un à coups de baïonnettes.
84 CHAPITRE PREMIER
frappa les autres à coups de sabre, et proféra des cris de
mort. Le maire et les officiers municipaux, revêtus de
leurs écharpes sommèrent le peuple de cesser toute agres-
sion au nom de la loi, et ordonnèrent à la garde nationale
de mettre l'ordre. Ils firent demander la force armée à
Antibes, à Grasse, à Tourrette-Vence où était toujours la
compagnie des chasseurs des Ardennes.Cependant on avait
constitué les Saint-Paulois prisonniers à la mairie, sous
la sauvegarde de la loi. Vingt-cinq hommes du régiment
des Ardennes ne tardèrent pas à venir. Le lendemain 16,
M. Rancé, membre du directoire de Grasse, arrivait avec
soixante hommes du 28® régiment, informait sur cette
triste affaire, et emmenait à Grasse nos cinq Paulois qui
furent, comme de juste, élargis. Depuis ce moment, le
Conseil municipal de Vence ne cesse de demander de la
garnison ; Saint-Paul veut deux brigades de gendarmerie,
une à pied et l'autre à cheval.
Dans la nuit du 13 au 14 août, neuf officiers du régiment
de Vexin (72®) désertent avec armes et bagages de Monaco
à Nice. Le lendemain, vingt hommes suivent encore. Les
membres du district de Saint-Paul avisent en ces termes
Antibes, Grasse et Vence : * Nous venons d'être informés
qu'il est arrivé à Nice des soldats du régiment de Vexin en
garnison à Monaco ; que les détachements de ces divers
régiments en garnison à Grasse et à Vence, ont formé le
projet de les rejoindre à Nice, ainsi que les chasseurs des
Ardennes qui tiennent garnison à Antibes. Veillez. Le
consul Leseurre engage Antibes à veiller sur sa garnison.
Le 20 août, on informe le directoire de Saint-Paul que
les gens de Canaux viennent d'assommer Jean-Baptiste
Guitîhard, qui était allé à ce pays pour faire sa récolte.
Le 24 août, à dix heures du soir, Mougins était en pleine
insurrection à propos des élections.
On réclamait partout de la troupe : < La licence est
montée à son comble, écrivait le maire de Vence au
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 85
directoire de Toulon, à tel point qu'on est à la veille des
massacres et du brigandage. Des gens qui n'ont rien à
perdre s'attroupent à la moindre occasion. La garde
nationale est impuissante : les villages voisins sont en
effervescence, les perturbateurs s'enhardissent par l'im-
punité. Entre Vence et Saint-Paul il y a une inimitié im-
placable. Les malveillants sont en grand nombre. Ajoutez
à cela le germe de divison qui existe entre les honnêtes
gens au sujet des opinions religieuses. Les esprits sont
aigris de part et d'autre, et la prudence exige de ne pas
se servir même de la garde nationale. Une partie des
administrateurs veut donner sa démission, si l'on n'en-
voie pas de la force armée. Nous craignons des troubles
pour la Saint-Véran (10 septembre). >
Le directoire de Toulon répondra le 14 septembre, que
le 2"« bataillon du Var esten marche sur Vence, avec la
moitié du 6* bataillon de chasseurs. Le 3"°® bataillon sera
cantonné à Cannes. Le sieur Sanglier renoncera à son
grade de major du Fort-Carré pour prendre le comman-
dement du 2® bataillon, ayant le sieur Gazan de Grasse
pour adjudant-colonel. Ce bataillon arrivait à Vence le 21
septembre au nombre de 576 hommes et était logé dans
l'ancien séminaire.
La garde nationale de Saint-Laurent veillait au pas-
sage du pont du Var. Le 17 août, elle avait arrêté un
prêtre portugais qui venait de Nice en France, porteur
d'un mandement de l'évêque de Toulon pour la publica-
tion des brefs du Pape , le tout adresé aux fidèles du
diocèse de Toulon.
Le 26 août, on saisit une lettre du sieur des Granges,
officier au 7« régiment, qui écrivait aux troupes de Monaco
de déserter .
Le 27 août, Leseurre avertit les directoires de Grasse
et de Saint-Paul qu'il a paru un nouveau bref du Pape,
condamnant les décrets de l'Assemblée nationale relatifis
86 CHAPITRE PREMIER
au clergé. < Les réfugiés l'ont traduit, et comme l'autorité
a défendu de l'imprimer à Nice, ils l'ont porté à Monaco,
où la presse est à leur dévotion. Ils en font déjà circuler
des milliers d'exemplaires. Veillez à ce qu'il ne s'en in-
troduise pas en France. >
L'Assemblée constituante avant de se séparer donne
la Constitution. Une grande fête se fait à Grasse le 21
septembre pour la proclamation de la Constitution accep-
tée par le roi le 12. On sonne toutes les cloches, on tire
les boîtes ; la municipalité précédée de tous les tambours
et au son des trompettes lit cette constitution dans toutes
les places et à tous les carrefours. Le 25 septembre tous
les corps administratifs se rendent à la messe et au Te
Detcm d'action de Grâces. Vence célèbre aussi par un
feu de joie et par un Te Deum^ à l'issue des vêpres, le 23
septembre, la sanction donnée par le roi à la Constitution.
La revue se fait sur la place Saint-Michel.
Quel chemin a déjà parcouru la Révolution ! Quel en-
fantement laborieux que cette Constitution ! Seulement
on peut reprocher à l'Assemblée nationale, d'avoir outre-
passé ses droits en violentant la conscience du clergé par
un serment anticatholique. Une seconde faute, c'est
d'avoir trop abaissé l'autorité royale. Quand la royauté
reparaît au peuple, le 2 octobre^ elle ressemble, ayant
encore la majesté de moins, à ces derniers rois de la race
mérovingienne qu'un maire du Palais montrait ou retirait
à son gré. Enfin une troisième faute. Les membres de la
première Assemblée nationale décrétèrent qu'aucun
d'eux ne pouvait être réélu à la seconde. Nous aurons
donc tous hommes nouveaux, la plupart très-jeunes, et
ne s'inspirant pas assez de l'esprit de leurs devanciers,
mais pourtant décidés à ne pas reculer d'un pas. Les théo-
ries de Condorcet remplacent celles de l'abbé Sieyès de
Fréjus. Danton siège à la plfice de Mirabeau. Obligés de
lutter contre la guerre intérieure et extérieure, contre la
ASSEMBLÉE CONSTITUANTE (1791) 87
dévastation des colonies, le système des confiscations, on
léguera mille embarras à la Convention avec les premiers
fruits d'un régime de terreur qui couvrira la France d'é-
chafauds et de proscriptions.
L'attitude des nations étrangères devient menaçante.
On savait déjà que l'empereur Léopold, dans sa déclara-
tion datée de Pavie, s'entendait avec d'autres États pour
intervenir contre la France (18 mai) ; que dans une lettre
datée de Padoue, il invitait les puissances à s'unir à lui
pour déclarer qu'ils considéraient la cause de Louis XVI
comme la leur, que le 25 juillet les cours de Vienne et de
Berlin avaient fait une alliance défensive , et ({u'elles
l'avaient signée à Pilnitz le 27 août. La formation des
bataillons de volontaires coïncide précisément avec l'épo-
que de la convention de Pilnitz. Toute notre contrée se
met en armes, et pour longtemps.
CHAPITRE IL
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1791-1792.)
I. — LE REPRESENTANT ISNARD.
)EUX hommes représentent la fougue juvénile de la
(5^ majorité de la seconde Assemblée nationale ou législa-
tive, Danton, le chef des Jacobins, et Isnard Maximin de
Grasse, appelé le Danton des Girondins. Il était dans toute
la force de l'âge, 36 ans. Dans un discours qu'il prononça
à l'Assemblée de Toulon, en janvier 1789, il annonçait
déjà la Révolution dans toutes ses phases, ce qui avait
attiré les yeux sur lui. La résistance du clergé, l'émigra-
tion de la noblesse le mettaient hors de lui. Il plaçait la loi
d'État au-dessus de tout, de la religion, de l'Église elle-
même, et quiconque ne lui obéissait pas était selon lui
traître à la patrie, hors la loi, et par conséquent devait
être mis à mort ou exilé. Aussi, dit son biographe, la
Révolution n'a pas eu, à la chambre, d'homme plus violent
que lui.
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1791-1792) 89
Le 31 octobre, en répondant à Condorcet, il dira qu'il
faut appeler au plus tôt sur la tête des coupables le glaive
des lois. < Je demande à cette Assemblée s'il est quelqu'un
qui de bonne foi, et en conscience, pense que nous pre-
nions en compassion un conspirateur contre la patrie, s'il
est quelqu'un qui veuille soutenir que tout conspirateur
ne doive pas être accusé, poursuivi et puni. S'il en est,
qu'il se lève et qu'il réponde. Si l'on ne punit pas les rebel-
les, c'est parce qu'ils sont princes (on applaudit), et quoi-
que nous ayons détruit la noblesse et les dignités, ces
vains fantômes épouvantent encore les âmes pusillani-
mes.... Il est temps que ce grand niveau que l'on a placé
sur la France libre prenne enfin son aplomb.... >
Il dira : La colère du peuple, comme celle de Dieu , n'est
souvent que le supplément terrible du silence des lois....
Il rappelle Rome sauvée par Manlius, < mais plus tard
Rome précipite Manlius de ce même Capitole, parce qu'il
est soupçonné de tyrannie. Voilà un peuple digne d'être
libre. Nous, le sommes-nous ? > Et il ÎGait rendre le décret
contre les émigrés, princes jou non.
Le 6 novembre, il parle contre les prêtres refractaires
et perturbateurs : < Est-il prudent d'avoir de l'indulgence
pour ceux qui, avec les torches du fanatisme, incendient
tout le royaume. Il est temps que tiare, diadèmes, encen-
soirs le cèdent enfin au sceptre des lois. >
Et le 1 1 novembre : < Lorsque les premiers coupables
auront porté la tête sur l'échafaud, vous verrez tous les
autres mordre en frémissant les freins de la loi et s'y
assujettir. > (On applaudit.)
Le 14 novembre, il demande l'exil pour tout prêtre
réfractaire : < Le prêtre, dit Montesquieu, prend l'homme
au berceau et l'accompagne jusqu'au tombeau, donc il
n'est pas étonnant qu'il ait tant de puissance. D'après ce
principe, nous- devons faire une loi contre le prêtre qui
sous prétexte de religion trouble l'ordre public... Ne
90 CHAPITRE U
voyez -VOUS pas qu'il faut le séparer du peuple qu'il égare.
Il faut renvoyer ces pestiférés aux lazarets de Rome et de
ritalie.{Oii applaudit.) La tranquillité publique est partout
troublée par rintluenee des prêtres.... Le prêtre, en géné-
ral, est aussi lâche que vindicatif. (Applaudissements.)
Les foudres de Rome s'éteindront sur le bouclier de la
République, f Applaudissements.) Il faut que vous les vain-
quiez ou que vous soyez vaincus par eux. ... >
On vote à Tunanimité Timpression-de son discours..
Le 14 novembre : < La Religion est un instrument avec
lequel on peut faire beaucoup plus de mal qu'avec les
armes. Aussi doit-on traiter plus sévèrement ceux qui
s'en servent contre la loi. La loi, voilà mon Dieu, je n'en
connais point d'autre. >
Enfin, le 18 novembre, après le discours d'Isnard, le
prêtrophobe Duhen s'écria à la tribune : < Il est d'un bon
procédé d'ôter du milieu du peuple ces loups destructeurs. >
Tel est notre député Isnard à la tribune, en 1791 : < 11
faut continuer la Révolution, dit-il, point de trêve... >
Quelques têtes exaltées de notre contrée essayèrent de
monter à ce diapason. Dans la fête qui se célébrera encore
le 23 octobre, à Grasse, et le 30 à Vence, par décret de
l'Assemblée pour le serment à la Constitution, on prononça
partout, à Grasse, des discours patriotiques. Le 20 novem-
bre, à Toccasion de l'installation de la nouvelle administra-
tion de Vence, le chirurgien Gourmette, oflScier municipal
de Vence, louera les bonnes intentions des administrateurs,
mais il les trouvera trop modérés. Le citoyen Gliabert, un
des ardents présidents du club patriotique, dit aux nou-
veaux officiers municipaux, qu'il est persuadé que la jus-
tice et l'humanité seront les guides de leurs travaux, la
justice pour faire rentrer les méchants dans le devoir, et
l'humanité pour adoucir le sort de la classe indigente.
€ La crainte de vous faire des ennemis, la mort même ne
doivent pas vous intimider. Marchez, la loi d'une main, et
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1791-1792) 91
le glaive de la justice de l'autre. Nous sommes prêts à
VOUS défendre jusqu'à la mort. Il faut faire respecter la
loi, même aux tyrans de notre liberté. >
Il fait une digression sur les infortunés de l'ancien
régime qui gémissaient sous le joug du despotisme des
nobles. Le maire sortant déclare que le poste est difficile
dans les circonstances actuelles : < Prévenons les désor-
dres que le manque de blé pourrait occasionner, gardons-
nous d'inquiéter personne pour ses opinions politiques. >
Le nouveau maire, Jean Savournin, craint les malveil-
lants : < Des ennemis, qui n'en a pas ? s'écrie-t-il en sou-
pirant. Au moins ne méjugez pas sans m'avoir entendu.
Vous me trouverez toujours animé des sentiments les plus
purs et fidèle à cette Constitution sainte, bonheur de la
France, fidèle serviteur d'un roi qui mérite par sa rare
bonté d'être appelé le père des Français. > Il termine en
se mettant au service du peuple qui a été assez opprimé
pour ne l'être plus ; il sent tout le prix de la liberté, et il
souhaite que pour notre bonheur nous sachions en res-
pecter les bornes.
Cette petite ville avait maille à partir avec les volon-
taires du Var, troupe indisciplinée que le colonel Sanglier
ne pouvait pas contenir. Les assignats qui avaient perdu
de leur valeur et que les habitants refusaient de recevoir
en paiement, amenaient des collisions entre les soldats et
les habitants. Ordre était donné aux Vençois de les ac-
cepter en paiement sous peine de 30 francs d'amende.
Une partie du peuple, qui fréquentait le club patrio-
tique était affolé. Après le feu de joie et la farandole du
30 octobre, il se mit à proférer des cris de mort contre
les aristocrates. La vie du notaire Blacas fut même me-
nacée. Onétabhtun poste à sa maison pour le protéger.
La division ne cessa pas sous le nouveau maire qui donna
sa démission le 17 décembre pour être remplacé provi-
soirement par CoumiettCj nuance Isnard.
92 CHAPITRE II
II. — DÉFECTIONS DANS l' ARMÉE.
La garnison de Monaco écrivait à celle d'Antibes :
€ Notre attachement pour la ville d'Antibes nous a suivis
jusqu'ici. Nous apprenons avec plaisir de M. Masséna que
nous vous devons encore plus pour la manière honnête
avec laquelle vous avez repoussé les bruits répandus con-
tre nous. > Pourtant M. Leseurre s'exprimait ainsi dans
sa correspondance avec le maire d'Antibes : « Il est certain
que les officiers du royal Vexin et du régiment des Ar-
dennes, réfugiés à Nice, cherchent à former un régiment.
La déclaration de Pilnitz accroît leur audace. Ils comp-
tent sur le 72* d'Antibes. Soyez vigilants. Les gouver-
neurs sardes sont mécontents à Nice et à Turin de toutes
ces manœuvres. M. de la Planargia a même signifié aux
réfugiés de ne pas embaucher de soldats. Les officiers
émigrés ont l'ordre de quitter Nice sous deux jours ( 7 oc-
tobre). Une partie s'en est allée déjà à Coni sous la con-
duite d'un détachement de la garnison de Nice pour les
mener à la frontière suisse. Le 17 octobre M. de la Planar-
gia tient bon. Le reste des officiers émigrés a quitté Nice.
Le gouverneur de Milan n'en veut passur ses terres. Le 10
novembre : Trois émigrés sont allés à Monaco le 5 pour
corrompre la garnison afin qu'ils leur livrent la place. Le
10 décembre, les officiers du 72*°® écrivent au maire
d'Antibes : « Les émigrés continuent de faire des rassem-
blements de troupes pour renverser la Constitution.
Veillez sur votre ville. Une armée se forme à Sospel pour
envahir le Var, en même temps qu'une autre armée
opérera sur le Rhin et dans les Pays-Bas. — Signé :
Pouilly, Dumerlion, Désaugiers. — Leseurre dément ces
bruiis exagérés le 19 décembre. « Tout se borne à en-
voyer de Nice une compagnie de soldats sardes à Puget-
Théniers pour rassurer ce canton, où trois cents de nos
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1791-1792) 93
gardes nationaux ont jeté l'alarme. Il n'y a ni enrôle-
ment de soldats à Nice, ni de rassemblement de troupes à
Sospel. >
Le gouverneur français n'en prenait pas moins ses
mesures : cent quarante mille hommes divisés en trois
corps d'armée sous les ordres de Rochambeau, Lokner et
La Fayette garnissaient la frontière de Dunkerque à Baie ;
et un 4""® corps d'armée, commandé par Montesquieu, eut
les Alpes à observer. Il fallait de l'argent et de l'artillerie.
Un décret de l'Assemblée ordonna de diriger vers la mon-
naie l'argenterie des églises supprimées et de ne garder
que le strict nécessaire pour le culte paroissial. On ne con-
servera qu'une cloche, et les autres seront envoyées aux
fonderies. Chaque commun fera exécuter les décrets de
l'Assemblée législative, sous peine d'être dénoncé comme
ennemi de la patrie (22 décembre 1791). Chez nous, cali-
ces, ostensoirs, reliquaires, ciboires, encensoirs, bustes
des saints, objets d'art, tout s'accumule à Grasse pour un
premier envoi.
Le 15 décembre Chàteauneuf avait sa petite sédition. La
vie de plusieurs personnes était en danger. La troupe y
accourait de Grasse. Quelques jours après, le procureur de
la commune de Gattières conjura le directoire de Saint-
Paul de rendre le calme au pays. < Certains ecclésiasti-
ques antipatriotiques font de nuit et de jour des rassemble-
ments pour faire naître des désolations (sic) et révolutions
les plus aflFreuses. Ils répandent parmi les ignorants et
parmi les femmes que les lois que nous professons n'ont
qu'un modèle schismatique {sic) . Us donnent les eaux baptis-
males dans les maisons, en profanation de notre légitime
curé. Si le district ne prend pas notre parti, nous nous ver-
rons [sic) expulsés de notre paroisse, il y aura la guerre de
riiomme contre sa femme, du père contre ses enfants et
filles, du frère contre sa sœur; et de cette façon iia de
celui qui aura le plus de force. >
94 CHAPITRE II
1792
III. — TERRIBLE ANNÉE !
Elle s'ouvre chez nous avec la plus grande difficulté
pour se procurer du blé. L'argent manque ; on a recours
aux emprunts presque forcés. L'État lui-même, pour
armer contre l'ennemi, a besoin d'artillerie : envoyez les
cloches au fondeur. C'est alors que Barras, de Draguignan,
nommé commandant de placeà Antibes, presse le maire de
faire exécuter les décrets de l'Assemblée. M. Reille, pour
se mettre à la hauteur de son mandat, dit au Conseil mu-
nicipal : « 11 y a quatre cloches, la Nation a des besoins ;
votre patriotisme viendra à son secours et se débarrassera
d'une partie de ce faste religieux, fruit de la superstition
et de la pieuse crédulité de nos pères, et qui sans honorer
la divinité ne sert presque qu'à assourdir les voisins des
églises paroissiales. > Le Conseil ne trouva pas ce discours
de son goût, et prétendit garder les cloches, comme in-
dispensables au culte divin. Ce refus ne mérita pas une
bonne note à cette cité qui passait déjà pour trop royaliste
et catholique. Pourtant le 22 janvier ce qu'elle avait donné
d'argenterie partait pour les fonderies de Marseille.
Courmette deVence, dit-on, avec un mépris sacrilège,
en mettant dans les caisses les vases sacrés et les reli-
quaires, comme les bustes vénérés de saint Véran et de
saint Lambert, objets d'art qui n'entraient pas, c'est à coups
9
de pied qu'il les entassa. Il p'est que trop juste que l'Eglise
dans le danger de la patrie, offre ses vases d'or et d'argent.
Elle l'a fait dans tous les siècles. Mais en ces jours de bou-
leversement ces offrandes des municipalités prenaient un
caractère de violence et de sacrilège. On ne consultait
pas le vrai clergé, puisqu'il était sous le coup de la pro-
scription ; on le spoliait. Partirent aussi pour la monnaie
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 95
de Marseille, les beaux bustes de saint Honorât, de saint
Ayoul, de sainte Ursule et de saint Pierre que possédait
réglise de Grasse. L'État avait aussi, au milieu de tous
ces troublés, à lutter contre la misère publique. Les pau-
vres manquaient de pain et d'ouvrage. On avait ouvert
des ateliers de charité dans les principaux centres de po-
pulation, à Saint-Paul, à Grasse et Antibes.
IV. . — TROUBLES.
L'agitation ne discontinuait pas : Troichles à Saint-
Vallier, aux Mujouls, au Gars. Aux Mujouls le sieur
Jean-Honoré Don, garde-champêtre, avait signalé quel-
ques délits ; de plus il réclamait du Conseil municipal
le paiement de sa charge. Las de demander, il fit lancer
un exploit contre le maire, le 1®"^ février. Le sieur Féraud
André, maire, après la messe du 2 février, convoque au
son du tambour la garde nationale sur la place, et lui dit :
(lu'il s'agit de l'aider à saisir et à enfermer ce mauvais
sujetde Don. On se rend en marche à sa maison. Don, après
avoir essayé de fuir par la fenêtre, rentre dans la cham-
bre et apparaît à la fenêtre son fusil à la main. On enfonce
la porte, on casse le bras à sa femme qui veut le défendre.
Un certain François Bonhomme, aidé de cinq autres gar-
des nationaux, l'étreignent et le conduisent dans l'écurie
du voisin François Lions, ils rattachent à la crèche. Une
corde lui serre fortement les pieds, les mains et le milieu
du corps. Le pauvre homme se plaint. < Allons, tu es fait
pour souffrir >, lui crie-t-on. Il demande à parler au curé.
Le curé répond qu'il ne peut rien pour lui, que c'est un
mauvais drôle qui n'entend ni messe, ni vêpres. Il se
trouve mal, on lui donne de l'eau-de-vie pour le ranimer,
puis on le mène à la maison du maire, qui sert d'Hotel-
de-Vilîe, et là on l'enferme dans une cave. Ses parents
intercèdent inutilement. Des citoyens plus sages veulent
96 CHAPITELE U
qu'on le relâche. Le citoven maire« le jour de la fête de
sainte Agathe, conduit Don à l'église entre un peloton de
gardes nationaux, et après la messe, il l'oblige à deman-
der pardon à Dieu et aux hommes, agenouillé sur le seuil
de la porte et à payer six livres à Téglise. Le directoire de
Grasse, informé de cette inqualifiable conduite, ordonna de
mettre la main sur les principaux coupables, les sieurs
Féraud, Bonhomme, Lions et Chais, mais tous avaient
pris la fuite.
Au Bar, une bande considérable d'émeutiers se jette
dans la nuit du 25 février, sur le château seigneurial. Us
pénètrent par la porte du coté de Téglise, pillent les effeis^
saccagent les meubles. Ils continuent le 26 et le 27, et le 28
ils mettent le feu. Ils s'y représentent encore le 4 mai et
le 9. Le 12 mai, ils se révoltent contre le sieur Gaitte, nou-
veau juge de paix. Un certain Honoré-Joseph Jourdain
était le principal meneur. La garde nationale de Grasse
accourt et s'empare de quelques meneurs. Mais la fuf eur
du peuple ne connaissant plus de bornes, délivre les
prisonniers, se déchaîne une fois de plus sur le château.
Rien ne fut épargné, pas môme la lontaiiie que le dernier
seigneur avait construite à grands frais et qui donnait de
Texcellente eau au pays. Tout fut détruit, réservoirs et
co)iduits.
Le petit pays du Gars eut aussi ses mouvements séditieux.
Un sieur Jean Salamitte fils, passait pour Thomme d'af-
faires des seigneurs émigrés du Gars, Antoine de Flotte
d'Agout, Jean de Théas, Jean-Paul de Clapiers, marquis
de Cabris. On Taccusait de receler teaucoup d'effets d'émi-
grés. De plus, il n'avait pas voulu payer sa cotisation
pour les gardes nationaux venus de Grasse, à l'époque de
l'invasion qu'on craignait. Il avait dernièrement,disait-on,
porté de l'argent aux émigrés de Nice. Le 25 février, on
s'était déjà rassemblé pour le saisir. Le 2 mars, il y eut
une nouvelle émeute. Enfin, le 20 avril, le maire Jacques
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE 0792) 97
Bertrand et le curé OUivier eurent beaucoup de peine à le
protéger contrôla fureur du peuple . Il s'enfuit avec ses
partisans. Le 30, le juge de Séranon trouva chez lui des
effets de messieurs de Briançon et de Cabris, et l'on mit
en état d'arrestation le père, âgé de 75 ans, et sa femme.
Le l*' mai, Salamite, arrivé à Grasse, avait fait son rap-
port au directoire de Grasse. L'affaire suivit son cours.
On envoya à Gars un détachement de gardes nationaux
avec le sieur Sassy , membre du directoire de Grasse, pour
informer. Les agresseurs de la famille Salamite, le maire et
les officiers municipaux eux-mêmes décampèrent et l'on
nomma un nouveau Conseil municipal.
Le 10 avril enregistre une nouvelle sédition de Grasse.
Les officiers municipaux furent avertis par le club patrio-
tique qu'une société dite des artistes s'était formée dans la
ville, et qu'une collision venait d'éclater. La garde natio-
nale saisit les plus exaltés et les mit en état d'arrestation.
Le bruit se répandit en même temps parmi les patriotes
que certains citoyens avaient chez eux des dépôts d'armes
et des munitions ; que les Visitandines cachaient des prêtres
non assermentés. Les chefs de la bande étaient quatre
perruquiers, Pons Bertrand, J. Benoît, Argentery et
Charier ; les sieurs Chauve, Cresp fils, Cresp ecclésiasti-
que, dit le Garry, Courrin, Selvi, Mouton, Sauvaire,
l'avocat Alziary, l'ex-maire Jacques Girard. 11 fallut toute
l'énergie du 2' bataillon du 28®, et de la garde nationale
pour protéger les maisons Théas, et des Visitandines, les
plus soupçonnées. Les officiers municipaux firent des per-
quisitions et déclarèrent n'avoir rien trouvé. Le perru-
quier Charier prit au collet la sentinelle de l'hôpital,
rinsulta, et dégaina le sabre. M. Ricord occupait la mai-
rie. Le ministre Roland lui écrivit de Paris, le 19 avril :
€ J'apprends par votre lettre du 10, qu'un mouvement
qui pouvait troubler la tranquillité de votre ville y a été
presque aussitôt calmé qu'excité. On le doit au zèle et à
98 CHAPITRE n
l'active surveillance que la municipalité a su apporter
dans l'exercice de ses fonctions. Le roi partage vos sen-
timents de satisfaction. C'est vous dire que Sa Majesté
approuve ce que vous avez fait, et qu'elle compte tou-
jours sur votre exactitude à m'informer de ce qui pourra
survenir de nouveau, tant à Grasse que dans les autres
lieux de votre district. >
Les prêtres, dits réfractaires, étaient de plus en plus
surveillés ; on avait l'œil sur ce que l'on appelait les
menées du Vatican. Par exemple, au mois d'avril, le pro-
cureur de la commune de Vence dénonçait au directoire
de Grasse, un nouveau mandement de l'évêque de Vence,
pour la publication des lettres commonitoires du Pape, du
13 avril 1791 et du 19 mars 1792, et les deux autres lettres
du 10 juin et du 25 août 1791, par lesquelles il déclarait
excommuniés les prêtres assermentés, Bellissime, de
Gagnes, Chabert, de Gattières, Audibert, de Gréolières,
Baussy, Trastour,de Saint-Paul, Girard, de la Colle, Abou
et Augier, de Vence, Florès, de Saint-Paul, Lautier, de
Gourmes, Ollivier et Roustan, de Saint-Jeannet. Il y avait
encore deux mandements de Monseigneur Pisani, en date
de Rome, 15 avril 1792.
On comprendra sans peine que le clergé, dit constitu-
tionnel, n'avait aucune influence sur les populations, car
les plus patriotes n'ignoraient pas qu'il avait manqué
à ses devoirs les plus sacrés. L'évêque Jean -Joseph
Rigouard avait beau jouer le rôle d'un apôtre et d'un
ministre dévoué à l'Église. Pour se rendre populaire, U
défendait le 26 janvier, d'exiger le casuel ; chacun offrait
librement ce qu'il voulait.
Le 11 février, il ordonnait des prières par la santé
de N. S. Père le Pape. U nommait à Vence l'abbé Pons pour
son grand vicaire, et il voulait lui-même, à la demande
des Vençois, hénïv le drapeau du 2« bataillon du Var. La
municipalité de Vence se fait autoriser par le directoire
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 99
du district à donner un repas à cet évêque vertueux et
patriote. Elle le reçoit, le 13 mars, en grande solennité ;
et le 14 avril, on procède à la bénédiction du drapeau.
€ Braves camarades, officiers, sous-officiers et volontai-
res, dit le commandant Sanglier, voici votre drapeau
conforme à la loi, le présent de l'Autorité exécutoire
suprême ; il vous assimile aux vieilles bandes qui sous des
chefs intrépides agrandissaient jadis la monarchie. Les
temps sont bien changés. Ce n'est plus un empire qu'il
s'agit d'étendre, c'est la France, c'est votre pays qu'il faut
préserver d'une seconde oppression des tyrans. A peine
était-elle menacée, que chacun de vous sentit ranimer
son courage, tous vous jurâtes d'être libres, et ce noble
enthousiasme a produit le corps que vous formez. Cœurs
généreux, combien j'aime à présager vos gloires! (Mas-
séna était là ! ! !) Il vous manquait le signal auquel se
rallient les guerriers, vous l'obtenez intact, pur, comm^
le Pontife sacré qui vient d'en faire la bénédiction
orthodoxe. Sous cette enseigne agréable à l'Éternel, vous
serez toujours invincibles. Nul ennemi ne pourra vous la
ravir. 0 le beau jour que celui-ci, qui voit la piété faire
cause commune avec les armes pour le soutien du plus bel
édifice du monde. L'époque en sera marquée dans les
fastes municipaux de cette cité. » Il fait encore des vœux
pour que cet étendard flotte au rang qui l'attend dans
les phalanges. < Mon désir est de l'arborer à votre tête sur
lerempart delà Constitution, quand les perfides qui la
minent, abattus et découragés , auront confessé leur
néant. » La fête se termine par un banquet auquel assiste
Rigouard. L'évêque baptisa lui-même les enfants nou-
veaux-nés, et il alla, le 16, recevoir une ovation à Saint-
Paul.
Le 12 mars on dénonçait au district de Grasse le régi-
ment d'Ernest, en garnison à Lorgnes, d'être en corres^
pondance avec les émigrés de Nice.
100 CHAPITRE II
Le 20 avril, quelques troubles éclatent à Antibes. On
met en ordre de bataille le 72® régiment.
A Vence, on se plaignait beaucoup de Tinsubordina-
tion des volontaires du Var, et Ton demandait à M. Théo-
dore Guérin, du directoire de Toulon, de vouloir bien en
débarrasser la ville. On dénonça aussi le commissaire des
vivres, Eyssautier, comme concussionnaire. Les faran-
doles du carnaval avaient amené quelques troubles.Main-
tenant la guerre extérieure fera diversion aux discordes
civiles.
V. — PRÉPARATIFS DE LA GUERRE SUR LA RIVE DROFTH
DU VAR.
Le 27 avril, le consul Leseurre écrivit au directoire de
Grasse : « Vous avez probablement appris Tétrange ac-
cueil fait le 18 avril par le gouverneur d'Alexandrie à
M. de Senon ville, nommé par le roi aux légations réunies
de Turin, Gênes et qui se rendait à Turin pour y pré-
senter ses lettres de créance. Sous prétexte qu'il était sans
passe-port, il reçut l'ordre de rebrousser chemin. Je n'ai
pas besoin de m'étendre sur la gravité de cette circon-
stance. Tout prend ici, depuis, une apparence vraiment
guerrière. Les rassemblements de troupes sont portés à
quinze mille hommes. On nous annonce déjà les corps
supplémentaires, régiment des gardes, deux bataillons du
régiment provincial de Mondovi. 11 est question de l'arri-
vée prochaine de trois à quatre cents hommes de cavale-
rie. On parle pour général en chef de M. le comte Saint-
André, ci-devant commandant de Nice, et vice-roi de
Sardaigne, et du marquis de Condon, l'ex-ambassadeur de
Paris. On va envoyer de Turin à Nice des pièces de cam-
pagne et renforcer l'artillerie de Coni. On travaille avec
î^aucoup d'ardeur dans la capitale. »
11 n'y avait rien d'étonnant que le roi de Sardaigne
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 101
se mît sur la défensive. Est-ce que la guerre ne venait pas
d'être déclarée le 20 avril par la France à l'empereur
d'Autriche ? N'avions-nous pas déjà des troupes sur la
rive du Var ; le 5 avril, le 72® régiment faisait étape à
Séranon, et arrivait à Antibes renfoncer la garnison.
Nous nous gardions depuis longtemps contre l'armée
des vingt mille émigrés qui depuis le mois de février était
toute prête à nous envahir du côté de Nice. Le jour même
où le consul Leseurre écrivait cette lettre, nos troupes
entraient en campagne.
Le 27 avril, trois corps d'armée étendaient leurs lignes
de Dunkerque à Bâle sous les ordres des généraux
Rochambeau et Lafajette. Un 4® corps, dit armée des
Alpes et du Midi, était commandé par le général Montes-
quieu; le général de brigade Charton fut chargé, sous
ses ordres, du département du Var, et des premières opé-
rations militaires sur la frontière du Var. < Des armes,
des armes, écrit la municipalitéde Vence, le29avril. Si
l'ennemi s'avise de mettre le pied sur la terre sacrée de la
liberté, nous lui apprendrons ce que peut le patriotisme
armé des huit cents gardes nationaux de Vence. »
Masséna était capitaine instructeur dans le 2* bataillon
du Var, cantonné à Vence. Depuis son mariage à Antibes,
il vivait chez son beau-père, sans occupation. Il avait ac-
cepté dans la garde nationale d' Antibes l'emploi de capitaine
instructeur, et lorsque fut organisé le 2* bataillon du
Var à Vence, comme les charges étaient à l'élection, on
jeta les yeux sur lui et on envoya lui demander s'il vou-
drait bien faire l'honneur aux volontaires du Var d'être
leur capitaine instructeur.
On le trouva revenant de cultiver son jardin . Il consentit,
et monta à Vence. Les anciens nous disent l'avoir vu
sur la place Saint-Michel exercer ses hommes avec le
talent qu'on lui connaissait. Il était chéri et craint du
soldat. Aussi lorsque le lieutenant-colonel Gazan quitta
102 CHAPITRE II
le bataillon (1®' février) pour le 27® régiment d'infan-
terie , Masséna fut promu à sa place ; quelques mois
après , il succédera au commandant Sanglier , démis-
sionnaire.
Le général Charton , maréchal de camp , tient son
quartier général tantôt à Antibes, tantôt à Grasse. Mal-
heureusement il n'a ni approvisionnements, ni vivres, ni
argent, ni artillerie de campagne, et il dispose de bien
peu d'hommes. Il attend des ordres du ministre de la
guerre, du général Montesquieu. A Nice, l'agitation est
au comble. La ville regorge d'émigrés. Celui que la cour
de Turin eut dû envoyer était désigné par l'opinion gé-
nérale, le comte de Saint-André. Malheureusement on
choisit le vieux comte de Pinto, homme peureux et peu
entreprenant. Le crédit dont il jouissait à la cour le faisait
regarder comme le palladium du pays. M. de Courten,
major-général, remplaçait le marquis de la Planargia,
mais plus jeune que Pinto, il lui devait le respect et
l'obéissance comme chef d'état-major. Le comte Ober-
nann était commandant de place et le comte Trinquieri de
Venanson, intendant. De Pinto poussa avec ardeur lés
travaux de Montalban, de Villefranche et de Saint-Hos-
pice ; il garnit de redoutes la rive gauche du Var sur une
longueur de trois lieues. Les milices du comté s'organi-
sèrent partout. Celles de Nice furent commandées par
Grimaldi, de Orestis, Spinelli et Girard. Peu à peu l'eflFectif
des troupes réglées fut porté à dix mille hommes, mais il
n'y avait ni agression, ni déclaration de guerre de la part
du Piémont. C'est nous qui avions à reprocher à la cour
de Turin de donner asile aux réfugiés français et qui
voyions dans Turin, dans Chambéry et dans Nice des
foyers d'antipatriotes et de conspirateurs contre la Révo-
lution française. On signalait en France le mandement de
M*' Valperga à ses fidèles de Nice, dans lequel il déplorait
le schisme et la Révolution en France et ordonnait des
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 103
prières pour écarter les maux dont le pays était me-
nacé. D'ailleurs, le roi de Piémont n'était-il pas le beau-
frère de Louis XVI ?
VI. — LE GÉNÉRAL D* ANSELME.
Le 26 mai, d'Anselme était nommé pour commander
l'armée du Var. Noble Jacques-Melchior d'Anselme avait
reçu le jour à Apt le 22 juillet. Après de bonnes études
littéraires, il embrassa la carrière militaire et devint lieu-
tenant en 1761, major dans le régiment de Périgord en
1774, lieutenant-colonel en second dans le régiment de Sois-
sons en 1777, maréchal de camp en 1791 . Sa belle conduite
à Périgueux venait de fixer sur lui les yeux du ministre
de la guerre. Cinq compagnies du régiment de Vermandois
avaient fêté trop copieusement la fête de Pâques, et avinés
ils avaient parcouru les rues en chantant et en criant :
Vive la liberté ! Mort aux prêtres ! Mort aux aristocrates !
Plus que jamais, avec la guerre déclarée , on ne voyait
plus dans les prêtres et dans les nobles, surtout émigrés,
que des ennemis de la Patrie. Les discours d'Isnard et
autres portaient leurs fruits. Pendant la nuit, ces soldats
se mirent à briser les images saintes et les croix. Un groupe
pénétra dans le couvent des religieuses enseignantes,
lorsque d'Anselme courant au casernement : < Cet acte,
dit-il, déshonore notre armée et la sainte cause de la
liberté. Que ceux qui ont de l'honneur me suivent. Allons
imposer à ces misérables. » 11 entraîna avec lui la troupe
et tout rentra dans Tordre. — 11 n'arriva à Grasse que le
27 juin. C'est là qu'il fera enregistrer ses lettres minis-
térielles.
Le général Charton commençait à former un camp entre
Saint-Laurent et Cagnes ; il avait échelonné ses troupes
sur la ligne du Var, et établi un hôpital militaire à
Vence. Le 26 mai le 2^^ bataillon de Rhône et Loire, aux
104 CHAPITRE II
ordres du commandant Philippe-Christophe de Villemont
était en garnison à Tourrettes-Vence. Le 2"** bataillon
du Var n'avait pas quitté Vence ; à Cannes c'était le 3"®
bataillon. Antibes avait le régiment de la Vieille-marine.
Des détachements de troupes gardaient La Gaude et
Saint-Laurent-du-Var. Le 26 mai, des soldats du Rhin et
Loire ayant commis des désordres à Vence pour la fête
de saint Lambert furent consignés dans leur cantonne-
ment. H en fut de même, quelques jours après, du détache-
ment de la Gaude. Le 3 juin, trois cent sept volontaires
d'Entrevaux avaient poussé une reconnaissance jusqu'à
Puget-Théniers et pillé le territoire. M. de Courten s'en
plaignit au consul français à Nice, avec d'autant plus
d'amertume que les troupes de Savoie n'avaient nulle-
ment rintention d'attaquer. Le 12 juin, ce qui indisposa
encore les troupes françaises, ce fut la procession so-
lennelle qui se fit à Nice. On y comptait sept évêques
émigrés : Éléonore de Castellane, évêque de Toulon ;
Louis- André de Grimaldi, évêque de Noyon; Etienne-
François de Bausset, évêque de Fréjus ; Laurent-Michel
deCely, évêque d'Apt; les évêques de Saint-Claude, de
Senez et de Nevers. Ces sept évêques étaient escortés
de plus de six cents prêtres émigrés, d'un nombre infini de
religieux et de religieuses. Le comte de Colbert suivait
aussi le dais avec la foule des nobles émigrés.
Le 18 juin, Charton et Masséna partaient de Vence à la
tête de leur bataillon pour Entrevaux. Us furent remplacés
par le 11™* régiment aux ordres du lieutenant-colonel
Péloux. Le même jour, les volontaires de laDrôme quit-
taient aussi le Cannet.
Du Nord au Midi la guerre accroissait encore l'exas-
pération fiévreuse qui dévorait les patriotes, t Mort aux
prêtres ! aux aristocrates ! criait-on partout. L'Assemblée
législative avait interdit tout costume religieux. Les clubs
populaires trouvaient que Ton ne prenait pas des me-
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 105
sures assez répressives. A Toulon, on trouvait le direc-
toire trop modéré. Or , le 20 juin, dix membres du conseil
administratif étant sortis de leur salle des délibérations
pour apaiser le peuple et fraterniser avec lui, la populace
se saisit d'eux, et après les avoir abreuvés de coups et
d'insultes, les pendit aux réverbères. Parmi les victimes
nous avions MM. Gazan, Roubaud'et Debain, de Grasse ;
Manuel, de Gagnes, et Guérin, de Vence.
Jugez de la terreur qui se répandit chez nous : l'en-
nemi à la frontière et des assassins à l'intérieur ; et la re-
pression était un vain mot. Que pouvait l'autorité contre
le flot populaire qui avait franchi ses digues ?
A Mougins, le 3 juin on avait voulu pendre le sieur
Court, bourgeois.
L'arrivée do d'Anselme, le 21 juin, imprima une nou-
velle activité aux opérations militaires. On fit fête au
général à Antibes et à Grasse. Nos troupes étaient impa-
tientes de se mesurer avec Tennemi. Le 4 juillet, les vo-
lontaires du Var à Saint-Laurent, ayant vu paraître sur
l'autre rive des dragons piémontais, leur crièrent de toutes
leurs forces de grossières insultes, appelant le roi du
Piémont : Roi du Pouaillon! Ils déchargèrent même
leurs fusils chargés à balle. Lçs dragons durent s'éloigner.
Le sieur Bellon, maire de Saint-Laurent, dressa un rap-
port au directoire de Saint-Paul : < Ce n'est pas en ce
moment, disait-il, qu'il faut attiser le feu. Il pourrait en
résulter pour Saint- Laurent de véritables malheurs. >
Les commissaires désignés par l'Assemblée législative
auprès de l'armée du Var furent MM. Barras et Mougins.
Le 12 juillet, l'Assemblée déclarait la patrie en danger.
Montesquieu demande qu'on établisse une correspondance
suivie et journalière de Saint-Laurent à Grenoble par
Castellane. Le 14 juillet, les régiments prêtent le serment
fédératif en grande solennité. Le maire d'Antibes dira:
€ Messieurs, lorsque les despotes étrangers se coalisent
106 CHAPITRE n
ensemble pour nous asservir, lorsque les divisions in-
testines fermentent dans le sein du royaume pour nous
entre-détruire, il est nécessaire de resserrer les liens de la
fraternité.
« Ne nous laissons plus enchaîner. Plutôt, qu'une mort
glorieuse termine notre carrière et que nos tyrans ne
régnent que sur des cadavres et des ruines.» Le procureur
de la commune parle à son tour, et frappe sur les ennemis
de la Constitution qu'il appelle traîtres, parjures, lâches,
indignes de la patrie qui leur a tendu les bras. < Des mil-
lions de citoyens demandent justice de ces misérables ;
des millions de piques et de baïonnettes hérissées sur la
surface de l'empire sont prêtes à les percer. La liberté ou
la mort yVoWk notre cri de ralliement. C'est en vain qu'ils
nous menacent avec leurs débris de chaînes. Quand
autrefois, les Français versaient généreusement leur sang
pour satisfaire l'ambition d'un despote, la victoire servait
leurs drapeaux, comment ne vainquerions-nous pas
aujourd'hui que nous sommes libres?» Là étaient Charton,
le 28® régiment, le 4® bataillon de la Drôme, un détache-
ment du 4® d'artillerie, la garde nationale.
Le lieutenant-colonel d'Argot lut une harangue dans
le même style, au 11® régiment en garnison à Vence. Le
curé Vial célébra la messe sur un autel dressé dans le
grand jardin. A Cannes on planta un arbre de la liberté.
€ Que tout citoyen se trouve prêt à voler au secours
de la patrie menacée. Que les hommes de bonne volonté
se présentent pour porter à huit cents chaque bataillon du
Var.» Quatre compagnies du 1 1® marchent sur Entrevaux
et le 1®' bataillon du 91® est dirigé sur Barcelonnette. Il
est dit, le 20 juillet, que le cri de La Patrie est en dcmger
ne devait pas être pris pour un cri d'alarme, mais comme
un stimulant de confiance et de courage, d'abnégation
absolue sans relâche, de surveillance continuelle, d'éner-
gie à toute épreuve, d'exécution de la loi, ou la mort.
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 107
Cependant d'Anselme, changeant les plans de Charton,
établit son quartier général à Grasse, lieu plus favorable
aux magasins d'approvisionnements. Il dégarnit les rives
du Var, ordonna d'évacuer les ambulances de Vence et
de Tourrette-Vence, et choisit pour son camp la plaine de
la Brague, afin de s'appuyer sur Antibes. Les officiers
municipaux de Vence, s'alarmant outre mesure, écrivent
au général Charton, qu'ils vont se plaindre à Montes-
quiou, et à l'Assemblée législative contre le système de
défense du général d'Anselme. « On nous assure que l'in-
tention du général d'Anselme est de laisser l'ennemi
s'avancer dans la contrée pour lui couper ensuite le che-
min lors de la retraite. Le bruit court même qu'il y a
trahison^ et peut-être ne serait-il pas difficile d'en décou-
vrir le motif. > — Et au maire d'Antibes : < Nous avons ap-
pris avec peine que le général d'Anselme n'était pas dans
rintention de former son camp à l'endroit désigné parle
général Charton. Son projet qu'on ne saurait attribuer
qu'à l'ambition démesurée des habitants de Grasse est mis
à exécution. La commune de Vence va se trouver sans
défense. Le général d'Anselme prétend qu'il faut protéger
Grasse, parce que son territoire est plus précieux. Nous
pensons que Vence et les pays voisins doivent être tout
aussi bien à l'abri des ravages ennemis ; et la loi doit assu-
rer les propriétés et tous ceux qui l'ont œnsentie. Le
système de défense du général Charton nous paraît mieux
combiné pour la patrie. On nous assure que vous pensez
comme nous et que vous allez vous plaindre. Si vous le
faites, nous couvrirons vos représentations de toutes nos
signatures. > Le directoire du Var tança Vence d'impor-
tance, lui ordonnant de s'occuper de ses afiaires et de
ne pas divulguer les secrets de l'armée. Cette ville envoya,
pour amortir l'efiet de cette démarche inconsidérée, sa plus
grosse cloche en présent à la Nation. La nouvelle de la dé-
cbéancedu roi arrivait en même temps dans nos pays. Le 18
108 CHAPITRE II
août, le corps municipal d'Antibes le publie dans les rues
et carrefours. Le maire invite le peuple au respect des
droits sacrés de l'homme et de la propriété. Et le 25 : < La
patrie est en danger. Tout bon citoyen doit se tenir prêt à
voler à son secours. En cas d'alarme, soit de nuit, soit de
jour, tous les habitants seront tenus d'accourir en armes
sur la place Sainte-Claire. Tout habitant sera tenu, la
nuit, de mettre une lumière sur une fenêtre de sa maison ;
tout cabaretier sera tenu, soit de jour, soit de nuit, au
premier cri d'alarme de faire sortir le monde de chez lui,
et de fermer sa porte. » Le 27 août, l'ordre était venu
de Montesquieu d'aller en avant. Les compagnies de
la garde nationale d'Antibes convoquées, à 8 heures du
soir, demandaient à marcher sur la frontière.
D'Anselme pressait les districts de l'aider dans les tra-
vaux des chemins. < L'ennemi, disait-il, est à nos portes,
et nous n'avons pas de routes viables sur les hauteurs pour
déboucher nos forces sur le Var. > On appelle des hommes
pour réparer les chemins de Grasse à Vence par le Bar, et
de Grasse à Nice par Villeneuve-Loubet.
Le général en chef désire que les forces locales secon-
dent la troupe de ligne : Il importe que les citoyens qui
connaissent les embuscades, et les défilés soient utilement
employés. Le chiffre des gardes nationaux du district de
Grasse, est de 6,494 hommes. Ceux qui ne peuvent com-
battre aideront l'armée de leurs biens et de leurs bras.
Les communes forment des atehers patriotiques,où enfants,
femmes, vieillards, font de la charpie. < Trente personnes,
à Grasse, de 16 ans â 60, doivent y aller travailler, à 25
sous la journée. » Grasse, avec le quartier général, avait
peut-être plus d'animation qu'Antibes. D'ailleurs, c'était
un centre plus considérable. Le directoire du district,
poussé par le club patrioticiuo, ])renait des mesures contre
les prêtres perturbateurs, et ordonnait à tout citoyen de
les découvrir, de les dénoncer, et de les arrêter (!•' août.)
ASSEMBLÉE LEGISLATIVE (1792) 109
Quiconque ne portera pas la cocarde sera déclaré suspect.
Le 2 août, on faisait le dénombrement des armes et des
munitions.
Le 10, les sieurs Férus de Toulon et Chabert, nommés
administrateurs des guerres de l'armée d'Italie, font en-
registrer leurs pouvoirs à Grasse. Le 12 août, la popu-
lation est en effervescence en apprenant les événements
du 10 août.
Une véritable insurrection éclate à Grasse.
Le 17, on donne cinq jours aux Visitandines pour
qu'elles aient à céder leur couvent à la troupe.
Date mémorable, c'est ce même jour que les officiers
municipaux proclament au son des trompettes et au bruit
des tambours de toutes les troupes de la ligne et de la
garde nationale le décret de suspension du roi. On y voit
réunis à toutes les administrations du district, l'état-
major : général d'Anselme, Dubois-Cransé, Brunet. ....
Le décret est lu au centre des troupes et aux deux extré-
mités. Puis la musique fait entendre ses accords. Le 24
août, on célébrera une cérémonie funèbre pour tous les
patriotes morts à Paris dans la journée du 17 août. L'état-
major assistera encore le 2 septembre au convoi du sieur
François Reibaud, membre du directoire de Grasse.
Grasse formait deux sections, ayant chacune son juge
de paix : section de l'Oratoire, rue des Fédérés dans
l'église des ci-devant Cordeliers, et section des Jacobins
dans l'église des Dominicains. Le 26 août, les sections
étaient réunies dans toutes les communes pour l'élection
des députés de la Convention nationale, M. Mougins de
Rociuefort (Jean-Joseph), ancien représentant de la pre-
mière Assemblée nationale, président du tribunal du dis-
trict de Grasse, prononça dans cette réunion un dis-
cours analogue à la circonstance. 11 dit que les ennemis
de la chose publique tentaient d'étouffer la liberté dans sa
naissance ; mais qu'elle triompherait de leurs criminels
110 CHAPITRE n
efforts, qu'avec le zèle des bons citoyens le despotisme
serait abattu et la patrie sauvée. A la section des Domini-
cains, Dominique Luce félicita TAssemblée législative
d'avoir suspendu le pouvoir exécutif et réprimé les pari;i-
sans du despotisme.
\n. — LES MARSEILLAIS A ANTffiES.
Paris n'eut pas seulement à souffrir de ces terribles
Marseillais que Barbarous leur amena le 10 août, Antibes
et Nice recevront aussi la visite de ces hommes de sang.
Les décrets de l'Assemblée législative avaient ordonné
d'exiler les prêtres réfractaires ; les phalanges marseillai-
ses tueront ceux qui leur tomberont sous la main. Les
massacres du 2 septembre sont leur ouvrage en grande
partie.
Le 5 septembre quatre prêtres, partis d'Hyères, sont
poussés par le mauvais temps sur la plage de Cannes. Les
soldats cantonnés dans cette ville profèrent contre eux des
cris de mort ; mais la population et l'administration mu-
nicipale les protègent. M. Hibert, officier municipal^ les
fait entrer dans l'Hôtel-de-Ville, range les habitants de-
vant la porte et crie de là aux soldats : < Voyez tous ceux
qu'il faudra tuer pour arriver jusqu'aux prêtres. Tous
nous mourrons pour les défendre. » Les prêtres furent
sauvés. On les conduisit de nuit, sous bonne escorte,
jusqu'à Saint-Laurent-du-Var. C'était Joseph Bonnefoy,
F. Gastaud, H. Donat, F. Ficher.
Il n'en fut pas de même à Antibes.
Le 26 août. Lombard, de Marseille, capitaine de la tar-
tane Saint-Jean-Baptiste faisait voile vers Nice, ayant
à bord deux prêtres émigrants, Balthazar Cartier, d'Aix,
et Lazare-François Imbert, de Marseille, tous deux re-
nommés par leur piété et par leur science ecclésiastique.
Le mauvais temps força de relâcher à Antibes. Saint-
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 111
Julien, capitaine de la chaloupe nationale, le Commerce--
de-Bordeatix^ fit main basse sur la tartane, et comme il
y avait deux prêtres, il en avisa les officiers municipaux.
La populace accourut, et la force publique eut beaucoup
de peine à défendre les deux prêtres et le capitaine, contre
ces gens-là. Au lieu d'agir conformément à la loi, on les
garda en prison, sans même donner avis au directoire de
Grasse. Les Marseillais arrivaient le 30 à Antibes pour y
être casernes. Le brave Miollis prit le commandement de
la place d'Antibes.
Or, le 6 septembre, les Marseillais apprenant les mas-
sacres de Paris, s'assemblèrent aussi devant les prisons
de la ville, attirant avec eux la lie du peuple. Ils deman-
daient qu'on exécutât les prêtres détenus, ou qu'on les
leur livrât. Le maire et Miollis convoquant la troupe et
la garde nationale, imposèrent à l'émeute, si bien que les
Marseillais déclarèrent qu'ils n'avaient nullement l'in-
tention de causer du désordre ; et ils fraternisèrent avec
la garde nationale. Le lendemain Miollis alla inspecter les
travaux du Var ; les volontaires marseillais, profitant de
son absence, vinrent de nouveau aux prisons , et profé-
rèrent des cris de mort. Un détachement du poste voisin
voulut défendre l'entrée de la prison ; il fut repoussé. Un
officier municipal, qui était à la commune en surveillance
permanente, alla requérir des hommes. Les assassins
avaient enfoncé les portes, pris les clefs à la femme du
geôlier et saisi leurs victimes. Tous les magasins se fer-
mèrent aussitôt. Cependant on battait la générale, la garde
nationale accourait se ranger sur la place, les officiers
municipaux avaient revêtu leurs écharpes. 11 n'était plus
temps. Les deux victimes traînées dans la rue par cette
bande de forcenés, hachées à coups de sabre et tombées
à terre, étaient menées à la porte de France et leurs corps
pendus à un arbre du jardin de M. Guide. Plusieurs
personnes perdirent connaissance en voyant passer ces
112 CHAPITRE n
infortunés tirés à terre et criant miséricorde ; une femme
même mourut de frayeur. Il n'était plus temps, quand les
neuf cents gardes nationaux marchèrent la baïonnette
en avant sur ces forcenés et les dispersèrent. Toute la
la nuit, on monta la garde, on fit des patrouilles. MioUis,
qu'on avait envoyé chercher à Saint-Laurent, fut pro-
fondément irrité de cet exécrable forfait . Le lendemain,
8, croyez -vous que les Marseillais se réunirent encore
en tumulte devant la prison, exigeant qu'on leur livrât le
capitaine et les autres détenus. Cette fois Miollis braqua
les canons sur le Cours, ordonna de mitrailler les sédi-
tieux s'ils ne se retiraient immédiatement.
Un dragon était parti pour Grasse le 7 septembre, por-
teur d'une lettre de la municipalité au directoire, par
laquelle il lui annonçait que deux prêtres allant à Nice
avaient été arrêtés le 26 août et détenus depuis à Antibes,
qu'ils avaient été arrachés de la prison, aujourd'hui 7
septembre, par un attroupement, frappés de plusieurs
coups de sabre et pendus. Le directoire, séance tenante,
déclara que la municipalité était en faute, qu'elle devait
aviser le directoire, que son silence était coupable, et
qu'elle eût pu agir, comme on l'avait fait dernièrement
à Cannes ; que l'ordre de l'Assemblée nationale était, non
pas qu'on emprisonnât les prêtres suspects, mais qu'onles
menât au-delà de la frontière. Le commissaire Ferrus, le
président Moiigins et le lieutenant-colonel d'état-major
Rivas, descendirent à Antibes et informèrent. Ferrus af-
ficha la proclamation suivante : < Citoyens, la patrie est
en danger. Un des décrets de l'Assemblée nationale vous
Ta déjà annoncé. La suspension du roi et les événements
du 10 août vous prouvent assez que les ennemis de la
chose publique cherchent à tromper le peuple. Enfants de
la patrie, citoyens-soldats, soldats-citoyens, obéissez à
vos chefs, déposez vos haines, et que notre arrivée soit
un jour de triomphe pour la ville et pour les citoyens
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) 113
d*Antibes. > C'est à la clarté des flambeaux qu'on lut cette
proclamation, la ville illumina. - Après avoir pris con-
naissance sur la pendaison des deux prêtres j il fut dé-
cidé que le citoyen Sébastien Lombard serait conduit dans
les prisons de Grasse pour son procès lui être fait^ et
qu'en attendant il était sous la sauvegarde des lois. —
Férus dit encore : < Un citoyen de cette ville m'a rapporté
que, cette nuit, huit à dix individus, déguisés, ont parcouru
la ville en jouant du violon. Ils avaient des cordes à la
main. J'invite le citoyen dénonciateur à déposer au conseil
ce qu'il a vu. ■ Un sieur Mouriez, prenant la parole, dit :
« Frères et amis, invitons messieurs les commissaires à ne
pas persister davantage. Le dénonciateur se répent. » Et
tous d'une commune voix d'intercéder pour lui. Les com-
missaires ne demandaient pas mieux que d'en finir là.
Le maire, après cette triste affaire, donna sa démission le
13 septembre, et il n'y aura plus personne qui veuille de
la mai rie jusqu'au 23 décembre, qu'on élèvera à ce poste
Michel-Joseph-Emond d'Esclévins.
Enregistrons ici une des victimes de nos Alpes-Mari*
times en 1792 : Le poète et littérateur Bonnefoy, de
Bausson , précepteur des enfants du prince de Mont-
morency, fut exécuté à Paris.
VIII. — l'armée du var.
Lorsque d'Anselme arriva à son poste, il n'avait ni
état-major, ni officier supérieur d'artillerie, ni canons de
siège. 11 ne trouva qu'un commissaire des guerres, le sieur
Eyssautier. 11 suppléa à tout avec une activité incroyable.
Comprenant qu'il n'y avait pas dans les circonstances ac-
tuelles à fatiguer le ministère de ses plaintes, mais à agir
promptement, il appela à lui tous les hommes de bonne
volonté des communes pour commencer les retranche-
ments du Var; il créa, avec les pièces de fer des batteries
8
114 CHAPITRE II
côtières, une artillerie de siège. Les troupes se massèrent
bientôt dans le bassin du Var : 1 1^® chasseurs, 7"*, 28»*,
51"% 61™®, TS""® et 93"™' régiments; 18°^* d'artillerie dont
le jeune Bonaparte faisait partie ; bataillon des volontaires
de TAude, de l'Hérault, de la Haute-Garonne, de laDrôme,
de Rhône et Loire ; régiment suisse d'Ernest, compa-
gnies franches, 18® régiment de dragons.
Parmi les officiers supérieurs nous nommons Brunet,
général de division, chargé de l'aile gauche, et Dumer-
bion, do l'aile droite. Là étaient Masséna, Serrurrier, chef
du G™® bataillon des Bouches-du-Rhône , Despinoy et
Dallemagne, capitaines des grenadiers, Jouberl, encore
simple grenadier, Dagol)ert, Garnier, Gardane, VignoUe,
Duranteau, MioUis, Gautier de Kerveguen, Lombard de
Rofjuefort, général Barquier.
Dus le 27 août, Brunet avait son quartier-général à
Vence, et il le transportait au Broc le 3 septembre.
Dumerbion se tenait du côté d'Entre vaux et de Barcelon-
nette. Le contre-amiral Truguet appareillait à Toulon
avec neuf vaisseaux de guerre, et montait le Tonnant.
On n'attend plus que le mot d'ordre. Tout est prêt à
franchir le Var.
Cependant le général d'Anselme se multipliait et Grasse
surtout le secondait de tout son pouvoir. Elle lui avait
déjà avancé pour l'armée, le 17 septembre, plus de cent
cinquante mille livres. Mais certains jaloux, dans le genre
dos officiers municipaux de Vence, continuaient de calom-
nier le général. Le consul du district de Grasse s'in-
digna, dans sa séance du 18 septembre, des calomnies
atroces que quelques individus insinuaient méchamment
dans les petites sociétés populaires contre le général. Bien
plus, on forma même le complot de l'assassiner.
€ Quand la Patrie est en danger, dit le directoire de
Grasse, c'est bien mal d'ébranler la confiance que Ton
doit avoir pour son chef; nous protestons contre les son-
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE (1792) U5
timents malveillants de ceux qui cherchent à discréditer
le général d'Anselme. Sa conduite a toujours manifesté,
et manifeste le patriotisme le plus pur, la fermeté la plus
décidée. Tous les citoyens qui le jugent sans prévention
ont pleine confiance en lui . »
Le Conseil municipal d'Antibes délibéra dans le même
sens et envoya trois de ses membres pour lui exprimer
leur condoléance et l'horreur qu'ils éprouvaient du noir
attentat essayé contre sa personne. Ils étaient chargés de
lui témoigner, de la part de toute la ville d'Antibes, l'ex-
pression de leur confiance et de leur inaltérable dévoue-
ment. > Des monstres indignes de la Patrie qui leur a donné
le jour, et sous un habit déguisé, ont attenté à la vie du
général d'Anselme, général si digne de l'estime et de l'a-
mitié de tous, ami de l'égalité et de la liberté. »
Le 21 septembre, Anselme tenait son quartier-général
à Antibes.
CHAPITRE m.
OOXVEXnON XATIOXALE (1792 — 17^.)
Pendant que n 3tre armée triomphait à Valmy (20 sep-
tembre) TAssembl:^ législative expirait et remettait le
lendemain ses pouvoirs à la Convention nationale, com-
posée de sept cent quaranie-neuf membres, elle avait con-
servé Isnard de Grasse pour représenter notœ départe-
ment du Var. Elle commença par déclarer à l'unanimité
la royauté abolie, la république constituée et Tannée
commençant désormais avec Téquinoxe d'automne, pour
être la 1" de YEre répffbïicaine.
Montesquiou stimulé par la victoire de Valmy et par les
ordres exprès de la Convention nationale occupe la Savoie,
en même temps qu'il commande à d'Anselme de marcher
sur Nice.
L — OCCUPATION DC COMTÉ Iffi NICB.
Un ardent dominicain de Nice avait ouvert, avec
Tautorisation épiscopale, une neuvaine de prières dans
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 117
réglise Saint-Dominique, pour éloigner Torage qui gron-
dait sur Nice et sur TEurope, Il prêchait avec une violence
extraordinaire contre la Révolution française. Il com-
mença le dimanche, 17 septembre. Bientôt la foule fut
telle, qu'il dût parler sur la place publique. Le consul de
France, Leseurre, s'en plaignit au gouverneur.
Les sermons du 24 et du 25 septembre furent suivis de
collision entre royalistes et libéraux. Certains émigrés
prirent des allures menaçantes et provocatrices. L'admi-
nistration de Nice pria le dominicain de se modérer ou de
se taire. Le 25 septembre, mardi, le parti libéral fait une
ovation à Obernann, aux cris de : A bas les royalistes ! Les
royalistes à la lanterne ! Le ^^ les royalistes, le drapeau
à la main, parcourent la ville en criant: Vive le Roi ! Vive
Savoie ! Une nouvelle émeute se préparait pour le 27,
quand tout-à-coup des gens affolés, accourant dans la
ville, vociférèrent : < Les Français ! les Français ! > L'es-
cadre de Truguet apparaissait en vue de Nice, et l'armée
de d'Anselme passait le Var. La garde nationale de Nice
courut aux armes, la troupe arriva, la foule borda le
rivage, lorsque une forte brise força l'escadre de retour-
ner vers Antibes.
Pinto et Courten se rendirent au camp du Var. Trois
cents hommes, gentilshommes et bourgeois de Nice mon-
tèrent à la Turbie pour empêcher la garnison de Monaco
de venir sur Nice. Chacun se tenait à son poste. Cacciardi
et les Suisses gardaient Mont-Alban et le chevalier de
Foncenez, Villefranche avec deux cents hommes et cent
pièces d'artillerie. MM. Ermengault Audiberti, comte de
Saint-Etienne, Honoré Saissy et Jacques Arsiary occu-
paient alors les charges consulaires.
Le 28, le Tonnant se montre de nouveau devant Nice.
Un canot débarque sur la plage un officier français avec
son tambour. Celui-ci fit un roulement. Le poste niçois y
répondit. Comme de Pinto et Courten étaient absents,
118 CHAPITRE m
Obernann, chargé de la place, envoya deux officiers pour
savoir de quoi il s'agissait. On leur remit un pli adressé
à Courten. Obernann ayant refusé de le décacheter, Tof-
flcier français demanda l'extradition du consul Leseurre,
ce qui eut lieu sur le champ. Leseurre fit voile vers
Cannes, d'où il revint rejoindre d'Anselme à Saint-Lau-
rent-du-Var,
Pendant que l'armée du Var, à Vence, à Antibes, à
Grasse prêtait le serment de haine à la royauté et de
fidélité à la République et à la Convention (28 septembre
1793). (le Pinto et Courten, revenus en toute hâte à Nice,
avaient réuni le conseil de guerre ; le Conseil municipal
délibérait de son côté ; M. de Benevel courait de maison
en maison pour exciter les Niçois à se défendre, et il réu-
nissait déjà plus de trois mille hommes bien armés. De
Pinto ne savait que résoudre. Courten et le chevalier
Caissotti de Roubion lui représentaient que l'armée fran-
çaise n'était pas en nombre, que l'on pouvait facilement
la repousser, que la population de Nice et les émigrés
étaient déterminés à seconder la troupe et à ne pas se
laisser envahir. < Que dites-vous? s'écria Pinto, mais les
Français nous cachent leur nombre. Us sont plus de qua-
rante mille. » Il était deux heures qu'on n'avait encore
rien décidé. Mais bientôt, sans qu'on eût avisé la muni-
cipalité, ni donné aucun ordre, la population s'aperçut
que les équipages des généraux et de l'administration dé-
filaient à petit bruit sur la route de Turin. Aussitôt la
panique se répandit dans toute la ville. Rien ne peut dé-
crire l'affreux tumulte de cette soirée et de cette nuit.
Émigrés, nobles, royalistes niçois, prêtres, religieux,
hommes, femmes et enfants, mêlés aux troupes et aux
bagages encombrèrent aussitôt les routes de Gênes et de
Turin. Il y avait cinq siècles, jour pour jour, que les Gri-
maldi de Beuil avaient cédé Nice à la maison de Savoie.
Toute cette longue file s'avançait morne et silencieuse,
CONVENTION NATIONALE (1792-1795 119
quand la queue ayant dépassé le pont de Peille, entendit
le galop des chevaux, La réverbération des casques, à la
clarté pâle de la lune, fît croire que c'étaient les dragons
français qui avançaient. L'alarme gagna de proche en
proche. Les soldats piémontais de l'arrière-garde se tour-
nèrent vers la cavalerie et tirèrent presque à bout por-
tant. On ne s'aperçut de la méprise qu'au col de Braous.
De Pinto avait oublié, dans la précipitation de sa fuite,
d'avertir un piquet de dragons piémontais de Saint-Gilles,
qui avait été mis en observation sur le Var.
Le 29 septembre, trois cents forçats du bagne, les ma-
rins des divers pays qui stationnaient au port, et la lie du
peuple commencèrent à se répandre dans la ville et à
piller, au cri de : Vive la liberté! Le Conseil municipal
et les principaux habitants, l'évêque lui-même, se voyant
abandonnés et sans défense, décidèrent qu'on se rendrait
auprès du général d'Anselme.
Déjà une partie des troupes se dirigeait par les collines
de la plaine du Var du côtés de Cimiez sous les ordres de
MiolHs. L'avant-garde de d'Anselme marchait sur la
route du Var. Le sieur Michaud osa encore une démon-
stration. A la tête de quelque cent hommes déterminés,
il essaya d'imposer à l'invasion. Il comprit, en arrivant à
Sainte-Hélène, qu'il n'y avait qu'à battre en retraite.
Les députés du Conseil municipal, l'évêque et Honoré
Saissy en tète, se rendirent à la villa Feraudi, quartier
de Sainte-Hélène, où était le général d'Anselme, et lui
offrirent les clefs de la ville. Le général d'un ton sec à
l'évêque : c Monsieur l'abbé, lui dit-il, vous n'êtes pas ici
à votre place. Je vous déclare qu'il n'y fait pas bon pour
vous. > Puis il adressa de bonnes paroles aux autres dé-
putés. L'état-major français et la troupe crièrent : Vive
la cité de Nice !
M*"^ Valperga, rentré à Nice, émigra le soir même.
Le général d'Anselme, entre sa soeur, dit-on, déguisée en
»ie— àe-Ttiiz: •?; > âsïzr fHi.Tnc#5«dne^€t escorté d'un ré-
grâ^îii f-r fr-iTic:?^ r^zirzriâse ^raUtTÎe qui fit trembler
le P>n-^">fC3:. -?: Se Tr:«s izL> bosaiDes de troapes pé-
Décra dîTâ Is Tîljr ^ 3> sfçc^d'rce- Une partie de rarmée
l!ii">:iâ~i sur Li iCi-re Vkwr. ime aatre sur la place
Sainî-E*: z:izi:;:;e rî sur ie Okits-
Le dîre*n:à?r i:: fÎ5::r>?; ôe SaiuT-Panl en donnait la
nouTelie i Grasse e; î A::iTi'!>2s à neaf heures du soir, le 29
sejitembre : « Les hs^^ian^ 6e Nke. ayant à leur tète le
Conseil inuii>::îrai. se sr-nî r»K:-dus sor les bords du Var pour
remenre ks cieè -ie la vilie au geîiêral d'Anselme ; le gé-
néral a passe le Var ax^c son armée^ il s'esî rendu maître
de la Tille, du fort M-3ni-AIban« cocurê actuellement par les
chaleurs corses, et du fort de ViUefinanche. > Le 30, on
fit des feies à Aniibes. à Cannes, à Grasse* à Vence et
dans toutes les commun€S« à mesure que la nouvelle y
parvenait. On envoya ai même lemps complimenter le
général île cet heureux événement,
Lejoumal officiel, le Moniteur, en rendit compte en
ces termes: € Les Français ont fait à Nice, le 29 septembre,
une entrée triomphale. L'arbre de la liberté y a été planté
et le curé constitutionnel de Saint-Laurent-du-Var a cé-
leTïré la messe à laquelle toute la population a assisté. Le
pavillon national a été aiboré au port sur tous les l>àti-
ments. Tous les chapeaux sont ornés de la cocarde na-
tionale ; la joie est peinte sur tous les visages. L'armée
est campée sous les murs de Nice et sur la place de la
Liberté. Le général a fait les proclamations les plus fortes
pour mettre sous la sauvegarde de la nation les personnes
et les propriétés. La Société patriotique de Grasse a envoyé
à Nice une députation de vinirt de ses membres avec la
charge d'y former un club républicam. Le citoyen Vidal
de Grasse en est le président. Ou s'y presse, on s'y porte
en foule. On chérit d'Anselme, on admire sa sœur qui,
non moins courageuse que la Pucelle d'Orléans, sert une
CONVENTION NATIONALE (1792-1795 121
meilleure cause. Cette nouvelle amazone marchait, le jour
de notre entrée à Nice, à la tête d'une colonne de quinze
cents guerriers, D'Anselme se montre de plus en plus
digne des preuves d'attachement qu'on lui prodigue.
Paris a fait une fête civique pour cette conquête : véritable
triomphe ; et point de sang répandu. Voici la strophe
qu'un Savoisien a composée pour cette circonstance,
ajoutée à l'hymne national :
De Nice aux remparts de Genève
Que Tarbre de la liberté
Planté par vous croisse et s'élève ;
Qu'il soit a jamais respecté ;
Que les tjrans courbent la tète
Devant ce signe protecteur.
Mais si leur aveugle fureur
Osait disputer sa conquête,
Aux armes, citoyens I
La Convention nomma trois commissaires pour aller
gouverner le Comté : Goupillon , CoUot d'Herbois et
Lasource.
Cacciardi avait rendu le fort Mont-Alban, sans coups
férir ; Foncenez , à Villefranche , s'était constitué pri-
sonnier avec ses deux cents hommes. On trouva cent
pièces d'artillerie, des approvisionnements considérables,
une frégate et une corvette. Turguet captura le même
jour un navire anglais chargé de fusils pour les troupes
de Nice.
Après la fête de la place Victor et la plantation de
l'arbre de la Liberté que d'Anselme présida, le dimanche
30 septembre, il envoya à la Convention nationale son aide
de camp d'Hautefeuille porter les drapeaux de Nice, de
Mont-Alban et de Villefranche. Celui-ci était accompagné
des députés de Nice, Dominique Blanqui et Veillon. Antibes
et Grasse fêtèrent le sieur d'Hautefeuille.
Il fallut songer à la nouvelle organisation municipale.
L'ex-consul Leseurre fut élu maire et le citoyen Pourcel,
i22 CHAPITRE m
du directoire de Saint-Paul, procureur de la commune,
On voyait parmi les conseillers municipaux : Jacques
Défly, A. Caisson, H. Sayssy, le Ijaron Giacobi, Héraud,
Veillon , Blanqui, David Moyse , J,-B. Cotto, L. Salvi,
Chabaud, Gallo, D. Grosso, Martin, A. Spinelli, Levy,
Feraudy secrétaire et Girand}^ commissaire du Greffe. La
société patriotique nomma pour son président D. Vidal,
de Grasse : pour vice-président, le sieur H. Mougins, de
Saint-Paul, et pour procureur, le sieur Barrière, de Saint-
Jeannet.
Mais voici qu'à partir du 1®' octobre les pluies de saint
Michel tombent par torrents pour ne plus discontinuer
pendant douze jours. On ne peut plus passer le Var, ce
qui intercepte les communications entre le camp de la
Brague et les troupes de Nice. Les approvisionnements de
Tarmée se font à grande peine d' Antibes à Nice par mer. Les
troupes ne voulant plus camper dehors sont logées chez les
particuliers. L'escadre de Toulon a gagné les îles d'Hyères.
D'Anselme ne peut plus contenir les soldats désœuvrés,
indisciplinés et avides de butin. Ils vont et viennent,
chantant le ça ira^ criant mort aux aristocrates, entrant
dans les magasins, dans les églises ; ils envahissent les mai-
sons fermées des émigrés, forcent l'Hôtel-de-Ville et la
maison de l'Intendant, jettent les effets par les fenêtres, les
pa[)iers, incendient les uns,foulent aux pieds les autres dans
la boue de la rue. Ils sont aidés dans ce beau travail par
quelques gens de la lie du peuple. — Le I®"" octobre, on
chassait les Dominicains et le soir le club patriotique
s'y installait, a II est temps, disait un orateur, que
rhomme ce bel ouvrage du Créateur sente sa dignité,qu'il
ne soit plus défiguré dans sa nature par les grossières
superstitions ciu'avaient imaginées des prêtres intéressés.»
Les libéraux de Nice se mettaient aussitôt au diapason des
plus hardis [)atriotesde la rive droite. Le club patriotique
de Grasse se chargeait de faire son éducation.
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 123
II. — ARMÉE PIÉMONTAISE.
L'armée piémontaise eut son quartier général à Fon-
tan, et étendit ses lignes de Saint-Dalmas-de-Tende au
Braous de Lucéram, Au Braous furent postés les dragons
de Sain t-Giles. Dans le conseil de guerre du 2 octobre,
Courten et les frères Sainte-Marguerite donnèrent l'avis à
Pinto qu'on descendît à l'improviste sur Nice. Le cheva-
lier d'Auvare dit dans ses mémoires que si Ton eût suivi
ce conseil, dans la journée du 2 au 3, on eût repris la ville
et tout le Comté, Le vieux Pinto s'entêta ; bien, plus il
oublia la vallée de Lantosque. D'Anselme et Truguet
dans leurs rapports déclarent qu'ils n'auraient pas abordé
sans crainte Mont-Alban et Villefranche. « Les batteries
que l'on voyait, n'étaient pas les seules à redouter, il y en
avait de masquées dont plusieurs à boulet rouge. Le
fort Mont-Alban pouvait nous accabler d'une grêle de
bombes. Je n'ai pu comprendre les raisons qui ont déter-
miné les troupes du roi de Sardaigne à abandonner d'aussi
grands moyens de défense et des postes aussi importants.
C'est une terreur panique dont je profite. » Pinto, en
personnifiant la peur , avait été pour la France cette bonne
fortune. Le 10 octobre, d'Anselme envoyait son rapport
daté de Nice ville libre ; puis il s'occupait d'organiser
des casernes et des ambulances dans les couvents et les
églises supprimés. Il y eut jusqu'à quatorze casernes et
autant d'hôpitaux ou ambulances.
Les émigrants de Nice encombraient encore Tende,
le 3 octobre. Plusieurs familles se trouvaient dans la plus
profonde misère. Madame la marquise de Villeneuve fai-
sait, entre autres, compassion à voir. Le chevalier d'Au-
vare trouva sa femme et ses enfants sans nourriture, sans
aliments et dans la rue. Il pria son lieutenant-colonel de
lui donner quelques instants pour lui venir en aide : < Il
124 CHAPITRE IH
s'agit bien de cela, répondit-il ; on ne s'arrête pas, on
marche en avant. > D'Auvare obéit. Un quart d'heure
après, il revit le lieutenant-colonel qui lui dit : Eh bien !
quel arrangement avez-vous pris?— Aucun, mon colonel.
— Prenez ce cheval, je le veux. — Permettez-moi, mon
colonel de ne pas vous obéir. Ici je suis libre de ne pas
accepter. D'Auvare rencontra plus tard sa famille, et
quel fut son étonnement de les voir montés sur le cheval
que leur avait fourni le lieutenant-colonel.
A la nouvelle de l'abandon de Nice, Victor-Amédée en
conçut un profond chagrin . A mesure que les émigrants
arrivaient, il reçut les uns dans son palais, donna des se-
cours pécuniaires aux autres, plaça les enfants dans les
maisons de l'État. Puis il lança son manifeste. Son exem-
ple, son appel, furent écoutés. Les riches donnaient leur
vaisselle d'argent et les bijoux, le clergé, ses vasessacrés ;
sous les yeux même de l'armée française, Saint-Martin-
du-Var se cotisa et ne craignit pas d'envoyer ses vases
sacrés. Tous les hommes valides de dix-huit à soixante
ans furent appelés sous les drapeaux.
On craignait bien quelque tentative de l'armée sarde,
puisque, le 9 octobre, le bruit courut à Grasse et à Antibes
que l'ennemi marchait en force par la vallée de Barce-
lonnette sur Castellane et sur Digne. A cette nouvelle
Grasse envoya aussitôt un exprès à Castellane pour l'as-
surer que leurs frères et amis de Grasse étaient prêts à
voler à leur secours, qu'ils leur offraient tout ce dont ils
pourraient avoir besoin. Le 10, octobre, la crue du Var
empêchant de communiquer avec Nice, on s'adressa au
général de Barrai à Antibes pour savoir ce qu'il y avait à
faire. Le 10, on apprit que toute cette rumeur venait
d'un détachement de soixante soldats piémontais qu'on
avait vu du côté de Puget-Théniers.
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 125
m. — LES PREMIÈRES VICTIMES DE NICE,
Il fallait que la populace et la troupe fissent aussi à
Nice des orgies de sang. Le 6 octobre, une bande de ces
scélérats forcèrent les prisons , et en arrachèrent quatre
miliciens; le geôlier avait résisté. Pour ne pas avoir ou vert
les portes, il fut, lui même, saisi et égorgé, avec les quatre
miliciens. D'Anselme, au lieu de sévir, fit le lendemain
une nouvelle fête sur la place de la République. On y
chanta un Te Deum^ on y planta l'arbre de la liberté. Le
8, on connaissait à Nice le manifeste de Victor-Amédée.
Malgré la pluie, d'Anselme ordonna la construction de la
passerelle du Var pour mettre promptement les deux
rives en communication ; il arma de batteries le Château
de Nice, et le 12 octobre, il envoya à Dumerbion et à
Brunet le plan de campagne. Brunet marchait sur Sos-
pel ; le commandant d'Antibes, Paul de Barrai, maréchal
de camp, avec quatre bataillons détachés delà division
Brunet, faisait sa jonction par Levons avec l'armée de
Brunet pour occuper la vallée de la Vésubie. Dumerbion
devait étendre ses lignes d'Entrevaux à la Vésubie.
Brunet à Sospel, i3 octobre. — Le 12 octobre, comme
le ciel était rasséréné, Brunet, à la tête de 2,000 hommes,
se mit en marche, occupa l'Escarène, Sospel et Breil.
Après avoir fait fourrager ses troupes, il envoya de Breil
une estafette à Saorge avec deux lettres, une pour les
syndics, et une autre pour le commandant de place, le
lieutenant-colonel Saint-Amour. Il écrivait à Saint- Amour
qu'il eût à recevoir le bienfait de la liberté que lui oflFrait
la République française, et à se réunir à la grande fa-
mille. < Comme ainsi soit que messieurs les comman-
dants de Nice, Mont-Alban et Villefranche ayant rendu
volontairement les armes à la République française, nous
les avons traités en bons amis et patriotes, je vous con-
126 CHAPITRE III
seille, Monsieur, d'en faire autant. Sans quoi si Ton
venait à verser du sang français, je ne réponds ni de vous,
ni de vos soldats. > Dans le conseil de guerre, tenu aussi-
tôt à Saorge, Saint-Amour déclara que si les français se
présentaient, il fallait s'ensevelirsous les ruines de la cita-
delle plutôt que de se rendre. Courten applaudit. Le vieux
Pinto seul opina dans un sens contraire. C'est alors que
Roccati s'écria : En Prusse, vous passeriez devant le conseil
de guerre. » La majorité ayant conclu à la résistance,
Saint-Amour, sans même écrire, dit à l'estafette. < Que
Brunet vienne lui-même prendre la réponse. » Cette belle
conduite valut à Saint-Amour le brevet de colonel. Brunet
n'osa rien tenter, pour le moment. Pinto ayant été rap-
pelé à Turin, le 18 octobre, Courten eut l'intérim. Mais à
cause de son âge et de ses infirmités il préféra accepter la
place de gouverneur de Coni, où avait été transférée Tin-
tendance du Comté de Nice. L'Autriche envoya à l'armée
piémontaise un secours de 6,000 hommes, sous les ordres
du feld-maréchal Castelberg.
Truguet appareillait de Villefranche le 18 octobre, pour
bombarder Oneille (23 octobre.)
Massèna da^is la vallée de Lantosque. — Masséna
avait remplacé Sanglier qui était retourné à Antibes pour
être d abord juge de paix, puis de nouveau commandant
du Fort-Carré. 11 forma d'abord l'avant-garde de la divi-
sion chargée d'occuper la vallée de Lantosque ; et accom-
pagné du commissaire des guerres Férus et du sous -com-
missaire Baudoin de la Roquette du Var, il n'épargna
à ses concitoyens ni les réquisitions de vivres , ni les
sommations républicaines. Levens, le berceau de sa fa-
mille, fut l'un des premiers pays saccagés par les volon-
taires. 11 fit prêter serment à Lantosque, à la Bollène et
à Roquebillère le 20 octobre, et envoya Tordre à Belvédère
d'apporter à Lantosque la contribution de guerre sans
quoi il irait les visiter. Comme on ne s'exécuta pas assez
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 127
vite, il monta avec 307 volontaires le lundi, 22 octobre,
emprisonna le maire Laurenti (Paul) son frère Barthélémy
et les autres conseillers qui tombèrent sous sa main, et
pendant qu'on les gardait à vue il livra le village à dis-
crétion. Vous eussiez vu ces terribles pillards jeter au
vent les archives de la mairie, entrer dans les maisons
des principaux habitants et y prendre tout ce qu'ils trou-
vaient à leur convenance. Le château Raînaldi fut sur-
tout saccagé. Meubles et effets roulèrent par les fenêtres
sur la place. Une femme indigne pour se bien faire venir des
envahisseurs, dénonça une cachette où beaucoup de parti-
culiers avaient déposé leur argenterie et leurs objets pré-
cieux. Tout cela devint leur proie. Ils parcourent ensuite
la campagne, emportant les troupeaux, la principale
richesse du pays. Masséna allait pousser jusqu'à Saint-
Martin-Lantosque, quand il apprit que Castelberg et ses
6,000 Autrichiens descendaient le col des Fenêtres. 11
battit en retraite, laissant un nom à jamais exécré de
toute la vallée de Lantosque et surtout de Belvédère.
Ces premiers excès, en inspirant la crainte aux monta-
gnards, nous rendirent haïssables, oderunt quem metuunt.
Ils contribuèrent à cette résistance opiniâtre qui demanda
plus de detix ans de combats à outrance et qui ne fut pas
une des moindres causes des horreurs commises contre
nous par les Barbets ou brigands. Brunet continua de te-
nir son quartier général à Sospel, avec des garnisons à
Breil, Castillon, Sainte-Agnès, Menton, l'Escarène, Coa-
raze, Berre et Lucéram. Dumerbion resta à Saint-Mar-
tin-du-Var.
Saint- André et le camp de la Giandola (27 octobre).
— Saint-André, ayant reçu le commandement en chef de
l'armée des Alpes-Maritimes, arriva à Fontan, au milieu
de l'enthousiasme général, le 27 octobre. < Mon général,
lui dit Vassali de Sainte-Marguerite, tandis que tous vous
louent, je n'ai qu'un reproche à vous faire, c'est que vous
128 CHAPITRE IH
ne soyez pas venu un mois plus tôt. > Il transporta son
camp à la Giandola, hameau de Breil, entre les cols de
Ventabrun et du Brouîs et il étendit de là ses lignes jusque
vers les hauteurs qui dominent Sospel et les vallons qui
aboutissent à la vallée de Lantosque. Castelberg dut s'é-
tablir immédiatement dans la vallée de Lantosque. Dès le
28 octobre, il en prenait possession ; Belvédère, son quar-
tier général, devint une véritable place forte. La terrasse
du cliàteau Rainaldi fut garnie de canons. On fit de la
chapelle Saint-Jean une redoute importante et on se pré-
para à l'attaque. Rien de plus admirable que cette guerre
des Alpes-Maritimes, autant d'un côté que de l'autre. Les
Alpins, comme les anciens Ligures, habitués à une vie so-
bre, aux courses des montagnes, exercés, à la chasse des
chamois, visant juste, vont exercer nos soldats et nous
former de ces généraux si célèbres dans les fastes de Na-
poléon. Disons aussi que dans le génie militaire et dans
l'artillerie, le Piémont pouvait rivaliser avec les premières
nations du monde. Ajoutons les travaux du génie aux re-
tranchements naturels de cette région accidentée, chaque
pierre, chaque village, chaque rocher avec ses précipices,
ses ravins, sera autant de citadelles contre lesquelles il
faudra se reprendre maintes et maintes fois, jusqu'à ce
que la victoire en décide.
D'Anselme, en apprenant que Castelberg avait oblige
Barrai de battre en retraite de la vallée de Lantosque, en-
voya aussitôt de Nice le bataillon de l'Aude, qui par Coa-
raze et Loude devait arriver à Lantosque. Les autrichiens
de Castell)erg débouchant sur le chemin de Iioude, le for-
cèrent de rebrousser chemin sur Berre en lui tuant quel-
ques hommes et en faisant même des prisonniers ; ce dont
le régiment de l'Aude gardera rancune à d'Anselme.
Attaque de Sospel par S amt-A7idré {19 novembre).
— Saint-André, dit le général d'Auvare, n'ignorait pas
que Turenne dans la Haute -Alsace, en plein hiver, avait
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 129
enlevé tous ses quartiers au général Caprara. Il résolut
d'en faire autant et organisa son plan de manière à ce que
rien ne transpirât au dehors de son conseil de guerre. Il
savait par ses émissaires que d'Anselme à Nice, tout à sa
nouvelle organisation et à la répression des bandes indis-
ciplinées de ses hommes, luttait contre les dénonciations
de ses envieux ; il savait qu'à Sospel, Brunet, et à Nice,
toute l'administration devaient fêter la déchéance de la
royauté, le 19 novembre, et qu'on s'occupait des prépara-
tifs. Il résolut de profiter de ce jour pour tomber à l'im-
proviste sur Sospel et la reprendre à Brunet.
Sospel^ au confluent de la Bevéraet du vallon de TAp-
panan, confine au nord avec Moulinet et Breil, à Test à la
Roya, au sud avec Castillon, Peille et Cafetellar, et à
l'ouest encore avec Moulinet. La ville, au fond d'un val-
lon, est partagée en deux parties par la Bevéra. Le Mauri-
gon, l'Alparée la dominent à l'est et au sud ; à l'ouest
le Braous la sépare de la vallée • de Paillon ; au nord
après avoir traversé le pont de la Niéja, on double le
col de l'Agheisen et l'on a le Brouïs avec ses cimes de
Pérus, de Montegrosso, de Linières, du Mangiabo et du
Béolet.
Dans la nuit du 18 au 19 novembre tandis que Brunet
et ses troupes ne songeaient qu'à la solennité du lende-
main, Saint-André, comme il avait été convenu dans son
conseil de guerre, se mit en mouvement. Le comte de Re-
vel, fils de Saint-André et le colonel d'Osasque, formant
l'avant-garde, devait débusquer les français de l'Aghei-
sen ; le général en chef suivait le grand chemin. Le sieur
Vital, colonel du régiment d'Oneille et le major Brentano
étaient chargés de couper la retraite du pont de la Niéja,
au [)oste du Pérus. Castelberg arrivait de Belvédère par
Pietra-Cava en vue de Moulinet pour barrer le chemin de
Lucéram. Un détachement de 300 miliciens sous les or-
dres de la Roque, de Trabaud et de Domergue, mar-
130 CHAPITRE III
chaient sur Castillon. La garnison française de Sospel,
éveillée en sursaut, fut frappée d'une véritable panique.
En vain Brunet, Tépéeà la main, courut au cimetière
Saint-François par où fuyaient ses soldats, il ne put en
rallier qu'un petit nombre, avec lesquels il tint tète à Re-
vel. Le poste de Pérus, au lieu de tomber dans les mains
de Brentano, avait été réveillé par le canon piémontais
qui avait tiré trop tôt et nous prévîmes à temps l'attaque
de l'Agheisen et de Castillon. Ce que voyant, Saint- André
plaça un obusier sur la hauteur pour forcer Brunet de ga-
gner le Braous. Là était le frère de Pinto qui brûlait de
venger l'honneur de son nom. Le courrier envoyé à Cas-
telberg arriva trop tard. Sans cela Brunet tombait entre
les mains des Autrichiens. Le feld-maréchal, en descen-
dant de Pietra-Cava, n'en attaqua pas moins Lucéram, et
grâce à sa supériorité numérique, il nous força de battre
en retraite, nous fit une vingtaine de prisonniers, laissa
une garnison dans ce village et s'en retourna en toute
hâte à Belvédère.
Saint-André, maître de Sospel , y trouva quatre pièces
de campagne, une batterie et des approvisionnements
considérables. Un Te Deicm fut célébré dans l'Église, et
delà répété d'écho en écho jusqu'à Turin.
Brunet campait à l'Escarène.
Cependant Saint-André, comprenant que l'on ne pou-
vait garder une place aussi découverte que Sospel, se
contenta de se fortifier au Brouïs. Cette chaîne de monta-
gnes au-dessus de Sospel a deux points principaux : le
MangiabOj qui est comme la clef des défilés, conduisant
au Béolet, à Linières et à Moulinet ; et le Coticoide^ roc
inaccessible qui aboutissant à la Roya défend Breil natu-
rellement. En face du Brouïs, est la Baisse de la Levenza
qui aboutit au Béolet ; et au centre du Brouïs, s'élance
TAlparée. col inexpugnable, le géant de ces cîmes. Tels
sont les points avantageux qu'avaient rendus à Saint-
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 131
André l'attaque du 19 novembre. Trabaud resta au Pérus
avec trois cents miliciens.
IV. — FÊTE DU 19 NOVEMBJIE A NICE.
D'Anselme avait fait dresser sur la place Saint-Domi-
nique un catafalque recouvert d'un crêpe, surmonté
d'un sceptre et d'un diadème renversés. Là, étaient en
grand appareil toute la troupe, et son état-major, musi-
que, tambours, autorités administratives, le nouveau
maire de Nice, le baron Giacobi, les membres de la Société
populaire, l'amiral Truguet et son état-major. On remar-
quait, entre les plus exaltés, la phalange marseillaise,
affublée du bonnet rouge, tout récemment arrivée, et les
marins de Truguet, qui s'étaient signalés par leurs hor-
reurs à Oneille. On prononça des discours patriotiques, on
brûla le catafalque aux cris du ça ira^ à bas les tyrans,
mort aux aristocrates ! et sur les cendres on planta un
arbre de la liberté.
Lorsqu'on se jette en dehors de Dieu et de la religion,
on devient des hommes de sang, on n'exhale plus que
la haine et la mort. Et penser qu'à Nice, à Grasse les hom-
mes de la terreur trouvèrent des séides ! Les représen-
tants de la Convention, envoyés dans notre contrée,
n'avaient-ils pas voté la mort de Louis XVI ? Qu'avait-on
à attendre d'eux ?
Un banquet auquel assistèrent d'Anselme et Truguet,
suivit la cérémonie de l'abolition de la royauté. Cepen-
dant la phalange marseillaise et les marins, se répandant
dans la ville et dans la campagne de Nice, entraient dans
les maisons et pillaient ; ils dévastèrent, ce jour-là, la
maison de l'intendant, ils pendirent aux arbres du Cours
trois détenus, paysans suspects, qu'ils avaient arrachés
de la prison. Un habitant de Tourrettes, arrivant à Nice à
dos de mulet pour ses affaires, fut rencontré par une
132 CHAPITRE m
bande de ces scélérats. On lai ordonna de crier : \lve la
Ilé[iublique. Comme il ne s'exécutait pas assez vite, on le
renversa de son mulet, on le frapp-i à coups de sabre, on
le traîna dans la rue, et quand il eut rendu le der-
nier soufiir, on lui coupa la tète que Ton plaça au bout
d^une pique, et on l'offrait à baiser aux passants. O hor-
reur ! Une dame de Nice, nommée Cognet, à qui on la
préHrmta s'écria : « Mais j'aimerais mieux vous embras-
fUiv mille fois (jue de baiser cette tète de mort. > Aussitôt
ces misf-rables de se faire embrasser par cette dame et de
crier : « Vive la bonne citovenne ! >
lyAnselmc, cependant, festoyait. Soudain une estafette,
puis doux, venant de Sospel, changent la fête en deuil.
On af)[)rond la retraite de Brunet sur l'Escarène. Le
f(én(5nil on chef ordonne de suite à Traguet de consi-
((fier wîH marins à bord, d'embarquer la phalange mar-
i»<îillaiM(5 et d'appareiller pour la Sardaigne. La générale
battait dans la ville. Il appela aux armes les hommes de
bonne volonti pour aller reprendre Sospel. Mille hommes
H'(itiVi)UiVin\i en moins d'une heure. Il fit dire à Dumerbion
dV'nvoynr dos troupes vers la vallée de Lantosque, afin
(Vnm\u\(t\uiv (Jastelberg de joindre Saint-André, et lui-
rrirtnuî ru ixsrsonne, dans la soirée du 19, se rendait à l'Es-
carnn(î, suivi do mille à douze cents hommes. Le 22
novntnbrcî, il s'avançait vers Sospel, et laissait toutefois
Hrnnct prendre sa revanche. Mais le comte Saint-André,
H'(înilïUS(jUo (Ml face do la Baisse de la Levenza, s'élance
Hur Urunet (ît lo force de se replier sur le pont de Niéjà.
I/air;iir(î fut chaude. C'est dans cette occasion que le mili-
ci<în Honnecorni visa si bien la canne de Brunet que d'un
coup d(3 l'iisil il la lui fit sauter des mains. On lui donna
pour (îott(î acîlion lo surnom de romain. Après sept
heures d'une lutte acharnée, Brunet poursuivi par Saint-
Andnî mi retrancha dans Berre, Masséna lui vint en aide.
11 contint, huit heures durant, Saint-André à la Maggiola,
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 133
jusqu'à ce que Brunet, ayant rallié ses hommes, fût en
état de tenir tète au général piémontais. Trabaud avait
dû abandonner Sospel, mais en sortant il enleva les pou-
tres qui soutenaient le pont, de sorte que notre premier
détachement roula avec le pont au fond du ravin. D'An-
selme furieux laissa massacrer jusqu'aux femmes et aux
enfants. Il livra le pays à sa troupe qui y commit toutes
sortes de pillage durant quatre jours. Après quoi, il fit
prêter le serment de fidélité aux habitants et, comme
cette ville ne pouvait être défendue, il transporta son
camp à l'Escarène, et en confia la garde au vaillant géné-
ral Dagobert, maréchal de camp depuis le 20 septembre.
Pas une habitation de Sospel ne resta intacte ; les bastides
avaient été incendiées, les champs dévastés. Sur d'autres
points on se montra aussi violent. A Bendéjun, le régi-
ment corse se livra à des atrocités ; il y massacra entre
autres les trois frères Mari, tout trois prêtres. L'église de
Nice devait avoir aussi ses martyrs.
Berre resta au pouvoir des Austro-Sardes jusqu'au 3
décembre,fut reprise par le général Dagobert, à la tète de
1,500 hommes ; exploit qui lui mérita les éloges du minis-
tre de la guerre et de la Convention. Le 24 novembre,
le général en chef avait envoyé un premier rapport à
Paris et le 28 il avait chargé son aide de camp de porter
quatre drapeaux pris à l'ennemi pour les off^rir à la
Convention. Dans un autre rapport du 4 décembre, il
donne ses raisons de ce qu'il a choisi l'Escarène de préfé-
rence à Sospel comme camp d'avant-garde. < Le service
journalier de Sospel, couvert déneige, le manque d'habil-
lements et d'équipement des troupes, les dépenses de
ravitaillement pour un corps de 3,000 hommes m'ont fait
renoncer à Sospel. Après y être resté huit jours, pour
apprendre à l'ennemi que nous tenons ce poste à volonté,
je me suis déterminé à établir l'avant-garde à l'Esca-
rène. Sospel placée au fond d'un vallon très- profond
134 CHAPITRE III
appartiendra toujours à celui qui voudra y marcher de
force. >
Cependant il n'était bruit dans tout le comté de Nice
que des excès commis par nos troupes. On s'était plaint
surtout de Masséna et de Férus dans la vallée de la Vé-
subie. Or, les habitants de Levens et de Sâint-Blaise,
furieux de se voir enlever leurs troupeaux et charger de
réquisitions, tandis que le détachement français campait
dans la plaine, se levèrent en masse pendant la nuit, en
armes et chassèrent la troupe. Plusieurs périrent en
fuyant du coté du Var. Masséna se chargea au nom de
Dumerbion d'aller pacifier ses compatriotes. Et il sut si
bien allier la persuasion à la force qu'il ramena les
esprits aigris par nos contributions forcées. D'Anselme,
malgré cette belle conduite, malgré les observations de
Dumerbion, crut devoir arrêter Masséna, le 4 décembre,
et le faire amener à Nice, où il fut incarcéré. Le futur
maréchal de France écrira de sa prison à la Convention :
4c Le 4 décembre, j'ai été arrêté par la gendarmerie natio-
nale, jeté dans un cachot, gardé à vue par une sentinelle
qui se tient continuellement à ma porte sans avoir pu
savoir ni comment, ni pourquoi j'ai été arrêté et détenu.
Je gémis dans ma prison depuis vingt-trois jours, et je ne
connais ni mon dénonciateur, ni mon accusateur. Je suis
détenu par ordre du général d'Anselme. Citoyen législa-
teur, ma conscience ne me reproche rien. > Nice, 27
décembre 1792. — Il écrivait aussi à Dumerbion, le 18
décembre : « Si j'avais suivi votre conseil je ne serais pas
ici. Vous m'avez dit que d'Anselme me perdrait. Général,
j'ai fait mon devoir, je vous ai aimé, estimé, voilà mon
vrai crime. Les bestiaux de Lantosque sont mon seul crime :
hélas ! Vous le savez. » Ces quelques mots nous révèlent
que Dumerbion n'était pas en de bon termes avec d'An-
selme, et que Masséna était poursuivi par d'Anselme
pour être dévoué à Dumerbion.
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 135
Masséna s'évadera de prison le jour sinistre où la
tête de Louis XVI tombera sur Tëchafaud.
V. — CABALE CONTRE LE GÉNÉRAL D' ANSELME.
D'Anselme depuis longtemps avait contre lui, dans sa
propre armée, ses ennemis les plus acharnés. Les uns le
dénonçaient comme royaliste et aristocrate ; d'autres ,
comme général inhabile et peut-être pactisant avec les
Sardes. On faisait flèche de tout pour le perdre. Si les
Austro-Sardes n'étaient pas encore rejetés au-delà des
monts, il s'était endormi à Nice; s'il avait reconquis Sospel,
et envoyé à Paris les drapeaux, on disait que c'étaient
les bannières des confréries et des Pénitents de Sospel. On
le rendait responsable de tous les excès commis. Certains
orateurs se déchaînaient contre lui dans le club de Saint-
Dominique, et entre tous le sergent Dufour, du 2"® ba-
taillon de l'Aude. Le 16 novembre, le citoyen Arèna et le
président rappelèrent à l'ordre le calomniateur. Les trois
commissaires de la Convention , Collot-d'Herbois, Gou-
pilleau et Lasource assistaient à cette séance. Le 23 no-
vembre d'Anselme envoya à Paris son premier mémoire;
Aréna écrivit en particulier à Salicetti, son compatriote,
en faveur du général.
Le 9 décembre, une émeute éclatait à Nice à l'occasion
des assemblées primaires. Le sieur Giraudi, ayant pro-
noncé quelques paroles malsonnantes dans la section de
Sainte-Réparate, fut sur le point d'être saisi par les sol-
dats; il s'esquiva, fut enfin arrêté et incarcéré. Le
peuple prit fait et cause pour lui, alla aux prisons dont il
enfonça les portes à coups de hache pour le délivrer. Il
fallut des détachements des régiments de la Sarre, de la
Vieille-Marine, des piquets de dragons et de gendarmes
pour dissiper la foule.
Après l'émeute de Nice, un rapport partit contre le
130 CHAPITRE m
g/méral i)Our Paris. Les clubs redoublèrent leurs récrimi-
nations : € C'est parce que d'Anselme ne sait fias main-
t^îîiir l'ordre, disaient les commerçants, que les étrangers
fuient Nice, cet hiver, et que la ville est pleine de misère
et de virlo. > Comme si mille autres causes évidentes ne
détournaiorit pas la société cosmopolite delà cité. Est-ce
que nous n'étions pas en guerre avec l'Europe entière.
Qui donc songeait à venir goûtera Nice les douceurs de
riiiver?
Sur les autres points des Alpes-Maritimes, on s'achar-
nait (îontre Uîs émigrés, contre les prêtres réfractaires,
cÂmiw. les suspects. Déjà les prisons de Grasse étaient
conihhîH. On venait entre autres d'arrêter, à Garros, deux
^Mî(;léHiaHti(iues, Joseph Olivier, de Saint- Vallier, et Jacques
Mai'H, eliunoino do Vence ; tous deux seront guillotinés
pluH tnrd. Ils avaient repassé le Var à l'entrée des Fran-
klin dans Nice. Le chanoine Mars devint l'objet d'un
rapport H|)(''eial. < Il essayait, dit-on, de rentrer à Vence,
lorMiu'il lut saisi dans la campagne par deux dragons et
(îonduit (îIh^/ son neveu qui le réclama sous sa responsa-
hilit*'* pi^rsonncîllo. La majeure partie des habitants vou-
laient (pTon le laissât on liberté. Les officiers municii>aîix,
pour ne pas ho compromettre, écrivirent au district de
Saint-Paul, 1(k2 novembre : < Citoyens, en suite des or-
dreH (|ue vous nous avez donnés, nous avons fait partir
(îe matin a d(Mix heures le prêtre Mars pour Grasse avec
l'eHeorUî n(i(îess:iiro. Nous devons vous faire observer que
les prêtres assermentés étaient venus à bout de mettre le
désordre dans la ville, relativement aux opinions reli-
gieuses. Nous leur avions délivré des passeports pour
Nice. L(mr (l<^part nous avait rendu le calme, quand le
prêtre Mars, après la prise deMce, revint clandestinement
à (Jarros, ou après avoir prêté le serment, il était rentré
à Vencuî. Nous fîmes toutes les recherches possibles |X)ur
le saisir : c'est à tort qu'on nous a inculpés, ainsi que la
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 137
Société des amis de la liberté. Maintenant le voilà entre
les mains de la justice. Nous avons écrit au général d'An-
selme et au commandant Liautaud. > L'abbé Olivier fut
aussi incarcéré à Grasse. Deux prêtres, Auzias et Abbon,
infidèles à leurs serments, le croirait-on, occupaient alors
à Vence les charges municipales et trempaient dans tous
les crimes de ce temps-là. Partout les citoyens, pour ne
pas être dénoncés comme suspects, s'empressèrent d'aller
aux mairies se faire délivrer des certificats de civisme.
Les registres d'Antibes en sont remplis. A Grasse parmi
les personnes qui prêtent le serment civiqtie, nous trou-
vons le sieur de Cugnac et sa famille revenus de Monaco
à Grasse ; le sieur de Saint-Ferréol et sa sœur Aimare.
La situation n'était pas brillante dans le district de
Grasse. Le 12 décembre, le citoyen Paul Girard cadet,
premier syndic, déclarait devant l'administration qu'au
milieu des révolutions successives, désolée par les prêtres
fanatiques j menacée par les méchantes coalitions, trahie
par le pouvoir exécutif qui devait nous protéger, l'autorité
de la loi avait été impuissante à tout faire. En attendant
l'œuvre d'iniquité s'achevait. Les capucins respectés jus-
qu'à ce jour à Grasse, à cause de leur popularité, se
voyaient expulsés le 15 décembre, et leurs quelques mau-
vais meubles séquestrés. Vallauris ne cessait pas d'être
agité. Le 28 décembre, on se battait pour les opinions po-
litiques ; il y eut même des blessés. La garde nationale
accourut de Grasse avec le citoyen Flory du directoire,
pour mettre le holà.Qu'eut-on respecté, lorsque la Conven-
tion nationale s'érigeait en accusateur et en juge de son
propre roi ? La France entière attendait avec une anxiété
fiévreuse la sentence définitive. Mais l'administration ré-
volutionnaire n'avait ni trêve ni repos. Les gens suspects
de rovalisme étaient mis en état d'arrestation. 11 v en eut
Inentôt tant qu'on ne savait plus qu'en faire. A Grasse, ils
étaient entassés dans un lieu infect, tellement qu'on dût
138 CHAPITRE m
se préoccuper de préparer Tex-grand séminaire pour les
recevoir. Ceux du fort Sainte-Marguerite furent libérés. 11
s'y trouvait, des gens de la suite de Mo)isieur^ frère du roi,
de Madame royale^ un domestique de révêqued'Evreux,
Tabbé Panescorse, prêtre du diocèse de Fréjus, le lieute-
nant-général criminel au siège de Marseille , Antoine-
Benoît Catelin, sa femme, Madeleine-Henriette Rémusat
et leur fille Henriette; un aspirant de marine, Désiré
Ravel ; un conseiller d'Aix, Jean-Francois Allard. Le 18
décembre, on les conduisit sur une barque à la frontière
de Gênes.
Pour prendre ses quartiers d'hiver et pour contenir les
populations, une partie de l'armée du Var stationnait dans
les pays de la rive droite : à Mougins, le bataillon des
Martigues ; au Broc et dans les environs, le 6™® bataillon
du Var qui était remplacé par les compagnies du bataillon
des Bouches-du-Rhône venues de Vence. Vence avait le
bataillon de Lubéron.
Les hôpitaux et les ambulances comptaient des soldats
malades en grand nombre. Les administrations des dis-
tricts leur procuraient les matelas et tout le linge des
émigrés. On réquisitionnait aussi pour l'armée du linge,
et toute sorte d'effets, bonnets, chemises, bas.
La cabale montée contre d'Anselme à Nice n'avait pas
désemparé. Un lait insignifiant en lui-même et dont d'An-
selme n'était pas l'auteur, servira pourtant à l'accabler
une fois de plus .
Les deux frères de Sainte-Marguerite et Barralis, bons
officiers du régiment de Nice, demandèrent au comte de
Saint-André la permission de tenter quelque chose sur la
Haute- Vallée du Var. C'était vers le milieu du mois de
décembre. Ils partirent du quartier général, et laissant à
gauche le Raous, alors couvert de neige, ils gravirent par
leBrouïs, Linière, Moulinet, Pietra-Cava, Lantosque, où
ils virent Castelberg, traversèrent la Tînée, occupèrent
CONVENTION NATIONALE (1792-1795 139
successivement Massouins, Villars, Touët-du-Var, où ils
abattirent les arbres de la liberté ; et renforcés des gens du
pays, ils se dirigèrent , dans le plus grand secret, vers
Puget-Théniers, gardé par 200 des nôtres.
La petite armée, formée en trois colonnes, devait débou-
cher sur Puget-Théniers par trois côtés, l'une par le pont
du Var, l'autre par le quartier de la Trinité, et la troisième
par la route directe. Elle se composait d'un millier d'hom-
mes. On marcha toute la nuit, et vers six heures du matin
on donna l'assaut. Nos deux cents hommes surpris
n'eurent que le temps de sauter du lit , et de s'enfuir
demi-nus. La colonne qui devait arriver par le pont du
Var ayant mis du retard, laissa à nos soldats la route
ouverte du côté d'Entraunes. Un petit nombre seulement
fut fait prisonnier. En apprenant l'attaque du Puget, notre
garnison de Roquestéron se mit en marche pour porter
secours ; elle eut le chemin barré au passage de la Clue.
Sainte-Marguerite l'aîné alla sur Guillaumes, dont les
habitants se joignirent à nos troupes pour le repousser.
Le frère de Sainte-Marguerite ne réussit pas mieux à
Cuébris;mais à Saint-Pierre, il somma les habitants de
livrer leurs armes et de payer deux cents livres de contri-
bution.
Un ordre du quartier général les rappela en toute hâte.
Mandés à Turin, ils durent rendre compte de cette expé-
dition au roi, qui, après les avoir entendus, leur dit:
« Mes amis, vous avez des envieux ; mais soyez tran-
quilles ; je sais ce dont vous êtes capables. « Et il les ren-
voya à leur poste. >
L'affaire de Puget-Théniers s'ajouta aux griefs que l'on
accumulait sur d'Anselme ; on rejeta sur lui tout l'odieux
des fautes de ses subalternes. Collot d'Herbois se chargea
surtout de l'accabler dans ses rapports à la Convention,
comme on le faisait alors au nom de la fraternité et
de la liberté. C'est curieux de lire ces rapports publics et
iiO CHAPITRE III
secrets de ces soi-disants républicains : la calomnie ne
leur coûtait rien. Ils dénaturaient les faits, interpré-
taient tout en mal. Enfin ils n'aimaient pas ! 0 charité
chrétienne, où étais-tu ?
€ Si le despote et ses satellites, disait-on, ne sont pas au-
delà des monts, ils ont des partisans dans Nice. D'Anselme
s'endort.
€ La désertion des volontaires affaiblit extraordinaire-
ment son armée. Des mouvements d'indiscipline s'y ma-
nifestent tous les jours ; nous avons fait arrêter un
capitaine taxé d'exaction et deux volontaires convaincus
de vol. Nous sommes forcés de vous offrir le tableau peu
satisfaisant de l'état de l'armée, relativement aux four-
nisseurs. Elle paraît avoir été singulièrement négligée,
pour ne pas dire abandonnée... Il nous est impossible de
ne pas dire, qu'à notre armée, les troupes manquent
généralement de souliers, d'habits et de culottes... »
L'abbé Grégoire dira plus tard : < L'indiscipline d'une
grande partie de l'armée sous les ordres du général
d'Anselme a causé pendant quelque temps des horreurs.
Ce général a publié deux mémoires apologétiques. Le
général Briinet dément plusieurs faits consignés dans
le premier. Le second ne nous paraît pas répondre victo-
rieusement à toutes les inculpations dirigées contre lui
par les commissaires qui nous ont précédés. Nous devons
à la vérité de dire que dans cette malheureuse contrée un
cri général s'élève contre d'Anselme, qu'on le regarde
comme le Verres des Aljies-Maritimes ; contre Férus
dont le nom seul inspire l'horreur. On évalue à plus de
quinze millions les délapidations de tout genre commises
dans ce département. >
Le 22 décembre, d'Anselme est appelé à Paris pour
rendre com[)te de sa conduite à la barre de la Convention.
Brunet fit l'intérim.
Qu'ont donc de si appétissant les hautes dignités pour
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 141
que certains hommes les ambitionnent si passionnément,
et qu'ils sacrifient pour les obtenir et les conserver jusqu'à
leurs convictions? L'histoire devrait bien les rendre un peu
plus philosophes. Qu'un homme se dévoue pour sa patrie,
celase conçoit; mais qu'il n'aspire aux charges que pour
s'élever au-dessus de ses semblables, il- y a là une étrange
aberration d'esprit. Monter au faîte c'est se mettre plus en
vue aux critiques des uns, aux jalousies des autres ; c'est
s'exposer davantage aux coups du vent et de la foudre. Et
l^ms ornes cuihonos. Celui qui gagne un poste éminent doit
renoncer à ses propres satisfactions, à son repos et à son
bien-être personnel ; il ne s'appartient plus à lui-même; ses
jours et ses nuits seront consacrés au bien de tous, sans que
pour cela il attende même de la reconnaissance. 11 pourra
bien au contraire ne recueillir qu'ingratitudes et vexations
en récompense de son dévouement et de ses bonnes inten-
tions, car on ne juge d'ordinaire que d'après le succès. Des
exemples n'en manquent pas dans le passé. Et dans les
Alpes-Maritimes, à cette époque de la grande Révolution,
n'avons-nous pas d'Anselme, Biron et Brunet, dont les
noms s'ajoutent à la liste de tant d'illustres victimes. En
92, en 93, il fallait vaincre ou mourir. On ne recevait pas
à la Convention un général défait, de la manière que les
Romains accueillaient le Téméraire de Cannes.
La Convention, avec son bonnet phrygien, faisait de
la République athénienne, disons de la tyrannie. Elle fut
injuste pour d'Anselme. Ce général pouvait-il vaincre
quand l'État ne lui envoyait ni argent, ni provisions ; que
les soldats manquaient de tout ; que l'hiver sévissait ; que
la guerre civile se joignait à la guerre étrangère ; que les
nouvelles recrues ne savaient pas le premier mot de la dis-
cipline militaire, que nos soldats n'exhalaient que la haine
de Dieu, du prêtre, des nobles, dans une ville de sa nature
paisible, morale, religieuse ; quand Nice, à cause de nos
idées révolutionnaires, manquait tout à fait d'étrangers.
142 CHAPITRE III
Beaucoup de Niçois avaient fui. La majorité de ce qui res-
tait, regrettait la Maison de Savoie. Ajoutez à ces obstacles
que trouvaient d'Anselme, les difficultés d'agir, dans la
saison où Ton se trouvait, au milieu des torrents et des
montagnes, et contre une armée aguerrie, qui avait pour
elle les secours de l'étranger, l'avantage des positions,
l'enthousiasme, la défense du sol natal.
D'Anselme, jeté en prison sur la proposition de Collot
d'IIerbois, rédigea un nouveau mémoire justificatif; et
quoiqu'il n'eût ni ses registres, ni sa correspondance mise
sous les scellés à Paris ou à Apt, il fit une œuvre remar-
quable de style, d'ordre et de clarté. Il y prouva qu'il
n'était nullement responsable des vexations commises,
qu'il les avait réprimées autant qu'il avait pu ; qu'il avait
puni un commandant ; qu'il avait fait rendre ou payer les
troupeaux enlevés aux habitants. Le procès qu'il avait
fait instruire devant les tribunaux voisins de Nice contre
quinze soldats accusés de vol et de pillage offrit une nou-
velle preuve du peu de fondement des griefs portés contre
lui. Ce mémoire publié dans un moment où il suflTisait
d'être suspect pour porter sa tête sur l'échafaud, parut,
malgré les insinuations perfides de Collot d'Herbois, de
l'abbé Grégoire, vivement impressionner la Convention.
On ne voulait pas, d'ailleurs, flétrir par un jugement
précipité un chef d'armée dont le nom se liait à nos pre-
miers triomphes. On le laissa en prison. Et pourtant l'abbé
Grégoire écrira : < Nous demandons que votre comité de
la guerre accélère son travail et qu'enfin la punition
frappe les coupables... Tâchons que le jour terrible de la
vérité pénètre dans la tannière du crime et que la hache
de la loi atteigne les coupables. > Tous ces gens-là ne pro-
féraient que des cris de mort. Le citoyen Victor Tiranty,
déjmté de Levens à la Convention nationale, se chargea,
lui aussi, d'entraîner la Convention. C'est en vain, d'An-
selme échappera à la mort. La chute de Robespierre lui
CONVENTION NATIONALE (1792-1795) 143
ouvrira tardivement les portes de la prison. Mais enfin
rendu à sa famille qui n'espérait plus le revoir, il prendra
le parti de vivre à Apt, éloigné des affaires publiques. Il
recevra même une pension et consacrera ses loisirs à la
culture des lettres et des arts. Il mourra en 1812.
Brunet vient après d'Anselme. Ce général né à Va-
lensoles , dans les Basses - Alpes , était connu avant
1789, puisqu'il avait son brevet de maréchal de camp
depuis le 1®' mai 1781. Les historiographes louent son
grand fonds de probité et de bravoure, ce qui lui conci-
liait Tamour et l'estime des soldats. Dès qu'il eut pris le
commandement de d'Anselme, il exposa au ministre de la
guerre la situation de son armée. Elle montait à douze
mille hommes disséminés, quatre mille au camp de l'Es-
carène, mille cinq cents entre Peille et Menton, huit cents
à Levens, quatre cent cinquante répartis entre Cuébris,
Cigale, Roquesteron et Gilette, deux mille à Nice , quel-
ques détachements du côté de Puget-Théniers. Il dé-
chargea Nice de la garde de Saint-Laurent-du-Var qui fut
confiée à la garnison d'Antibes; il établit une batterie à
Montgros en vue de Saint-Pons, releva les fortifications
de Saint-Hospice, de Mont-Alban et de Villefranche, et
mit au château de Nice trois cent cinquante hommes et
quarante-quatre pièces d'artillerie.
1798.
i7P5, année sinistre ! La Patrie se voile d'un deuil
funèbre, lorsqu'on prononce 93, le 21 janvier, la Terreur,
les assignats, les journées du 31 mai, du P'et du 2 juin,
les massacres de Lyon, les noyades de la Loire, enfin les
troubles de la Montagne.
Nous avons pour députés à la Convention du district de
Grasse, Isnard (Maximin) et François Yve Roubaud. Nice
y nommera plus tard Blanqui et Dabray •
1A4 CHAPITRE III
VI. — l'alarme du 4 JAN^^ER.
Le bruit vient de Castellane à Grasse et à Saint-Paul
que l'on a vu des bandes de brigands du côté de Brian-
çonnet. La rumeur, qui grossit tout, les faisait des milliers.
Aussitôt les autorités de Grasse et de Saint-Paul dépê-
chèrent un courrier à Castellane pour assurer leurs
frères et amis de leur bonne volonté de les servir de
tous les moyens dont ils pouvaient disposer. Le 10
janvier les nouvelles sont encore plus alarmantes. Les
communes des rives de l'Esteron, Salagriffon, Le Mas,
Gars, se lèvent en masse et demandent des armes au
district de Grasse. Le directoire de Grasse écrit au général
Brunet. Le 15 on envoie des armes et des munitions. Des
détachements de gardes nationaux se mettent en route
pour repousser l'ennemi. Le 18 janvier, on annonçait que
les brigands étaient en fuite. On peut rapporter à cette
époque le mouvement de troupes qui se fait sur la rive
droite du 1®*" janvier au 4.
Le quartier-général de Dumerbion est toujours à Saint-
Martin-du-Var.
La Convention nationale demandait en même temps au
département des hommes pour la d'^fendre. Le départe-
ment du Var fournira pour son c<)ntingent un bataillon
d'élite de 500 hommes qui seront rendus à Paris le 27 (1).
21 janvier. — On dirait qu'un voile funèbre s'étend sur
toute la France en ce jour lamentable. Hélas ! Isnard vota
sans appel au peuple, sans sursis ! L'infortuné. Il rappela
dans son vote ce qu'il avait déjà dit à l'Assemblée na-
tionale : c( Si le feu du ciel était entre mes mains, j'en
frapperais tous ceux qui attentent à la souveraineté du
peuple ; toujours fidèle à ces principes, je vote la peine
(I) Archives de la Préfecture de Nice. Directoire de Grasse.
CONVENTION NATIONALE (1793) 145
de mort sans appel, sans sarsis,et je demande que les deux
frères émigrés de Louis Capet soient jugés par un tribunal
criminel. >
Nous interrogeons tous les registres des délibérations
municipales, on n'y découvre aucune allusion à ce drame
inouï. M^isséna profita sans doute de la stupéfaction géné-
rale pour s'échapper de prison et retourner auprès de
Dumerbion.
Un grand nombre de citoyens passent la frontière. Ceux
qui restent se font délivrer des certificats de civisme
dont les registres municipaux sont remplis. L'ancien gou-
verneur d'Antibes, le marquis de Cugnac, se fait donner
son passeport à Grasse pour lui et pour sa famille, et
s'embarque à Cannes pour la rivière de Gênes. A Antibes,
personne ne veut plus de la mairie ; pour le moment
Guillaume Lamare se charge de l'intérim. Jean-Jacques
Gazan et Barthélémy Barquier donnent leur démission
d'officiers municipaux ; et l'on nomme procureur de la
commune Jean-Jacques Désiré Sanglier, l'ancien major
du Fort-Carré (6 février). Suspecté de royalisme, comme
noble, il se croit sans doute menacé dans sa vie ; il
se fait délivrer le 18 février un certificat de civisme
dans les règles. 11 est âgé de cinquante ans. Ci-devant
major de la place d'Antibes, il est revenu résider dans
cette ville depuis le 8 août 1792. Il n'a d'autre traite-
ment que son brevet de pension de 1.940 fr. Enfin,
on choisira définitivement pour maire Michel Joseph-
Emond d'Esclévins ; Nicolas Grailler garde la justice
de paix.
Grasse a une plaie de plus. Les soldats malades ont la
gale, l'ambulance est comble. Bon gré, mal gré, il faut
qu'elle les garde et qu'elle les soigne (2 février). La vente
des biens des émigrés se poursuit. En février ce sont les
terres et les meubles du marquis de Cabris, du baron
d'EscragnolleSy des familles Pontevès, Théas,Luce. — Gas-
10
i46 CHAPITRE m
pari réclame en vain, et dit qu'il n'a jamais émigré. On
séquestre, on vend aussi ce qu'il possède à Grasse de
rhéritage paternel.
Le 13 février, arrive de nuit à Antibes (1 heure 1/2) une
dépêche. C'est la déclaration de guerre par la France à
l'Angleterre. Le Conseil municipal, assemblé de grand
matin, s'associe aux sentiments d'indignation et au juste
ressentiment de TAssemblée nationale. Elle fait enregis-
trer le décret du !•' février et afficher dans la ville la
déclaration de guerre à l'Angleterre. Biron se trouvait
quelques jours après à Antibes se rendant à son quartier-
général de Nice (17 février).
VII. — LE GÉNÉRAL BIRON.
Armand Louis de Biron, duc de Lauzun, fils de Louis-
Antoine deGontaud-Biron, maréchal de France, était né
le 13 avril 1747. Il s'était acquis la célébrité d'un joueur
dans sa jeunesse sous le nom de Lauzun, et s'était distin-
gué ensuite en Amérique sous Rochambeau ; revenu en
Franco, il Ait colonel des hussards de Lauzun, s'attacha
aux d'Orléans contre Louis XVI, et de commandement en
commandement depuis 1791, il fut nommé général en
chef de l'armée des Alpes-Maritimes, le 9 février 1793.
Il avait une grande réputation de bravoure.
Nice apprenait à la même époque, que par décret de la
Convention nationale, du 30 janvier, elle était annexée à
la France, et en devenait le 86« département, sous le nom
des Alpes-Maritimes.
L'administration officielle fête, comme de juste, cette
annexion. M. Garidelli, vicaire-général, officie à la cathé-
drale le 10 février. L'avocat Dabray <îhante l'annexion en
vers et en prose. Ce cerveau exalté dépensait sa verve en
discours plus excentriques les irns que les autres. Au club
patriotique, il n'y avait que pour lui à parler ; sans cesse
CONVENTION NATIONALE (,^93) 147
il écrivait à la Convention, qui avait bien autre chose à
faire que de le lire : < Il faut terrasser les tyrans qui font
le malheur du genre humain, courir sus à cet imbécile de
despote sarde et à ses satellites, à ces malveillants hypo-
crites qui méconnaissent le Tout-Puissant et qui ne ces-
sent de déclamer contre le nouveau régime pour rétablir
les énormes abus de Tancien ; à ces impuissants sacrilèges
qui, se couvrant avec impiété du manteau du culte, com-
mettent sans crainte et sans remords toutes les perfidies ;
à ces ignorants ou escrocs partisans de la cour de Turin
où tout est vénal, corruption, astuce, tromperie, injus-
tice ; où pour avoir un emploi il faut se déshonorer et
s'en rendre indigne; où la vertu et le mérite sont en
disgrâce... •> Il voue à toutes les fureurs cet ambitiettx
Thaon André j cet opprobre de la Sardaigne, ce parfait
vaurien, ce protecteur de la canaille. < Devenus français,
pourrions-nous souffrir de retomber dans Tesclavage ? En
dépit de tous les aristocrates, du fanatisme, du préjugé et
de leurs fauteurs, nous bravons Tunivers. Toujours nous
serons invincibles. > Il n'oublie pas le Pape qui trame en
dessous.
Le club, dit des Colons Marseillais, déclarait les Niçois
émigrés traîtres à la Patrie, dignes de mort et leurs biens
séquestrés (20 janvier 1793). Le Conseil municipal s'en
émut. Le maire Paulian, qui venait de remplacer le
baron Giacobi, en donna connaissance au conseil. On y
voyait encore quelques nobles, le baron Joseph de Gri-
maldi, le baron André Giacobi, le baron Garin, le comte
de Orestis, procureur de la commune. Malgré Topposition
des sieurs Chabaud, Raynaud et Barrière de Saint-
Jeannet, on rédigea une adresse à la Convention pour
disculper les émigrés. < L'indiscipline de l'armée, sous les
ordres de d'Anselme, a excité la terreur. La ville menacée
de la famine ne savait plus où trouver des vivres. De là
résulta l'émigration. Ce n'est que depuis l'arrivée des
48 CHAFITRB m
dtcveos Collet d*Herbois, Lasoarce et Goupilleau que la
confiance renaît* et qae raînoar de la patrie se fait sentir.»
En effet on comptait de Nice seulement, plus de trois
mille émignês.
Kron arrivait dans ces circonstances. Il s'arrêta à
Antibes où les officiers municipaux lui votèrent des
remercii^nents, de ce qu'ailant à Nice, il lettr avait
fait r honneur de les visiter j et de se rendre à la com-
mune pour les assurer de la bienveillante protection
que cette ville avait, à cause de son patriotisme et
de sa bravoure, obtenue des généraux. Quelques jours
après une députation du Conseil ira à Nice auprès de
Biron, général recommandable autant par son civisme
et par ses vertus magnanimes, que par sa justice et sa
bienfaisance. Elle lui présentera les hommages du respect
et de la reconnaissance de la commune, et l'assurera du
dévouement de tous les citoyens pour la République fran-
çaise, de leur zèle et de leur bravoure pour la défendre.
On lui exposera en même temps que la guerre menaçait
les cotes, et qu' Antibes étant exposée peut-être à un
blocus, il seroit bon de venir en aide à la municipalité, et
de lui permettre de rétablir le moulin à vent qui existait
en 1746 et d'en établir un second.
La question des vivres préoccupait toute la contrée. Le
blé coûtait 55 francs la charge pris à Toulon et 81 francs
en assignats. On exposait encore que de tous les environs
on venait s'approvisionner à Antibes, qu'on ne pouvait
suffire aux subsistances^ avec les passages continuels de
troupes, trois cents malades dans les hôpitaux, un nombre
considérable d'employés pour les convois militaires. Les
commerçants refusaient les assignats en paiement. Biron
promit de faire tout ce qu'il pourrait, mais il y avait tant
d'embarras en ce moment, que les municipalités devaient
s'aider elles-mêmes. Sur les instances de la Société po-
pulaire, le Conseil municipal établit un comité de douze
CONVENTION NATIONALE (1793) 149
de ses membres pour fixer le prix des denrées, pour forcer
les marchands de recevoir les assignats en paiement, et
pour approvisionner la ville. On ouvrit une souscription
afin d'avoir de l'argent et d'acheter du blé. Partout la
même disette sévit. On craint des révoltes à Vence ; des
troubles sérieux ont éclaté au Cannet. Antibes est aux
abois. Ni vivres, ni numéraire. L'argent se cacho à me-
sure que la confiance se perd.
VIII. — ATTAQUE DE CASTILLON. — 23 JANVIER.
Biron reçut à Nice toutes les divisions administratives,
et s'occupa aussitôt des affaires de la guerre. 11 félicita
nos braves qui venaient de repousser heureusement les
attaques de Castillon etdeSospel. Pendant la nuit du 23
janvier six cents Piémontais se mettaient en campagne.
Où allaint-ils ? Castillon, village qui fait face à Sospel, sur
l'autre rive de la Bévéra, est posé sur un rocher à pic,
comme une citadelle. Les maisons font corps avec les
murailles, de sorte que les fenêtres servent de meurtriè-
res. Deux cents des nôtres gardent ce poste. Les Piémon-
tais. nu-pieds, le fusil sur le dos, grimpent à pas de loup,
jusqu'au pied des murs. La sentinelle veille, entend, aver-
tit doucement, et nous nous groupons sans bruit du côté
où l'on monte. Tout-à-coup nous leur lâchons une
décharge qui débusque le tout en un moment. Il resta des
morts et des blessa. Les mémoires sardes prétendent
qu'une nommée Sophie Cairasque de Sospel, qui avait
son père officier parmi les nôtres, nous avait avisés :
moyen facile d'atténuer la défaite d'une part et la victoire
de l'autre. Quoi qu'on en dise, Brunet voulait se signaler
avant de remettre son commandement provisoire à Biron.
Il avait décidé en outre une attaque générale pour le
14 février. Il savait la confiance qu'avait dans ses forces,
l'armée piémontaise, depuis la récente nouvelle des désas-
150 CHAPITRE III
très de la flotte de Tiirguet en Sardaigne. Saint-André
avait dressé un autel sur des tambours, fait célébrer
la messe et chanté le Te Deum.
Cette solennité, sur la montagne, au roulement des
tambours, au bruit des fanfares et de Tartillerie, oflfrait
une scène digne de l'Horeb et du Sinaï, dit le chevalier
d'Auvare. Quelques jours après, le major Strasoldo, s'é-
tant mis en campagne, voulut, contre Tavis de Saint-
André, reprendre position à SospeK Le commandant
Trabaud qui était de Sospel Vy poussa. On se mit en
marche. Strasoldo se tint toutefois à Saint-François,
à mi-côté de TAgheisen , et défendit de traverser le
torrent. Il avait avec lui le régiment de Caprara et les
milices de Trabaud. Le colonel Chivalieri occupait le
Pérus et le vallon de la Niéja.
XI. — ATTAQUE DE SOSPEL.
Brunet n'ignorait rien. Il avait appelé dans le plus
grand secret, le 12 février à TEscarène, les troupes dont
il pouvait disposer à Nice, à Menton, à Contes, à Peille
et à la Turbie ; et dès la nuit du 13 au 14, quatre colonnes
s'élancèrent de TEscarène et arrivèrent à six heures du
matin sur les hauteurs du Braous, pour mitrailler Sospel.
Une colonne se dirigea sur TAgheisen, deux autres sur
Sospel, et la quatrième déboucha de Castillon sur le ci-
metière Saint-François. Strasoldo, surpris, était descendu
au premier bruit du canon dans Sospel pour nous y
recevoir : ce que voyant Vigan, Trabaud et Radicati, tra-
versant les feux croisés de Saint-François et deTAvène,
accoururent au secours de Strasoldo: «Général, lui dirent-
ils, sortons d'ici, pendant qu'il eu est temps encore. Nous
ne nous y maintiendrons pas. Venez vers TAgheisen*
Sans cela nous sommes perdus. > < Un général, répondit-
il , n'abandonne son poste qu'avec la vie. > Trabaud, en
CONVENTION NATIONALE (1793) 151
regagnant TAgheisen, reçut le coup qui le conduisit à la
mort quinze jours après. On se battit dansSospel à Tarme
blanche. Le comte de Revel put parvenir jusqu'à Strasoldo,
au péril de sa vie. 11 le conjura au nom de Saint-André, de
battre en retraite ; celui-ci ne consentit qu'à laisser partir
Tartillerie. Pour lui, il finit par tomber blessé entre nos
mains. La nuit seule sépara les combattants. Nous restions
les maîtres, la joie des nôtres tint presque du délire. Avant
d'envoyer les prisonniers à Nice, nos soldats s'amusèrent
d'eux, les coiffèrent du chapeau français, les poudrèrent
de neige, et les forcèrent de danser. L'escorte qui les con-
duisit de Sospel à l'Escarène, et de PEscarène à Nice,
chantait, sautait, gambadait.
Ce combat de Sospel jeta le découragement dans une
partie de l'armée Austro-Piémontaise. Nous en avons la
preuve dans les désertions qui se produisent depuis lors.
Le 18 et le 20 février, des soldats autrichiens arrivent
à Grasse et déclarent devant le directoire, qu'ils veulent
servir dans le pays de la liberté, et qu'ils demandent à être
acceptés dans les rangs des soldats républicains, pour
vivre et mourir libres. On leur donne la cocarde trico-
lore, 50 francs de gratification à chacun et aux dix pre-
miers déserteurs on ajoute en plus 80 francs. Biron se
rendit à Sospel, et mettant à profit cette défaite des Pié-
montais, il proposa à Saint-André une entrevue : ce que
le roi de Piémont n'accepta pas, de peur de porter om-
brage aux Autrichiens. Alors Biron, s'inspirant des plans
de Brunet, décida l'attaque sur toute la ligne, depuis
Sospel jusqu'à Entrevaux. Le général de brigade Rossy
reçut l'ordre d'entrer en campagne le 28 février du côté
de Puget-Théniers, et Dumerbion, d'avancer sur Utelle.
Biron partagea son corps d'armée en deux ailes, qu'il
confia à Dagobert et à Brunet. Pour donner le change à
l'ennemi, il fit mine de diriger l'effort sur le Brouïs :
€ Nous viendrons à bout d'emporter le Brouïs >, disait-il
152 CHAPITRE HI
dans sa proclamation à Tarmée. On partit de CîoUe-
Basse, le 28 février ; mais au lieu d'envoyer Tartillerie
sur la route de TEscarène, Biron la dirigea par Levens
au Gros d'Utelle ; et contenant le gros de Tarmée ennemie
au Braous, il commanda à Brunet d'opérer sa jonction
avec Taile gauche de Dumerbion dans la vallée de Lan-
tosque, ce qui était très-habillement manœuvrer. Du-
merbion enleva la Madone d'Utelle, d'un coup de main;
Masséna, Tourrette-Revest et Toudon ; le lieutenant-
colonel de Layssac, avec le 2* bataillon du Var, Luoé-
ram; Rossy s'était rendu maître de Puget-Théniers.
Partout les Piémontais fuyaient. Dagobert trouva l'en-
nemi au Col Négro, où Brunet le joignit. Chasseurs-
Corsés, grenadiers du 28*, chasseurs du 91*, poussaient de
cime en cime les Austro-Piémontais jusqu'à la Vésubie, et
les deux armées pressées l'une par l'autre franchissaient
dans cette marche des obstacles réputés insurmontables.
Après dix heures, nous bivouaquions en vue de la Vésubie.
L'ennemi terrifié abandonna Lantosque précipitamment.
Quoique Dagobert eût reçu une blessure très-grave, il ne
s'y installa pas moins en vainqueur, le 2 mars. La BoUène
fut occupée le même jour,
Castelberg couvrait Belvédère de ses cinq mille hommes.
On voyait dans son état-major le feld-maréchal comte de
Baleigne, le chevalier de Viterbe, les trois frères Ger-
mano, vaillants capitaines. Rien ne put arrêter l'élan
français devant Belvédère ; malgré la mitraille qui pleu-
vait du château Rainaldi, Brunet emporta ce poste au
chant de la Marseillaise. L'ennemi se fortifia au Capelet
et au Raous (12 mars). De Layssac, qui s'était un des plus
distingués à Belvédère, eut le commandement de cette ville
et Biron dans son rapport s'exprima en ces termes : < On
ne peut donner trop d'éloges aux officiers et aux soldats.
Chacun dans son poste a déployé l'énergie et le courage
dont sont animés les conquérants de la liberté. U ne nous
CONVENTION NATIONALE (1793) 153
reste plus à prendre que Saorge. > Il cite à Tordre du
jour radjudant-général Micas, Closalde, capitaine de
génie ; Chartogue, colonel du 68"® ; Vicasse, lieutenant-
colonel du 91™®; Escalle, lieutenant-colonel du second
bataillon de THérault ; les capitaines Despinoy et Raim-
baud ; Serrurier, colonel du 73"*, le capitaine Mauzé, etc.
La Convention félicita Biron. Le général fit offrir un
sabre d'honneur à Layssac par la ville de Nice. Il n'eut pas
fallu s'arrêter. Montesquieu désirait ardemment opérer
sa jonction avec Biron ; mais cent soixante mille ennemis
couvraient la frontière Nord-Est, et Montesquieu ne pou-
vait envoyer du renfort à Biron, D'ailleurs, les montagnes
étaient hérissées de neige et de glace. On se contenta de
garder les positions conquises et de se donner la main de
poste en poste jusqu'au col de l'Argentière. On était en
face des Austro-Sardes qui allaient du col de Tende au
col des Fenêtres et de la vallée de la Stura jusqu'au Saint-
Bernard. Saint-André tenait encore Breil, Saorge , le
Braous et le Brouis. Vers la fin de mars, Castelberg reprit
même Belvédère sur de Layssac, et nous força d'aban-
donner Saint-Jean et la Condamine. A cette nouvelle Biron,
accourant de Lantosque, fit établir des camps retranchés
au Flaout, à Saint-JuUien de Roquebillère, au Véséou, à
Saint-Sauveur de la BoUène et attendit le moment favo-
rable pour reprendre Belvédère et renouveler une attaque
générale.
X. — SITUATION INTÉRIEURE DES ALPES-MARITIMES.
Biron avait aussi beaucoup d'affaires sur les bras, en
outre de l'ennemi qu'on le pressait de débusquer. Nice,
toujours agitée par le club patriotique et par le club mar-
seillais, entendait les discours les plus extravagants des
patriotes exaltés qui voulaient imiter et Marat et Dan-
ton. Mais la commission municipale reçut l'assurance de
154 CHAPITRE III
Biron qu'il n'était venu à Nice que pour ramener la con-
fiance et rassurer les esprits. Or, dans ces circonstances,
arrivaient trois miliciens de Lantosque faits prisonniers,
€ Voilà trois barbets, s'écria Dabray ; on les pendra
demain. » — Taisez-vous, répartit un officier. — Dabray
le regarda fixement. « Taisez-vous, vous dis-je, continua
l'officier, mauvais sujet, c'est vous que l'on devrait pen-
dre, vous qui avez trahi votre ancien prince. > Et les gens
qui étaient là d'applaudir. Biron manda Dabray et quand
il l'eut devant lui : < Allez plutôt sur les montagnes, le
sabre à la main, lui dit le général. Chassez ces ennemis- là.
Si vous continuez de parler et d'écrire, je vous y enverrai
forcément. > Et il le congédia. Dabray envoyé quelques
jours après à la Convention, s'en vengera sur Biron un peu
plus tard. Tel se montrait Biron à Nice. Il avait accepté
la révolution, mais sans en vouloir les excès ; il s'était
mis du parti d'Orléans avec Montesquieu, Dumouriez,
Danton... Le duc de Chartres servait sous Dumouriez, et
le duc de Montpensier était aide-de-camp de Biron.
Depuis la séance orageuse du 10 mars, dans laquelle
les Jacobins irrités contre la Vendée soulevée, et contre
Dumouriez vaincu en Belgique, la Convention ne voyait
plus dans la France que des traîtres, et elle établissait
partout des comités de salut public, et des tribunaux
révoluiionnaires : < Plutôt mourir, s'écriait Verguiaud
contre la loi des suspects, que de consentir à l'établisse-
ment de cette inquisition vénitienne ! >
Mais Duliem : « Ce tribunal est encore trop bon pour
des scélérats et des contre-révolutionnaires. » Et alors
commença à peser sur la France le triumvirat Danton,
Robespierre et Saint-Just. La montagne triomphait et
les Jacobins, sûrs de la victoire, regardaient les Giron-
dins comme une proie qui ne leur échapperait pas. En
attendant, la Convention décréta une levée de 300,000
hommes de dix-huit à quarante ans pour marcher contre
CONVENTION NATIONALE (1793) 155
rennemi. Dumouriez est encore battu à Nerwinde, le
18 mars. Quatorze armées se précipitent contre l'Europe
coalisée (30 mars). Il faut vaincre ou mourir.
C'est ce qui nous explique Tactivité que déployait
Biron dans nos parages. Le 9 mars, il nommait le général
de brigade Montredon, commandant d'Antibes : « Il pren-
dra connaissance pleine et entière de la place, la mettra à
Tabri de toute insulte du côté de la mer, visitera les côtes
depuis le Var jusqu'à Cannes, s'embarquera à Cannes pour
inspecter les îles Sainte-Marguerite et les mettre sur une
défense respectable, ira ensuite de Cannes à Fréjus, puis
à Toulon où il s'entendra avec Tofficier général de cette
place pour la défense des côtes de Fréjus à Toulon. La
partie du Var à Fréjus reste entièrement soumise à ses
ordres. Il se rendra aussi à Nîmes pour le recrutement de
l'armée d'Italie. > Le 1®' avril entre à Nice le 1®"^ bataillon
de la phalange marseillaise, gens déterminés à tout oser.
L'entraînement des troupes est général On nomme des
canonniers, des gardes aux vedettes, aux signaux et aux
batteries. Marc Gastaud à Antibes est maître canonnier
au fort Graillon ; Pierre Carie, à la batterie Bacon ou
Granille ; Jacques Goulet, à la batterie de la Gabelle. En
même temps que se répand le bruit de la séance du 10
mars, nombre de citoyens se font délivrer des certificats
de civisme ; de ce nombre est Masséna lui-même, qui se
trouve à Antibes, Michel Gazan, capitaine des gendarmes
au 9* bataillon du Var, Charles Foucard, enseigne,
Honoré Fugairon, enseigne, commandant la felouque, la
RèptMique Française^ H. J. Bernard de Saint-Paul,
garde du bureau des classes de la marine, J. H. Torreille
secrétaire, Romuald et Louis Gazan, fournisseurs des vi-
vres, Gaspard Gazan, commis au bureau de la marine, H.
P.Gazan, J.C. Riouffe, les chirurgiens, Louis Plaucheur et
Dominique Jaubert, Philippe Aubernon, commissaire des
guerres, J. B. Albin, aumônier de l'hôpital, le comman-
t56 CHAPITRE UI
dant Sanglier, chargé du Fort Carré, etc., etc. Il en est de
même à Grasse, à Vence, à Saint-Paul. Le 26 mars, la
Patrie est en danger Antibes se plaint qu'elle doit prendre
des enfants au-dessous de quinze ans pour monter la garde.
A Grasse la garde nationale refuse le service. On sonne en
vain le rappel . Elle envoie une députation au directoire
pour déclarer qu'elle ne se rendra pas à Tordre du com-
mandant Bousquet parce qu'elle n'est pas équipée; le direc-
toire de Grasse dépêche vers Biron à dix heures du soir.
C'est le moment des terribles débats à la Convention
nationale. Notre député Isnard qui avait la présidence, le
25 mars, répondait à une députation de la Commune qui
demandait la liberté de Marat : «Si Paris attente à la Con-
vention nationale, on cherchera bientôt sur les rives de la
Seine la place où cette ville avait existé. > Le 27, les mara-
tistes insultent Isnard ; Bourdon de TOise le menace du
poignard, et on le force de quitter la présidence. Quelques
jours après il envoyait sa démission.
Nous voici au 2 avril ; Biron était avisé par Montes-
quieu : « Je crois devoir, mon cher Biron, vous prévenir de
la situation inouïe où nous sommes: Dumouriez en état
d'arrestation et faisant arrêter les ministres et les com-
missionnaires; Lille et Valenciennes remplies de députés;
les ennemis au nombre de 60,000, victorieux à doux
lieues de nous ; pas de provisions, pas de fourrages, voilà
où nous a mis la République^ tous les généraux arrêtés,
excepté moi, parce que je suis blessé. Les traîtres qui ven-
dent la France ont arrêté les généraux pour la livrer plus
facilement. >
L'envoyé qui apportait cette lettre en avait deux
autres du duc de Chartres pour Montpensier. Grégoire et
Junot, représentants du peu|)le à Nice, en vertu d'un
ordre de Paris, arrêtèrent le duc de Montpensier pendant
qu'il déjeûnait avec Biron, l'envoyèrent à Montalban,
d'où il fut conduit à Notre-Dame de Marseille, puis au
CONVENTION NATIONALE (1793) 157
fort Saint-Jean pour y rejoindre son père, le comte de
Beaujolais, et autres membres de sa famille emprisonnés.
A la Convention, on criait : Ne craignez-vous pas que
Biron ami des d'Orléans n'abuse de sa position pour déli-
vrer les Bourbons enfermés à Marseille ?
Biron avait répondu à ses ennemis par la brillante af-
faire du Pérus et par la reprise de Bel védère.Le 16 avril, il
s'avançait de TEscarène vers Moulinet. Mais trompant
l'ennemi, il s'abattait tout-à-coup sur Sospel dont Saint-
André avait confié la défense au chevalier Radicati. Notre
corps de bataille formait trois colonnes qui dès la matinée
du 17 montèrent l'une vers l'Agheisen, la seconde par
la grande route et la troisième par le vallon de Castillon.
Il y avait un effectif de trente mille hommes. Des mille
hommes de l'Agheisen, trois cents se détachèrent et gra-
virent le Pérus.
Saint-André avait placé un corps de troupes au pont de
de laNiéjasous les ordres de laVillamarina et de Cuggio ;
il s'appuyait sur le deuxième corps d'armée qui avec l'ar-
tillerie avait passé la Bévéra au-dessus de Saint-Gervais
et occupé la rive gauche de la Niéja. Le combat dura deux
heures sur ce point et l'avantage resta aux nôtres. Le
chevalier d'Auvare qui s'y trouva racx)nte d'une manière
touchante les soins que donna Cuggia blessé lui-même à
l'un de ses amis, Ravénada, atteint en pleine poitrine. Le
19, les Austro-Sardes revenant à la charge se postaient
encore au Pérus, vers deux heures de l'après-midi. Les
grenadiers des Bouches-du-Rhône et les chasseurs de
Marseille firent merveille. Si la nuit n'eut séparé les com-
battants, le camp était emporté pour la troisième fois. Le
27 avril de Layssac de son côté, malgré le feu nourri de
Castelberg, reprenait héroïquement Belvédère. C'est alors
que s'achevait dans les Alpes-Maritimes la mission mili-
taire de Biron. Rappelé par la Convention, le 30 avril, on
l'envoyait à l'armée de l'Ouest. Grégoire et Jagot étaient
158 CHAPITRE m
remplacés auprès Tarmée de Tltalie par Barras, Beau-
vais de Paris, Despinassy et Pierre Bay le. Kellermann suc-
cédait à Montesquiou, Brunet à Biron. Grégoire et Jagot
quittèrent Nice le 10 mai, Biron le 16 et Brunet recevra
son brevet le 18.
Pauvre Biron ! En vain vaincra-t-il les Vendéens à Sau-
mur et à Parthenay, l'affreux Carrier Taura pour objec-
tif de sa haine : < Nous ne pouvons dissimuler, dira
Jean Bon, qu'il n'y a pas d'accusation positive contre
Biron ; on lui reproche seulement de ne pas avoir déployé
toute l'activité possible. » Gasparin constatait que Biron,
à cause de ses attaques de goutte et de sa santé délabrée,
était peu propre à ses fonctions et qu'il avait offert sa dé-
mission. Le général rappelé à Paris fut enfermé à Sainte-
Pélagie, puis à l'Abbaye, et condamné à mort le 30 octo-
bre par Fouquier Tinville. Quand on lui signifia sa
sentence, il sourit de dédain, rentra à sa prison, salua
les prisonniers avec cette politesse chevaleresque .qui le
distinguait: < Messieurs, leur dit-il, c'est fini, je pars
pour le grand voyage. » 11 demanda du Bordeaux, une
volaille pour souper, puis dormit profondément sur son
grabat. Le lendemain il se fit apporter une douzaine
d'huîtres pour son déjeuner, et il était encore à table,
quand l'exécuteur des hautes-œuvres se présenta : < Mon
ami, dit Biron, veux- tu bien me permettre que je finisse? »
Le bourreau resta stupéfait. 11 marcha d'un pas ferme à
l'échafaud ; on l'entendit prononcer ces paroles avant de
mourir : < Je meurs puni d'avoir été infidèle à mon Dieu, à
mon Roi, à mon nom. » 31 décembre. Philippe Égalité le
suivra le G novembre.
XI. — LA DÉFECTION DE DUMOURIEZ.
La défection de Dumouriez avait mis en émoi la Con-
vention nationale. Grasse, Antibes, Saint-Paul et Vence
CONVENTION NATIONALE (1793) 159
^recevaient, le 16 avril, le décret qui déclarait Dumouriez
traître à la patrie, et Irors la loi ; on assurait une récom-
pense de trois cent mille livres et une couronne civique à
quiconque le saisirait et l'amènerait à Paris vif ou mort.
Ordre était donné d'arrêter tous les suspects. Les direc-
•teurs dos postes devaient remettre les lettres aux officiers
municipaux. Ce qui ajoutait de nos côtés à la terreur
générale, c'est que l'Angleterre, par son traité du 30 avril
avec Victor-Amédée, s'était engagé à lui fournir deux cent
mille livres sterlings pour l'entretien d'une armée de
cinquante mille hommes, et à croiser sur les côtes avec
son escadre. Le duc de Chablais, frère du Roi du Piémont,
était venu en personne au camp de la Giandola faire cette
proclamation au milieu des acclamations de joie des Aus-
tro-Piémontais. Devant la flotte anglaise d'un côté et
Tarmée piémontaise de l'autre, Brunet en prenant le com-
mandement de l'armée des Alpes-Maritimes, n'était pas
sans quelque crainte. Les représentants de la Convention
près l'armée d'Italie montraient une rare activité. Les
communes redoublaient de zèle pour se mettre en état de
défense. A Antibes, que menaçait l'escadre, la garde natio-
nale s'organisa en huit compagnies de cinquante-trois
hommes chacune. Un bureau recevait les engagements
volontaires. Il s'agissait de repousser l'ennemi du dehors,
mais on craignait autant les réactionnaires à l'intérieur.
Kellermann, en habile homme, n'avait pas tardé d'opérer
sa jonction avec Brunet. Soudain, il enlevait avec un
entrain héroïque le camp de l'Assiette, prenait dix canons
deux mille fusils, faisait deux cents prisonniers. Malheu-
reusement le général Cassabianca qui avait en ce moment
le commandement de la vallée de Lantosque, en allant
vers Saint-Étienne de laTinée pour le rejoindre, tomba à
Valdeblore entre les mains des ennemis. Brunet, pour
sauver sa tète et son honneur, comprenait qu'il fallait
agir promptement et réussir.
140 GHARTBE m
Larmee A»istn>-S4rde se composait de quatre divisions :
corps de Sirasoldo depoîs les Alpes jusqu'au val d'Aoste ;
ci>rp6 de ProTera, de llséran ou mont G^ièvre ; corps de
CoUi« des Tallees du Pô ei de la Stura jusqu'aux Alpes du
comté de Nke ; corps du duc de Chablais et de Saint-
André à la Giandola. D*EUéra commandait au Braus et
Pemigocti au Brouîs. Saint-André dit dans son rapport
du 1^ juin : < Les ennemis font des mouvâments. Ce que
Ton peut juger c*€st que, malgré l'assurance de leurs chefs,
l'approche de la flotte les inquiète. \\s n'ont pas de maga-
sins abondants à Nice, la disette est en Provence. Les
représentants du peuple obligent Brunet d'attaquer avant
rarrivée de la flotte. > (Mémoires de Saint-André.)
Nous approchons des combats célèbres du Raûs et de
l'Authion. Mais auparavant mettons sous les yeux l'état
de Farmée et de nos pays dans ces conjonctures difficiles.
Les troubles intérieurs, la guerre extérieure jetaient le
commerce et les finances dans un état déplorable. De
Paris on ne pouvait rien envoyer aux soldats. En pro-
vince, les citoyens étaient fatigués des réquisitions con-
tinuelles. On était aux expédients pour se procurer du blé.
On battait monnaie avec les vases sacrés, on fondait les
cloches, on demandait des dons patriotiques en argent,
en chemises, en habits, en souliers. La plupart des soldats
mal équipés, mal nourris allaient souvent sans bas et
sans souliers ; et pourtant ils gardaient une résignation
étonnante, et la soumission à leurs chefe. Quand on faisait
vibrer en eux la fibre patriotique, et celle de l'honneur
français, ils se sentaient pris d'une ardeur enthousiaste et
même joyeuse qui ne craignait plus rien. Ils couraient au
poste le plus périlleux en chantant. Chacun^ depuis les
dernières nouvelles, demandait à combattre. Brunet sut
mettre à profit cette disposition d'esprit, d'autant plus
que Saint-André se livrait à une confiance immodérée.
Montrédon qui continuait de surveiller et de fortifier le
COmTENTION NATIONALE (1793) 161
littoral, commandait à Antibes, et Saint-Hilaire au Fort-
Carré (2 juin.). Le génie militaire français n'avait pas
perdu son temps. A Belvédère, par exemple, nous avions
jFortement retranché les redoutes de la Condamine et de
Saint-Jean, ouvert un chemin pour traîner Tartillerie à
Triménil, base du Capelet qu'occupait l'ennemi. Toutes
les cimes qui dominent et la Vésubie et la Bévéra deve-
naient comme autant de citadelles. Saint- André en avait
six qui défendaient Saorge : le Pérus, Linière, le Béolet,
Moulinet, Millefourches et Raous. Chacun de ces points
va être le théâtre d'un combat de géants.
Le 21 mars, le conventionnel Savournin disait à la
tribune : < J'annonce que Brunet a mérité l'estime et
la confiance de ses concitoyens. > Vers la fin de mai,
en effet, Brunet appelait vers lui la division Serrurier
qui avait sous ses ordres les célèbres MioUis, Joubert,
Cervoni et Brune. Arrivés à Isola, après une journée
de marche, il leur fallut traverser à la nage la Tinée
gonflée par les eaux, et emporter Isola défendue par
sa position naturelle et par une bonne garnison. Quel-
ques jours après, 2 juin, Serrurier et Macquart pous-
sent une reconnaissance vers Millefourches, et enlèvent à
l'ennemi ses avant-postes. Mais l'aide-de-camp, Corvésy
y fut blessé, le capitaine Du pain du 1®^ bataillon de l'Hé-
rault y trouva la mort. L'adjudant général Micas fut porté
à l'ordre du jour. Le 3 juin, nous campions au Flaût et à
Saint-Jullien. On voyait encore sous les ordres de Ser-
rurier, outre les noms cités plus haut, Rochambeau, Despi-
noy, Gautier de Kervéguène,Morangié. Que de célébrités!
Le 6 juin, Gaspard- Joseph Brunet, général en chef de
l'armée d'Italie, à l'Escarène, écrivait au district de
Grasse de bien recevoir le général de brigade Montredon,
commandant de toutes les côtes jusqu'au Rhône.
Et Montredon, montant à Grasse, demandait aussitôt
1 ,200 gardes nationaux du district pour le service de la
11
162 CHAPITRE m
place d'Antibes et du fort Carré, parce que rennemi était
à nos portes. A Nice, c*est le général Lapoype ayant le
commandement de la place, à qui une députation d'An-
tibes vient demander des vivres (7 juin). Les citoyens
Coulomb et Pascal sont envoyés de Toulon pour inspecter
les côtes contre Tescadre Anglaise qui nous menace.
Xn. — COMBAT DO RAOUS. — 8 JUIN 1793.
Tous les efforts de notre armée se concentrent sur
Saoï^e.Le Rdons du côté de Belvédère était le pas difficile
à franchir qui nous donnait cette place ; mais comme il
avait été convenu, on attaquerait sur six points différents,
et le gros de notre armée partirait de Belvédère, sous
les ordres de Serrurier. Brunet ne pourra y prendre part,
à cause de ses attaques de goutte.
Le comte de Saint-André, à la vue de notre armée qui
augmentait à vue d'oeil, avait appelé du Col des Fenê-
tres le bon artilleur Zim pour le poster sur les cimes du
Capelet. CoUi commandait les Autrichiens. Le comte de la
Roque se tint au Raous. Sur la cime dite tête des Rosiers,
était le marquis de Moutafia. Les Austro-Sardes, avaient
&it comme au Col de TAssiette, des approvisionnements
d'arbres, et les tenant suspendus par des cordages, ainsi
que des quartiers de rochers^ sur les hauteurs, ils se pré-
paraient à en écraser les nôtres.
J'ai parcouru ces sites escarpés, et je voudrais que ceux
qui me lisent les aient vus, pour se rendre compte de la
difficulté de l'attaque et du courage de notre valeureuse
armée des Alpes-Maritimes.
Un vénérable vieillard de Belvédère, le sieur Lau-
renti, âgé de 87 ans, racontait en 1865, à la famille de M.
Gautier, proviseur du Lycée de Nice, et à moi, qu'il se
rappelait encore parfaitement le combat du Raous. < Les
Français, dit-il, partis de Roquebillère dans la nuit du 7
CONVENTION NATIONALE (1793) 163
au 8 juin, arrivèrent à Belvédère, et remplis d'ardeur, ils
s'avancèrent en chantant gaîment : Allons, enfants de la
Patrie. <Puis ce bon vieillard s'animant semettait à chanter
comme eux, et à crier de toute sa voix : Vive la Républi-
que ! Vive la Nation ! Mort aux tyrans ! Nous allons le
pendre, votre roi des marmottes ! . . . >
Alexandre Dumas déclare qu'au Raous tout ce qu'il
était possible de faire, les Français le firent. Nos adver-
saires nous rendent le même témoignage.
Tous nos soldats gravirent ces pentes escarpées avec
leur élan ordinaire, sous le feu de l'artillerie sarde, sous
une grêle de balles et de pierres. Autant il en montait,
autant il en descendait sur la pente des Rosiers. Ils allaient
en avant, et se succédaient avec ce courage constant et
ce généreux oubli du danger qui fait un héros du soldat
français.
Le général Serrurier fut battu à Triménil et au Capelet.
On vînt inutilement à son secours ; il fallut céder devant
Tartillerie formidable de Zim. Nos soldats débandés, ren-
versés les uns sur les autres, roulaient dans les abîmes.
Après six heures de lutte acharnée et une perte de mille
hommes, on rentra à Belvédère. Beaucoup de blessés jon-
chaient les sentiers, et mouraient sans pouvoir arriver. Le
vieillard Laurenti nous disait : < Ce n'étaient plus des
chants, mais des cris lamentables, des menaces : Ah ! bri-»
gands de barbets ! Ils nous ont éreintés. Qui aurait cru
ça 1 Ils nous la paieront. ... >
Joubert, le futur vainqueur de Novi, lutta au Raous
avec trente grenadiers contre cinq cents ennemis. Il finit
par rester seul avec Lebrun de sa compagnie . Quand il
vit sa redoute pulvérisée par le canon, sa main blessée par
un éclat de pierre, il se rendit sur parole. Son courage lui
mérita les éloges de son vainqueur, et la permission de
rentrer en France, avec promesse de ne plus combattre
dans la présente campagne.
164 CHAPITRE III
Les Austro-Sardes y perdirent un frère Germano. Le
comte de la Roque tint tête à deux divisions, tandis que
Ravel rallia les siens qui commençaient à plier sur la
gauche. Le marquis de Moutafia ne broncha pas aux
Rosiers ; ses quartiers de rochers et ses arbres y écrasèrent
les nôtres. On porta à l'ordre du jour Saint-André et son
fils, le comte de la Roque, Moutafia, Zim, Caretto, les ré-
giments d'Acqui, de Casai et de Sardaigne.
Succès du Moulinet. — Notre chef de brigade Orto-
man nous dédommageait au Moulinet de la défaite du
Raous. Duranteau y fut blessé à la cuisse. L'ennemi y
perdit l'émigré le Jarre ; le chevalier Pinto y eut le crâne
emporté. Les capitaines Canal et Carré y reçurent de
graves blessures. Chez nous, d'Allemagne fut blessé et
comme il prit une grande part à cette affaire, il reçut du
ministre son grade de général de brigade.
Combats de Linières et du Bèolet. — Tandis que les
Polonais de Mieskonisky s'avançaient sur le col de
Linières, deux colonnes aux ordres de Dagobert gravis-
saient l'Agheisen.
Le camp de Linières était défendu par d'Ossaque avec
1 ,500 hommes. L'engagement fut sérieux. Presque tous les
polonais de Mieskonisky jonchaient la ipontagne de leurs
corps, quand les nôtres continuant à gravir, finirent, la
baïonnette en avant, par débander les bataillons de Ver-
ceil et de Saluce. D'Ossaque vit tomber à ses pieds le
sieur de Valdenque, heutenant- colonel du régiment de Sa-
luce. Le bataillon de Nice combattit avec valeur contre
les nôtres, mais il y perdit le chevalier de Grimaldi, son
commandant, les chevaliers Raty et Leotardi, les sieurs
d'Audiffret et de Laval. Cependant d'Ossaque ne put arrê-
ter la déroute qui entraîna la perte de Linières et du
Béolet. Tout le camp avec ses approvisionnements tomba
entre nos mains. Les mémoires du général d'Auvare font
remarquer qu'en abandonnant le Béolet, le chevalier de
CONVENTION NATIONALE (1793) 465
Campon, qu'on appela dérisoirement décampons, chargé
de le défendre reçut ime blessure au talon. On reproche
à d'Ossaque de ne s'être pas retiré >5ur le Mangiabo,
comme le fit le chevaHer d'Auvare, avec sa compagnie.
Celui-ci en fut complimenté par le comte de Revel et par
les frères Sainte-Marguerite. Le commandant d'Ossaque,
dit Saint-André, dans ses mémoires, fut suspendu de ses
fonctions par le conseil de guerre ; mais le rapport de
CoUi le sauva. Il quitta néanmoins le service.
Combat du Pertes (9juinJ. — Le frère du général
d'Ossaque défendait le Pérus à la tête de 1,300 hom-
mes. Le comte de Saint-André l'y avait réjoint. Celui-
ci, d'abord, tout heureux de la victoire remportée au
Raous, commençait à s'inquiéter des événements de Mou-
linet, de Linières et du Béolet. Zim était arrivé au Pérus
0
en toute hâte.
Dumerbion donne le signal de la marche en avant. Il
avait avec lui Masséna. L'action s'engage sur le pont de
laNiéja. Un bataillon français s'étant avisé de mettre
le bonnet au bout des baïonnettes, les piémontais s'ima-
ginant qu'on se rendait, suspendent leur feu. Aus-
sitôt les nôtres déchargent une grêle de balles, rom-
pent une ligne, puis une autre ; en vain Zim envoie ses
boulets, Teller gourmande ses tyroliens, rien ne résiste
à la furie française et à sa charge à la baïonnette. C'en
était fait du Pérus. Saint- André délogea la nuit du Brouïs.
Combat de Mille fourches. — Ortoman, parti de la
Bollène, s'était avancé le 8 juin sur le camp qui servait
d'avant-garde aux redoutes de Millefourches, où se trou-
vaient d'EUera, Biscarret, Forex et Belgiosco. Arrivé à
la Mantega, il s'embusqua dans les bois, et chassa l'avant-
garde sarde qui était accourue, tandis qu'une autre
colonne gagna le Tuech, poste formidable , où elle com-
mença la nuit même du 8 au 9 juin à construire cette
redoute magnifique dont nos ennemis ont fait eux-mêmes
166 CHAPITRE III
les plus grands éloges. Cet avantage contrebalança encore
notre défaite du Raous.
Brunet, désolé, fit tomber la responsabilité de notre
défaite du Raous sur Serrurier. Mais qu'y pouvait Ser-
rurier ? Il marchait d'après Tordre du général en chef,
sur un point impossible à franchir. Dans le rapport du
11 juin daté du camp deTEscarène, nous lisons : < L'ap-
proche de la flotte Anglo-Espagnole avait r^épandu l'épou-
vante sur toutes nos côtes. Les Piémontais cherchaient à
augmenter cette terreur en annonçant que de leurs mou-
vements combinés avec la flotte, nous serions bientôt
chassés du ci-devant comté de Nice. J'ai cru qu'il était
bon de rendre ce projet presque impossible, en m'empa-
rant des hauteurs qu'ils occupaient. Si la colonne de gau-
che aux ordres de Serrurier avait pu s'emparer du &meux
poste du Raous, les ennemis seraient actuellement en
Piémont. > 11 parle des succès obtenus par Dumerbion au
Pérus ; par Mieskonsky, à Linières et au Béolet ; par
Gardane, au Moulinet, et par Ortoman, à Millefourches.
€ J'ai fait occuper hier, 10 juin, le camp de Brouïs que les
ennemis avaient abandonné et où était le quartier général.
Nous avons perdu de braves officiers et des soldats ; deux
de mes aides- de-camp ont été blessés. L'ennemi a perdu
beaucoup de monde. Nous avons pris vingt officiers,
cinq cents soldats et deux pièces de canon. Avec les effets
de campement, nos soldats vont faire des pantalons. Nous
sommes vraiment des sans-culottes de nom et de fait ;
mais cela ne nuit ni au patriotisme ni au courage de nos
braves frères d'armes. >
D'Auvarre observe que si Brunet au lieu d'éparpiller
ses troupes, avait tout porté sur le Raous, nous prenions
sans coup férir la Malmort de Saorge. La retraite des
Austro-Sardes ne pouvant s'opérer que par l'horrible
routedeCrivel, deBreil et du Giou, pas un n'échappait
aux Français.
CONVENTION NATIONALE (1793) 167
Brunet lança une proclamation pour qu'on reprît tout
de suite la revanche du Raous.
Xni. — COMBAT D'aUTHION. — 12 JUIN.
Les Austro-Sardes avaient recueilli à VAuthion tout
ce qui avait battu en retraite du Moulinet et du Pérus, et
ils avaient formé une autre ligne de VAuthion au Capelet
que les stratégistes figurent par un Z. L'Authion, dont la
cime s'élève à 2,175 mètres, fait face à Millefourches qui
est de même hauteur. Le Tuech, que nous occupions,
forme comme le sommet d'un angle aigu, dont VAuthion
et Millefourches sont les extrémités des deux lignes. L'in-
génieur Antoni recommande toujours ces pics dans les
guerres des Alpes-Maritimes. Nos ancêtres l'ont si bien
reconnu, ajoute-t-il, qu'on y trouve les restes d'anciens
châteaux-forts. Par TAuthion et Millefourches, le Raous,
dont la Baisse conduit directement à Saorge, était ratta-
ché au Maugebo et au Ventabren, d'où Ton occupe
Linière, le Béolet, Colle-Longue et le Pérus. On peut
remarquer ce que les Austro-Sardes avaient perdu malgré
les avantages obtenus au Raous.
< Attaquez donc en masse du côté de l'Authion pour
arriver à Saorge par la Baisse du Raous, avait dit
Brunet. »
Colli et d'Elléra commandaient l'armée ennemie. Ils
observaient nos mouvements stratégiques depuis
TAgheisen; ils savaient par leurs éclaireurs que le
Tuech était garai d'artillerie, que des détachements
descendus du Tuech et du Ventabren, étaient en marche
vers le Raous. Zim pointa ses canons et nous attendit.
Lorsque nos 12 à 13 mille hommes se mirent en marche,
le ciel sembla combattre contre nous. C'était dans la ma-
tinée du 12 juin (mercredi). Des brouillards épais enve-
loppaient la montagne, tellement qu'on ne se voyait plus
168 CHAPITRE III
à une faible distance. Qui plus est, un vent violent de
neige et de pluie se mit à nous fouetter en plein visage. Il
était six heures du matin, par cet horrible temps, quand le
canon gronda au-dessus de nous. Nos hommes tombaient
les uns sur les autres, s'embarrassant entre eux dans ces
ténèbres, et au milieu de cette affreuse tourmente. Les
lûerres, les balles, les boulets pleuvaient sur nous. Cepen-
dant les grenadiers parvenus au faîte, voyant qu'il n'y
avait plus qu'à mourir, se jetaient de désespoir à la gueule
des canons, et les tenaient embrassés en recevant le coup
fatal.
Notre armée fit sa retraite vers le Ventabren en laissant
3,000 des leurs, morts, blessés ou prisonniers, et 1,500
fusils. Parmi les vaillants combattants de l'Authion du
côté des Austro-Sardes, on cite le brave Andrioli, niçois,
qui servait dans les régimentsSuisses-Grisons. Il y eut une
suspension d'armes de trois jours pour enterrer les victi-
mes des deux côtés. Nous gardâmes pourtant nos campe-
ments de la vallée de Lantosque. On retrancha le Seirol
pour se mettre en rapport avec la vallée de la Tinée , et
l'on redoubla d'activité pour se fortifier sur le Tuech, la
Mantéga et le Brouïs.
Brunet écrivit le 15 juin au ministre de la guerre, que
l'affaire du Raous avait manqué, parce qu'une des trois
colonnes s'étant égarée pendant la nuit, n'était pas arri-
vée à temps.
Puis, dissimulant toujours la vérité, pour qu'on ne le
perdit pas, une défaite en ce temps était un arrêt de mort,
il dit que n'ayant pu forcer le camp du Raous, nous nous
étions emparés des autres positions; que la perte des enne-
mis était de deux cents morts, de six cents prisonniers, de
deux canons et des effets de quatre camps.... Rien du
désastre de l'Authion.
La nouvelle en jeta l'alarme dans Nice, et déjà on par-
lait d'évacuer les hôpitaux et les magasins au delà du
CONVENTION NATIONALE (1793) 169
Var. La ville fut mise en état de siège. Kellermann fut
envoyé immédiatement à Nice, où il arriva le 20 juin. Il
se rendit à TEscarène auprès de Brunet. 11 fut convenu
avec lui qu'on se mettrait sur la défensive, qu'on dimi-
nuerait le nombre des postes pour fortifier les autres. C'est
ce qui fit évacuer peu à peu Belvédère pour renforcer le
Seirol.
Le comte de la Roque, avec le régiment de Nice, qui
campait au Capelet, s'en étant aperçu, se dirigea sur la
cime des Terres-Rouges, et là pointant sa lunette, il
remarqua que nous avions gardé les redoutes de Saint-
Jean et de Trois-Croix avec des batteries à feux couverts.
Il dirigea trente hommes faire une reconnaissance de ce
côté. Les nôtres leur envoyèrent des boulets et des balles.
Aussitôt le comte de Canal, sur l'ordre de la Roque, arri-
va, à travers les châtaigniers qui couvrent les rives de la
Gordolasque; il amena une soixantaine de bons tirail-
leurs. Le comte de la Roque l'y suivit de près, et l'affaire
fut chaude. La nuit seule sépara les combattants. Les
Sardes en se retirant eurent de blessés la Roque lui-même,
Masséna et le chevalier de Mollière. C'est cette nuit-là
que nous évacuâmes Belvédère. La Roque fut néanmoins
décoré pour ce fait d'armes, quoique l'avantage nous
restât.
La Convention avait applaudi, lorsque le constitution-
nel Savoumin disait en pleine tribune : « J'annonce à la
Convention que Brunet a mérité l'estime et la confiance de
ses citoyens ; et encore le 20 juin, lorsque Brunet annon-
çait les succès obtenus par Serrurier le 3 juin à Millefour-
ches. Aujourd'hui c'en est tait de Brunet. >
XIV. — FÉDÉRALISME.
Nos deux défaites du Raous et de l'Auihio) avaient con-
sterne et non découragé les populations de la rive droite
170 CHAPITRE HI
du Var. Les représentants du peuple près Tannée dltalie
déploient une ardeur et une énergie admirables, ils
ordonnent de tenir les forces de la garde nationale prêtes
à marcher sur l'ennemi au premier ordre. < La ville de
Nice, disaient-ils, n'ayant pas encore cette assiette staible
qui en garantit la durée, les gardes nationales des dis-
tricts de Draguignan, de Grasse et de Saint-Paul iront
garder cette ville de quinze jours en quinze jours, et
sans retard (16 juin). > Draguignan fournit trois compa-
gnies, Grasse deux et Saint-Paul une. La garde nationale
d'Antibes n'est pas comprise dans ce contingent, parce
qu'elle doit veiller à ses remparts. Le citoyen Guide en
a le commandement. Le maire engage les citoyens à
redoubler de zèle, et à ne pas démentir dans les circons-
tances présentes ce civisme et cette bravoure qui les ont
toujours distingués. Le 17 juin, le district de Grasse di-
rige sur Antibes cinq cent-vingt hommes avec armes et
bagages : < Qu'on choisisse de préférence les anciens
canonniers gardes-côtes. > Le citoyen Girard-Cadet, pre-
mier syndic du district de Grasse, demande, vu le péril
présent, à ce qu'on éloigne de la ville les prisonniers de
guerre. En même temps arrive une circulaire du citoyen
ministre de la guerre, Bouchette. On venait d'arrêter à
Paris les Girondins (2 juin) et plus de 1,200 prévenus avec
eux. < Les ennemis de la patrie, dit-il, s'empresseront de
vous peindre les événements qui ont eu lieu à Paris, ces
jours derniers, sous des couleurs défavorables, pour vous
animer contre vos frères parisiens qui ont si bien mérité
de la France, en soutenant la Révolution. Gardez- vous
bien de tomber dans ce piège. Ces ennemis veulent la
guerre civile. Soyez unis de cœur aux Parisiens et réser-
vez votre haine pour les despotes et leurs satellites qui
sont en face de vous (Paris, 3 juin). >
La Montagne reprochait aux Girondins d'avoir ourdi
une conspiration générale, connue sous le nom de fédéra-
CONVENTION NATIONALE (1793) 171
lisme. Chaque département devait s'ériger en autant
d'États indépendants mais confédérés, à l'image des États-
Unis. Ils avaient réussi à se faire des partisans dans
toute la France. Aussi y eut-il des soulèvements dans
plus de cinquante départements. De plus la Vendée se
levait en masse au cri de Vive le Roi ! Marat était assas-
siné le 13 juillet. Dans cette extrémité, la Convention en-
voie partout des représentants et lance des proclamations.
Barras et Fréron accouraient en toute hâte dans le Midi
pour réprimer les mouvements fédéralistes de Marseille,
d'Aix et de Toulon. Ce ne fut pas pour eux sans danger.
Nous avons la lettre suivante de Barras et de Fréron
au général Brunet et aux districts de Grasse et de Saint-
Paul. Elle est datée de Nice, 18 juillet :
< Citoyens, nous devons vous prévenir que la repré-
sentation nationale vient de recevoir un nouvel outrage.
Nos collègues Beauvais et Baille s'étaient rendus à Toulon
pour s'occuper des soins à donner à l'armée ; ils ont été
arrêtés par le comité central des sections de Toulon^ qui
vient d'être établi à l'instar de celui de Marseille. Quelle
est donc cette autorité illégale et partielle qui s'élève au-
dessus de la volonté suprême de vingt-cinq millions d'hom-
mes. Et c'est le lendemain du jour où vivement pénétrés
du dévouement de l'armée d'Italie, uniquement guidés
par des sentiments de justice et d'humanité, et que pré-
venus du renchérissement des denrées nous avons aug-
menté de deux sols la solde des soldats ; c'est le lendemain
de cet arrêté qui en présageait d'autres non moins avan-
tageux, que des représentants du peuple sont privés de
la liberté nécessaire à leurs opérations. Si la nôtre ne nous
a pas été ravie, c'est à notre énergie et à la conduite ferme
et prudente du général Lapoype que nous le devons....
€ Nous étions partis, le dimanche 13, pour aller rejoindre
à Toulon les représentants du peuple, et sur la nouvelle
authentique de leur arrestation que nous avions reçue à
172 CHAPITRE HI
Pignans, nous rétrogradions escortés de huit dragons, en
requérant le général Lapoype de protéger notre retraite
et de nous garantir de toute insulte. Nous montâmes à
cheval et à peine eûmes-nous fait quelques pas hors de
Pignans, que le commissaire se mit à notre poursuite,
accompagné des officiers municipaux, et de la population
qui poussait des clameurs et des menaces . Quatre dra-
gons formaient notre arrière-garde. Nos voitures qui
suivaient furent saisies, afin de nous forcer de revenir sur
nos pas. Comme on continuait de nous poursuivre, nous
nous arrêtâmes pourtant , nous leur dîmes qui nous
étions ; ils firent mine de napas nous croire, ni de con-
naître le général, quoique, la veille au soir, ils eussent
fourni Tétape sur notre réquisition. Voyant que le parti
de nous arrêter était pris, que la foule grossissait à vue
d'œil, que le tocsin sonnait dans la ville, nous leur signi-
fiâmes avec résolution de ne pas vouloir obtempérer à
leurs prétendus ordres, ni de céder à leurs menaces.
Comme deux d'entre eux se disposaient à saisir la bride
de nos chevaux, nous mîmes le sabre à la main, et nous
partîmes au grand galop, sans qu'il soit résulté aucun
accident de cette démarche commandée par les circon-
stances. Nous avons été tout d'une traite à Saint-Tropez,
et mettant à profit cette occasion pour visiter les côtes
dont le commandement est confié au général Lapoype,
nous avons pris note des besoins urgents. Nous avons dé-
barqué aux Iles Sainte-Marguerite, où une pareille solli-
citude à rempli nos moments. Cette nuit, nous sommes
arrivés à Nice dans un bateau pêcheur. A peine arrivés,
nous avons, d'après vos ordres, réuni toutes les coutu-
rières, tous les tailleurs pour fournir sur le champ des
vestes et des pantalons pour l'armée. Nous avons donné
les mêmes ordres à Grasse, à Antibes et à toutes les villes
voisines. Nous vous ferons connaître que nos papiers et
nos efiets ont été arrêtés avec nos voitures à Pignans et
CONVENTION NATIONALE (1793) 173
au Luc, et qu'on a emprisonné nos secrétaires Victor
Girard et César Roubaud. Nous vous prions de faire déli-
vrer des passeports pour la citoyenne Lapoype et sa fllle
qui avaient quitté Nice en conformité du décret qui
éloigne les femmes de leurs maris sous les armes. Elles
peuvent être arrêtées à Pignans avec leur femme de
chambre. Elles demandent à se rendre à Paris. Nous ne
tarderons pas à aller rejoindre votre quartier général
pour prendre toutes les mesures relativement au bien de
Tarmée, et nous userons de tous les moyens qui sont à
notre disposition, au milieu des entraves de toute espèce
qu'on nous oppose, des calomnies les plus atroces dont on
empoisonne nos actes les plus civiques, de l'espèce de
révolte et d'anarchie qui se manifeste contre les décrets
de la Convention, au moment même qu'elle répond à tous
ses détracteurs par une Constitution populaire à laquelle
tous les républicains se . rattachent comme à une ancre
jetée au milieu de la tempête.Quoi qu'il en soit la postérité
reconnaissante rendra justice à nos travaux ; nous avons
vécu pour donner une Constitution à la France et fonder
la République et nous saurons à l'exemple de nos frères
d'armes mourir s'il le faut, en combattant le fédéralisme
et l'anarchie pour soutenir contre eux l'unité et l'indivisi-
bilité de notre gouvernement. >
La Constitution de 1793, qu'on appelait Tacte addition-
nel, posait en principe la souveraineté du peuple, l'unité
et rindivisibilité de la République Française. Barras et
Fréron, dans leur proclamation du 26 juillet, diront : < La
Constitution, voilà le rocher contre lequel viendront se
briser les efforts et la rage impuissante des anarchistes,
des royalistes et des fédéralistes. Que le peuple s'empresse
d'adopter ce bienfait, les discordes civiles seront étouffées,
les complots des traîtres confondus, les despotes recon-
naîtront la République et nous demanderont la paix à
genoux ; et avec la paix renaîtront l'abondance, le com-
174 CHAPITRE m
merce et les arts, fruits d'un gouvernement libre et popu-
laire, et notre bonheur sera envié par tous les peuples de
rUnivers. >
On envoyait en même temps aux districts les droits de
l'homme et l'acte additionnel pour être distribués à toutes
les communes. Le maire d'Antibes en fit la proclamation
solennelle le 28 juillet dans toute la ville, au bruit des
tambours et de l'artillerie. Lie général Barquier, qui venait
d'être nommé commandant temporaire de sa patrie, y
assistait avec l'état-major.
Grasse j siège de V administration provisoire du Var
et insurrection de Toulon. — Le 29 juillet, Grasse, Saint-
Paul, Antibes et Nice reçurent la nouvelle officielle
qu'une faction ennemie de l'unité et de l'indivisibilité de
la République avait usurpé tous les pouvoirs dans la ville
de Toulon, qu'un prétendu comité central, réprouvé par
la loi, y entravait toutes les délibérations départementales,
que les membres de l'administration départementale
avaient l'ordre d'être rendus à Grasse dans trois jours,que
ceux qui refuseraient seraient déclarés traîtres à la patrie
et responsables de tout ce qui pourrait survenir. < Il sera
procédé à Grasse par les représentants du peuple à la
formation et à l'installation dans la ville de Grasse d'une
administration provisoire du département du Var.
On avait choisi Grasse pour mieux surveiller Nice et
la mer. Draguignan et Brignoles étaient trop éloignés du
littoral . Cette surexcitation des partis donna à la fête du
10 août un élan particulier.
Antibes avait un état-major important et une véri-
table petite armée. Le maréchal de camp Barquier, le
citoyen Laugé, commandant de place, le lieutenant-colo-
nel Macquart, génie, artillerie, garde nationale, ?• batail-
lon des Bouches-du-Rhône, 2® compagnie de la garde
nationale de Grasse, gardes nationaux du district, com-
pagnies italiennes et tous les corps administratifs. On
CONVENTION NATIONALE (1793) 175
célébra la messe sur Tautel de la Patrie, à la Place-Neuve.
Le procureur de la commune et le maire haranguèrent
la foule. L'un expliqua les mots : égalité, liberté, fra-
ternité. Il parla du respect de la propriété et de la sûreté
des citoyens. Le maire appuya sur l'obéissance aux lois,
sur le respect des propriétés et des personnes, sur les
suites du vice, le paiement des impôts, la défense de la
patrie. On lut les Droits de Vhomme ; et les trentensix
pièces d'artillerie retentirent pendant qu'on prêtait le
serment et qu'on défilait la parade.
XV. — ARRESTATION DE BRUNET.
Barras et Fréron, les terroristes du Midi, déchaînés
contre les fédéralistes et contre les royalistes, commen-
cèrent à opérer des arrestations en masse. Des seules
communes de Sospel, de Belvédère, de Saint-Martin-
Lantosque, de Roquebillère et de Lantosque, vingt-
sept notables avaient été conduits le 24 août au fort
d'Antibes. Dans ces circonstances le général Brunet,
général en chef de l'armée d'Italie, reçut l'ordre de
Barras et de Fréron de donner cinq bataillons qui de-
vaient renforcer l'armée dirigée contre Aix, Marseille
et Toulon. Brunet répondit qu'il n'obéissait qu'à la
Convention, que d'ailleurs il avait besoin de toutes ses
troupes. Il enjoignit à ses soldats de n'obéir qu'à lui
seul . Les représentants du peuple chargèrent aussitôt le
général Lapoype de se rendre à l'Escarène, pour arrêter
Brunet. C'était la nuit même qui suivit la fête du 10 août.
Le notaire Amellino de l'Escarène dressa le procès-verbal
de ses effets et papiers. Brunet, amené à Nice, partit pour
Paris et fut enfermé à l'Abbaye. Une proclamation de
Barras lancée dans les départements des Alpes-Maritimes
et du Var représentait le général comme un traître. < Il
s'est entendu avec les ennemis de la République et avec
178 CHAPITRE III
les Anglais pour la perdre, il a refusé des troup]
nées à arracher le Midi aux ennemis de la Pafcl
déprécié les assignats, méprisé les ordres du goi?
ment, il a sacrifié notre armée au Raous et à l'Ai
par ses fausses manœuvres, il a trompé la Conventio
ses rapports mensongers. » Le commissaire d'Espin
fut arrêté et emprisonné avec lui.
Le 1 1 septembre, on lira à la Convention l'acte d'act
sation rédigé par Barras, Fréron, Gasparin et Saliceti
«Sa tête, criera Alberti, doit tomber sous le glaive de l
loi. C'est ce général perfide dont la trahison nous a fait
perdre le département du Mont-Blanc, et ijui a fait égor^
ger nos soldats sur des rochers inexpugnables. S'il était J
possible à un bon patriote d'être avide de sang huinaiu. ce I
seraitdeceluideBrunet quejevoudrais me rassasier. Je '
demande que ce monstre soit sans délai exécuté. » C'est
ainsi que procédait la Convention en ces terribles jours.
Le général Ortoman aura le même sort que Brunet. Le
9 novembre, transféré à la Conciergerie avec Bailly et
Bouchard. Brunet fut condamné le 16 et exécuté le 17
sur la place de la République. Ortoman le suivra quelques
jours après.
Carteaux, général en chef de l'armée du midi, avait
soumis Marseille et y était entré sans verser une seule
goutte lie sang. Le marquis de Tourrette, qui s'était mis
à la tète des Fédéralistes, craignant la guillotine de la
Convention, se jeta avec son armée dans Toulon et ouvrit
le port à la flotte anglaise de l'amiral Hood. L'escadre
espagnole commandée par Juan de Langara l'y rejoignit.
Trigulfe amena dix-sept vaisseaux, onze frégates et ud
détachement de l'armée austro-sarde de 2,500 hommes.
Il y avait entre autres les chasseurs du comte de Saint-
Étienne et du comte de Revel, les grenadiers de Forcax.
L'armée d'occupation de Toulon compta bientùl 31,500
hommes, dont 22,000 étrangers. La Seyne devint pour le
CONVENTION NATIONALE (1793) 177
moment le petit Gibraltar des Anglais. Les commissaires
de la république firent redoubler de surveillance, à Nice
surtout qu'on croyait d'intelligence avec l'ennemi. Le
général Lestenduare, commandant d'Entre vaux, fut en-
fermé comme suspect ; le procureur Giraudi, saisi traîtreu-
sement à Menton, fut ramené à Nice et fusillé à l'embou-
chure du Paillon. Les prisons regorgèrent de suspects.
Robespierre, qui régnait en souverain, envoya à Nice son
frère et son ami Ricord pour commissaires du gouverne-
ment. Dugommier reçut le commandement en chef de
Tannée des Alpes-Maritimes.
L'administration départementale fonctionnait à Grasse
depuis le 17 août que Barras et Fréron l'y avait installée.
C'étaient les citoyens Màne de Vence, Gaspard Layet de
Saint-Paul, J.-H. Alziary de Saint-Paul, Maurel de Ga-
gnes, Blancard de Barjol, Achard de Saint-Paul, J.-F.
Raybaud de Fréjus, P. Liautard de Saint-Maximin, J.-B.
Coulom de BrignoUes, Cruvès de Fréjus, Bernard d'An-
tibes. Leur premier acte fut de former une légion de vrais
sa^is-culotte . On se préoccupait vivement de la question
des subsistances. Le ministre de l'intérieur, par une lettre
d'avis du 29 juillet, avait annoncé à la ville d'Antibes
3,000 charges de blé, qu'elle pouvait envoyer chercher à
Toulon. Cependant l'escadre anglo-espagnole menaçait
les côtes. Le Conseil délibérait et déclarait que, craignant
le blocus, il avait besoin d'approvisionnements plus con-
sidérables : on convint donc d'aller prendre 7,000 charges
de blé à Toulon, et on partit.
Ce qu'ayant su, l'administration centrale de Grasse s'en
alarma. Elle crut même qu'Antibes voulait ouvrir ses
murs aux Anglais, comme Toulon, et elle lui écrivit en
ces termes, le 30 août : < Citoyens, la place d'Antibes n'est
pas à vous, mais à la République. Vous ne serez pas moins
ardents que nous à la conserver et à en défendre l'entrée
aux ennemis de la liberté. C'est en se croyant maîtres des
12
178 CHAPITRE UI
forts de Toulon que ces misérables viennent d'attirer sur
eux le glaive d'une nation qui a juré d'exterminer tous
les traîtres. Et bientôt Toulon ne sera plus. > Le même jour,
le corsaire de la République , le Furet , remorquait à
Antibes un bateau Génois qu'avait capturé, en vue d'An-
tibes, le corsaire la Constitution. Les passagers étaient
conduits à Grasse. Antibes répondait victorieusement par
cet acte à ses calomniateurs. Cependant elle souffrait de la
disette. Le blé attendu du gouvernement n'arrivait pas.
Les Toulonnais, qui l'avaient gardé, avaient répondu aux
Antibois que < ceux qui avaient adopté les principes de
Fréron et de Barras fissent leur déclaration à Grasse au pré-
tendu département qu'ils y avaient établi. > Ce que voyant,
les officiers municipaux avertirent le ministre de l'inté-
rieur et le comité de salut public, en demandant en même
temps, à cause du danger présent, 100,000 fr. pour l'ap-
provisionnement de blé à la rivière de Gênes, puisqu'on
ne pouvait plus en tirer de Toulon. Sur ces entrefaites, le
maire est informé que des navires de vin, de blé, venant de
Gênes stationnent au golfe Jouan,en destination pour Tou-
lon. Aussitôt des embarcations sont dirigées d' Antibes vers
le golfe Jouan, et on remorque forcément les navires au
port d'Antibes, où on les décharge. Ce* qui étant connu à
l'administration centrale de Grasse, l'ordre arriva de sus-
pendre le déchargement, mais le conseil municipal d'An-
tibes répondit, qu'en vue du blocus, on avait pris les
3,000 charges de blé et on les gardait ; que Toulon, par
ordre du gouvernement, devait leur livrer cette quantité, et
qu'il avait refusé de la leur donner. On ne pouvait déployer
une plus grande énergie ; mais par arrêté de Robespierre,
et de Ricord, les officiers municipaux Lamare, Vidal et
Baliste n'en furent pas moins incarcérés, et ce fut le
général Joseph Barquier qui dut exécuter cet ordre. Le
10 septembre, un nouvel ordre arrive à Antibes de courir
sus à tous les navires napolitains. On nomme en même
CONVENTION NATIONALE (1793) 179
temps le citoyen Cauchois, de Toulon, commissaire des
guerres près Tarmée d'Italie. Dugommier envoie le sieur
Sanglier commandant de place à Grasse, le 12 septembre.
L'adjudant-major du Moulin le remplaça au fort Carré,
sous les ordres du général Barquier. Tous les yeux étaient
tournés vers Toulon.
Carteaux n'avait à sa disposition que 3,314 hommes.
Son avant-garde , commandée par Roquevaire , sous les
ordres de Mourret, ne put tenir tête à Tennemi. Le 7
septembre pourtant, Carteaux le culbuta aux gorges
d'Ollioules et campa devant Toulon avec Dommartin,
Victor, Laborde , Junot , Cervoni , Almeyras. On lui
envoya des renforts, dont 4,000 hommes tirés de Tarmée
des Alpes-Maritimes.
XVI. — ARMÉE DES ALPES-MARITIMES.
Jacques-Coquille Dugommier, riche planteur de la
Guadeloupe, était venu demander des secours à la France
en 1792, et n'en recevant que des réponses évasives, il
offrit son épée à la Convention et reçut son brevet de géné-
ral pour Tarmée d'Italie, où il remplaça Brunet. Arrivé à
Nice, il était dans un état si voisin de la misère qu'il y
vendit son argenterie pour parer aux premiers besoins.
Son armée, quoiqu'on en eût détaché les 4.000 hommes
envoyés à Toulon, formait encore un effectif de 12,000
hommes, échelonnés de pays en pays, de Nice au col de
l'Argentière. Là il se rattachait aux généraux Kellermann
et Daumas, chefs de l'armée des Grandes-Alpes. Il établit
son quartier à Utelle avec l'aile gauche, laissant l'aile
droite à Dumerbion. Du côté de Sospel, nous avions for-
tifié les postes du Brouïs, Crivel, Coucoule en vue de
Breil, le Béolet, l'Agnon, Déa, Maurigon, Ventabren et
Tuech.
Le Tuech, qui tenait en respect l'^memi, placé à Mille-
180 CHAPITRE IH
fourches et à TAuthion, était garni d'un double retran-
chement de fossés, hérissé de palissades, flanqué de ter-
rassements gazonnés et munis de deux bonnes pièces
d'artillerie de 16 et de 18; il s'appuyait sur notre autre
redoute de Mantëgas, non moins bien défendue. Dans
l'espace intermédiaire se trouvait notre camp de l'Argenta.
A l'est, nous avions aussi construit une redoute à Saint-
Sauveur. Le Flaout, qui s'élève entre la Gordolasque et le
Riou de la BoUène, poste aussi retranché, s'appuyait sur
la redoute de Saint-Sauveur, perchée sur un double rocher
à pic. Du côté de Lantosque étaient notre poste de la
Cerisièreet la redoute de la Téte-des-Pins, se comman-
dant l'un à l'autre.
Les Austro-Piémontais étendaient leurs lignes en face
des nôtres, depuis le camp de la Giandola jusqu'à l'Ar-
gentière, où se tenait Strasoldo. Le vieux roi chevale-
resque, Victor- Amédée, voulant mettre à profit l'occupa-
tion de Toulon, résolut de nous chasser du comté de Nice,
d'envahir la Provence et d'aller débloquer Toulon. Pour
obtenir ce résultat, il confia son armée au feld-maréchal
de Wins. De Wins, originaire de la Lorraine, avait vu le
jour en Croatie. Il s'était distingué sous Laudhen dans la
guerre de Prusse. Brave général, mais entêté et ne rece-
vant aucun conseil, il prit le commandement de l'armée,
80US la condition expresse de ne recevoir aucun contrôle
et de choisir lui-même ses officiers, ce qui porta ombrage
à Saint-André, en divisant le commandement. Pour tout
concilier, le roi se rendit en personne à l'armée, avec son
fils, le duc d'Aoste. Le 20 août, en quittant Turin : < A
Nice ou à Superga, dit-il aux gens de sa cour. Nous ferons
une procession à Nice, le 8 septembre, et nous rapporte-
rons à Turin les lauriers mêlés aux oliviers qui croissent
dans ce pays. » Le 21 août, il traversait le col de Tende,
et le 22, il était reçu au camp de la Giandola, au milieu de
l'allégresse générale. U logea dans une petite maison.
CONVENTION NATIONALE (1793) f81
transformée aujourd'hui en auberge. C'est là qu'il tînt
son conseil de guerre, où fut résolue une attaque générale
pour le 7 septembre. < Nous les chasserons du comté de
Nice, répéta-t-il plusieurs fois, et nous irons à Toulon. »
Cîolli fut chargé du centre, le duc d'Aoste ira de Saint-Sau-
veur sur Gilette et sur Utelle, Saint- André sur Belvédère
et sur la vallée de Lantosque. De Wins, sous les ordres du
roi, gardait le commandement en chef^ et il se chargeait
de nous débusquer du Mantégas et du Tuech. Le roi visita
en passant le camp du Raous. C'était le 6 septembre. Sou-
dain un orage éclate. On le presse de s'abriter dans une bas-
tide, il veut rester sous la tente. < Chaque grêlon qui tombe
sur vous, lui dit le chevalier d'Auvare, me frappe les
épaules. — Ettoi, qui eslà depuis bien plus de temps, reprit
le roi, tu as souflFert encore plus que moi? — » On dut re-
mettre l'attaque au 8 septembre ; le contre-ordre arrivera
trop tard à Breil, ce qui compromettra toute l'afifaire.
Victor- Amédée se tint sur les Terres-Rouges (territoire
de Belvédère) pour assister à l'attaque générale. Il paraît
que de Wins, de son côté, avait oublié de donner l'ordre
au duc d'Aoste de se joindre à lui pour attaquer Utelle,
comme il avait été convenu ultérieurement.
Les Austro-Sardes lancèrent en pure perte 800 boulets
sur le Tuech. Ils traînèrent quatre pièces d'artillerie de
Belvédère au Flaout, tandis que Canal traversa la Gardo-
lasque pour gravir les sommets de la droite de ce cours
d'eau. Radicati suivit le chemin de Lantosque. Nous
dûmes, devant des forces supérieures, battre en retraite
jusqu'à la Bollène et à Gaudissart, et laisser le drapeau
d'Aquietdu régiment de Nice flotter sur le Flaout. Nous
ne pûmes pourtant être débusqués de Saint- Sauveur.
Nous avions concentré toutes nos forces à Tête-de-Pins
en abandonnant à la seconde colonne des Austro-Sardes
le poste de la Cerisière. L'ennemi, repoussé victorieuse-
ment, y perdit Lostègue, Dagan, Castellemar et un grand
nombre d'hommes.
182 CHAPITRE m
De Wins ayant gravi les Manouines d'Utelleavec la troi-
sième colonne, nous allâmes, avertis à temps, nous retran-
cher à la Madone d'Utelle, et aidés du poste de la Trache,
nous mimes Tennemi en pleine déroute.
Seulement pendant la nuit nous quittions Tête- de-Pins
pour renforcer le camp de Pierre-Cave et pour placer un
avant-garde à Saint-Arnaud-de-Loude. Le bataillon de
Verceil, les émigrés de Bonneau et un bataillon du régi-
ment de Nice mirent un entrain merveilleux pour marcher
sur nos postes des environs de Breil. Malheureusement
ils partirent trop tôt, se trouvèrent isolés et furent
complètement battus. Là périrent Dani, Venanson, Flour
et le capitaine Renardi. Nos postes de Mangiabo et du
Moulinet tombèrent sur le bataillon de Saluées, conmotandé
par Viterbe, et sur les grenadiers de Quincenet. Viterbe fut
blessé. Les sieurs Ribotti, Mille et Saint-Antonln fuient
tués dans la mêlée.
Victor-Amédée était désolé. Pourtant de Wins essaya
de consoler le roi, en lui disant qu'on y avait gagné la
vallée de la Vésubie ; il semblait rejeter l'échec du Brouïs
sur Saint-André, ce qui était une calomnie. Victor-Amédée
s'en retourna à Turin, laissant son fils sous les ordres de
de Wins ; il permit de renouveler une attaque générale
et d'aller prendre 8,000 hommes à Strasoldo.
Le 20 septembre, de Wins revenait du col de TArgen-
tière. Il visita d'abord la vallée de la Vésubie; le 24, il
était à Valdeblore ; il fit monter huit pièces de canon à
dos de mulet à Isola, envoya de Saint-Sauveur un fort
détachement vers Puget-Théniers. A Clans, il manda du
camp de Seirol le duc d'Aoste, et lui confia le dessein
qu'il avait de forcer avec lui la ligne du Var, de menacer
Nice et Grasse, en suivant les deux rives du fleuve, ce qui
déciderait les troupes françaises à descendre du Brouïs et
des autres postes du comté de Nice, pour défendre les
points menacés. Les deux colonnes des Austro-Sardes qui
CONVENTION NATIONALE (1793) 183
devaient côtoyer le Var se réuniraient à Saint-Laurent.
Saint-André marcherait sur Utelle pour profiter de la
retraite française. Mais de Wins avait d'abord à nous
débusquer des postes du Var, où, quoiqu'il tînt tout dans
le plus grand secret, nous faisions bonne garde. Il com-
mença de son quartier général de Clans, à assurer son flanc
gauche par une garnison qu'il plaça à la Tour, et sur sa
droite il envoya le régiment de Courtin, du côté d'En-
trevaux. (îolli, qui commandait l'aile droite, dirigea ses
troupes vers Ascros, tandis que lui-même , à la tête
du bataillon de Mondovi, se posta à Toudon, qui était
de ce côté la clef de la vallée du Var. Là il forma un
cordon de troupes qui occupait Bonson, Revest, Tour-
rette, et se ralliait à Toudon, et de Toudon allait vers
Cigale et Cuébris, pour se rattacher à Ascros et à Puget-
Théniers.
Les centres principaux de munitions de guerre furent
Clans et Malaussène. On allait lentement, à 'cause du
mauvais état des chemins, mais l'objectif de de Wins était
Gilette.
XVII. — GILETTE ET LES DIVERSES ATTAQUES OU COMBATS
da 26 juillet, du 3 octobre et du i9 octobre 1792.
Si VOUS remontez le Var, vous rencontrez au confluent
du Var et de l'Estéron un des plus beaux spectacles que
puisse offrir la nature. Le fleuve, fort des cent cours d'eaux
dont il s'est accru, et surtout de la Tinée et de la Vésubie,
s'élargit tout à coup au confluent de l'Estéron, pour des-
cendre vers la mer. A ce delta, qui forme comme le point
de jonction des vallées et des chemins du Var des deux
rives, les villages se multiplient; c'est sur la gauche : Saint-
Martin, la Roquette; sur la droite : le Broc, les Ferres,
Dosfraires, Gilette, Bonson. Mais entre tous, Gilette, percé
sur la rive droite du Var, et au-dessus de l'Estéron, rive
184 CHAPITRE IH
gauche, présente Taspect d'une citadelle et commande à
cette région. Le village est entouré du vallon Longuia, qui
aboutit à l'Estéron. Au-dessus, vers la droite, sur le pic de
TAiguille, est un chàteau-fort que construisit au xii« siècle
Alphonse d'Aragon.
Gilette avait déjà son histoire militaire avant 1793, De-
puis le 26 juillet 1793 nous avions pris position. Le major
Testons, voulant se distinguer par un fait d'armes, nous
surprit de nuit, vers le milieu de septembre,et nous débus-
qua. Quelques jours après, 400 soldats du régiment corse
revinrent à la charge et nous reconquirent Gilette, jurant
bien qu'ils n'en seraient chassés qu'avec la vie. Ils tinrent
parole.
Le sieur Belmond, brave chef des milices du comté de
Nice, venait de recevoir du roi son brevet de lieutenant-
colonel. Brûlant de se signaler tout aussitôt, il obtint la
permission de s'emparer de Gilette, tant il se croyait sûr
de son coup. Il conduisit de nuit très-secrètement ses mili-
ciens, une compagnie du régiment de Courtin et un déta-
chement de Croates. Il alla par Cuébris, et suivant la
gaucho do l'Estéron, il entra sans coup férir dans le village
et où il fit quelques-uns des nôtres prisonniers. Un officier
du régiment de Courtin, nommé Taurin, entré le premier
dans Gilette, y rencontra l'officier français du poste qui
portait des cartouches dans un mouchoir. < Vous ou moi,
s'écria l'offîcier français, nous sommes prisonniers l'un
de l'autre. > Taurin étant seul demanda merci. Mais quel-
ques minutes après arrivent les Croates, qui menacent
déjà de sabrer l'officier français, quand Taurin, les repous-
sant, acquitte la dette de la reconnaissance. Les Croates
se mettent à piller; les miliciens accourent du val Longuia
pour avoir leur part. Belmond leur crie que la place
n'était pas prise, qu'il restait le château de l'Aiguille. Il
n'est obéi que d'un petit nombre, et il somme les 400 Corses
de faire leur soumission. On engage la fusillade. Les gardes
CONVENTION NATIONALE (1793) 185
nationaux du Broc et des Ferres l'entendant, accourent, et
une partie d'entre eux trouvant libre le val Longuia, esca-
ladent Gilette de ce côté, ce que voyant, les 400 Corses
font une brusque sortie, culbutent soldats et Croates, bles-
sent Belmond et le font prisonnier. On le porta au Broc
et de là à Vence, où il mourut au bout de deux mois. Le
comte de Cimiés reçut aussi une blessure très grave.
La Convention nationale porta à Tordre du jour les
400 Corses de Gilette (3 octobre). De Wins, à cette nou-
velle, quitta Clans pour établir ses quartiers à Revest-
Tourrette.
Les mouvements de l'armée piémon taise ne nous trou-
vaient pas en arrière, quoique nous fussions en moindre
nombre. Nous apprenions par nos éclaireurs et même par
des déserteurs autrichiens le plan de de Wins. Le 22
septembre, des soldats ennemis arrivés à Grasse quit-
taient, disaient-ils, le drapeau de l'esclavage pour s'en-
gager sous celui de la liberté.
Le 27 septembre, l'administration départementale,
d'après les ordres de Robespierre jeune, envoya trois
cents citoyens volontaires du district vers Coursegoules
pour se porter aux Conségudes et repousser les brigands
pièmoiUais. Deux compagnies tenaient garnison à Anti-
bes, le 30. La gendarmerie faisait la chasse aux suspects et
aux émigrés. Le 7 octobre, le bruit court que l'ennemi est
au Mas; le 10, que Coursegoules est menacé. Gardanes
avait le commandement de Draguignan. Serrurier était à
Entraunes (15 octobre).
Robespierre écrit aux Antibois : < La Patrie est en
danger. Tous les jeunes gens se sont portés à la défense
de la Patrie ; mais il manque d'armes pour exterminer
les suspects des tyrans et de la liberté; afin de garantir nos
défenseurs contre les rigueurs de la saison, donnez toute
espèce d'armes et de vêtements. Mettez en dépôt tout ce
qu'on a de plomb pour le transporter à l'arsenal de Nice. »
186 CHAPmtE m
On ouvre des ateliers pour la confection des habille-
ments. Ântibes ne peut suffire à tant de demandes. CTest
pour n'avoir pas montré, dit-on, assez de zèle patriotique
qu'on a arrêté les officiers municipaux^ Elle offre 6,000
fr. et demande en même temps la délivrance des prison-
niers. Ce que Robespierre le jeune accorda.
Le maire Emond d'Esclevius meurt dans ces circons-
tances difficiles, 17 octobre, laissant deux fils, Charles-
Félix et Prosper. Léonore Bemardy refusera les fonctions
de maire.
Le feld-maréchal de Wins avait tout préparé pour la
nuit du 16 octobre. Un émigré de Grasse, Vincent Lambert,
qui se trouvait à Cigale en ce moment, envoya à de Wîns
un long mémoire dans lequel il lui conseillait d'arriver à
Grasse en longeant le Cheiron dans le plus grand secret;
qu'il trouverait dans cette ville le trésor de Tannée et les
munitions de guerre ; qu'il prendrait comme otages
soixante des principaux citoyens et l'administration dépar-
tementale contre la remise des officiers prisonniers, qu'il
y délivrerait le comte Lascaris et autres détenus; que cette
invasion subite jetterait l'effroi dans le comté de Nice, et
fournirait à Colli le moyen facile de tout reconquérir,
tandis que l'armée austro-sarde, s'avancant sur Toulon,
délivrerait, en passant à Draguignan, le baron Carava-
dossy et le chevalier de Maccarani. Lui-même s'offrait de
diriger Tavant-garde jusqu'à Grasse par les sentiers
connus de lui. Ce projet ne faisait que compléter le plan
du feld-maréchal et l'agrandir. 11 fut accepté.
De Wins avait écrit à Saint-André de ne pas bouger de
Belvédère avnnt la nuit du 17 au 18 octobre au lieu du 15,
et de marcher alors sur Utelle pour couper le chemin du
Var à la garnison française. Ce contre-ordre ne lui arriva
que le 18 au soir, quand il avait déjà envoyé au camp de
Seirol les comtes de La Roque et de Malaussène prendre
des renforts que lui donnait le duc d'Aoste. Il n'y avait
CONVENTION NATIONALE (1793) 187
plus moyen d'exécuter Tordre du feld-maréchal. D'ailleurs
Saint-André voulait agir sans de Wins et attaquer, en se
passant de lui, tous les postes occupés par les nôtres dans
sa circonscription. Il opérait du côté du Ferriou pour
couper les communications entre nos postes d'Utelle, de
la Mantéga et de Pierre-Cave : ce qui n'était pas dans le
plan de Wins. Il n'empêchera pas notre garnison d'Utelle
de descendre sur le Var.
Les deux frères Vassali de Sainte-Marguerite se char-
gèrent d'aller sur Grasse par le Cheiron. Ils partirent
de Roquestéron, la nuit du lundi 15 octobre, dans le
plus profond silence. Mais des bergers de Bouyon les
ayant aperçus accoururent avertir le maire, M. Bérenger.
Celui-ci envoya un exprès en toute hâte à Vence, son
chef-lieu de canton. De Vence partit pour Saint-Paul,
Antibes et Grasse, la nouvelle de cette invasion qui, cette
fois, était une réalité. Les citoyens Barrière de 3aint-
Jeannet et Jean- Antoine Alziari, commissaires délégués,
Chabert de Vence, commandant de la garde nationale
du canton de Vence, et AIziary de Roquefort, juge de
Saint-Paul, frère du commissaire et commandant de la
garde nationale du district de Saint-Paul, reçurent pleins
pouvoirs pour agir promptement. Partout le tocsin, la
générale ébranlèrent les populations. Vence, surtout, fut
d'un élan admirable. < Il ne reste plus au pays, dit le
citoyen Abbon, officier municipal, que les femmes, les
vieillards et les enfants qui font cuire le pain et font de la
charpie. > Le rendez-vous général de toutes les troupes
était à Bezaudun, et il y avait déjà, le 17 octobre, 4,000
hommes. < En suite de la circulaire du 19 octobre, les
gardes nationales de Vence et des environs se sont por-
tées en armes à Bezaudun pour combattre les satellites
du despote sarde qui ont pénétré sur les territoires de
Conségudes et de Bouyon. Elles sont au nombre de 4,000
hommes. Nous sommes résolus de vivre libres ou de
188 CHAPITRE m
mourir. Deux piétons portent les dépêches, Tun au Broc,
l'autre à Gagnes. Nous apprenons qu'à Saint-Laurent et à
Garros tous les hommes valides ont fait comme nous. Il
nous arrive à chaque instant des gardes nationaux que
nous envoyons au Broc. Le courrier qui passe parCoui'se-
goules remet les dépêches au citoyen Barrière, commis-
saire délégué du département. >
L'administration départementale du Var, siégeant à
Grasse, écMt à Saint-Paul à Barrière de Saint-Jeannet,
18 octobre : < Le général citoyen vient de nous apprendre
que l'ennemi se montre à Garros, au Broc et à Saint-
Jeannet. Nous nous hâtons de vous en faire part. Nous
venons de donner des ordres à Vence pour qu'on fasse
accorder le plus de monde possible pour la défense de
la République. Les points les plus menacés sont indiqués
ci-dessous. Giletta est attaqué, et nos postes de Consé-
gudesont été repoussés; 23,000 cartouches sont déjà psur-
ties d'Antibes ; j'en envoie 25,000 à Goursegoules, ainsi
que tous les fusils disponibles. Le général Serrurier garde
Entrevaux. Concertez- vous avec le citoyen Alziary pour
que les hommes qui sont sous votre commandement spé-
cial soient pourvus de tout. Nous comptons sur votre
vigilance. Ménagez votre santé. >
Le 16 octobre, de Wins avait dépêché en toute hâte
aux frères Sainte-Marguerite pour leur dire de rebrousser
chemin au plus vite par les Gonségudes et par les Ferres.
Il dirige sur le val Longuia des soldats de Gaprera sous
les ordres du lieutenant-colonel Hambourg pour protéger
la retraite ; il met trois cents Groates au passage du Var
et de l'Estéron, mais voici qu'à Fougassière quinze paysans
les forcent de mettre bas les armes et de se constituer
prisonniers.
M. de Vacca, colonel du régiment de Piémont, occupe
une butte entre le Var et l'Estéron, et le maréchal en
personne, de son poste de Revest, s'est avancé sur Oilette,
CONVENTION NATIONALE (1793) 189
8ur laquelle, le 18 au matin , quinze pièces d'artillerie
ouvrent un feu soutenu. Nos quatre cents Corses ne bou-
gent pas. La canonnade continue jusqu'à onze heures.
€ On nous annonce, écrivit le citoyen Abbon à Grasse,
que l'ennemi a disparu du côté de Gilette ; il a fui la terre
de la liberté ; on va aller le chercher où il est. On ditque le
Broc est menacé. Chabert est encore au camp deBe-
zaudun. >
Lorsqu'on est assuré que les envahisseurs ont rétro-
gradé, et qu'on entend l'artillerie qui bombarde le châ-
teau de l'Aiguille, les gardes nationaux vont à marche
forcée sur le Broc, et s'échelonnant sur les hauteurs qui
dominent le confluent du Var et de l'Estéron, ils pour-
chassent les envahisseurs de rocher en rocher. Là, le com-
mandant Alziary, à la tète de ses quinze cents gardes
nationaux, remarque qu'il y a parmi eux une sorte d'hé-
sitation : € Allons, dit-il, que ceux qui ont peur s'en
retournent chez eux. > Quatre cents déterminés restent
avec lui, franchissent le gué, et se disposent à gagner les
rochers qui séparent Gilette du confluent. Il fallait, pour
y arriver, déloger d'abord un ennemi bien supérieur en
nombre, retranché sur des crêtes inexpugnables et dans
des sentiers à peine connus des chevriers. L'audace esca-
lade le ciel. Alziary crie : En avant, vive la République !
Et lui-même donne l'exemple. Vêtu de blanc, il s'aperçoit
qu'il est le point de mire de l'ennemi, et que les balles
sifflent à son oreille. Il fait retourner l'habit d'un certain
nombre des siens pour dépister les Sardes.
Tous, le fusil en arrêt, couchés derrière les rochers,
apparaissent soudain sur un pic, sur un autre, et visent
toujours juste. Puis ils recommencent ce manège de gué-
rillas, tantôt marchant à plat ventre, tantôt se redressant
pour en abattre encore. Alziary était un véritable lion,
ont dit les Saint-Paulois. Mais voici qu'au moment que
Dugonmiier descendait d'Utelle pour achever la victoire,
190 CHAPITRE m
Alziarv tombe frappé an flanc d'une balle <ltii Tétend
raide-mort. Il n'avait que trente-troiâ ans. Sa nièce, la
célèbre tragédienne Blanche Sainval (Alziary), chantera
en beaux vers sa fin héroïque. Faut-il que œ soit la main
d'un lâche et haineux compatriote qui ait commis cet
horrible crime ! Et cette rumeur serait l'écho de la vérité.
De Wms à Gilette, après avoir fait cesser le feu de l'artil-
lerie, commanda de monter à l'assaut. Les Volusques, les
grenadiers de Belgioso, les émigrés de Bonneau occupèrent
Saint-Pancrace ; le duc d'Aoste était avec eux, quand ils en-
trèrent dans le village, mais sur l'ordre d'escalader le pic de
l'Aiguille, les grenadiers de Caprera reculèrent devant
une mort qu'ils regardaient comme certaine. De Wins était
furieux. Les autres avaient obéi, lorsque nos quatre cents
Corses, voyant l'ennemi engagé le long de ces rocs à pic,
coupent les cordages qui soutiennent les cintrages sur
lesquels pose artificiellement le second retranchement, et
alors roulent d'énormes pierres qui écrasent et précipitent
pèle mêle les assaillants.
Que faisaient Dugommier et Dumerbion ? Dumerbion ne
pouvait quitter Sospel . Dugommier avait de Robespierre
le jeune et de Ricord, la permission, s'il ne pouvait se sou-
tenir à Utelle, de battre en retraite sur Nice. En rétro-
gradant, il avait donc sa responsabilité à couvert. D'un
autre côté, s'il n'allait pas au secours de Gilette, notre
armée était perdue. Il se détermine dans cette extrémité
à porter le coup le plus hardi et le plus étonnant. Ayant
appris que Tennemi nous avait débusqué de la Ro-
quette et de Saint-Martin-du-Var, et qu'il investissait
Gilette, où il n'y avait qu'une poignée de braves, il envoie
en avant le citoyen Martin, commandant du 3® bataillon
de la Haute-Garonne ; du Broc il le lance sur Gilette,
confie Utelle à Despinoy, prend avec lui trois cents gre-
nadiers décidés, et descend à son tour sur Gilette dans la
nuit du 18 au 19.
CONVENTION NATIONALE (1793) 191
Le 3« bataillon de la Haute-Garonne avec le comman-
dant Martin, avait déjà surpris Tenutîmi qui pillait la
Roquette du Var et délivré une compagnie de son batail-
lon qui avait soutenu deux assauts dans les ruines du
vieux château, où elle se maintenait encore. Du gommier
arrive, et malgré une marche de sept heures de nuit, il se
montre au-dessus de Gilette au point du jour. Pendant
que les gardes nationaux de la rive droite du Var, conti-
nuent de tirer sur Tennemi, la troupe de Dugommier cul-
bute, renverse tout, si bien que les Austro- Sardes terrifiés
se débandent. De Wins avait beau crier, l'épée à la main :
< Mais que faites- vous ? Vous êtes dix contre un. > Ils y
laissèrent huit cents morts, autant de prisonniers, tentes,
artillerie, munitions. Succombèrent le prince Pignatelli,
le major Paouspaou, le capitaine Gilette, les officiers
Bonna et Bourgarel. Le duc d'Aoste ne dut son salut qu'à
un certain Joseph Malaucèna, dit bélier du Gros, qui Taida
à s'évader par une porte dérobée .
De Grasse à Paris , on exalta, comme de juste, le
combat de Gilette. Cette nouvelle de la victoire rem-
portée sur les esclaves piémontais fut mentionnée dans
les registres des délibérations du conseil administratif du
Var.
Le 30 octobre, le comité écrivait en ces termes au
citoyen Alziary, administrateur et commissaire de la
République à Bezaudun : « Citoyen, en donnai^ à la
nature le sentiment de douleur qu'a dû vous causer la
mort de votre frère, vous ne devez pas oublier que c'est
pour la patrie que son sang a coulé. Un martyr de la
liberté vit dans la mémoire de tous les vrais républicains.
Cette même gloire n'est pas réservée à tout le monde. Les
seuls enfants de la patrie l'obtiennent tout entière. La
patrie entière et vos collègues en tiennent compte à la
famille. Votre frère a eu ce bonheur. Vous devez le lui
envier.Sahs cependant prétendre que vous devez faire taire
i9z Ca^FTOM, m
la Tj:bZiTe, ^ Tiâ ôe î& ^«ezié «ioft reienûr à Totre coeur.
Voire frère Ta ec^c&îiïe ; L hzi a o^té!, il a £ût son devoir,
sa mém>ire i>:qs sëra ciiêDe et sa coDduiie aura des imita-
Ui^irs. >
Le même 'yyar^ /ariminiscraxîoii de Grasse écrivit aussi
à la OrAiTesïûoa xîaûoiiale : < Noos nous empressons de
Toos annoîicër la Tic&>iT^ rempûnêe par les troupes de la
République sur les saLelliies des tyrans au poste de
Gileite. sur le Var. Le 18 du courant, un corps de 4,000
PiémoDtais et Autrichiens enveloppèrent ce poste et le
canonnèrent t#>ut le jour sans eflet. Les iHraves chasseurs
corses qui le défendaient, au nombre de 400, se tinrent
dans leurs retranchements. Le 19. les Piémontais osèrent
les attaquer, mais ils furent rep^oussés avec Ténergie qui
caractérise les soldats de la liberté. Bientôt les ennemis
furent assaillis de toutes p'urts tant par les secours envoyés
par Tannée dltalie que par les gardes nationales des dis-
tricts de Saint-Paul et de Grasse. Le peuple, digne du
bonheur qui l'attend, s'est levé en masse et a fortement
prouvé par son courage la ferme détermination de vivre
libre ou de mourir. L'ennemi a été forcé dans tous ses
retranchements ; beaucoup ont péri dans le combat ou
dans la poursuite. Onze cents ont été faits prisonniers.
Cette partie do, nos frontières est vraisemblablement déga-
gée pour longtemps. Cette victoire nous a très peu coûté.
Elle nous fait regretter pourtant le citoyen Alziary , juge
du district de Saint-Paul, frère d'un de nos administra-
teurSy qui est tombé sur le champ de la gloire, en excitant
l'ardeur de nos républicains et par ses discours, et par son
exemple. >
XVIII. — COMBAT DE LA MADONE D'UTELLE.
De Wins avait été battu à Utelle. Restait le corps de
bataille de Saint-André qui tombait sur nous à Utelle. Le
CONVENTION NATIONALE (1793) 193
21 octobre, La Roque, Alziary de Malaussène et Radicati
campaient aux Manouines et de là au Pueil. Le régiment
de la Su se se tint à Castel-Gineste avec le 8® grenadiers.
Zimmerman et ses Suisses étaient attendus de Belvédère.
Ils devaient occuper Figarette pour monter de là à Utelle,
en évitant notre poste de la Gardiole. Dugommier se tenait
prêt.
Dans la nuit du 21 au 22 octobre, vers deux heures du
matin, les soldats de laSuse, se traînant à terre, descen-
dent de Castel-Gineste. Notre poste de la Gardiole veil-
lait ; il crie : « A la garde ! > Le chef ennemi ranime les
siens : « Feu , grenadiers ! vive Savoie ! > Devant le
nombre, nous succombons à la Gardiole. D'Auvare et
Papon, à la tète des leurs, nous font cinquante prisonniers
à Parabousquet, et là ils attendent des nouvelles de Radi-
cati, de La Roque et de Zimmerman, qui devaient les
rejoindre. Les deux premiers avaient été culbutés au
Pueil. Zimmerman avait été coupé dans sa marche. Car,
au premier cri d'alarme, Dugommier, à la Madone, rece-
vant les fugitifs de la Gardiole et de Parabousquet et
s'avançant à la tète de 1 ,600 hommes, soutint le choc de
Tennemi avec un rare courage. Saint-André se croyait
déjà sûr delà victoire. Tandis que la troupe de la Suse
s'appuyait sur Castel-Gineste, une autre colonne enve-
loppe la Madone. C'était toujours pendant la nuit. Sans
attendre le jour, Dugommier détache six cents hom-
mes, leur fait ôter leurs souliers, et va s'embusquer der-
rière un défilé par où passeront infailliblement les Austro-
Sardes. Quand il a bien reconnu la position, il donne deux
cents chasseurs aux capitaines Guillot et Partouneaux
pour charger l'ennemi à la baïonnette, cette arme toute
française. L'ennemi, qui attendait le petit jour, est surpris
à son tour et rétrograde. Puis à la pointe du jour, voyant
le petit nombre qu'ils avaient devant eux, ils s'y repren-
nent. C'est alors que l'attaque devient générale sur tous les
13
giyuBij; ^ TBirâiàr .iislt'i. S3ÔXié--£îs&.%ô:. La fteport
*'«. ilHTîîic Tarç ji TiiTT- Znnmssnmz. «lôê «n beaa-
■5:0:4 ÎH: ;*tciir i riJiiar 5*ei^rî:t±r*- T-sc -oc Ttzi ^^'Sr Radî-
«fc'l^Tasn -aiTijr Maoziîâar îtfs saititzrs ii cu&p de la
Tjitr. ûa fnn rrç«:ciiîi: z ii* j* 5iâî-2iar^:èaî n^avait pas
ûic^ À Clazii. jt^xii: > striy 3f ];& T:«xj^. s«^ nkeme pfé-
T^asîr Str: v-Antir^, Li ^^liiZCLiH- friziraî» ^^ 'i^ i^zïi da
Var. *T4h >::^*i:-e T'Asrzi^'Zir.^iXKr^zi^ -ltssKijC à la Tour
CK; 2V!S^jG. ô^ SX «^=C3 bzcŒtss. 0:nr:fc* ^ n^iment de
la Soie 121:1 jcan ^i-ci. îl ixi eo^.jre asstLîi ôirs la retraite
par oëoe 2%rTiis>:L Érj:i!a25e -îf ii T>Ar- Le comie de
àiiot-Aairé rîç-rr^ ii3â ses ^ircaxre* jie de Wins fai le
maarais z-éo^ i^ :ec;;^ gîï^jre i-^ AI>3&-\Iaritîmes. De
L'ectriz^aieçi: ia r^^jztea; ie la Sose eaî I iea aa Scan^
do^dier^ le 22 >^:» :<^, -raîr? le R?et* eî le Veniabren. Là
ÙLreaz Kess^ le chevalier de La R>î'ie, Radicati ; le die-
valier Aaréli> ec 5*:a fr^ère rarea^ taie pris«:>a!iiers ; Saint-
.\gaphe y fat raé. Ni*» compta parmi les morts deux
offir:isrs distiiigiiés : CilTigaïao et Fîghiera. Le combat
avait dure onze heures. Dagi>aimier se cxiie ata de coû-
tenrer le pjste de la Mai >ae, J ^q^ \i J xiaa le commande-
ment k Masséna. géaéral de brig^iiie depuis le 13 août,
pour s'être le plus signalé dans ces diverses actions. La
Convention aationale félicita Di^ommier, et l'appela aus-
sitôt au siège de Totdon p^ar y remplacer Carteaux,
nommant Dumerbion à Tarmêe des Alpes-Maritimes.
Nous ne saurions trop remarquer les conséquences si
glorieuses des combats de Gilette etd'Utelle qui détermî-
nèretit Tévacuaticm complète des Austro-Sardes de la
CONVENTION NATIONALE (1793) 195
vallée du Var. Cette retraite s'eflFectua par Valdeblore.
Les troupes ennemies de Revest et deToudon, en descen-
dant par Malaussène et Massoins, eurent une retraite
des plus périlleuses, surtout au passage du Var, et en
remontant la Tinée jusqu'à Clans. La garnison de Sigale
usa toutes ses munitions dans ses forts retranchements
naturels et finit par se rendre avec son capitaine, le sieur
de Saint- Antonin.
Les postes de Daluis et de Cuebris, aux ordres de CoUi,
démantelèrent leurs châteaux et rejoignirent les détache-
ments d'Entraunes et de Puget-Théniers pour suivre la
route de Roure, Beuil, Tliiéry, Isola et Saint-Sauveur.
Ceux d'Ascros passèrent le Var au Villars, et se rendi-
rent à Clans. On transporta les magasins d'Entraunes à
Saint-Étienne de la Tinée, puis à Vinaï ; les magasins de
Villars, de Malaussène et de Puget-Théniers, à Clans.
De Wins accompagna la retraite de Clans à Valdeblore,
vint à Saint-Martin-Lantosque par Venanson , puis à
Belvédère, d'où, par la route de la Gardalasque, il se rendit
au col de Tende, donnant toujours des ordres.
Saint- André et le duc d'Aoste n'avaient perdu aucune
de leurs positions, quoiqu'ils eussent manqué l'attaque de
la Madone et essuyé une défaite complète. Ils continuèrent
d'occuper Utelle, le Figaret, Castel-Gineste et le Brec.
XIX. — LA TERREUR DANS LES AI^fES-MARITIMES.
Le comité départemental du Var établi à Grasse sous
l'inspiration de Barras et de Fréron, et dirigé par Sali-
cetti, Robespierre Jeune et Ricord procédait à l'arresta-
tion de tous les suspects, fédéralistes, royalistes, contre-
révolutionnaires. Le régime de la dictature pesait de tout
son poids sur la ville de Grasse. La Société populaire
venait en aide à l'administration centrale pour faire exé-
cuter les décrets de la Convention ou plutôt de Robes-
196 CHAPITRE UI
pierre, et sommait la commune de s'y conformer. Déjà
on avait dressé au Conseil municipal une liste de cent
soixante-trois suspects (séance du 28 avril 1793.) Sur les
réclamations des citoyens, ce nombre avait été réduit à
vingt-un. En ce temps la France n'oflFrait plus aucune
sécurité pom' quiconque avait un envieux, un ennemi
personnel. Vos paroles, vos actes étaient dénaturés. Des
nobles, des prêtres, des bourgeois qui, comptant encore
sur la bonne foi et l'honneur de leurs concitoyens,
n'avaient pas pris le chemin de l'émigration, qui avaient
accepté la Constitution de 1791, mais qui ne croyaient
pas devoir suivre en conscience les idées révolutionnaires
de la Montagne, ou les horreurs excentriques d'Hébert, se
voyaient maintenant traités d'antipatriotes, d'aristocrates
par la faction de Robespierre. Leur titre seul d'ex-comte,
de noble leur portait malheur. On ne voyait plus en eux
que des traîtres. Pour mieux nous en rendre compte,
extrayons des registres du Comité de surveillance de
Grasse, les faits et gestes des citoyens Marc Antoine Tala-
doyre, Maximin Aubanel, Louis Girard l'aîné, Louis Ory
l'aîné, Niel aîné, Lambert Jeune chirurgien, Louis Brun
père.
Les séances se tiennent dans l'ex-maison curiale du
sieur Mougins, ex-curé décédé depuis quelques jours. Elles
commencent le 6 octobre, en présence du commandant de
gendarmerie et des deux juges de paix. Gourmes et Rey.
Les sieurs Courmes et Raybaud, membres de la Société
populaire, viennent complimenter le comité ; la munici-
palité répond qu'elle se fera un devoir de lui communiquer
tout ce qui intéressera le bien de la République une et
indivisible. Le premier citoyen dénoncé est le sieur Man-
tégas fils, huissier, fugitif de Marseille, depuis rentrée de
Carteaux, et maintenant réfugié chez son père Paul Man-
tégas, boulanger. Il a prêché, à Grasse, le fédéralisme et
rétablissement des sections. Ordre au commandant de
CONVENTION NATIONALE (1793) 197
gendarmerie de l'arrêter, et au juge de paix de mettre ses
papiers et effets sous séquestre. Et il en sera ainsi de tous
les autres qui suivent.
Honoré Seytre, homme de loi, aussi fugitif de Marseille,
un des chefs fédéralistes de Marseille, est caché dans la
maison de son frère à Valbonne. On va l'arrêter le 7
octobre.
Jean Isnard dit la Brayasque, terrassier, a menacé dans
l'assemblée populaire, de jeter dans les cavaux les patrio-
tes qui se trouvaient là. Il est soudoyé par les aristocrates.
Le citoyen Scipion Muraour, ménager, est dans les
mêmes conditions que Jean Isnard.
Henri Pagan, menuisier, a dit que la canaille aurait bien-
tôt le dessous ; et cela, en apprenant la prise de Toulon par
les Anglais.
Jean Joseph Michel, parfumeur, em.... tous les patrio-
tes ; c'est un tas de coquins et d'assassins. L'ennemi va
bientôt venir à Grasse nous en débarrasser.... Il est le
suppôt et le commissionnaire des émigrés. Il en est de
même de Jean Antoine Gilly et d'Alexandre Paul, tra-
vailleurs.
Jean Gaitte dit Grillon, ci-devant bourgeois, était l'un
des chefs de la Société antipatriote des artistes. Il a fait
des motions incendiaires contre les Jacobins de Grasse.
Il tourne en ridicule la Constitution et la Convention
nationale. II est en relation continuelle avec les prêtres
insermentés et avec les émigrés. Il cache chez lui les
suspects.
Mellon Conte, perruquier, frère d'un émigré, est lui-
même un antirévolutionnaire fanatique. De même Jean
Taffe, menuisier, agent de Théas dit Sully.
Joseph Bernard, cadet, ci-devant bourgeois, l'un des
chefs de la Société des artistes^ a apporté à Grasse le
mandement du ci- devant évêque de Grasse pour suspen-
dre les prêtres amis de la révolution.
198 CHAPITRE m
Louis Élzéar Lambert, chirugien, a son fils qui a déserte
le drapeau français pour servir à l'étranger contre la
Patrie. Il dit que tous les patriotes sont des coquins qu'il
faut pendre.
Jean Isnard la Tourmente^ agent des aristocrates ,
reçoit les prêtres insermentés,correspond avec les émigrés,
détourne les gens de la campagne du culte constitutionnel.
La femme Mars, épouse de Gaitte dit Grillon, fanatise
les citoyens et les citoyennes ; moleste les femmes patrio-
tes. Étant allée à Vence, elle y a mis le trouble, si bien
qu'on a été obligé de Temprisonner.
Gresp, cadet, dit la Ribe, antipatriote, a insulté une
amazone patriote dans une fête de la révolution.
Artaud Pierre, négociant, l'un des principaux membres
de la Société des artistes,est un antirévolutionnaire ardent.
Escoffier, perruquier, a répandu de fausses nouvelles ;
il a dit que les représentants de la Convention étaient des
coquins, qu'ils se faisaient payer en argent pour ne nous
donner que du papier, il a déprécié les assignats ; il a dit
que Ricord ne retournerait plus à Paris, etc. < Les Anglais
vont faire une descente à la Napoule. Nous allons être
anglais. Plût à Dieu qu'ils fussent ici demain > ! . . .
Le maire de Grasse lui-même est obligé de comparaître.
Le greffier de la commune, Rey, accuse le citoyen
Court, maire, de mal parler de la Société populaire j de le
menacer, que s'il y va, il luiôtera sa place... Le maire
déclare que le citoyen Rey s'absentait souvent du bureau
et négligeait les affaires de la commune, en prétextant
qu'il allait à la Société populaire ; qu'il lui en avait fait
des reproches, qu'il lui avait dit qu'il fallait préférer
son devoir et les affaires de la commune aux séances
de la Société populaire. On renvoie le maire de la plainte,
et Rey fait même ses excuses.
Le 27 octobre c'est le citoyen Mougins, l'ancien maire
et viguier de Nice, l'ex-député de la première Assemblée
CONVENTION NATIONALE (1793) 199
Nationale, aujourd'hui juge-président du district de
Grasse. On l'accuse de fédéralisme et de royalisme. Le
citoyen Mougins, au club des défenseurs de la Constitu-
tion, avait fait la motion de changer la dénomination de la
société en celle de sections réunies : ce qui avait été rejeté
par la majorité avec indignation. S'il n'y avait eu que lui,
dit-on, les sections étaient établies à Grasse,comme à Mar-
seille et à Toulon. Du reste, il avait reçu le mot d'ordre de
Marseille ; et il n'a pas craint de communiquer au club la
lettre par laquelle on l'engageait à établir les sections. On
lui a demandé le nom de son correspondant ; il a répondu
que la lettre n'était pas signée, qu'il se contentait d'en
donner connaissance à la société.
On rappelle qu'au moment du jugement de Louis
Capet, Mougins, se trouvant à la place du Puits, dit que
les membres de la Convention n'étant qu'une Assemblée
législative, ne pouvaient pas se transformer en Assemblée
judiciaire. Que c'était au peuple de juger. — Oui, lui ré-
pondit-on, vous voulez la guerre civile.
On rappelle qu'il a fait l'éloge en pleine tribune de l'of-
ficier Dupuy dit Sainte-Barbe, pour avoir tiré un coup de
pistolet sur la place aux Aires.
Deux ou trois membres du Comité de Surveillance,
défendent inutilement M. Mougins. L'un d'eux ne craint
pas de dire qu'il est camarade d'école du citoyen Mougins,
qu'après une absence de vingt-sept ans,il a renouvelé ami-
tié avec lui, et qu'il l'a trouvé jouissant de l'estime de ses
concitoyens, maire et viguier de sa ville natale, que le
sieur Mougins s'est toujours conduit dans cette place avec
l'intégrité d'un homme de bien, constamment occupé du
service du peuple. Il l'a prouvé à l'époque de l'Assemblée
des sénéchaussées, où il fit valoir les droits de ses conci-
toyens, si bien qu'on le nomma à l'unanimité député à
l'Assemblée Constituante. Les suflFrages se réunirent en
même temps sur son frère. Rendu à son poste, il s'est
200 CHAPITRE ni
conduit en véritable ami du bien public ; il a voulu la
Révolution, il Ta aidée de toutes ses forces pour qu'elle
réussit ; c'est à ses sollicitations que son frère a quitté le
parti du clergé pour se ranger dans le Tiers-État. Jamais
il n'a laissé échapper une occasion de rendre service à ses
concitoyens. De retour dans sa patrie, il a beaucoup souf-
fert des malveillants à cause de son civisme. Je l'ai entendu
parler bien de Capet ; mais il pensait que ce traitre
tiendrait ses serments. « Hors de là, disait-il, je le regar-
derais comme un monstre. > A Hyères, à l'époque de l'Ajs-
semblée électorale, c'est lui qui fut chargé de rédiger
l'adresse à la Convention pour la féliciter d'avoir aboli la
royauté, adresse qui.fut vivement applaudie. Quand il fut
nommé président du tribunal, chacun l'en félicita. Quand
il a parlé de changer la dénomination de la société en
celle de société de section, il a dit que ce n'était que pour
mieux connaître Tesprit général, et que pour se mettre
en rapport avec toutes les sociétés, en gardant la liberté
et l'obéissance aux lois. Au reste, il s'est pleinement justi-
fié de toutes ces accusations dans la société populaire de
Nice, et à la satisfaction de tout le monde.
D'autres accusations puériles ou passionnées s'ajoutent
encore à ce réquisitoire. On lui reproche d'avoir tenu à
garder son titre nobiliaire de Roquefort, de varier sans
cesse dans ses principes, d'aimer trop à parler et à faire de
longs discours.... Ce qui le perd, dit l'un d'eux, c'est de
n'avoir pas assez modéré son langage.
Enfin, il est déclaré suspect, et arrêté comme tel. 0 in-
gratitude des hommes !
Joseph Roubert, peintre, espion des aristocrates, distri-
bue de l'argent aux brigands, captive les femmes par des
manières insinuantes, leur conseille de ne pas vivre avec
un mari patriote. < Les députés qui sont allés honnêtes
gens à l'Assemblée Nationale,dit-il,en sortiront voleurs et
coquins. »
œNVENTION NATIONALE (1793) 201
Magagnosc , Louis ,. menuisier , est soudoyé par les
aristocrates. 11 dit qu'un bonnet rouge sur* la tête d'un
citoyen fait de lui un galérien. Il a arraché la cocarde à
un autre pour la jeter dans une forge. Selon lui la société
populaire cause tous les désordres. Il était de la faran-
dole aristocratique qui chantait à Grasse: Ça ira, les
patriotes à la lanterne /. . .
Pierre Lions, caissier au Pontet, était trésorier de la
société aristocratique. Il appelle couillons les officiers
municipaux. Il a quitté son bataillon,étant de la deuxième
réquisition et il en a entraîné d'autres à déserter.
Arnoux, peintre, appelle couillons nos frères d'armes.
Ils sont bien bètes, de se sacrifier pour la République. > Il
était l'un des plus ardents, quand les émeutiers ont pris
les armes contre la troupe qui venait à Grasse. Il a été
déclaré perturbateur du repos public à son de trompe.
Camatte de Montauroux, chassé de son pays pour y
avoir mis le désordre, est venu en faire autant à Grasse.
Il dit que la Révolution est une couillonnade qui ne tien-
dra pas.
Jourcin, domestique de l'ex-évêque, conspire contre la
Révolution.
Jean Seytre, frère d'Honoré, homme de loi, l'un des
membres les plus ardents de la société aristocratique, a
tenu chez lui jour et nuit des réunions anti-révolution-
naires, a caché des gens suspects et poursuivis par la loi.
Lambert la Lope, a arraché les décrets affichés de la
Convention, les a froissés avec mépris et jetés à terre.
La fille Lombart, ex-noble, sœur d'un émigré est une
anti patriote exaltée.
Payan, tamisier annonçant à Grasse Tescadre an-
glaise qu'on signalait, avant la trahison de Toulon, a fait
éclater une joie indécente. Et quand il a su l'entrée des
Anglais dans Toulon, il en a exprimé sa satisfaction. Il a
dit que les membres de la Convention étaient un tas de
202 CHAPITRB in
•
capons qu'il faudrait guillotiner. Le pain ayant été aug-
menté, il criait sur la place : « Eh bien ! pauvres gens,
voilà le fruit de la sainte Constitution. Quand ouvrirez-
vous les yeux? « 11 a tourné en ridicule la fête du 10 août
dernier, et il a dit aux gens des pays voisins et de la
campagne : « Le temps va vous manquer. Vous ne vien-
drez pas l'an prochain. Ça ne durera pas. >
Le capitaine Théas dit Sully invalide, autrefois du
régiment du Vermandois, ex-noble, est le chef du pacte
aristocratique de Grasse. Il est l'ennemi de la révolution.
On le garde à vue dans son domicile, parce qu'il est
malade ; et on met le séquestre sur les papiers et sur les
effets de ses maisons de Grasse et de Saint-Vallier.
Jean Paul Roustan, ex-bourgeois, a fanatisé les ci-
devant religieuses Visitandines, s'est réjoui des calamités
publiques, et a été sans cesse en relation avec les émigrés.
En vain essaiera-t-il de se disculper.* Vous me reprochez,
dira-t-il, d'avoir fréquenté des ex-religieuses, comme si je
ne devais plus voir mes sœurs et les filles de mon frère,
moi qui ai toujours vécu avec mon frère. Vous dites que
j'ai été lié avec l'émigré Gaitte, quand il était au pays ; je
déclare que je n'ai eu avec lui que des relations pour les
affaires de la justice de paix. » Robespierre le jeune ordonna
de réviser le procès, et le comité persista dans ses conclu-
sions. Il fut arrêté.
Le baron Calvy de Vignolet, conseiller à la cour des
comptes, fut arrêté parce qu'il était père d'un fils émigré,
noble et ennemi de la révolution.
Elisabeth Dozol est la tant^ d'un prêtre émigré. Elle a
fanatisé les religieuses de Grasse.
La femme Rouquier Imbert est non moins fanatique.
Maure, notaire, était l'un des plus ardents membres de
la Société des artistes. 11 a quêté pour les aristocrates
émigrés. Il dit tout haut dans la ville qu'il faudrait pendre
cinq ou six patriotes.
œNVENTION NATIONALE (1793) 203
•
J. F. Fortuné More, cadet, est frère d'un prêtre émigré,
et Tun des membres les plus influents de la Société des
artistes. « Vous pensez faire la récolte des raisins, disait-
il. Vous vous trompez. Les troupes sardes viendront ven-
danger. >
Ricord, fils, a fait éclater sa joie, quand il a connu la
révolte de Toulon et l'entrée des Anglais.
François Isnard, orfèvre, s'est montré l'ami des prêtres
insermentés et des aristocrates.
Curault, avoué, a été un partisan fanatique des sec-
tions. Il en a prêché l'établissement à Grasse, et a fait
partie de la Société aristocratique. Il a dit dans cette
société qu'on devait soutenir la royauté ; qu'il n'y avait
que des gueux et des brigands dans la Société populaire ;
que pour lui il se faisait gloire d'être considéré comme
aristocrate.
Girard, fils, homme de loi, a été l'un des membres prin-
cipaux de la Société des artistes.
Albert Durand dit Sartoux est ex-noble, père d'un fils
émigré, d'une épouse et do parents aussi émigrés. Il a
donné asile à un évêque antipatriote et a recelé ses efiets.
Il a tenu chez lui des réunions d'ex-nobles et des prêtres
insermentés. Il a donné un festin de réjouissance le jour
où la république courait les plus grands dangers.
Luce, apothicaire, est un antipatriote renforcé.
Bemardi, homme de loi, est l'ennemi déclaré de la
révolution. Sa femme, Moreau, criait à ses voisins le 10
octobre dernier : Vous n'aurez la paix que lorsque les
Piémont ais seront chez nous. Bientôt tout cela finira.
Les patriotes seront pris dans la souricière. J'ai des amis de
l'autre côté du Var, chez les Piémontais. Je les emploierai,
quand ils viendront. Et ça ne fera pas longtemps attendre.
Alors on rétablira tout, comme avant la révolution.
Benoît, père, dit Caussols, appelle de tous ses vœux la
guerre civile.
204 CHAPITRE m
La femme Crosnier a en horreur les prêtres patriotes.
Elle n'a pas voulu leur faire baptiser son enfeint. Elle af-
fecte de porter un éventail sur lequel il y a des emblèmes
contre révolutionnaires.
Féraud, l'aîné, ancien officier municipal, a dit que les
écharpes n'étaient que des chiffons, a cabale dans les as-
semblées primaires, avili les assignats, s'est fait l'agent
des émigrés et a montré en toute rencontre sa haine
contre la révolution.
Lions, huissier, a fait courir le bruit que le comité et la
Société populaire étaient coalisés avec les Marseillais pour
égorger à Grasse trois cents citoyens.
Fabre, droguiste, a dit qu'il fallait soutenir et rétablir
l'ancien régime. Il a traité la Société populaire de f. club.
Bruéry, huissier, a distribué des libelles incendiaires,
venus de Nice. Il s'est réjoui de l'entrée des Anglais dans
Toulon, et il a dit publiquement qu'ils allaient bientôt
venir à Grasse y châtier huit cents coquins.
La Bayaire, criait : < Il faut aller avec des haches
abattre les patriotes ! >
Argentéré a dit : < Moi, je me mets à la tête. Marchons
contre les patriotes ; et ça ira, les patriotes à la lan-
terne. > Et il a mis en train la farandole.
André Martelly, avocat, est l'un des membres les plus
fanatiques de la société des artistes.
Safemme,Maure,en veut aux prêtres insermentés. Mon-
trant,un jour,le prêtre patriote Bay on : <Voilà un scélérat,
disait-elle, un damné. Il a prêté le serment, fl donc ! Tout
ce que fait ce prêtre ne vaut rien. > Puis elle s'est mise à
le menacer. Elle a dit à son oncle, le curé Gasq : < Vous
avez perdu toute ma confiance. Vous êtes cause du mal-
heur de beaucoup d'autres prêtres qui ont suivi votre
exemple. > Elle insulte la Convention : < Ce sont des co-
quins, ils volent la nation. Ça ne tiendra pas >.
J.-B. Barbery, ex-commandant de la garde nationale,
CONVENTION NATIONALE (1793) 205
est un antipatriote. Il a laissé battre le rappel pour re-
pousser la troupe qui arrivait à Grasse.
L'armurier Aulagnier s*est réjoui de l'entrée des An-
glais à Toulon. < L'Anglais, dit-il, veut aller de Toulon
faire la farandole à Marseille. C'est dommage qu'ils soient
encore si loin d'ici ! S'ils viennentj^e leur viendrai en aide;
moi, je me fais gloire du nom d'aristocrate et je défends à
ma femme de fréquenter les patriotes. >
Le citoyen Daumas, homme de loi, dit : < Que les prêtres
et les nobles font bien de tenir bon. Les décrets de la Con-
vention sont des lois injustes. Nous vivons sous un ré-
gime de coquins. > Il a fait éclater sa joie au moment de
l'entrée des Anglais dans Toulon.
La citoyenne Joachim a dit que le ci-devant évêque
allait bientôt revenir ; que les prêtres assermentés étaient
un tas de brigands et les patriotes de la canaille ; qu'elle
serait la première à faire feu sur les patriotes. Quand elle
apprit la nouvelle de l'entrée des Anglais dans Toulon,
elle disait de sa fenêtre aux voisins : < Venez, je vous in-
vite à souper. Nous avons les clefs de la France. >
La femme Aguillon disait chez les religieuses : < J'ai
des sabres que je fais aiguiser contre les patriotes. >
Bérage a dit, quand on descendait les cloches : < Us
mangent tout, même les cloches ; ils ruineront la France. >
Il est frère d'un émigré et membre des plus ardents de la
société des artistes.
La femme Aulagnier (Muraour) s'est mise à battre des
mains, en apprenant l'entrée des Anglais à Toulon : « Al-
lons! ces couillons de patriotes auront bientôt sur le c...»
Lorsque la nouvelle est venue que les Anglais avaient
envoyé parlementer à Antibes : < Non, dit-elle, il n'est
pas temps encore qu' Antibes se rende, mais ça ne doit pas
tarder. >
Léopold Ainésy a trois frères émigrés. Il a refusé d'a-
battre les créneaux de son château.
205 CHAPITRE m
Conte père, dit Tarascon, s'est réjoui des Anglais à
Toulon : c Le temps va venir, a-t-il dit, que les pillards
vont restituer tout ce qu'ils ont volé. »
Crosnier, directeur de Thôpital militaire, traite les ré-
publicains de brigands et les prêtres assermentés de co-
quins. Il a foulé aux pieds la cocarde nationale.
Nous n'en finirions pas si nous donnions le catalogue de
tous les Grassols qui furent ainsi jetés en prison par le
Comité de surveillance. Partout il v eut des arrestations.
Vence, si petite qu elle fût, eut ses terroristes. Mars,
Saint-Malo, Vanoly, Tombarel de Saint-Jeannet se firent
les exécuteurs du Comité de salut public, présidé par Jean
Savoumin Missoly, assisté des citoyens Courmettes, chi-
rurgien, Trastour, horloger, Silvy aîné. Roman Talatoyre,
Alexis Maliver, Geoffroy du Portail et J. D. Chabert, dit
TAveugle. Parmi les personnes arrêtées et qui furent con-
duites les unes à Grasse, les autres à Draguignan ou à
Lorgnes, nous nommerons Antoine Savournin,Scipion Sa-
voumin, Baussy père, Gandolphe et sa femme, le mé-
decin Trastour, J. Lambert, François Blacas et sa femme,
P. Michel, Isaï, maréchal, P. Broc, Al. Suche, Ch.
Vacquier père et son fils, R. Blacas, notaire, Al. Boyon,
Ch. A. Guérin.
Antibes se montra si modérée qu'elle passait pour une
ville entachée de royalisme et de fédéralisme, et Ton ne
se trompait pas. Lorsque la Convention demanda s'il y
avait des suspects et des aristocrates, la municipalité ré-
pondait le 8 octobre : < Qu'il n'y avait aucune personne
suspecte dans la ville d'Antibes ; > Saint-Paul se montra
aussi très-modéré.
Nice, depuis le décret, qui l'avait incorporée définiti-
vement à la France, s'organisait. Un rapport remar-
quable de l'abbé Grégoir à la Convention avait donné tous
les renseignements qu'on pouvait désirer sur ce nouveau
département. < Il a été divisé, dit-il, en trois districts :
CONVENTION NATIONALE (1793) 207
Nice, Puget-Théniers et Menton, Monaco est chef-lieu de
canton. On compte 97,000 habitants et 96 communes.
Nice a 19,000 habitants. » Il dit que le patriotisme a pré-
sidé à la plupart des élections. 11 insiste sur l'importance
de la rade de Villefranche. < En imposant le département
des Alpes-Maritimes, la Convention voudra bien se sou-
venir de rétat malheureux de ce pays. La beauté du climat
y attirait annuellement beaucoup de familles étrangères,
anglaises surtout. Depuis la révolution, aucune n'y est
venue; la mauvaise récolte d'olives, la gelée de l'hiver
dernier, la cherté des vivres, la cessation du travail, le
manque de commerce ont réduit ce département à l'ex-
trême misère. Ce qui retarde les progrès de l'esprit public
de ce département ce sont les horreurs commises en octo-
bre 1792. Les Français commandés par d'Anselme furent
reçus en frères par les Niçois ; et le pillage commença avec
notre entrée à Nice et il se continua. On entra dans les mai-
sons ; tout ce qui s'appelle comestible fut délapidé. On prit
au montagnard sa vache, on tua ses brebis, sa volaille, on
brisa ses meubles pour le plaisir de détruire. Présumait-
on qu'il y eût de l'argent, on lui mettait un mouchoir au
cou et on menaçait de l'étrangler, jusqu'à ce qu'il eut re-
mis son argent. La pudeur est violée. Tous les jours nous
avons le cœur déchiré par le récit des crimes commis et
par le tableau de la misère qui désole la plupart des com-
munes. Les pays les plus éprouvés ont été ceux de la val-
lée de Lantosque, Levons, Lucéram, Sospel. Que sert de
prêcher la liberté, lorsqu'on la rend odieuse par tout ce
que la lubricité a de plus effréné et le pillage de plus révol-
tant ? 11 n'est pas un pays en Italie à qui on n'ait fait croire
que le vol, le viol, le meurtre étaient des crimes communs
parmi les Français. 11 n'est pas un seul représentant du peu-
ple député près des armées qui n'ait gémi des gaspillages
commis partout. Sur des avances de plusieurs millions la
moitié a souvent disparu dans des maisons de fripons. Cer-
xsdns 'X>mmiaimr« xat cegardéi comme de TéritaUes
Verrez. Us mz enlevée pins de â» mille liTres dans les
magaain:^ le Vulefiranehe ; an évalue à plus de quinze
oiillioiLi iisars «ttiapinacioTiab Xoos ne préjageoiis rien. Ce
qui nous •:!oaaQie e'esc le taWt'an adad de noCre armée.
Nos :s}Liiaa saoL Trrûmenjc admirables ; toajoars humains,
josces ec généreux. Ls partag^aïc leor pain aree les habi-
lanm des moacagoes. La nmnicipaiicé de Saint-Agnès
nooâ a nranâmi:^ à eec éganl ses âeaômencs de gralitade
OLTers un bocaillon «ie la Hame-^iaroane. Noos sommes
allés sooâ li\ lànze viâcer k» «iéfiânsears de la patrie. Nous
ksaTooâ croaréi TraimeoG grands en ùce des safcdlites
du désponane. Le irère «in px sarde actael disait : < Si
les Français saraienc obàreomsne ils sareni se battre^ on
fi»"jitaTee de pareilles troopes La conquête du monde
«itier. >
Nice avait ea ses émeates. La qaesdon des subsistances
avait soulevé le peuple ea juin ITl^. La sociétë populaire,
sous préce3[te de prea«ire les inct^^ète du peuple, venait
inûnier ses volantes au conseil municipal. Cne partie des
municipaUces de Sospel. de Belvédère* Saint-Martin et
Roquebillère. comme nous Tavons dit, passait le 4 août à
Nice^ pour être conduite aux prises d'Antibes. Malgré
cela, il fallâic se montrer joveux et prendre ses habits de
fête pour célébrer la Constitution de 1793. Au pied de
Tarbre de la Liberté, on avait élevé un amphithéâtre sur
lequel étaient quatre aut^ enguiriandés. L'arbre de la
liberté était surmonté d* un bonnet rouge et d'une grande
inscription républicaine. A onze heures toutes les autorités
se rendirent, musique en tête, à la place \lctor. Le prési-
dent Bona et le jugeFideu allaient ea tête, puis le maire.
Quatre messes furent célébrées en même temps. Au mo-
ment de rélévation. le président Bcxia entonna la Marseil-
laise. Puis Chabaud, officier municipal, prononça un dis-
cours patriotique, Bona lut les droits de llumune et la
CONVENTION NATIONALE (1793) 209
nouvelle constitution ; il donna l'accolade fraternelle aux
assistants, et ouvrit en terminant une caisse d'où sortirent
des centaines d'oiseaux qui avaient attachés aux pattes des
billets, sur lesquels on lisait : Liberté, Égalité, Constitution.
L'artillerie envoya dans les airs ses détonations, la
musique joua, et la foule cria : Vive la République ! Vive
la Constitution ! Le soir on fit des farandoles en chantant
la Carmagnole ; des troubadours ambulants, venus d'au
delà du Var, vêtus de la carmagnole et du bonnet rouge,
donnèrent la représentation de la guillotine en spectacle
au peuple, en attendant la réalité. A quelques semaines de
là cet instrument de mort devait rester en permanence
sur la place Saint-Dominique.
C'est dans cette nuit même de la fête du 10 août, que
furent saisis le baron Caravadossy, le marquis de Macca-
rani et le comte Lascaris. Vers dix heures du soir, on alla
enfoncer les portes du monastère des Visitandines. Les
clubs, qui se tenaient toujours le soir, entretenaient la
fermentation. Le journaliste Rauze y dénonçait alors
l'abbé Foncet, à cause de son livre V Image d'un parfait
Souverain. Le médecin Rusca, futur général, y pérorait.
Leprocureur,syndic du département des Alpes-Maritimes,
s'élevait à la hauteur de sa mission révolutionnaire. Voici
en substance ce qu'il écrivait au ministre de la guerre, le
9 septembre 1793 : < Le Roi de Turin, ce despote aveugle
et fourbe, est à Saorge depuis quelques jours. Il y haran-
gue et fanatise son armée de 15 à 18,000 hommes. Le
sujet de sa harangue est une vieille fable que les Français
assiégeant Turin en 1707 furent battus par \dk grande
puissance de la Madonne du 8 septembre. Ainsi donc, ce
vieux fourbe, ce vicaire du club des catholiques endiablés,
vêtu d'une chemise qu'on dit avoir appartenue à saint
Second, et arborant le Saint-Suaire, qui est venu par les
chemins aériens, a prêché à son armée une victoire com-
plète par Tentremise de la Madonne du 8 septembre. Cette
il
210 CEIAPITRE III
farce avait été annoncée à certains aristocrates cachés à
Nice, et ils s'attendaient hier à Tarrivée du Roi de Turin,
qui devait venir chanter les vêpres, célébrées par l'évêque
émigré. J'en avais averti nos représentants, Robespierre
et Ricord. Partout l'ennemi a été repoussé. Cette victoire a
comblé de joie tous les bons citoyens, et je vois que le
peuple de Nice a un motif bien plus puissant de croiife que
la Madona santissima protège au contraire les républi-
cains français^ défenseurs de l'humanité. >
L'impiété, la raillerie sceptique, comme on peut en
juger, assaisonnaient les discours de tous ces terroristes
qui avaient rompu avec le Christ et avec l'Église. Si dans
l'autre camp on souffrait, on mourait, on était même
vaincu par nos soldats aguerris, on gardait au moins sa foi,
et ses immortelles espérances. Hélas! chez nous, les terro-
ristes essayaient d'anéantir le nom même de Dieu, de
sorte que ni le peuple, ni l'armée osaient à peine, dans
cette affreuse tourmente, lever les yeux vers le ciel. C'est
pourquoi la nation, cherchant le feu sacré ailleurs que
sur les autels du vrai Dieu, semblait prise de vertige et
d'exaltation fébrile. Tous les discours de ce temps sont
emphatiques et outrés.
Le 12 septembre les fédéralistes essayèrent aussi de
soulever la ville de Nice. Quatre frégates françaises étaient
signalées dès la pointe du jour. Une d'elles aborde tout
près du rivage, vers 8 heures, et envoie un canot avec
deux officiers. On les conduit aux représentants du peuple.
La foule se rassemble et nos deux officiers engagent les
Niçois à ne pas dévier de la Constitution pure et simple de
1791, et de reconnaître Louis XVII pour roi.
Pendant ce temps-là, les représentants du peuple, Ro-
bespierre, Ricord, Barras etFréron, alors à Nice, ayant
réuni toutes les autorités civiles et militaires à la maison-
commune, leur firent part de la réponse qu'ils avaient
rédigée : < Périssent à jamais tous les tyrans de la terre !
CONVENTION NATIONALE (1793) 211
Guerre éternelle aux rois et à tous leurs esclaves ! La
nation française ne peut traiter avec les tyrans ; elle ne
leur répond qu'avec le canon. > L'Assemblée reçut cette
communication par des acclamations de joie et des vivats.
Les pariementaires ayant alors été introduits dans la
salle, Robespierre brûla devant eux les proclamations
qu'ils apportaient. On les reconduisit à bord, les yeux
bandés, au milieu des huées, des sifflets et des menaces.
Soldats^ clubistes criaient : < A la lanterne ! A bas les
traîtres ! A bas la royauté ! Vive la liberté ! Vive la Répu-
blique ! > L'abbé Bonifassy dit pourtant dans ses mémoires,
que beaucoup de Niçois répondirent aussi à ces cris par
ceux de : < Vive le roi ! Qu'on nous rende notre roi, notre
bon roi de Sardaigne ! > Les représentants du peuple en
parurent fort mécontents ; c'est pourquoi ils redoublè-
rent leurs rigueurs envers les suspects. L'avocat Giletta
fut exécuté le 18 octobre; le 18, le sieur Bottieri de
Drap, frère du digne et savant théologien, suivit, ainsi
que les miliciens, Gauberti de Peille, Benoît de Bende-
juen, et autres de Drap et de l'Escarène. Le 19, on exé-
cuta trois prisonniers autrichiens et trois miliciens, ce qui
était contre le droit des gens. Et à Paris, nos Alpes-Mari-
times avaient aussi leurs illustres victimes. Versons des
larmes sur la vertueuse Thérèse-Françoise de Choiseul-
Stainville, princesse de Monaco ; sur Louis-Henri de Vil-
leneuve, marquis de Trans, colonel du régiment royal qui
avait défendu les Tuileries dans la journée du 10 août ;
sur Jean-Baptiste de Villeneuve-Mons, fusillé à Quibéron.
Ah ! quel temps ! Nous sommes en pleine terreur, en plein
châtiment de Dieu, tant le Seigneur nous abandonne à
notre sens réprouvé, lorsque, peuple ou individu, nous
méconnaissons sa loi.
Détournons nos yeux pour un moment de ces scènes
lugubres, pour les reporter sur notre brave armée.
L'amour de la patrie, poussé jusqu'au sacrifice de toutes
îil CHAFTTBE m
ses aises et de la Tîe même, Fesprit de discipline et
d obâssance ajoataient à la Yîctoire de Gilette, celle
dTtelle* non moins gioriense.
XX. — VICTOIRK D*CTELLE. — 20 NOVBMBRE.
Masséna va être le héros decette victoire mémorablcSor
Tordre de Dogommier« il prendra aux Anstro- Sardes tous
leurs postes du terriioire dTtelle. — Le duc d*Aoste com-
mandait à Castel-Gineste. — Cette redoute est dans un site
presque inaccessible. On nV monte pas, on y grimpe le
long des rochers, en ris*]uant à chaque pas de rouler dans
des précipices. Masséna^ accompagné de son brave ami
Despinoy et de cinq cents hommes déterminés, s^y dirige
sans bruit, enveloppé dans les ténèbres de la nuit du 19
au 20 novembre. Ils montent, ils montent encore, et sur-
prennent l'ennemi qui va lâcher pied, quand, à la faveur
du jour qui commence à poindre, les Sardes s'aperçoivent
qu'ils ont devant eux une poignée d'assaillants. Ils s'y
reprennent aussitôt et envoient sur les nôtres balles,
pierres, quartiers de rochers. Masséna, entraînant les
siens, achève l'escalade, déloge l'ennemi qui gagne une
autre position non moins inexpugnable, appelée le Brec
d'Utelle. 11 n'abandonne pas la partie. Il entraîne après
lui officiers et soldats qui, portant à bras une pièce de
quatre, gravissent le Brec, six heures durant, et se met-
tent à canonner le camp retranché des Austro-Sardes;
grenadiers et chasseurs avancent en même temps, la
baïonnette en avant, et mettent la terreur dans le camp
de la Suse. Le chevalier de Carrette, l'épée à la main, veut
arrêter les fuyards. C'est inutile ; Bianza et Capucine
tombent parmi les morts. Despinoy, de rocher en rocher,
poursuit la retraite jusqu'à Figaret qu'il emporte aussi ; il
s'empare de 300 tentes, de 400 mulets chargés de baga-
ges, de 12 pièces de canon et fait 300 prisonniers. Mas-
CONVENTION NATIONALE (1793) 213
séna va sur la redoute de Somme-Lougue, l'une des bran-
ches du Seirol, et l'occupe, interceptant ainsi toute com-
munication entre le camp de Seirol et celui de Belvédère.
U trouve encore l'arrière-garde de de Wins aux ordres de
Brintano qui défilait par Valdeblore. Mais il dut se retirer
devant l'artillerie de Tête des Pins, ce qu'il fit en bon
ordre, bien que harcelé par le comte Alligati, aide-de-
camp de Saint-André. Cette dernière expédition complé-
tait les précédents exploits. Masséna obtint alors, ainsi
que Despinoy , d'aller prendre part au siège de Toulon.
Pendant que le siège de Toulon se continuait, et que
Robespierre jeune et Ricord n'avaient plus rien à craindre
de l'armée austro-sarde, nos représentants du peuple se
hâtaient d'établir les nouvelles institutions républicaines.
Le parti de la Montagne dominait depuis que les têtes des
Girondins étaient tombées sous le fatal couteau. L'instru-
ment tranchait sans discontinuer sur tous les points de la
France ; les prisons étaient combles. Pour rompre avec
les anciens usages, soit politiques, soit religieux, on com-
mençait à dater l'année de l'équinoxe d'automne, on
changeait les noms des mois ; la semaine n'était plus de
sept jours, mais de dix. Chaque dix jours, il fallait chômer
et se rendre dans le temple décadaire pour offrir ses hom-
mages à la Raison. Une femme représentant la Raison
était placée sur les autels. On lisait les Droits deVhommej
on les commentait et l'on chantait des hymnes patrioti-
ques. Quiconque n'assistait pas aux assemblées décadaires,
quiconque fêtait le dimanche était réputé suspect. Le
catholicisme était proscrit, les églises fermées ; ce qu'il
restait encore de vases sacrés partait pour la monnaie.
Tout ce qui portait le nom de quelque saint ou quelque
titre : villages, rues, personnes, changeait de nom. A
Antibes, la place Sainte-Claire prit le nom d'Égalité, celle
du Saint-Esprit, le nom de place de la Liberté. Il y eut
partout des rues dites des Sans-Culotte, rue de la Car-
214 CHAPITRE m
magnole, etc. C'était être suspect que de s'appeler autre-
ment que citoyen, citoyenne, que de se dire vous. Il
y avait Tordre d'anéantir châteaux, tours, emblèmes
monarchiques, religieux, signes nobiliaires ou féodaux.
On en voulait surtout aux prêtres. Fréron disait aux
Niçois, 18 novembre 1793 : < Le châtiment des prêtres
doit suivre de près le châtiment des rois, leur empire
n'étant fondé que sur le charlatanisme et les préjugés. >
On frémit en relisant de pareils discours. Et les lâches séi-
des de ces républicains rouges se pliaient à leurs ordres.
On s'acharna contre tout signe religieux ou royal. On se
mit même à recueillir tous les papiers armoiries ou à face
royale et seigneuriale. On les amoncelait siir les places
publiques, on les brûlait, en faisant des rondeaux autour
du feu . —A Vence, on apporta à la mairie les statues du Cal-
vaire. Un des officiers municipaux étant à la mairie, dit :
€ Prenons de ce bois du Calvaire, et voyons comment on
s'y chauffe. > A peine y eut-il mis le feu, qu'il se sentit
suffoqué, sortit, et, arrivé sur la porte de Thôtel-de -ville,
il ftit fVappé d'apoplexie foudroyante. Un certain individu
du comté de Nice, appelé Brûle bon DieUy sera frappé de
cécité et montré au pays comme un exemple du châti-
ment céleste. Un autre, qui avait fait sa fortune avec les
biens de l'Église, sera trouvé mort dans sa cave, la tête
sur ses richesses entassées. Nous n'en finirions pas de ra-
conter, si nous les énumérions ici, tous ces châtiments de
Dieu dans notre seule contrée.
Avec cette ère qui devait procurer le bonheur à l'uni-
vers, des plaintes arrivaient de tous côtés à la Conven-
tion sur la misère des populations, sur la rareté des subs-
tances et du numéraire ; on décréta qu'on fixerait le
maœimum de tous les objets de consommation, les salaires
des ouvriers. Nous avons entre les mains le maximum
établi pour Grasse, Antibes, Nice et Vence. Mais ces
mesures réglementsdres ne servaient à rien. Au contraire,
CONVENTION NATIONALE (1793) «15
les marchands refusaient de vendre ou fermaient leurs ma-
gasins ; les acheteurs insistaient, les officiers municipaux
contraignaient d'observer la loi . De là de continuels con-
flits et des révoltes partout.
XXI. — PRISE DE TOULON.
Lepuis le 29 août, notre armée se consumait en vains
eflorts devant Toulon. Carteaux avait été rappelé, pour
être incarcéré jusqu'au 9 thermidor. Dugommier le rem-
placera, ïl sera servi par le génie de Bonaparte. Le 19
décembre, nos troupes entraient triomphantes dans la
ville. Mais une honte éternelle pèsera sur la mémoire de
Barras, pour avoir souillé la victoire par le massacre <le
huit cents Toulonnais ! Bien plus, après la tuerie : < Que
ceux qui vivent encore , s'écria-t-il , se relèvent , la
République leur pardonne. » Quelques-uns se redressè-
rent. Barras ordonna le feu pour les abattre jusqu'au
dernier. Oui, honte éternelle ! — Bonaparte reçut, ce jour
même, son brevet de général de brigade, commandant
Tartillerie de l'armée d'Italie ; Masséna fut chargé du gou-
vernement de Toulon et Dugommier s'en alla à l'armée
des Pyrénées. Hoche le remplaça aux Alpes-Maritimes.
La prise de Toulon remplit la France d'un enthousiasme
universel. Les feuilles publiques, les délibérations des
divers corps d'administration se mettent à l'unisson de la
Convention pour flétrir Toulon^ l'infâme Toulon^ cette
ville exécrable.
C'est Nice qui parle : < Grâces aux travaux de l'immor-
telle montagne, grâces aux intrépides défenseurs de la
liberté, Toulon, l'infâme Toulon n'a pu résister aux pha-
langes armées pour la défense des droits imprescriptibles
de tous les hommes. Cette horde d'esclaves, teinte du
sang des plus zélés patriotes, les lâches satellites des bri-
gands couronnés ont fui aux approches des braves sans-
tH CSAPCnEE ni
eojocce. STIs odt ea «^ïeuiKs bAcneiix sieoès. Ds n^en sont
rc:d<eT&h<l<es '^ii'à La ^TÛiâon. L*-jr et le fanatisme, voilà
kars ars&es* La rais:n« r>:« «iroôsw Fainoar de la patrie,
ToiU 1-=^ nlrvr-es TooI'jo n'esi /los^ Fabondance va
ren;il:rr. i^ mers »:rL.t Ifores. T>aloîi n'esi plos, TÎve la
liéprx'Aiine l > Aiijsi «Vïprimaiî la soeîéié populaire de
Xîce. L';^r€S&^ «ie la macicipalîté reproduit les menus
Le soir, la Tiile slilomiiia ; le lendemaiii, les aut^tës
et les sociétés se rendirent sur la place de la Répibliqoe
((dace Victor), devant lliôtd de la Patrie pour fèier cette
heureose victoire. Les cris mille fois répétés dâ : Vive la
Répabliqae ! Vive la Montagne ! accompagiaient cette
marche civique. Le bruit de Tartillerie et d6 la mousque-
terie se mêlait aux chants joyeux et à la musique. Pois
toas, citovens, citoyennes, cheis et soldats, généraux
eux-mêmes dansèrent la farandole autour de Tarbre de la
liberté. Une fête solennelle fut décrétée pour le 10 mars.
A cause du mauvais temps, elle n^eut lieu que le £0. Le
cortège partit du Temple de la Raison. Deux cents Génois
venaient fraterniser avec Nice. En tète marchait la moitié
de la gendarmerie à cheval ; la plus grande partie des
trou[>es formait la haie. Quati-e sapeurs costumés précé-
daient^ deux pièces d'artillerie, une partie des tambours,
une compagnie de grenadiers, Tétat-major, la marine,
les Génois, le tribunal militaire, une pierre de la Bastille,
escortée par le Comité de Surveillance, un vieillard âgé de
cent deux ans, assis sur une charrue traînée par deux che-
vaux et entourée d*un bataillon d'enfants, la société popu-
laire, la musique suivie des instituteurs de Técole des
mœurs, c'est-à-dire les acteurs, sept devises en vers,
portées par des membres de la Société en l'honneur de
Brutus, Rousseau, Marat, Lepelletier, Chalier, Bayle,
Gasparin ; un Hercule, symbole de la force du peuple ; la
déesse de la Liberté, la républicaine Cary, couronnée de
CONVENTION NATIONALE (1793) Î17
lauriers, et portée sur un char par huit guerriers, dont
quatre vêtus à la romaine, et quatre en sans-culotte ;
quatre citoyennes vêtues de blanc et ornées d'écharpes,
accompagnaient la déesse, tenant des guirlandes de fleurs ;
le département, le district, la municipalité, les tribimaux,
des tambours, un bataillon de la garnison ; un char por-
tant quatre républicains, représentant les vainqueurs de
Toulon et foulant aux pieds les drapeaux des puissances
coalisées. Sur le devant du char, était placé le génie de la
Nature, tenant les rênes des quatre chevaux. Grand nom-
bre de citoyens vêtus de blanc Tentouraient portant des
branches de laurier et de myrte. Un bataillon de la garni-
son, et le reste de la gendarmerie à cheval fermaient la
marche. On traversa la ville en chantant des hymnes
patriotiques. Sur la place de la République, l'estrade avec
ses quatre autels avait été magnifiquement décorée. Un
bûcher se dressait du côté de la porte de la République.
C'est là que les vainqueurs de Toulon brûlèrent les éten-
dards maudits. La déesse fut portée sur Tau tel de la Patrie ;
les autorités placées autour d'elle lui rendirent hommage.
Le cortège revint par le Port, et de là au Temple de la
Raison. Il y eut un banquet civique ; chaque citoyen
avait sa table devant sa maison ; ceux qui avaient suivi le
cortège trouvaient partout de quoi se rafraîtîhir. La joie,
la liberté, firent les honneurs du repas ; l'égalité y prési-
dait. Nos frères, nos sœurs, et les Génois dansèrent toute
la journée sur les diff^érentes places. Le soir il y eut feu de
joie, illumination. Ça ira! et Vive la République ! > Sui-
vent les signatures des commissaires chargés des disposi-
tions de la fête. Le sieur Berthoud avait composé les de-
vises, les inscriptions et rédigé le compte-rendu (1).
Ces banquets civiques se renouvelèrent assez fréquem-
ment. A chaque décade, on devait dresser la table dans la
rue, si bien que chacun avait droit de s'y asseoir pour
(1) Exiioire de Nicê, par M. Toselli.
218 CHAPITRE m
manger et boire, pourvu qu'il criât : Vive la Répu-
blique !
A Vence, il y eut aussi de ces banquets républicains :
< Le 2 décembre, disait Chabert. président de la Société
populaire, nous avons dîné ensemble trois cents républi-
cains, près de l'arbre de la Liberté. La journée s'est passée
en fête, et le soir il y a eu illumination. On a apporté à la
commune les statues du calvaire et ^us les instruments
du fanatisme. Nous allons faire partir pour la monnaie ce
que nous avons encore d'or et d'argenterie des églises. La
cloche qui nous reste va être envoyée à la fonderie. Qu'on
ne dise plus que nous sommes des aristocrates. < ÇSa ira,
ça ira, ça ira et ça tiendra ! Vive la République.
Le 20 décembre, le comité de Surveillance et la société
des Sans-Culotte, rédigent l'adresse suivante à la Con-
vention : € Citoyens représentants, nous avons reçu la
Constitution avec transport et reconnaissance...; nous
avons applaudi à toutes les mesures que vous avez prises
malgré les promesses et les menaces des infâmes Ton-
lonnais qui voulaient nous entraîner dans leurs coupables
projets. Nous défendrons au péril de notre vie cette Cons-
titution sublime dont nous n'eussions jamais joui, si les
crapeaiùx du marais qui vous ont tant calomniés étaient
plus longtemps restés dans notre sein.... Restez à votre
poste jusqu'à ce que la Constitution soit affermie ou par une
paix solide ou par la destruction entière de nos ennemis.
Le salut de la patrie le demande et le terme ne peut être
éloigné. Partout nos armées sont victorieuses ; au dehors
la lumière perce, les droits de l'homme germent, et les
peuples l'aperçoivent dans leur aveuglement. Au dedans
Taristocratie et le fanatisme sont aux abois. Le glaive
de la loi se promène sur les têtes des coupables, et les mé-
contents eux-mêmes avouent qu'il n'y a de salut que dans
la République.... Chez nous l'esprit public est à une telle
hauteur que les plus grands sacrifices ne coûtent rien.
CONVENTION NATIONALE (1793) 219
Les vertus morales qui font le fondement de la République
ont pris la place de Tégoïsme et vont consolider la Consti-
tution, et avec elle le bonheur de la France et du genre
humain. >
Quand le citoyen Vanoly appporta à Vence la nouvelle
de la prise de Toulon, ce fut à qui l'embrasserait ; les fem-
mes dansaient la farandole dans les rues, chacun agitait
son mouchoir, lançait son chapeau en Tair. On envoya
féliciter nos représentants à Toulon. Saint-Paul fit de
même, criant contre les infâmes ToulonnaiSy et Vence,
contre cette ville infâme. A la fête qui se donna, ce fut
la femme du boucher Sardy qui joua le rôle de déesse de
la Raison...
Vence comptait pourtant parmi ses citoyens fusillés à
Toulon, les heutenants Blacas, Guigou, et autres. Antibes
et Grasse avaient aussi leurs victimes.
Le conseil d'Antibes écrivit en ces termes aux commis-
saires de la République à Toulon : < Nous venons d'ap-
prendre rheureuse nouvelle de la prise des forts de Toulon,
de la fuite des ennemis, et de l'entrée de l'armée de la
République dans la ville. Cet heureux événement, cher à
tout bon Français, est un acheminement à la paix. Nous
le devons autant à la valeur de nos troupes qu'à la con-
duite sage et glorieuse des citoyens représentants du
peuple, et des citoyens généraux. > Les citoyens Auguste
Baliste et Michel Bonneau se rendirent à Toulon pour
porter cette adresse.
Pour prouver leur dévouement à la Patrie, les Antibois
envoient aussi ce qui leur reste d'or et d'argenterie des
églises ; ils rappellent, que les citoyens de leur commune
se sont distingués dans tous les temps par leur civisme et
par la pureté de leurs principes ; qu'en 1790, ils ont déjà
envoyé à l'Assemblée Constituante soixante-quinze marcs
d'argenterie ; qu'ils en ont encore envoyé dans le mois de
janvier dernier, et qu'aujourd'hui ils font un nouveau don
220 CHAPITRE HI
patriotique ; qu'ils y ajoutent sept croix de Saint-Louis,
remises par les citoyens L. A. Lombard, L. J. Boyer, etc.
Le 2 janvier (20 nivôse j, la fête de la conquête de la
traître ville de Toulon^ se célèbre avec feu de joie, jeux
gymnastiques, prix, bal, où tous les braves Sans^ulotte,
sont invités : rafraîchissements pour tous.
Lisons-en, du reste, le compte-rendu officiel :
€ 11 y a OU revue sur les glacis, deux corps de cavalerie
escortaient l'infanterie ; corps d'artillerie, de génie, toute
l'administration au grand complet. De là on se rendit sur
la place, où s'élevait l'autel de la Patrie. A droite, près
des drapeaux et des guidons, se tenaient trois jeunes
citoyens, représentant les déesses de la Liberté, de l'Éga-
lité et de la Justice. A gauche, sur un échafaud, on avait
placé tous les attributs de la ci-devant Royauté. On les
brftla aux cris de Vive la République ! Mort aux tyrans !
On chanta les hymnes patriotiques accoutumés. Enfin on
se mit on marche vers le temple de la Raison. Des déta-
chements du 91®, des bataillons révolutionnaires de Salon,
doSisteron, de Castellane, de la garde nationale de Grasse
garniront la nef. Le citoyen Lamare Guillaume monta en
chaire où il dit entre autres choses : Citoyens républi-
eains, Toulon n'est plus. > Et imitant le prophète parlant
de Tyr ou de Babylone: < Cette ville suspecte, jadis si
reoommandablo par sa force, par la valeur et la fidélité de
ses citoyens, enorgueillie d'être devenue un dépôt impor-
tant d(îs forces navales de la République, vient de subir la
juste ptinition due aux traîtres. Un décret de la Conven-
tion ordonne la démolition de toutes ses maisons à l'inté-
rieur, et change son nom en celui de Port de la Montagne.
Tel est le châtiment bien mérité de cette ville. Les Tou-
lounais n'ont pas voulu être heureux, puisqu'ils n'ont
I)as voulu rester fidèles à la loi et à la nation. Ils ont eu la
lâche perfidie de se livrer aux Anglais, d'appeler dans
notre sein une nation qui n'a point gardé la foi des traités
CONVENTION NATIONALE (1793) 221
et qui ne s'est jamais réjouie que de nos malheurs. Quel
était votre esprit, Toulonnais, en faisant de votre ville
un repaire de brigands ? Vous comptiez sans nos valeu-
reux républicains. 0 vous, mes chers concitoyens, cette
conquête vous est doublement chèr(3. Des personnes mal
intentionnées ont été assez lâches que de vous accuser de
coalition avec l'infâme Toulon. Forts de notre innocence,
nous n'avons eu qu'à opposer le silence à cette calomnie.
Un ange tutélaire qui connaît vos cœurs et qui sera tou-
jours cher à la commune a repoussé avec indignation une
telle dénonciation.... Modérés dans l'attaque, forts dans
le danger, c'est la devise des grandes âmes. >
D'autres discours ont suivi. Le soir, il y a enjeux, bal,
illumination. On a déféré l'honneur de distribuer les prix
au citoyen général et au citoyen Michel Bonneau, prési-
dent du club patriotique. Le bal a duré jusqu'à quatre
heures du matin.
Le citoyen Lamare» Guillaume était l'orateur de la Cité.
Chaque décade, il montait en chaire pour expliquer les
décrets de la Convention et les droits de l'homme. Un
chœur chantait des hymnes patriotiques.
Grasse dira : < Les cloches sont une des armes dont le
fanatisme s'est servi jusqu'à ce jour contre les patriotes ;
nous devons, en vrais républicains, les transformer en
canons pour foudroyer les traîtres et les tyrans. . . Le fana-
tisme a perdu l'exécrable Vendée. C'est aux Sociétés
populaires à seconder les efforts des administrations pour
l'extirper de notre sol. > On écrira à ceux de Cannes :< Con-
tinuez, citoyens collègues, à porter le flambeau républi-
cain dans tous les replis où peuvent se cacher encore la
malveillance et la trahison. Tonnez, frappez, renversez,
édifiez, nous approuvons tout ce que vous avez fait.
Détruisez le fanatisme, éclairez le peuple, purgez le pays
des infâmes aristocrates, protégez les sans-culotte, pro-
pagez le républicanisme, faites à toute cette masse infecte
222 CHAPITRE III
de corruption et de mensonge cette guerre implacable que
nous leur avons vouée. >
La nouvelle de la prise de Toulon y excita des trans-
ports d'allégresse. Dès le 20 décembre on dressait Tautel
de la Patrie sur le Cours.
La garde nationale, les autorités, la Société populaire
s'y rendirent musique et tambours en tête. Des femmes se
déguisèrent en amazones, allant au milieu du cortège. Le
soir, il y eut farandoles, et illumination. On envoya une
députation à Toulon féliciter nos Sauveurs du midi. Le
sieur Sanglier avait toujours le commandement de la
place de Grasse. Le 30 décembre, ce fut la fête officielle
pour la reddition de V infâme Totdon. Cette fois, on
organisa un grand banquet et le bal dura jusqu'à minuit.
1794.
Les ténèbres s'épaississent de plus en plus. La Conven-
tion, depuis la mort de Louis XVI, semble poursuivie par
le spectre sanglant de la Monarchie. Se déchirant elle-
même, elle ne garde plus aucune modération. Qui se sert
du glaive périra par le glaive. Elle envoie la faction la
plus modérée à la guillotine, 31 octobre 1793 ; elle défie
l'étranger qui la menace par l'exécution de l'infortunée
Marie- Antoinette ; elle abat la tête de la monarchie con-
stitutionnelle, en guillotinant Philippe Égalité qui avait
tout sacrifié, même son honneur, à la révolution ; deve-
nue soupçonneuse, elle tue tout ce qu'elle craint, sans
épargner même, chose inouïe, les êtres les plus inofFensifs,
les femmes, les enfants, les jeunes filles. Elle envoie une
samte à l'échafaud, la princesse Elisabeth. Enfin elle a
peur d'elle-même. On joue au plus fort. Les Hébertistes
succomberont, 24 mars 1794 ; les Dantonistes, 5* avril
1794 ; les Robespierristes, 24 juillet 1794. C'est ainsi que
le grand prêtre lui-même, s'ajoutera à ces hécatombes de
CONVENTION NATIONALE (1794) 223
Saturne immolant ses enfants, jusqu'à ce que le grand
justicier, rhorrible Fouquier Tin ville, finisse cette san-
glante procession, 8 mars 1875. Qui ne verra par le juge-
ment de Dieu dans cette marche de la révolution, fermera
volontairement les yeux à l'évidence.
Pour châtier ces hommes de sang. Dieu les a laissés se
faire justice par eux-mêmes. Il existe pourtant des histo-
riens qui, de nos jours, réhabilitent tous les grands crimi-
nels, même Judas-Iscariote. .Ce n'est pas que les hommes
de 93 manquassent d'énergie et de talent. Mais que
prouve le génie, si on l'emploie pour une mauvaise
cause, ou si les moyens sont iniques? J'admire dans la
Convention, l'énergie qu'elle déploie contre la coali-
tion de l'Europe et contre ce qu'elle appelle la réaction
intérieure. Mais le sage flétrira toujours l'impiété des
dictateurs de la Convention, le comité du Salut public,
les tribunaux révolutionnaires, en un mot, le régime delà
Terreur, la guillotine en permanence dans toutes les villes
de la France, le sang des Français versé par des Français.
XXII. — LA GUILLOTINE.
Les églises de Grasse et de Vence devaient avoir leurs
martyrs. L'abbé Olivier monta sur l'échafaud à Grasse.
Le chanoine Mars de Vence l'y suivit. Jacques Mars
gémissait depuis plus d'un an dans les prisons de Grasse.
Son procès ne fut définitif que le 26 janvier 1794, et le
lendemain sa tête tombait sous le couteau de la guillotine.
Le citoyen Lombard de Grasse en avisa en ces termes la
municipalité de Vence, en envoyant l'arrêt imprimé du
tribunal révolutionnaire : < Vous trouverez ci-joint un
exemplaire du jugement rendu par le tribunal qui con-
damne à la peine de mort Jacques Mars, prêtre, ci-devant
théologal de Vence, pour cause d'émigration. >
A Nice, la guillotine restait en permanence sur la place
224 CHAPITRE III
de l'Égalité (Saint-Dominique). Tous ces emprisonne-
ments, toutes ces exécutions se faisaient au nom de la
Liberté, de l'Égalité et de la Fraternité. La Convention
avait aboli la peine de mort, et jamais gouvernement
n'assassina plus d'honnêtes citoyens. On eut dit l'enfer
déchaîné sur la terre. On demandait à une femme d'An-
tibes. G"*, pourquoi elle achetait des nerfs de bœuf :
€ C'est pour étrangler les aristocrates >, répondit-elle.
Une femme de Nice, dans un banquet républicain, servant
une tète de veau et y enfonçant le couteau : < Que je vou-
drais que ce fût une tête d'aristocrate, ou celle du despote
sarde, je m'en donnerais à cœur joie. > Comment en eut-
il été autrement quand la Convention ordonnait dans
toutes les communes la fête de l'assassinat du 21 janvier?
La société populaire de Grasse écrivait ces lignes le 11
février 1794 (23 pluv., an ii) : < La société populaire s'est
jointe à l'administration centrale pour assister au jtcge-
ment du dernier tyran de France, dont l'effigie a été
livrée à l'exécuteur du juge criminel et conduit à la place
ordinaire des exécutions. Toutes les autorités et tous les
citoyens ont manifesté leurs sentiments républicains,
quand on a fait la décolation . Ils ont fait retentir les cris
de : Vive la République ! Cette cérémonie a été précédée
d'une distribution de pain. Le soir, il y a eu farandole,
illuminations, bal jusqu'à minuit. >
L'arrivée successive à Nice des représentants Salicetti,
Ricord et Robespierre jeune, avait fait adopter les mesures
révolutionnaires avec une nouvelle rigueur. Quand Mas-
séna, revint de Toulon, avec ses 8,000 hommes, l'enthou-
siasme révolutionnaire s'accrut encore, et les habitants
ressentirent une recrudescence par l'ardeur des clubs, et
surtout de celui des sans-culotte à dénoncer, à proscrire,
à persécuter. Ce n'est pas tout. Aux craintes de l'intérieur
se joignaient celles de l'ennemi qui régnait en maître
dans la Méditerranée. On organisa partout des ateliers de
CONVENTION NATIONALE (1794) 225
salpêtre, de confection d'habilIements.Les filles des riches,
sous le nom de muscadines, travaillaient à l'atelier dit
rÉthieullier, au couvent Sainte-Claire, pour remettre en
état les tentes, les sacs et effets de campement. La femme
du représentant Ricord dirigeait un autre atelier pour l6
linge des soldats. Elle confectionna à elle seule plus
de mille chemises. Grasse a 104 cordonniers qui doivent
fournir de 7 à 800 souliers par décade. On paie au prix du
maximum. Malheur à qui travaille pour soi ; il est consi-
déré comme antipatriote ! Le 23 avril, le district de Grasse
enverra encore 48 cloches ou 15,757 kilogr. de métal et
908 kilogr. de cuivre rouge.
L'administration centrale et le comité de surveillance
rendent compte à la Convention de l'état des esprits :
€ L'esprit public est bon ; mais l'ignorance est le partage
d'un grand nombre. Nous avons grand besoin d'institu-
teurs primaires. Nous sommes trop près du Prêtre-Roi
(le Pape), pour que l'on ne soit pas un peu encroûté, sur-
tout dans les villages ; les ministres du Christ y perdent,
il est vrai, chaque jour de leur influence, mais on n'arri-
vera à éclairer le peuple qu'en établissant dans les villes et
dans les villages des instituteurs et des institutrices pa-
triotes. C'est le seul moyen de former une nouvelle géné-
ration. La plus grande tranquillité règne dans le district,
mais non pas de cette tranquillité stupide qui est le partage
des esclaves : c'est celle de vrais républicains due à l'ob-
servation littérale de la loi, à l'active vigilance des ma-
gistrats et de tous les fonctionnaires publics. Le pain est
abondant, grâce aux sages mesures des représentants.
Les vaisseaux ennemis ont paru encore hier, 6 février,
sur nos parages. 11 est nécessaire que les vaisseaux échap-
pés aux flammes des infâmes Toulonnais, montés par des
vrais sans-culotte, sortent du port de la Montagne pour
purger nos mers de ces barbares. L'esprit pablic est à la
hauteur des circonstances. Les ennemis de la chose publi-
15
226 CHAPITRE m
que sont anéantis. Lies prêtres de Jésus perdent de leur
crédit, tandis que ceux du temple de la Raison progres-
sent. La génération future n'aura pas d'autre culte. >
Lies prisons de Grasse n'en avaient pas moins à elles
seules 500 suspects incarcérés qui s'attendaient de jour en
jour à être exécutés. Malgré la terreur, les fêtes se succé-
daient. Le 10 mars.Vence plantait un arbre de la Liberté.
Le conseil municipal, le club des sans-culotte, le comité
de surveillance, la justice de paix, la garde nationale et le
3* bataillon du 23® régiment se rendaient à la place-vieille
au chant des hymnes patriotiques. Le citoyen Bérenger
prit la parole : < Citoyens, dit-il , nous avons planté cet
arbre afin qu'il fleurisse sous l'égide delà Cîonstitution, et
qu'il soit une image vivante de la Liberté. La loi en confie
la garde aux bons citoyens. Arbre fortuné et chéri, tu eà
redevable au peuple dont tu portes le nom d'un choix si
honorable. Puisses-tu pousser de profondes racines, élever
ta tète jusqu'aux cieux et nous voir bientôt sous ton om-
brage chanter les faits inouïs, les miracles de la Révolu-
tion et recueillir les doux fruits de la République ! Auprès
de lui, citoyens, nous avons planté quatre jeunes lauriers
qui ne craignent ni la hache qui peut les multiplier, ni la
foudre qui peut les atteindre. Us annonceront à la posté*
rite les victoires de la Liberté contre le despotisme. Sem-
blable aux armées formidables dont la République est
environnée, la haie qui entoure ces arbres précieux, les
garantira aussi de toute atteinte. Citoyens, que cet arbre
soit pour nous le point de ralliement. Arrosons-le de
notre sang, s'il le faut, et mourons à ses pieds plutôt que
de redevenir esclaves. Arbre sacré, tu vois ici de braves
militaires , des défenseurs intrépides encore chargés des
lauriers qu'ils ont cueillis à Ville-Affranchie et au Port de
la Montagne, toujours prêts à vei*ser leur sang pour ta
défense et ta prospérité! Liberté, Égalité sainte, sublime
Constitution, vous triompherez de tous vos ennemis, les
CONVENTION NATIONALE (1794) 227
despotes disparaîtront de la surface du globe et les droits
de rhomme assureront partout le bonheur. > On applau-
dit, on fit festin, et le soir on dansa, onillumina.Mais quelle
joie pouvait être celle de la plupart des Vençoisqui voyaient
le glaive suspendu sur un grand nombre d'entre eux em-
prisonnes à Grasse, à Nice, à Lorgnes, à Draguignan, à
Fréjus?Ils étaient parvenus à se débarrasser, il est vrai, du
plus terrible de leurs terroristes, Vanoly, qu'on déportait
à Cayenne le 8 mars. Gourmettes était mort d'une fièvre
chaude. Son corps décomposé jetait une telle odeur que
personne n'osait l'approcher. On eut beaucoup de peine à
trouver des porteurs, même en les payant, pour le con-
duire au cimetière ; et bien plus, ce fut par une pluie tor-
rentielle qu'eut lieu le convoi. Le comité de surveillance,
la société des sans-culotte et la commune, s'unissant alors
dans un même sentiment de vrai patriotisme, se hasardè-
rent à rédiger une adresse à Robespierre, afin d'obtenir
l'élargissement de leurs compatriotes détenus à Nice. Les
députés se rendirent dans cette ville ; mais quand le secré-
taire de Robespierre le jeune connut l'objet de leur mis-
sion : € Écoutez-moi, leur dit-il, Robespierre en lisant
votre adresse signée reconnaîtra parmi vous les dénon-
ciateurs de ceux dont vous venez aujourd'hui demander
la grâce. Il vous fera coffrer. Groyez-moi, fuyez au plus
vite. > Ils prirent en effet le large, car le soir même, les
gendarmes étaient à leurs trousses. Les députés vençois
échouèrent de même à Draguignan et à Vence.
Antibes était allée, le 5 février, à Nice rendre ses hontr-
mages au représentant Ricord et lui demander aide et
protection. Elle protestait de son dévouement à la chose
publique, et de sa confiance dans les travaux de la Conven-
tion. Le citoyen Lamarre (Guillaume) s'était chargé de
discourir dans le Temple de la Raison, les jours décadaires.
Le 17 février, Ricord étant venu rendre visite aux Anti-
bois, on lui fit une très-belle réception. Il promit de les
t^ GBAPITRE m
aider de tout son poaToir ; il asasta à la société populaire,
n y eut revae. dîner et réjouissance publique. Le 18
fëvrier, il assista à l^inauguration d'une statue de la liberté.
Les généraux Masséna (André) et Barquier se trouvaient
à la salle de la société populaire, d'où partit le cort^.
Toute la troupe et la garde nationale formaient la haie.
Lamarre prononça un discours remarquable, dans leqnd
il traita rapidement l'histoire d'Antibes. < Descendants des
Grecs-Phocéens, les Antibois seront toujours unis pour
défendre la République et la liberté. Ils ont dans tous les
temps réprimé Tennemi extérieur. A la Hogue, la Tille
d'Antibes a eu six cents chefs de famille qui ont combatta
au plus fort du danger et ont donné leur vie pour la patrie.
Eq 1592, cette place était tombée au pouvoir du duc de
Savoie, les habitants surprirent pendant la nuit la gamiaoD
et l'en chassèrent. En 1707, l'ennemi tenta vainement de
prendre Antibes. En 1746, elle soutint un blocus de qua-
rante-six jours. Si nous avons ainsi combattu sous des
rois et des tyrans, que sera-ce en combattant pour la
liberté, pour nos femmes, nos enfants et nos biens?
Citoyen représentant, pénètre-toi bien de ces idées, elles
nous justifieront pleinement à tes yeux de cette nouveUe
calomnie que des imbéciles ont glissée dans certaines feuil-
les : que deux Sans-Culotte avaient empêché de livrer cette
place aux Anglais. Tu diras à la Convention que nous
répondons sur nos tètes de la fidélité des citoyens d^Anti»
bes et qu'ils n'ont pas de plus ardent désir que donner
jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la liberté et
régalité, pour le maintien de la République une et indivisi-
ble. Vive la Montagne, la vertueuse Montagne^ vivent les
Sans-Culotte ! Vive la République ! > Tous répétèrent ces
cris.
€ Et toi, Masséna, cette commune compte sur tes yertot,
sur ta fidélité autant que sur ton habilité et ton courage.
Elle espère que tu ne la feras jamais rougir de t'avoir
CONVENTION NATIONALE (1794) 229
adopté et elle apprendra par tes succès que tu n'as pas
trompé la confiance de la République et son attente.
Toulon et les montagnes t'ont déjà vu à la tète de nos
colonnes, renverser avec gloire et succès les phalanges
ennemies. Rien ne coûtera à tes frères d'armes, je le lis
dans leurs cœurs, d'affronter avec toi les plus grands dan-
gers ; ils ont tous la plus grande envie de te suivre dans tes
expéditions et de partager avec toi les périls et la gloire. >
Des salves d'applaudissements accueillent cet éloge de
Masséna, tant aimé de ses soldats.
On achève la cérémonie en brûlant sur un bûcher Teffi-
gie du tyran, et des tableaux portant les marques de la
royauté. Un dîner patriotique de cent cinquante couverts
suivit. Le soir il y eut bal et illumination. Le 9 février,
nous trouvons enregistrés à Antibes les certificats de ci-
visme de Masséna André, général de division et de Marie
Rosalie Lamarre, sa femme. Puis il se rendit à l'armée
d'Italie. Quelques jours après, le citoyen MioUis, général
de brigade, était promu au commandement d'Antibes, et
des îles Pelletier et Marat (Lérins), en remplacement du
général Barquier. Du Moulin sera toujours au fort Carré.
Le général d'Hilaire succédera à Miollis, le 8 avril, avec
Marcel Masséna, oncle du général, qui remplacera Du
Moulin. Auguste Berlier y commande l'artillerie et Joseph-
Alexandre-Nicolas Eyssautier reste commissaire ordonna-
teur en chef des vivres et subsistances de l'armée d'Italie.
Pour mieux asseoir encore la République, telle que la
voulait la Montagne, on avait partout épuré ou renouvelé
les administrations. A Antibes, on avait élu agent natio-
nal, Léonore Bernardy ; maire, Guillaume Lamarre,
Louis Dolle, président du comité de Surveillance, Nicolas
Graillier conservait la justice de paix, Joseph Serrât était
président du tribunal de commerce.
A Grasse, on nomma Pierre Girard cadet, agent natio-
nal du directoire ; François Gasq, président du tribunal
230 CHAPITRE HI
civil ; Maxime Isnard, président du tribunal de commerce;
Maxime Roubaud, agent national de la commune ; Marc
Cresp, maire ; J.-J. Niel, président du comité de surveil-
lance ; H. Gourmes et J. Rey, juges de paix. Le maire de
Grasse, Marc Cresp, succédait au sieur Girard, dit Bar-
lette, avocat, qui ne manquait pas d'énergie.
Nice eut pour président du département, Jacques Audi-
bert, avec les administrateurs J.-B. Grivel, J.-P. Carlou ;
J. Lebé, Vidal de Grasse, Pagany, fils, A. Bergoin, F.
Tourre d'Antibes, et J. Esmengaud, secrétaire général.
Raymond, de Saint-Laurent du Var, fut président du
district ; Barrière, de Saint-Jeannet, agent national; Louis
Villier, maire ; et agent national, Bernard, de Saint^Paul
du Var.
Comité de surveillance, Fr. Brun ; tribunal du district,
président, Antoine Audibert; tribunal de commerce.
Caisson aîné.
Tribunal révolutionnaire, Trémoy de Fort-Hercule
(Monaco), président ; Perrache, fils, de Draguignan, accu-
sateur public ; les juges de ce tribunal étaient Audibert
Caille de Bargemon ; P.-H. Roassal de Nice, Bérutti de
For<>-Hercule, V. Tiranty de Levons, A. Ruffi de Nice. Ce
comité dut montrer du zèle en face de Robespierre et de
Ricord, et n'épargner personne. Voici par exemple une
procédure de vingt-un chefs d'accusation, que nous
extrayons de l'ouvrage de M. Toselli. Elle est dirigée
contre les membres de l'administration départementaJe.
On les accuse : 1*^ D'avoir démoralisé le département ; d'y
avoir entretenu le fanatisme et le barbétisme ; 29 de
n'avoir pas voulu des décades et d'avoir préféré le diman-
che ; d'avoir retardé l'ouverture des écoles centrales, d
d'avoir voulu nommer aux chaires des prêtres ignorants;
3* de n'avoir pas érigé les écoles primaires ; 4® d'avoir
laissé vivre en communauté les moines de Cimiés et toléré
plus de 1 ,200 prêtres qui ianatisent le département ; d'à-
CONVENTION NATIONALE (1794) Î31
voir préparé à Tévêque deNice, avant le 18 fructidor, une
entrée triomphante ; de ne s'être entourés que d'émigrés,
d'assassins, et d'avoir avili et persécuté les patriotes ;
d'avoir empêché la vente de biens des émigrés, et rayé de
la liste 431 émigrés ; d'avoir permis à Pierre, comte de
Berre, capitaine des milices, de rester à Berre, malgré la
loi du 18 fructidor ; d'avoir rayé des émigrés, moyennant
finances, les deux frères Sauvaïgues, moyennant deux
cents louis ; le juif Trêves, moyennant soixante-quinze ;
l'avocat Giacobi pour cent cinquante, l'ex-préfet Botteri,
pour quatre-vingts, etc., etc.
On dénoncera et on arrêtera Michel Ange Figuiera, pour
avoir donné dans un contrat le titre de Majesté au tyran
Sarde; Joseph Goiran qui a été trouvé sans cocarde, Fran-
çoise Faraut Gavarri, qui portait une cocarde blanche
derrière la coiffe ; Dominique et Joseph Castellinard père
et fils, à cause d'une lettre écrite par eux au tyran ultra-
montain. On nommait entrepôt la prison principale (an-
cien couvent des Jésuites). 11 y avait peine de mort pour
donner asile à un suspect, pour correspondre avec un émi-
gré, pour passer de l'argent ou des eff'ets à un parent, à
un fils émigré. Ah ! la mort, s'écrie M. Toselli, elle pla-
nait sur la tête même des juges, et tout à l'heure elle
étreindra les montagnards.
Partout les prisonniers entassés dans des chambres trop
étroites et sales, couchés sur la paille, se plaignaient à
Nice, comme à Grasse. La ration consistait en une livre
de pain noir, et une demi-livre de riz. Le pain était quel-
quefois si mauvais que les prisonniers, quoique afiamés,
ne pouvaient le manger. Il en résultait des maladies épi-
démiques qui gagnaient même la ville.
La vie luxueuse que menaient les administrateurs con-
trastait avec cette misère que nous venons de décrire.
Robespierre le jeune, avocat exalté, beau parleur, quoique
fanatique ardent de la Révolution , comme son frère, n'en
232 CHAPITRE III
avait pas le sérieux. Il était homme de société, ami des
plaisirs, et peu occupé de Tadministration, dans laquelle
se commettaient mille fraudes, mille dilapidations, mille
abus, surtout dans ce qui avait rapport aux troupes. 0
tempora ! à mores ! c'était l'état d'une société effondrée,
comme dun volcan en feu. Les chefs qui désirent gouver-
ner jetés en dehors de Dieu et soulevés contre Dieu, res-
semblaient en ce moment aux géants mythologiques
entassant Pélion sur Ossa, jusqu'à ce que divisés ou tués
les uns par les autres, Dieu, qui a fait les nations guéris-
sables, tirât la France de l'abîme.
Les généraux n'étaient guère plus en sûreté dans leur
commandement que les simples citoyens.
Dumerbion, homme d'honneur et d'intelligence, né
en 1734, ofRcier général en 1790, maréchal de camp en
1791, et général de division depuis 1792, commandait
provisoirement l'armée d'Italie ; il avait le bonheur de
piaille aux représentants. Souvent malade et fatigué d'une
hernie qui Tempèchait de monter à cheval, il dirigeait
par le capitaine de génie Mérès et l'adjudant-général
Chabran. Le général Gautier de Kervéguem, chef d'état-
major, et le généi^ Vital, commandant le génie, le lais-
saient faire. Le gouvernement songea d'abord à lui subs-
tituer Carteaux, puis Hoche.
XXIII. — HOCHE A NICE.
Hoche fut en etfet nommé. Né à Versailles en 1768, il
n'avait encore que vingt-six ans, un an de plus que Bo-
naparte. Mais
Avx âmes bien nées
La Talear ne compte pas le nombre des années.
Envoyé de Tarmée du Rhin-et-Moselle, où il avait la
commandement en chef, il arriva à Nice le 30 mars 1794,
et descendit à une modeste auberge. A pdne étaitr-il à
CONVENTION NATIONALE (1794) 233
table, qu'un général entra et demanda à lui parler. Hoche
l'invita à s'asseoir. Celui-ci refusa et lui annonça qu'il
était chargé de l'arrêter au nom du Comité du Salut
public. € Pardon, reprit sèchement le sauveur de Lan-
dau, je ne me serais jamais douté que vous fissiez l'office
de gendarme. Mais puisqu'il en est ainsi, à votre aise ;
seulement laissez-moi achever et dormir, car je suis hor-
riblement fatigué. Demain je vous suivrai où vous avez
ordre de me conduire. >
On se décida à donner le commandement à Dumerbion.
Age, expérience, prudence dans l'action, sagesse dans le
conseil, tact exquis, il avait les talents du guerrier et de
l'administrateur. S'il ne pouvait agir par lui-même, il sut
connaître ses hommes et les laisser agir en son nom.
Bonaparte. — Deux gloires se rencontraient à Antibes
à cette époque : Bonaparte et Masséna . Mais le premier,
prenant son vol sur les aigles, devait aller plus haut que
celui qu'il surnomma Venfant chéri de la victoire^ et
qu'il fera duc de Rivoli et prince d'Essling. Quand il va
commencer la campagne de 1794 contre les Austro-
Sardes, il installe sa famille, sa mère et ses trois sœurs,
au Chàteau-Salé. Les anciens d'Antibes se rappellent
encore que la mère du général descendait laver son linge
dans le Riou qui coule au pied du château. Ses frères
Joseph et Lucien étaient employés dans les subsistances
militaires : Joseph à Marseille, Lucien à Saint-Maximin.
Il avait avec lui son plus jeune frère Louis, quoique à
peine âgé de quinze ans, qui servait dans l'artillerie. Nous
avons une correspondance de Napoléon avec le sieur
BerUer, commissaire d'artillerie à Antibes. Le 7 avril, il
lui ordonne de rétablir la batterie de la pointe de Hle
Sainte-Marguerite. Il n*aime pas qu'on change les anciens
noms. Ainsi les îles de Lérins ne doivent pas prendre les
dénominations nouvelles de Pelletier et de Marat, mais
conserver leurs anciens noms pour la régularité du service.
234 CHAPITRE HI
XXIV. — SAORGE, LA CLEF DES ALPES-MARITIMES.
Cette place était comme la clef du col do Tende. Les
batailles du Raous et de TAuthion avaient suffisamment
démontré qu'on ne la prendrait pas par le col de Raous; ni
par la vallée de Cairos. Il fallait donc tourner la place et
y arriver du côté de Pertegal, le seul point vulnérable ;
mais on devait, pour aller de ce côté, violer la neutralité
de Gènes. Bonaparte, dans le conseil de guerre, proposa
le plan d'attaque, Masséna l'appuya, ainsi que Brusca de
Dolcéacqua, chef du bataillon des sapeurs, et chacun l'ap-
prouva. Quelle belle réunion de généraux sous les ordres
de Dumerbion : Bonaparte, l'ami des deux représentants
Robespierre le jeune et Salicetti, avec Ducos, son aide-
de-camp, Masséna, Bruslé, Macquard, Garnier, Hamel,
Lefrançois, Sérurier, Laharpe, Mouret, d'Allemagne,
Cervoni, Barquier, Pijon, Saint-Hilaire , Dommartin,
Chabran, Casablanca, Vital, Charton, Gautier do Kerve-
guène. Il fallait obtenir l'assentiment de la Convention :
ce qui ne se fit pas attendre. On marcha donc en avant.
L'armée ennemie composée de 58,000 hommes avait
pour la commander de Wins, d'EUera à l'aile droite,
Colli à l'aile gauche. C'était Provéra, d'Argenteau, le
comte de Bellegarde, le général Radicati, le baron de
Grimaldi. Manfredi, Octave Maccarani, officier de génie,
gardaient Saorge sous les ordres de Saint-Amour.
La ligne défensive qui tenait dix myriamètres de cir-
cuit couvrait le chemin de Sospel à Tende par Breil et
Saorge. La droite s'appuyait sur le col d'Enfer, passait au
Raous en avaiit de Saorge, pour se rattacher au mont
Bertrand par les cols Ardent, Tanarelle et Rossa, garnis
de formidables redoutes. Elle décrivait un demi-cercle,
coupant en deux parties égales la vallée de la Roya. A
l'extrême droite, un amphithéâtre de retranchements
CONVENTION NATIONALE (1794) 235
partant de Belvédère au Capelet, s'adossait au col d'Enfer
et formait comme un obstacle insurmontable entre les
vallées de la Vésubie et de la Roya. Eu tirant vers le
centre, on trouvait le camp formidable de la Marta qui
sépare deux torrents, affluents de la Roya, entre Breil et
Fontan. Puis entre les camps de la Marta et de Raous,
sur une croupe avancée, l'Authion dominant majestueu-
sement, s'appuyait sur Camp-Argent et sur Millefour-,
ches. Les chemins de Mangiabo et de Béolet étaient défen-
dus par des avant-postes.
Pour parvenir au camp de la Marta, il y avait à tra-
verser le défilé de Tenarde entre deux rochers où deux
hommes pouvaient passer à peine.
Du camp de Marta, en suivant le contrefort qui sépare
la Roya de la Taggia, on touchait à la redoute du Fel,
près du bois de Salon, et à la redoute de col Ardent entre
la gorge de Triola, et celle de la Madone de la Fontaine.
Enfin on arrivait aux retranchements de Saccarello,
non moins formidables.
Restait le col de Tanarello, le plus fréquenté pour passer
de la gorge de la Briga dans celle où le Tanaro et l'Ara-
siaont leurs sources, et Col le -Rossa, tous deux non moins
retranchés que les autres. C'est ainsi que l'ennemi avait
fortifié les abords de Saorge et du col de Tende.
On trouva un prétexte de rompre avec Gênes dans
l'enlèvement de notre frégate la Modeste par les Anglais
au milieu du port de Gênes.
On décida dans le plus grand secret d'attaquer de ce
côté. Notre armée de 36,000 hommes fut partagée en
trois divisions : Gamier, Macquart et Masséna. Garnier
eut l'aile gauche pour opérer sur la Vésubie, Macquart
au centre, eut la division dite de Saorge, et Masséna
l'aile droite, s'appela la division du Tanaro. Rien d'ad-
mirable comme le départ de notre armée, 30 mars 1794.
Dumerbion, malade, resta à Nice laissant le commande-
236 CHAPITRE III
ment en chef à Masséna que suivirent Salicetti et Robes-
pierre le jeune.
Les 12, 000 hommes de Macquart et les 15, 000 hom-
mes de Masséna se séparèrent à Menton. La division de
Saorge, après avoir passé la Roya, se partagea en deux
colonnes. L'une s'avança par Dolcéacqua pour gagner la
rive de la Roya ; l'autre par TAlpi pour attaquer le For-
coin et s'emparer de la Tour d'Abeille. Dallemagne com-
mandait cette dernière colonne.
La division Masséna forma deux brigades ; la première
conduite par Hamel se porta par Menton sur le Tanarde ;
et la seconde aux ordres de Lebrun, sur le mont Gordales,
afin d'appuyer la première. Le général Mouret avec 6, 000
hommes divisés en deux brigades avec Bruslé et Cervoni,
après avoir occupé Ventimille, prit la Bordighière et
San-Remo. La réserve composée de 5, 000 hommes aux
ordres du général Lefrançois s'avança dans la vallée de
la Nervia.
Le feld-maréchal de Wins, dit M. d'Auvare dans ses
mémoires, averti que les Français ne respectaient plus le
territoire de Gênes, refusa de se rendre aux observations
qu'on lui fit d'occuper immédiatement les hauteurs de
Vintimille. Son entêtement le perdit. Il opinait même
pour qu'on évacuât Saorge et la ligne de l'Authion et
qu'on se repliât sur le col de Tende. (Mémoires de Saint-
André.) Quand il comprit que nous arrivions de tous les
côtés à la fois, il ne sut plus où donner de la tète. Ses géné-
raux firent bien tout ce qu'ils purent. Le général d'Ellera,
à l'aile droite, comprit le premier notre plan ; il demanda
aussitôt des renforts à de Wins ; il confia sa gauche au
lieutenant-colonel Colli avec les deux généraux de bri-
gade Provera et Argenteau. Provera couvrait le cours de
la Tinée, Belvédère, Roquebillère et Saint-Martin-Lan-
tosque ; Argenteau, les sources du Tanaro et le chemin
d'Ormée à Saorge par Briga.
CONVENTION NATIONALE (1794) 237
La mésintelligence de Wins avec les Piémontais nous
servit presque autant que le génie de nos généraux.
Le 16 avril Ponté de Nova^ la clef de la vallée du
Tanaro, tomba au pouvoir de Mouret ; Ormée fut occupé
par Masséna secondé par Laharpe et Bruslé ; puis ce fut
Garessio, posté sur un gros affluent du Tanaro. Aussitôt
Masséna dépêcha à Dumerbion pour qu'il ordonnât à Gar-
nier et à Sérurier d'attaquer Belvédère et Saint-Martin-
Lantosque ; et à Macquard de se porter sur le camp de la
Marta en toute hâte, afin d'attirer les Austro-Sardes sur
ces différents points, tandis que lui en profiterait pour
tomber à l'improviste sur Saorge.
Garnier reçut l'ordre en effet d'aborder vivement les
positions de la gauche.
Masséna partagea son corps d'armée en cinq colonnes.
La 1'® avec Lebrun gravit le mont Jove, qui domine
Saorge ; à la 2™«, Masséna avec Hamel, Bruslé, les adju-
dants généraux Fabre et Langlois, et Bonaparte, for-
çant le col Tanarello, descendit sur le bois de Samson,
enleva cette redoute et poursuivit l'ennemi à gauche de
Briga ; la 3™« colonne de Lefrançois s'empara du mont
Pellegrino pour aider la 4® colonne à Fiorella, et la 5* au
col Ardent.
Le général Dallemagne avançait sur l'Authion par
Moulinet, et envoyait des troupes du camp de Brouis à la
Giandola dans les gorges de la Roya pour soutenir l'atta*
que de Lebrun, de l'autre côté du torrent.
Les Austro-Sardes, au moment où l'orage s'accumulait
sur Saorge, commirent faute sur faute. Colli pour se ren-
forcer dégarnit les camps de la Marta et de Millefourches,
n'entretint aucune communication avec Argenteau, et ne
suivit point le mouvement de Masséna; de Wins se
contenta de couvrir Saint-Dalmas-de-Pédoue où étaient
les magasins, et laissa ses généraux à leurs propres forces.
Tout arriva, comme nous l'avions prévu.
Î38 CHAPITRE HI
Le 27 avril, il est vrai que nous perdîmes Tadjudant-
major Langlois à l'attaque de Marta, et le général Bruslé
à celle du col Ardent, que défendait le comte de Bellegarde.
Masséna ne se découragea pas. Tout allait bien pour nous
du côté de TAuthion. Dumerbion avait fait attaquer Mille-
fourches et TAuthion par Dallemagne, tandis que Bar-
quier s'avançait sur la Marta. Or il arriva au grand
étonnement de tous que cette attaque secondaire remplit
Tobjet qu'on attendait de la première. Les éclaireurs de
la colonne Barquier ayant délogé les barbets du Colom-
bier les poursuivirent si chaudement qu'ils entrèrent
pèle-mèle dans la grande redoute élevée entre les deux
torrents. La garnison étourdie se rendit à cette poignée
de braves, à laquelle Dallemagne ne pouvait encore prêter
son appui.
Masséna mit à profit cet avantage pour pousser les
Sardes dans la vallée et les ramener sous le canon de
Saorge. Le camp de la Marta était en notre pouvoir. La
nuit vint.
Colli en profita pour replier ses troupes dans une posi-
tion intermédiaire; la droite se tint avec d'EUéra, entre le
Capelet et Saorge ; le front fut couvert par le ravin de
Cairos qui descend du Raous à Saorge ; le centre sous Vi-
tale, se plaça entre Tende et Fontan. Bellegard et Radi-
cati, ayant gravi les hauteurs de Briga, nous laissèrent le
Raous, Millefourches et TAuthion. La France était ven-
gée des désastres du 8 et 12 juin 1793. Masséna se tenait
à Linières. La mort de Radicati le rendit maître des hau-
teurs de la Brigue, en face de Saint-Dalmas de Tende.
Saorge était bloqué.
Si du moins Colli et d'EUéra avaient pris leurs précau-
tions, ils auraient pu secourir à temps Saorge. 11 n'y eut
que le baron de Galéra, venu de Tende, et le comte de
l'Escarène, du Braous, chacun avec des détachements du
régiment de Nice, qui purent entrer dans la place. Dumer-
CONVENTION NATIONALE (1794) 239
bion envoya Tordre de sommer le gouverneur de rendre
Saorge.
Dans le conseil de guerre que tint Saint-Amour, les
sieurs de Galéra, Manfrédiet Octave Maccarani, opinèrent
pour qu'on résistât jusqu'à la fin, selon les ordres supé-
rieurs. € La place, dit Maccarani, a des vivres, des muni-
tions et une bonne artillerie. » Et Manfrédi, capitaine
d'artillerie : < Ce poste a été confié à notre courage et à
notre honneur, ne l'abandonnons pas. > Saint- Amour
répondit : <Et moi j'ai l'ordre de rendre la place. > < Mon-
trez-le nous, répliqua Maccarani : Montrez-le nous, ajouta
Manfrédi. > et Saint-Amour : < Elléra m'a fait dire qu'à
l'arrivée des Français nous nous retirions au quartier-
général. >—< Comment, dit Maccarani, est-il possible de
nous retirer vers d'EUéra, qui a presque toutes ses trou-
pes sur la rive gauche de la Roy a ? > On ne décida rien, et
chacun retourna à son poste.
Les assiégés, raconte le chroniqueur Truchi, distinguè-
rent bientôt vers la Ca d'Oggia, un groupe d'oflSciers
français avec leur artillerie. L'un d'eux était petit de
taille, et commandait les autres. C'était Napoléon Bona-
parte. Son jeune frère Louis faisait près de lui ses pre-
mières armes.
Les artilleurs Sardes pointèrent de ce côté et y lancèrent
leurs boulets. Nous ne leur répondîmes point. Cependant
l'avant-garde de Masséna, sous les ordres de Lebrun,
couvrait lemont Jove. Saint-Amour, sans plus prendre
conseil que du danger, avait averti les nôtres pendant la
nuit, qu'il acceptait la capitulation, à condition qu'on
épargnât les habitants, qu'on laissât la vie sauve à la
garnison et qu'elle sortît avec armes et bagages. Ce
fut accordé. Une clause avait été ajoutée par Masséna,
que Saint-Amour mouillât la poudre et enclouât les
canons, puisque son état-major persistait à défendre la
place. Ce qui eut lieu ; et le soir venu, le gouverneur de
240 CHAPITRE m
Saorge mouilla la poudre, enclouales canons et partit
avec son aide de camp dans la nuit du 28 au 29 avril.
Le lendemain, au lever du soleil, les officiers s'étant
aperçus de l'évasion de Saint-Amour, coururent à leur
artillerie : < Trahis, $'écrient-ils, nous sommes trahis. »
Ce fut un sauve qui peut général. Saint-André dit à tort
dans ses mémoires : < Saint-Amour eut la lâcheté d'aban-
donner le fort, avant qu'il fût nuit. » Sur ces entrefaites,
Lebrun descendant du Mont-Jove, entra le premier dans
Saorge abandonné. Quatre ou cinq heures après, arriva
Masséna accompagné des représentants de la nation.
On apprit le même jour de Garnier que les généraux
Moulin et Durand, remontant la Vésubie, par Figaret,
Lantosque, Roquebillère et Belvédère avaient mis en fuite
Provéra ; que CoUi ralliait avec peine ses hommes au Col
des Fenêtres ; que Sérurier, accourant dTEntrevaux dans la
vallée de la Tinée, avait chassé Tennemi au delà d'Isola :
ce qui mettait toute l'armée française en conmiunication
depuis Entrevaux par Isola jusqu'à Saorge.
Saint- Amour fut arrêté à Savillan, conduit à Turin,
et traduit devant le conseil de guerre.
Ses trois accusateurs firent Galéra, Manfrédi et Macca-
rani. Arrivés au camp de CoUi, ils se justifièrent en char-
geant Saint-Amour, et furent envoyés à Turin devant le
marquis de Caravanzana, ministre de la Guerre. < Le Roi
veut vous voir, leur dit-il. — Mais comment oserons-nous
paraître devant Sa Majesté dans l'état où nous sommes ?
Bandiera vecchia onor del capitano ! reprit le minis-
tre. > Victor Amédée leur demanda comment ils avaient
abandonné Saorge, sans tirer un seul coup de canon.
Maccarani prit la parole et il fit si bien que Victor-Amé-
dée s'écria : < Bravo, vous avez fait votre devoir... > et
allant à son secrétaire, il en tira deux rouleaux de cent
écus qu'il leur remit : < Sire, nous ne voulons que votre
estime, dit Maccai*ani en s'excusant de recevoir ce pré-
CONVENTION NATIONALE (1794) 241
sent, < Ti Vas^ me car^ ajouta le roi en piérnontais, et
en lui prenant la main. Les jeunes officiers ont plus de
courage que les vieux généraux. »
Saint-Amour refusa d'être confronté avec ses calomnia-
teurs. 11 n'avait pas trahi. On l'accusa d'aimer le vin et le
jeu ; de passer tout son temps dans Saorge à jouer et à
manger ; on dit que criblé de dettes, il avait vendu Saorge
à la France pour un million. Mensonge ! Où aurions-nous
puisé ce million ? Toutes ces inventions n'ont eu en vue que
d'atténuer un fait si glorieux [)Our notre armée. La prise
de Saorge n'est le résultat ni d'une surprise ni d'une
trahison, mais d'un plan formé par Masséna, Bonaparte et
Rusca. Non, Saint- Amour n'a pas trahi. Mourir en défen-
dant cette place n'eut servi à rien. Ceux qui l'ont con-
damné ont commis une faute, quand bien même ils eussent
voulu, par cette exécution, terrifier leur armée. Il fut
passé par les armes, à la porte de Suse, le 3 juin. Mais des
fêtes se célébrèrent dans les départements des Alpes-Ma-
ritimes et du Var pour la prise de Saorge. Le l®' mai,
jeudi, on alla au Temple de la Raison, on passa la revue.
Le général i)rononça un discours à la louange du géné-
ral Masséna, à l'occasion du glorieux fait d'armes de
Saorge.
XXV. — ATTAQUES DES COLS DES FENÊTRES
ET DE TENDE. — 7 ET 8 MAI.
Le 8 mai (19 floréal), Sérurier acheva de repousser
Colli par-delà le Col des Fenêtres, en escaladant ces rudes
sentiers, tandis que Macquart emportait le Col de Tende.
Macquart ne voulait pas se passer de l'aide de Masséna.
Dallemague conduisait son avant-garde. Arrivé au débou-
ché de Saint-Dalmas de Tende, après avoir été salué de
quelques coups de canon, il tourna la position de Colli,
fit prisonniers une compagnie de pionniers occupés à dé-
16
242 CHAPITRE III
truire le pont de la Roya, et ouvrit le passage du fleuve à
notre colonne du centre. Il continua sa marche en avant, et
si bien,que les Austro-Sardes coururent se réfugier à Tende,
d'où , se postant sur la rive droite de la Roya, ils nous mi-
traillèrent ; mais Dallemague ne s'arrêta pas, jusqu'à ce que
Macquart arriva et hâta la déroute de Tennemi. Tout
se précipita par une issue voisine du hameau de la Ca. Les
nôtres poursuivirent jusqu'à la Madone de Vénaba et bi-
vouaquèrent au fort du Col de Cornio.
Colli rallia ses troupes entre la Framosa et la Ca. Main-
tenant Macquart et Masséna se concertent. Enlever le Col
de Tende de force c'était s'exposer à un échec ; car Colli
avait braqué six pièces en batterie derrière le premier
coude de la route, et nous ne pouvions lui opposer d'artil-
lerie . Aussi devaient-ils, en manœuvrant, forcer Tennemi
à évacuer cette position. Dans ce dessein, ils s'enfoncèrent
dans la gorge de la Pia, en recommandant à Lebrun et à
Dallemague de ne faire que de simples démonstrations
jusqu'au moment où ils aborderaient le flanc gauche de
l'ennemi à Framosa.
Le 8 mai, en effet, Macquart et Masséna gagnèrent par
les hauteurs de la rive droite de la Pia le mont Pipa, le bec
des Roses encore couvert de neige, et le Col de Framosa
occupé par un bataillon du régiment d'Asti. Le choc fut
rude. Les Austro-Sardes se conduisirent en braves. Macca-
rani et le major d'Auvarre s'y signalèrent ; mais les nôtres,
chargeant à la baïonnette, culbutèrent l'ennemi ; chacun
jeta ses armes, et ne fit sur les glaces du revers de la
montagne qu'une glissade jusque dans la gorge de Limon.
C'est là que le lieutenant-colonel de Grimaldi fut fait pri-
sonnier. Sur ces entrefaites Dallemague et Lebrun s'élan-
cèrent sur le centre et sur la gauche qui, à leur tour, se
replièrent en désordre sar le Col de Tende. Macquart se
posta sur la crête de Framosa, en face des plaines du
Piémont et à deux portées du canon des Austro-Sardes, qui
CONVENTION NATIONALE (1794) 243
du Cornio semblaient regarder tristement le comté de
Nice, perdu pour eux.
Colli profita d'un brouillard, dans la nuit du 8 au 9, pour
battre en retraite sur Limon. Macquart y envoya son
avant-garde. Colli dut encore abandonner Limon, le 10
mai, en deux colonnes pour descendre au bourg de Saint-
Dalmas de Pédone par les vallées de la Vermagna et du
Gesso. On en resta là pour le moment.
Sérurier, au Col des Fenêtres, avait occupé, le 8 mai,
la gorge de Saint-Jacques et repoussé l'ennemi jusqu'à
Entragues dans la haute vallée du Gesso.
Telle fut cette expédition de trente-huit jours qui com-
plétait la prise de Saorge et qui nous donnait le Comté de
Nice.
Robespierre le jeune et Ricord écriront de Saorge ( le
10 floréal ), à leurs collègues du Comité du Salut Pu-
blic : € Nous avons annoncé, il y a quelques jours, que
l'étendard tricolore flottait pour la première fois sur les
murs d'une ville du Piémont; apprenez aujourd'hui que
par suite de l'expédition que vous nous avez ordonnée, les
couleurs républicaines brillent sur les remparts de Saorge.
Les monts audacieux que la nature a élevés autour de
cette forteresse n'étaient formidables que pour relever la
gloire des Français plus audacieuse encore... Tous les
camps piémontais et autrichiens sont en notre pouvoir,
plus de soixante pièces de canon, des mortiers, des obu-
siers. La déroute est complète. La perte de l'ennemi est
énorme. De notre c5té nous avons à regretter soixante
républicains morts en héros, au nombre desquels sont le
général Bruslé qui avait combattu à Toulon, et l'adju-
dant- général Langlois, tué d'un coup de baïonnette. Les
ennemis viennent d'être chassés de Belvédère, de laBol-
lène, de Roquebillère, de Lantosque et de Saint-Martin-
Lantosque. La victoire est à nous, sachons en profiter. »
Le 19 floréal : < L'enneiiii fort de 7 à 8,000 hommes a
544 CHAPITRE III
été battu à plate-couture et chassé au-delà du village de
Tende que nos troupes occupent actuellement. >
Le 22 floréal : < Nos troupes occupent le col de Tende,
On apprend aujourd'hui de la division de la gauche, qu'elle
est en possession du col des Fenêtres. Il est arrivé à Nice,
parmi les prisonniers, pris au col de Tende, le chevalier de
Grimaldi. >
Barrer e à la Convention demanda des félicitations pour
Tarmée d'Italie, pour les représentants du peuple, Robes-
pierre le jeune et Ricord, dont les noms semblent attachés
à nos victoires depuis la prise glorieuse de Toulon. Il
demanda enfin les honneurs du Panthéon pour Bruslé et
Langlois. < Mourir comme Bruslé et Langlois, c'est vivre
dans le souvenir de tous les Français. >
Les Austro-Sardes essayèrent le 18 mai de reprendre
leurs positions perdues. Masséna en eut bien vite raison.
Une sorte de croisade s'organisa même en Piémont con-
tre nous. Voici le manifeste du chevalier Gatti Mentone :
€ La population entière des provinces de Sa Majesté, unie
en masse avec l'approbation du Roi et sous la bannière
de la Très-Sainte Vierge, au nombre de 40,000 hommes
armés, lasse de souffrir les insultes et les menaces des
Français déclare au nom de la puissante Mère de Dieu que
chacun est résolu de mourir, ou de chasser une fois pour
toutes des Etats du Roi cette bande d'hommes ennemis de
la religion et de Tordre social. Vive Marie ! Pour Marie
immaculée jusqu'à la dernière goutte de notre sang. > Une
attaque eut lieu à Garessiole 5 juillet. La compagnie de
nos éclaireurs de la 46® demi-brigade marcha, le fusil en
bandoulière et en dansant la carmagnole contre, iO^OOO
esclaves pièmontais^ ditDumerbion dans son rapport. Ces
gens-là furent si effrayés de cette nouvelle manière de
marcher contre eux qu'ils tournèrent le dos sans oser
tirer un coup de fusil. Ils laissèrent entre les mains des
nôtres la bannière à l'efïïgie de la Vierge qui leur servait
CONVENTION NATIONALE (1794) 245
d'étendard. La bande principale conduite parRobusti par-
tit de Céva et s'avança sur les hauteurs de la Piétra, où
Lafon, chef de brigade, commandant de Loano, n'eut qu'à
se montrer pour la disperser. Robusti s'y reprit le len-
demain, il dut fuir encore, la baïonnette dans les reins.
Le découragement devint presque général en Piémont. » De
plus, la division entre Sardes et Autrichiens n'avait pas
cessé. Tous les Sardes accusaient de Wins.
Si les événements de Paris n'avaient pas suspendu l'ar-
deur de notre armée, on eut continué la victoire. Le
découragement gagna bientôt nos soldats dans ces monta-
gnes escarpées et arides. Dumerbion permit à Macquart de
se replier sur Tende, ce qui ressembla à une retraite ; il
demanda lui-même à grands cris son successeur. Il était
monté à Tende pour inspecter les postes, quand on lui
ap}>orta sa mise en disponibilité et la nomination de
Schérer.
XXVI. — ROBESPIERRE.
Le règne du dictateur avait atteint son apogée, lors-
qu'après avoir décrété la fête de l'Être Suprême, il s'en
montrait comme le Souverain Pontife, dans la solennité
du 8 juin (dimanche, fête de la Pentecôte). La loi de Dieu
nous dit : Un seul Dieu tu adoreras. Les décrets de la
Convention n'étaient ni éternels, ni immuables. La Rai^
son d'Hébert et de Chaumettes avait cédé bien vite la place
à V Ancien des jours, au bon Dieu des bonnes gens. Le 20
prairial (décade) dans toute la France, sur son ordre, se
célébra la même fête, pour rappeler aux citoyens VÊtre
Suprême et V immortalité de Vâme. Nous nous transpor-
terons d'abord à Antibes.
Au point du jour tous les tambours divisés en quatre
escouades battirent la diane pour annoncer la fête. Il y
eut en même temps salve d'artillerie. Les rues et les places
étaient jonchées de fleurs et de feuilles. A 9 heures toutes
246 CHAPITRE lU
les autorités et les troupes se mettaient en mouvement ; la
troupe forma la haie depuis le temple de la Liberté jus-
qu'à celui de l'Être Suprême. Le cortège ne suivait d'au-
tre règle que la fusion totale des citoyens qui le compo-
saient Parti du temple de la Liberté, il arriva au temple
de l'Éternel, dont le frontispice et l'intérieur avaient été
ornés de verdure et de fleurs. On y rendit Vhomma^ele
plus pur à V auteur de la nature. Divers orateurs pro-
noncèrent des discours dans lesquels, après avoir retracé
toute l'immoralité du système de l'athéisme et du néant,
ils ont démontré que l'idée de l'Être Suprême et de l'im-
mortalité de l'àme était aussi consolante pour Thomme
vertueux qu'effrayante pour le pervers, et que sous ce
double rapport elle était utile et nécessaire à la société.
Après quoi, le cortège est allé sur la place de la Républi-
que. La troupe a formé le bataillon carré autour de l'arbre
de la Liberté. Un chœur de voix mâles et sonores y a
chanté des chansons patriotiques et l'hymne guerrier:
Allons enfants de la Patrie. Le citoyen Lamarre, premier
officier municipal, a rappelé que cette cité ayant été fon-
dée par les fiers républicains de la Grèce, nous donnerions
à l'exemple de nos fondateurs, vers les quatre heures, le
spectacle de jeux publics sur la terre et sur l'onde, que
des prix seraient distribués aux athlètes vainqueurs. > La
fête continua le soir. Chose extraordinaire ! Tandis que le
catholicisme était partout proscrit, Antibes même dans les
plus mauvais jours gardera chez lui l'abbé Ardisson,
comme premier vicaire delà paroisse. Le sieur J. L. Ros-
tan obtiendra du conseil l'autorisation d'exercer le culte
catholique à Antibes. Il n'en sera pas tout à fait de même
àVence. Mais un saint abbé Blacas,jeune prêtre, s'y dé-
vouera pour les fidèles. De nuit, il ira baptiser, adminis-
trer. On le poursuivra dans un escalier, il se dérobera par
un autre. Vingt fois il sera miraculeusement préservé.
Tantôt sous le costume d'un charretier, tantôt sous celui
CONVENTION NATIONALE (1794) 247
d*uû mouliniste, il s'introduira dans les habitations qui
réclameront son secours.
La fête de l'Être Suprême ne manqua pas d'un certain
éclat dans la cité nérusienne. Le juge de paix y donna des
éloges à la garde nationale. Il ajouta qu'après avoir parlé
des avantages de la République et des vertus nécessaires
pour la soutenir, il fallait remonter à Celui qui est la
source des biens et des maux qui réjouissent ou affligent
la terre, et il fît une prière à l'Éternel : < Protège la Répu-
blique que ta toute-puissance a fondée ; jette la rage et le
désespoir dans le cœur des tyrans et des ennemis qui veu-
lent nous ravir la liberté. »
L'administration du district de Grasse montrait du
zèle. Elle regrettait de ne pouvoir récompenser digne-
ment l'action héroïque d'une citoyenne antiboise. Elle se
contentait d'inscrire son nom dans les Annales des faits
historiques (29 mars 1794). Le 31 mars, elle envoyait une
adresse à la Convention pour la féliciter d'avoir échappé
au grave danger qui l'avait menacée. < Nous attendons
impatiemment de voir tomber toutes les têtes des conspi-
rateurs qui ont tramé cette horrible conjuration. »
Elle écrit à un maire du district, le 12 avril : < Quel
mauvais génie répand son souffle malfaisant sur la muni-
cipalité et sur toi ! Qu'as-tu fait pour donner du pain aux
vieillards, aux veuves et aux orphelins qui on manquent?
Rien. Hàte-toi de remplir ton devoir. Sans cela je requer-
rai contre toi les peines portées par la loi. > Et à d'autres :
€ La patrie vous observe. Si vous remplissez vos devoirs,
elle vous ceindra d'une couronne civique. Si vous les
violez, si vous laissez le crime impuni, la roche tar-
péienne vous attend. C'est à vous de choisir. > -— Et au
Bar : € Jo suis surpris de voir que vos magistrats qui ne
doivent connaître que le culte de l'Être Suprême, se
mêlent du culte apostolique, catholique, romain. »
La ville de Grasse solennisa aussi en grande pompe
i^ CHAPmtE m
IlriASLZ^iriS-i-îi il «^^ir^e î«ida à TEore Saprème. Nice
chanta, î:i >:ii i^s ïr^:^!^^^!:!^. les strophes de Chenier
C«^ Ht ri: uîiaifs •» mifarts :
Lies r<Tû$ 3«i' rx Sdttber r^rncil :
Les af^préus -ie la Tîlle le \î*^? se m^i^elèrent sur ceux
de la »?apît-i!e. L? îeœp^ (m magnifique, la foule im-
mense. Le prêâ-Jenr Je la c>mm!sji«>n munioipale tenait à
la main. <»mme R '»Ne!5pierre, un bouquet de fleurs, de
firoits et d*êf»i> de Me. l'a amphithéâtre décoré par les
commissaires Jêlêgriês, Falqui et Grinda, s'élevait en face
de Tautel de îa Patrie devint !a pîace de la République.
A droite et à irm ?he étaient des groupes choisis d'en-
tàzïis. d'îiommes, de femmes et de vieilîarvls ; les enfants
avaien: des o-^iir^nnes «l^ vi^îettes, les adolescents de
mvrte, les hommes de chêne, les vieillards de pampre
d'olivier. Les femmes tenaie:n par la m:iin leurs filles
couronnées d :^ roses et portaient des corbeilles de fleurs.
Vis-i-vis de Tamphithéàtre se dressaient les simulacres
de l'athéisme, de la d ironie et de l'égoïsme. Après le
discours du président, celui-ci descendit, ime torche à la
main, et v mit le feu : et des cendres sortit la statue
de la Sagesse. Du milie-i de l'ancien autel de la Pa-
trie, s^'élevait une forme de montagne surmontée d'un
arbre, sous lequel s'assirent les membres de la commis-
sion municipale. On chanta d s hymnes patriotiques.
Enfin, à un signal donné, les hommes armés tirent ré|^ •
les mères élèvent leurs enfants dans les bras, les assis-
tants tiennent la main levée vers le ciel, et tous jurent de
CONVENTION NATIONALE (1794) 249
défendre la patrie. Le soir fut consacré à des réjouissances
publiques. Sainte Réparate fut choisie pour le temple de
VÊtre Suprême.
11 ne faut pas croire que le culte de l'Etre Suprême
abrogeât les décrets portés contre les prêtres du culte
catholique. Le lendemain même de la fête de l'Être
Suprême, trois prêtres de Nice furent encore emprisonnés
au Jésus : D. D. Passeroni, Massa et Rosset. Le P. Massa
fut envoyé dans les prisons d'Avignon.
Le général Vachot, dans une séance du Club républi-
cain, se mit un soir à fulminer contre les prêtres, et
entraîna avec lui un certain nombre d'individus qui par-
coururent la ville et firent des perquisitions ; ils arrêtè-
rent le P. J.-B. Verdi et Fianson. Le plus maltraité fut
le P. Derossi, ex-jésuite. Vachot se fit le président d'un
tribunal improvisé pour condamner ces ecclésiastiques :
€ Je t'attends au grand jour, lui dit l'un d'eux, tu com-
paraîtras devant un juge incorruptible. »
Cependant les subsistances et surtout l'approvisionne-
ment de blé causaient le plus d'embarras aux villes du
Midi. Nous admirons, parmi les municipalités, l'activité
merveilleuse que montre surtout Antibes. Si petite qu'elle
soit, elle se multiplie.
Les fêtes républicaines pourtant succèdent aux fêtes,
malgré la misère publique. Le 14 juillet, fête de la Bas-
tille (26 messidor). Le maire d'Antibes fulmine contre
ceux qui répandent des soupçons sur le patriotisme
de ses concitoyens, et contre ceux qui les ont accusés
de pactiser avec les infâmes Anglais. 11 prend l'Etre Su-
prême à témoin. On vit dans cette journée le président
de la Société populaire s'avancer dans le cortège, une
pique à la main et le bonnet rouge sur la tête. Le com-
mandant de pince d'Antibes était le générnl Dommartin ,
qui avait snccédéà Saint-Hilaire depuis le 2 juillet (14
messidor). Antibes âera déclaré en état de siège.
250 CHAPITRE m
XXVII. — BONAPARTE A ANTIBES.
Le général continuait de surveiller Tarmement des
cités. Le 8 mai, il avait donné un blâme à Saint-Hilaire.
€ Il devrait, écrivait-il à Berlier, avoir pris connaissance
de l'organisation, depuis longtemps qu'il est général, et s'y
conformer. > Le 2 juillet : < Il y a dans la République
deux espèces d'alarmistes : ceux qui crient famine de
grain et qui ont toujours peur de rester sans poudre. Je
souhaite que ce ne soit ni toi, ni ton garde, ça finirait mal
pour ceux qui jettent l'alarme dans le peuple... » Il allait
souvent voir sa mère au château Salé, et les trois frères
s'y donnaient rendez- vous. Dans une de ces visites, Bona-
parte, causant des événements du temps, eut, rapporte un
de ses historiens, cette conversation avec Joseph-Lucien :
€ Il ne tiendrait qu'à moi, dit-il, d'aller vivre à Paris d'une
manière avantageuse. Robespierre me demande. — Pour-
quoi n'acceptes-tu pas? lui dit Lucien. — Accepte, reprit Jo-
seph. — On m'offre la place d'Henriot. Je dois donner une
réponse ce soir. Que faire? > Les deux frères ne parlaient
plus. € — Je sais que cela vaut la peine d'y pens3r. Il ne
s'agit pas de faire l'enthousiaste. Par le temps qui court, on
ne sauve pas sa tète si facilement qu'à Saint-Maximin et à
Nice. Robespierre jeune est honnête ; mais son frère ne
badine pas. Il faudrait le servir. Moi, soutenir cet homme,
non jamais ! Je sais combien je pourrais lui être utile en
remplaçant cet imbécile commandant de Paris. C'est ce
que je ne veux pas faira. Il n'est pas temps aujourd'hui.
Il n'y a de place honorable pour moi qu'à l'armée. Prenez
patience. Je commanderai Paris plus tard. > Il annonça
ensuite à ses frères la chute prochaine de Robespierre. Et,
moitié sombre, moitié souriant, il répéta : < Qu'irais-je
faire dans cette galère ? > ( 1 )
(1) Emile Bègue. — Histoire de Napoléon /•% pag. 371.
CONVENTION NATIONALE (1794) 251
XXVIII. — CHUTE DE ROBESPIERRE OU 9 THERMIDOR,
27 JUILLET
ET BONAPARTE EN ARRESTATION AU FORT CARRÉ A ANTIBES.
Le Triumvir avait rappelé son frère de Nice à Paris
pour se concerter avec lui sur les opérations de Tarmée
d'Italie. On se plaignait de son inactivité. L'armée se
trouvait dans le plus complet dénuement. La caisse était
vide ; les effets manquaient. Sur un effectif de 40,000
hommes, 16,000 encombraient les hôpitaux. Et pourtant
quels généraux ? Masséna à Taile droite avec la Harpe,
Cervoni, Nicolas ; Sérurier à l'aile gauche cantonné à
Beuil ;Macquard au centre, àBreil. L'écroulement delà
dictature de Robespierre mit tout en suspens. Robespierre
jeune accompagna son frère sur Péchafaud. Là étaient
Saint-Just, Couthon et quatorze membres de la Commune.
Et pourtant l'exécution de Robespierre fit respirer la
France. Une multitude innombrable de prisonniers échap-
pèrent à la mort. Isnard qui s'était dérobé à toutes les
poursuites reparut à la Convention. Il en fut de même des
représentants de Nice, Dabray qui gémissait dans sa pri-
son depuis dix-sept mois et Blanqui, depuis dix mois.
D'Anselme, Kellerman furent rendus à la liberté. Chez
nous le président Mougins, Maubert étaient en route pour
Paris O'^l on devait faire leur procès et sans doute les
envoyer à la guillotine; ils furent relâchés à l'instant
même. On s'attaqua aux amis de Robespierre, et chose
étonnante, Bonaparte eut des envieux qui le dénoncèrent
comme suspect. Alberti l'avait accusé auprès de la Con-
vention. Salicetti l'avait mal défendu. On prétendit
qu'il travaillait de concert avec Robespierre le jeune
et Ricord à désorganiser l'armée ; qu'il avait tenu à
ce sujet des conférences dans son habitation , rue
Villefranche. Il logeait chez M. Laurenti. La sœur de
252 CHAPITRE III
Robespierre, Charlotte, qui était restée assez longtemps
avec son frère à Nice, racontait que Bonaparte, en appre-
nant la jour née du 9 thermidor, avait proposé aux représen-
tants du peuple de marcher sur Paris avec l'armée d'Italie
pour châtier les meurtriers de ses frères ; que cette pro-
position hardie avait épouvanté les représentants. Granet,
député de Marseille, avait lu à la Convention, le 22 ven-
tôse, une lettre par laquelle Maignet dénonçait Bonaparte
comme relevant, au nom du ci-devant noble général La
Poype, les batteries marseillaises construites par le tyran
Louis XIV, pour tyranniser le midi. On aurait voulu déjà
le traduire à la barre de la Convention. Mais on avait ré-
pondu, en le justifiant, que sa présence était indispensable
à l'armée d'Italie. Cette charge n'en était pas moins restée
l'épée de Damoclès suspendue sur sa tète. Le 22 thermidor
(9 août) ordre fut donné, cette fois, par Alberti et Sali-
cetti de l'arrêter. On le garda onze jours- aux arrêts
chez le comte Laurenti, d'où il fut conduit au Fort-
Carré. C'est de là qu'il écrivit à la Convention : <Vous
m'avez suspendu de mes fonctions, arrêté et déclaré sus-
pect. Me voilà fiétri sans avoir été- jugé, ou bien jugé
sans avoir été entendu. Depuis l'origine de la Révolution
n'ai -je pas toujours été attaché aux principes? J'ai aban-
donné mes ])iens, j'ai tout perdu pour la République. A la
découverte de la cons[)iration de Robespierre, ma con-
duite a été celle d'un homme accoutumé à ne voir que les
principes. On ne peut donc pas me contester le titre de
patriote. Pourquoi donc me déclarer suspect, sans m'en-
tendre, ^.'t m'arréte-t-on, huit jours après la mort du ty-
ran ? > 22 fructidor (20 août).
Si Bonaf)arte eût été conduit à Paris dans ces circon-
stances, il y était exécuté. Le capitaine Sébastian! et
Junot, aid'^ de camp du général, formèrent le projet, que
si Ton reiou vêlait Tordre du départ de Bonaparte pour
Paris, ils risqueraient le tout pour le tout. Us dégage-
CONVENTION NATIONALE (1794) 253
raient leur général des mainsdes gendarmes, l'enlèveraient
de vive force et le mèneraient à Gènes.Quand ils eurent mis
Bonaparte au courant de leur projet : < Je reconnais bien
là ton amitié, écrivit le prisonnier du Fort-Carré, mon
cher Junot, dans la proposition que tu me fais. Depuis
longtemps tu connais aussi l'amitié que je t'ai vouée, et
j'espère que tu y comptes. Les hommes peuvent être
injustes envers moi, mais il me suffit d'être innocent. Ma
conscience est le tribunal où j'évoque ma conduite. Cette
conscience est calme quand je l'interroge. Ne fais donc
rien, tu me compromettrais. Adieu , mon cher Junot,
salut et amitié. >
Les menaces du dehors vinrent en aide au prisonnier.
La confiance de Dumerbion, l'influence qu'il avait acquise
dans l'armée d'Italie, l'amitié des soldats arrachèrent
Bonaparte des mains do ses jaloux. Alberti et Salicetti,
effrayés de la responsabilité que les nouveaux dangers
assumaient sur eux, écrivirent au Comité du salut public
qu'on ne pouvait se passer de Bonaparte ; et le décret de
citation à la barre de la Convention fut encore rapporté.
On put d'abord visiter le général et enfin on lui rendit la
liberté. Nous avons une lettre de lui, datée de Nice, le 2
décembre, pour affaires de service au citoyen Monceaux.
Ritter et Turreau avaient remplacé Alberti et Salicetti.
Salicetti , selon l'expression de Bonaparte , deviendra
comme son mauvais génie. Il Tempêchera, comme suspect,
de toucher ses appointements de général. On le rayera
des cadres de l'armée ; et ce sera avec beaucoup de peine
qu'allant à Paris pour régulariser sa position, il obtiendra
la demi-solde qu'il partagera avec Junot.
Sa fiimille avait quitté le Chàteau-Salé depuis la fin de
juillet pour aller habiter Marseille, où le l" août, Joseph
épousait la fille du riche négociant Clari.
Le 23 thermidor une fête dite de la dèlivra^ice se célè-
bre à Antibes dans la salle de la Société populaire ^ le gé-
il: ' inreir.^^iï: Leingn^TT^s :r»â€SuI>» scélérats abu-
Ld liiii^^fui Linliuo. •?: iî^ ^Hnaties :-€&« s«fct la peine de
j3jr TTiiiSiji ^ JL j j. :3L 1. iio; iisâ». Le 9 thermidor a
fiUL~^i ^ H^tLiiiiijiii. ^^lÂTiB jrkse ^ rÉJoreiJQprèine.ViTe
jt I iCiFimiin. -rrri ^liIî«5rK.T:T* a RepcKÎqoe! Péris-
«sir x5 :2Tjïi-^ iî j» rrraift Z » G^sise et Nice gardent
jf slreiii^r. -fi* TÎiii? ?i5iL:îft3xi; -EiMsrréissw Quoîqae par le
r :nifraiiLL:i: 11 Z-f^iiiinoL <«• nf^jfiiiie^ la CoaTention nen
itia-ZLirf ::u? ihMis^ ùf Mfaciîr* ^ Réfwbîîqoe ccmtre
z'nr^ zd^LZirj-t iLica^iiijiTi*. Eli* ôicae les ordres les
iix> fc^-rc^ z*jc iLr» ar*jri£r jfs i:« c:<Qtre les réac-
'aiJTrriir^^f^^ < 1^ iLiiKis^iftî^ x^ 3=çccs kogtfemps semblait
îtrcn»* ;:t:tir :;f,^;K>, ±n j* Ojcâê de sarvdSIanœ de
•>ruaae ^^zz t^^-^-^ jt v^. Liegx pcêcres ont obtena la
gi2r:i:ssi:c iif rrcrrr IrE^zrs -i^îîse^. La S>cîêtê populaire a
srz ïfz-^.Li IrEs iri:r.5er- X:q$ •:^l>3noiis d exécater la
" 'il — ->cr^k-:* r rAz^ifres fûsû^ du zèle répablicain.
Elf mijririw: > î** /:c: ires Svias-Oiîoîtides, par une
rf-riT tt. ^zrr TcroiCAif •iTÎzcîpcâle, les bustes de Brutus,
ir 31iri.: f- îrr IffçeL'fOrr ::i'>a plaçait dans la salle de
ii S.oir.f :.::cLi:rf- Le oi-cksttaûdjjit d*anillerie Beriier
pir:-:-cii in i:>:v ir? iii'nrlr^Tîpe- L? 5 octobre. Grasse et
A:i**::«es errivfi.: leur^ frvî:îiaîi3L> au général Chabran
p:*ur les se v^ ie -•:$ âniies d^i^s les Alpes-Maritimes:
< N :• :> a-^ : L5 re;:i • cii-ii . cber sans-culotte , ta lettre
da;ee «iu l^ v^oi^zii^re, par laquelle tu nous annonces
une îi:uve'..r vi.:.:;re resijon^ par l'armée républicaine
sur îe> enclaves auscri-^anies. Que Tannée reçoive nos
compIime:;îs ». L'e:îl ocîobre, .\ntibes fêtait encore les
victoires de lîi République.
Le mois de novembre sera un mois béni du ciel. Enfin les
prisons s ouvrent. La plupart des détenus à Grasse^ à Nice,
CX)NVENTION NATIONALE (1794) 266
•
à Saorge, à Draguignan, rentrent dans leurs foyers. Il
n'est pas une commune qui n'en eût quelques-uns. Vence
est dans l'allégresse !.... Elle écrit à la Convention : < Vic-
times de la haino , de la calomnie et de l'arbitraire, on
était incarcéré sans savoir pourquoi. Malheureux celui
qui pouvait parvenir à se faire entendre, plus malheureux
celui qui était jugé. Il ne suffisait pas d'être bon citoyen :
la vie dépendait d'un mot mal exprimé ou mal entendu.
On était redevenu esclave sur la terre de la liberté, et
personne n'osait ouvrir la bouche.... Mais tout est changé
depuis que vous avez frappé le monstre.... Dignes repré-
sentants, restez à votre poste pour consolider la Constitu-
tion. Toutes les nations vous contemplent... > On élit en
même temps les nouveaux administrateurs : district, co-
mité révolutionnaire, conseil municipal.
Le 20 décembre, fête du malheur décrétée par la loi du
22 prairial. On y secourt surtout les malheureux, et on
donne le pas aux agriculteurs : l'agriculture encouragée
pouvait seule donner du pain à ceux qui en manquaient.
En effet la disette ne cessait pas. Les chevaux même mou-
raient sur pieds. Les Antibois se rendirent à Nice auprès des
représentants Ritter et Turrau pour obtenir des subsis-
tances. La livre de pain valait 6 sous 8 d. C'est dans ces
conditions déplorables que s'ouvre l'année 1795.
1795
Antibes, malgré la misère générale, n'en vote pas
moins 3,000 francs pour être employés au vaisseau la
Bépublique que Ton construit à Brest. Elle donne de plus
600 francs à l'équipage qui le premier capjturera un vais-
seau anglais.
On était, comme de juste, exaspéré contre les Anglais.
€ Une nation orgueilleuse, disait le général Garnier aux
Belvédéiins, aux gens de la vallée de Lantosque, et aux
t^- CHAPITRE m
tn>ap'rs j^ii V é:Lii*r:i; «iiiiîoaniées |24 jaillet 1794), une
nar.i:.ii or^rLll-ros? . ces marchands arides, des pirates
vienn^rnt âi'iiei-rQ5«rQieGt se mooirer sur nos parages. Il
est terûp<5 «iVipprettir^ à ces fiers insulaires trop accoutu-
més à nxiitriser la îorî me sur cec élément, que leur règne
est pass^. qu'ils ont à foire aajoanlTiui à un peuple libre
qui saura rérrimer leur audace et leurs prétentions. Déjà
un ojmbai irlorieiix à notre marine, en nous assurant
rab>ndaa'-e des grains, a couvert FOcéande leurs cada-
vres et des débris de leurs vaisseaux. La foudre républi-
caine en a précipité plusieurs dans les abîmes et les An-
glais ont appris qu'ils ne combattaient plus avec des
esclaves. C'est donc avec empressement et avec joie que
les propriétaires doivent livrer tout ce qui peut contribuer
au salut delà Patrie, de cette Patrie qui n'existait pas sous
les tyrans. Que celui dont le cœur est muet au doux nom
de la Patrie s'en aille de la terre de la Liberté, qu'il porte
ailleurs son àme souillée par la servitude, il n'est pas digne
d'être répul>licain, et la Patrie le rejette. >
Et Grasse : < Placés sur les cotes de la Méditerranée,
nous aimons à porter nos regards sur une mer où le
pavillon tricolore doit briller de tout son éclat. Il nous
tarde, citoven, de voir Tardente bravoure de nos marins
porter les derniers coups aux tyrans des mers. Jaloux de
contribuer au projet de la marine républicaine j nous
votons par acclamation un vaisseau à haut-bord >.
Et le 17 septembre : < Les lâches anglais, fiers d'une
suprématie momentanée qu'ils ont obtenue dans nos mers
par la plus noire trahison, veulent insulter insolemment
nos côtes. \^ne nouvelle escadre se construit qui dispersera
bientôt les perfides habitants d'Albion. >
Il n'y eut pas jusqu'au plus petit pays des Alpes- Mari-
times qui n'envoyât sa cotisation pour cette nouvelle
escadre. Des dons de vases sacrés des églises et de cloches
étaient encore expédiés à la Convention nationale.
CONVENTION NATIONALE (1795) 257
Cependant le blé manquait. Les Antibois se cotisent
une fois de plus (22 mars), Guillaume Lamare verse 3,000
francs, J. J. Serrât 6,000, J. F. H. Guide 2,200, le général
Masséna 2,000, Esprit Reibaud 3,000. Le blé vaut 255 fr .
à 300 fr. le quintal, en assignats ; la farine 660 fr. la
charge ; le pain 6 fr. la livre et quelque temps après
10 francs.
On fut obligé de faire mie nouvelle souscription de
50,000 fr. à 5 pour Vo le 26 août.
Les hôpitaux de Vence, de Grasse et d' Antilles avaient
un tel encombrement de malades et manquaient si sou-
vent du nécessaire, que le typhus s'y déclarait.
<Une maladie épidémique règne dans le pays, écrivent
les administrateurs de Grasse à la Convention nationale.
Nous sommes obligés de loger les soldats malades chez les
particuliers, tant il y en a. Les ambulances n'y suflisent
plus (21 février). Nous sommes à la veille d'éprouver les
horreurs de la famine. Jusqu'ici nous nous approvision-
nions à Nice ; et Nice n'a plus de blé. Nous n'avons aucun
moyen de remédier à cette calamité. Au nom des 40,000
habitants de ce district, venez-nous en aide. La tranquillité
pourrait être troubléo Et comprenons-nous que toutes les
communes fêtassent, malgré la famine, la juste punitiori
du dernier roi des Français (8 février), qu'on brûlât les
insignes de la royauté en vouant à l'exécration de l'huma-
nité la monarchie ? Antibes se rendait sur la place de la
Liberté et Grasse, sur le Cours. Nice réduite aux mêmes
extrémités eut la permission d'ouvrir un emprunt forcé
jusqu'à la somme de 60,000 fr. On divisa la population en
cinq classes. La 1'* classe fut imposée de vingt gros écus
neufs d'argent, de six livres chacun, la 2® de douze écus,
la 3* de six, la 4® de quatre, et la 5® de deux.
C'est de Gènes et de Marseille qu'arrivèrent enfin les blés.
Ce qui compensait un peu tant de souffrances, ce fut aussi
le décret de la Convention du 27 pluviôse (15 février), qui
17
258 CHAPITRE m
rétablissait la liberté des cultes. La municipalité de Nice
en félicita son représentant Blanqui à Paris. < Il aurait
été à souhaiter que les cruelles atteintes portées à la liberté
du peuple par une faction scélérate n'eussent jamais mis
la Convention dans la nécessité de rendre un pareil dé-
cret. > L'abbé Garidelli commença l'exercice public de
la religion à Sainte-Réparate, en présence d'un grand
concours de peuple (1®' avril 1795); et la solennité de
Pâques du 5 avril fut splendide. Le représentant Beffroy
publia aussi un décretdela Convention qui défendait, sous
quelque prétexte que ce fût, des rassemblements séditieux :
ce qui fermait les clubs. A cette nouvelle, les Niçois s'em-
brassaient dans les rues, ils se félicitaient d'avoir échappé
aux bourreaux. On mit en état d'arrestation les terroris-
tes de Nice, parmi lesquels nous lisons Trémois, président
du Tribunal criminel, le juge Berrutti, Sereno, J. B.
Maurin Guide, A. Gastaud, Brun, Sasserno, Tiranti, Ray-
naud, le prêtre Guigo, Esmengaud.
XXIX. — AFFAIRES MILITAIRES.
Dumerbion accablé d'infirmités demandait à la Conven-
tion sa mise à la retraite. Il se trouvait à Tende, pour
inspecter les postes, quand il reçut une honorable retraite,
et son remplacement par Schérer.
Barthélémy Louis Joseph Schérer né près de Belfort en
1735, fils d'un boucher, s'éleva lui-même des rangs du
simple soldat au grade dégénérai. Général de division à
l'armée de Sambre-Meuse, il y mérita le commandement
de général en chef de l'armée d'Italie. Nous avons vu le
dénuement déplorable de nos troupes valeureuses. Aussi
n'avait-on j)U que garder ses positions, et par quelle tem-
pérature, sur ces rochers couverts de neige, battus par
Taquilon, pendant l'hiver, au milieu des plus cruelles
privations.
CONVENTION NATIONALE (1795) 259
Il n'y eut que deux petites affaires, celles de l'Infernet
et de Sainte-Anne. Quatre cents Piémontais avaient oc-
cupé pendant la nuit le col de l'Infernet. Les nôtres s'y
élancèrent, le sabre à la main, (3t mirent tout en fuite. Cin-
quante Français eurent raison de la même manière des
Sardes de Sainte-Anne au-dessus d'Isola. < Je ne peux
assez me louer, dit le rapport de Schérer, du courage
et du zèle de la troupe. Au reste nos soldats disent
tous qu'ils s'amusent à peloter en attendant partie >.
Les voyez-vous ces intrépides, s'amuser avec la neige,
malgré leurs souffrances de tout genre. Voilà bien le
soldat français.
Malgré la désorganisation de Tarmée des Alpes-Mariti-
mes, la Convention et le Comité du Salut public donnèrent
l'ordre aux représentants Beffroy et Turreau de faire pas-
ser à Toulon une quinzaine de mille hommes. Schérer
supposant que cette expédition avait pour objet la Corse,
s'étonnait qu'il fallût tant de moiide pour en chasser
6,000 Anglais. L'escadre, sous le commandement du
contre-amiral Martin, prit 3,000 hommes et mit à la voile
dans les premiers jours de mars. Elle passa en vue de Nice,
rencontra l'escadre anglaise près d'Alasséo, 13 mars,
et engagea l'action qui fut sérieuse. Si nous eûmes deux
vaisseaux capturés, /e Censeur etle Caire^nons en déma-
tîimes quatre aux Anglais et nous prîmes le Berwick de
74 canons.
C'est l'exacte vérité sur ce combat d'Alasséo, quoique
le vice-amiral Hotham ait voulu s'attribuer la victoire.
Notre escadre se réfugia partie dans le Golfe- Juan, partie
dans la rade d'Hyères. Le Saiis-Culotte que l'on disait
perdu avait gagné le port de Gênes. Le général la Harpe,
qui commandait nos troupes, écrivit à Joseph d'Allemagne,
capitaine de la frégate la Miney^e^ qui s'attribuait la vic-
toire, une lettre un peu raide, ayant pour titre : Périssent
les tyrans et leurs esclaves !
260 CHAPITRE III
XXX. — KELLERMANN.
Kellermann remplace Schérer , envoyé à Tarmée des
Pyrénées-Orientales. Ce vaillant général, dont le Prési-
dent de la Convention avait dit : L'histoire unira sur sa
tête les lauriers qu'il a cueillis sur le Mont-Blanc à ceux
qu'il a moissonnés à Valmy , arriva à Nice le 5 mai 1795.
Il se mit aussitôt à inspecter son armée, accompagné de son
chef d'état-raajor Berthier, et des représentants Real,
Dumas etBeffroy. Le centre fixa d'abord son attention,
c'est-à-dire le col de Tende, regardant ce point comme un
pivot autour duquel il fit converger tout son plan. Le
massif de l'infernet couvert de neige pendant neuf mois
s'interposait entre les cols de Sabione et de Fenêtres, il
dut s'en tenir à la communication entre Saorge et le
Raous. Mais rappelé à Nice tout-à-coup par une nouvelle
insurrection de Toul«, où il envoya 4,000 hommes, il
se contenta, durant la première quinzaine de juin, du
statu qiio.
Alors le maréchal de Wins, honteux de son inaction,
sentit qu'il pouvait nous attaquer. Nous avions replié notre
ligne derrière Borghetto. De Wins sentant qu'il n'y avait
rien à tenter contre nous au col de Tende, essaya une
trouée par Viozenna.
CoUi était d'avis qu'on attaquât par la vallée de la Sture,
et qu'on occupât le col de la Tinée par les cols Saint-Anne,
Longa et la Lombarde.
De Wins tint pour Viozenna, chose peu facile. Il fallait
prendre à revers les cols d'Ormeo, de Termini et d'Infemo,
ou attaquer de front le col de Tende par les cols de Sabione
et de Pal et par les rochers de Vacarail. Colli avait besoin
d'hommes. 11 en demanda à de Wins qui les lui refusa.
Comme il ne s'attendait pas à ce mauvais vouloir, il avait
déjà mis son plan à exécution. Pour tromper Ids nôtres,
CONVENTION NATIONALE (1795) 261
il avait envoyé un petit corps de troupes dans la direc-
tion de la vallée de Lantosque. Quinze cents hommes s'é-
taient avancés d'Entragues, le !•' août, à quatre heures
du matin, pour nous surprendre d'abord à Freimamorte et
au col des Fenêtres. Nous n'avions là que deux batail-
lons, un bataillon du Puy-de-Dôme à Freimamorte et un
bataillon de la 84® demi -brigade au col des Fenêtres
avec le chef de brigade de TEspinasse ; 500 hommes
seulement gardaient Saint-Martin-Lantosque, aux ordres
du général Sérurier. Rien ne transpira de la marche de
Tennemi.
L'émigré Bonneau était chargé par Colli de mener son
détachement par le col intermédiaire entre Freimamorte
et le col des Fenêtres. S'il réussissait, il devait recevoir son
brevet de major. Mais quelque effort qu'il fit, une affreuse
tourmente lui causa un retard de huit heures. Il y perdit
même 54 hommes et il n'arriva au col de la Cerise qu'à huit
heures du soir. Comme le mauvais temps continuait, et
qu'il s'opposait à ce qu'on escaladât le col des Fenêtres
par le revers, Bonneau résolut de se jeter dans la vallée de
Lantosque, d'y lever des contributions et de gagner la
crête de la ligne gauche de la Gordolasque. Aussitôt notre
poste de la Cerise est envahi ; les nôtres succombent,
ou fuient vers Saint-Martin-Lantosque. Sérurier ordonne
de battre la générale, envoie une cinquantaine d'hommes
du côté de la Cerise, quand Bonneau est déjà dans Saint-
Martin. Nos hommes surpris se retirent, les artilleurs
enclouent la seule pièce qu'ils puissent opposer à l'ennemi,
mais Sérurier rallie les plus braves, risque le tout pour
le tout, tombe sur Bonneau et le blesse à mort. Celui-ci
hors d'état de se défendre, se fait sauter la cervelle ; son
lieutenant tombe à son côté. Cet avantage nous rendit la
valeur. Il était six heures du matin, quand les Austro-
Sardes parurent à leur tour. L'adjudant général Rambaud
les força de rétrograder vers le col de Pierre-Étroite, tan-
262 CHAPITRE IH
dis que le chef de brigade TEspinasse descendant du col
des Fenêtres, tombait sur eux vers la hauteur de la Cerise,
et vengeait notre poste massacré, la veille.
Les fuyards ne se rallièrent qu'en deçà du col de Pierre-
Étroite, qu'ils repassèrent le 3 au matin. Ils laissaient plus
de 600 hommes dont 15 officiers.
Le succès couronna aussi notre valeur au val Longa,
à Saint-Amour et à la Lombarde. Le 2 août, au point du
jour les Suisses de Zimmermann ouvrirent le feu sur notre
bataillon de Maine-et-Loire qui fut obligé de se replier
vers Sabernoi. Mais LaSalcette le ramenant de nouveau,
ils firent une charge à la baïonnette, tuèrent à l'ennemi
un colonel, trois, officiers, beaucoup de soldats et emme-
nèrent 123 prisonniers.
Nous n'avions perdu dans ces combats qu'un aide-de-
camp, treize soldats morts et dix prisonniers, dont deux
officiers.
Le 21 août, Colli s'y reprit sur quatre colonnes. Gamier
arrêta la première colonne venue d'Entragues par Pierre-
Étroite, en vue de Saint-Martin-Lantosque. L'Espinasse
avec la 84® en fit autant au col des Fenêtres. D'Allemagne
au col de Cornio. La neige et le mauvais temps empêchè-
rent la 4« colonne de gagner les cols de Carlino et de la Piga.
Dans son rapport, Sérurier s'exprime ainsi : « Pour-
quoi le jour n'a-t-il pas éclairé les belles actions qui se
sont faites pendant le combat si extraordinaire de Saint-
Martin-Lantosque et sur les autres points. Chacun a fiait
son devoir; sans quoi, nous succombions sous le nombre.
L'adjudant-général Rambaud s'est trouvé partout et a
tout dirigé, et je dois dire qu'il a beaucoup contribué à
l'avantage de cette journée. < Il cite à l'ordre du jour Les-
pinasse. Le général de brigade Charton me rend compte
que, dans l'après-midi, le col des Fenêtres a été attaqué
par un corps de 600 hommes. Quelques coups de canon
ont sufli pour les mettre en fuite. >
CONVENTION NATIONALE (1795) 263
Les combats se succédèrent sur ces crêtes arides et
froides. Là c'est Jansonnet qui de Borghetto imposera
à tout le corps d'armée de Pittoni ; ici La Harpe, à Toi-
rano, tient en échec Cantu ; ailleurs trois bataillons re-
prennent les postes de Sainte-Anne et de la Lombarde,
surpris par un ennemi trois fois plus nombreux. Vau-
bois pourchasse les Austro-Sardes dans le Val de Sture ;
et Kellermann, ayant l'œil sur tout, vole d'un camp à
l'autre.
XXXI. — LES BARBETS.
C'est dans une de ces excursions que le héros de Lan-
dau et de Valmy faillit être tué par un barbet.
De 1793 à 1813, nos soldats français eurent peut-être
moins à lutter contre l'ennemi, que contre ces brigands
dont nous venons de dire le nom.
Les barbets, ou Vaudois réfugiés dans les Alpes-Mari-
times, étaient devenus synonymes de brigands. De là, nous
appelâmes barbets, des bandes organisées de gens sans
gîte, déserteurs des deux camps, qui se vouèrent au lâche
métier d'assassiner, pendant la grande révolution, tout
soldat français qu'ils rencontraient. Ils nous guettaient
derrière un taillis, ou un rocher, et nous abattaient. Cha-
que gendarme, chaque courrier, chaque sentinelle avan-
cée courait un péril presque certain pour ses jours,
puisque tout détour , tout rocher , tout arbre pouvait
receler un barbet. A Roquesparvière de Duranus, par
exemple, ils s'emparaient de leur victime, étouffaient ses
cris avec un mouchoir, la détroussaient et la lançaient
dans le gouffre de la Vésubie, en lui criant : < Va, saute
pour la République ». Cet endroit, qui fait frémir, a gardé
le nom deSatU de la République. Hàtons-nous de dis-
culper les gens de Duranus. On a prétendu qu'ils étaient
tous barbets, quand sur les listes on n'en trouve pas un
264 CHAPITRE III
seul de ce village. Il y en avait un peu de partout. Il ne
faut pas non plus confondre les barbets avec les éclai-
reurs. Les ordres des administrations du département et
de la Convention sont réitérés et très-sévères pour que
personne n'ait à donner asile, ni vivres à ces bandits ;
il faut les dénoncer, les traquer, et la République ré-
compensera quiconque en aura livré quelqu'un, vif ou
mort.
€ Peine de mort, dit le général Garnier , pour quicon-
que donnera vivres ou gîte aux barbets. Que la garde
nationale et les troupes fouillent les bastides et les mai-
sons, et batte la campagne. > Réprimez les barl)ets, écri-
vait de Nice, le comité de surveillance, 23 août 1793 ; la
République vous en récompensera. > Mêmes ordres arrivent
d'Utelle à Lantosque et à Belvédère le 15 et le 29 juillet.
Sallicetti, en se rendant à l'Escarène, avait été effleuré au
front par un coup de fusil d'un barbet. On redouble de vigi-
lance. On en saisit de temps en temps. Garnier rend compte
au comité de Nice de l'exécution de Joseph Thaon, dit
Robion de Lantosque, 28 mai 1794. Ce barbet, assassin de
profession, âgé de 35 ans a déclaré, avant de mourir, que
le maire de Moulinet lui avait donné asile. « Ce pays,
ajoute le rapport, est le rendez-vous de tous ces coquins.
Leur chef Ludovic Charengo s'y promnène librement. Le
11 juin, Mouquot, de Moulinet pris en compagnie de
Thaon, dans la foret de Mairis, et Louis Grinda,de Coaraze,
sont exécutés.
Le comité de surveillance de Nice écrivait de Valde-
blore le 1 1 juin : < Plusieurs des vôtres ont abandonné la
commune et dévastent le pays. Tremblez si vous vous fai-
tes les complices de ces brigands. > Il écrit à Puget-Thé-
niejs : < Les brigands se répandent dans votre district.
Aidez le général à les dissiper. > Utelle et La Tour rece-
vaient l'ordre suivant :< Faites-vous un devoir sacré (le
réprimer les hordes de scélérats et de brigands qui pillent
CONVENTION NATIONALE Cl 795) 265
et dévastent vos quartiers. Nous sommes surpris que vous
ne nous en ayez pas avertis. Est-ce que vous leur donne-
riez asile et que vous pactiseriez avec eux ? S'il en était
ainsi, tremblez. Quoi qu'il en soit, nous vous engageons à
purger le pays de ces scélérats. Envoyez-nous les noms
des miliciens et des barbets que vous connaissez. > Le 14
juillet. Contes doit envoyer sa garde nationale jusqu'à
l'Emberguet d'Utelle et jusqu'à Duranus, qu'on appelle le
refuge des brigands. < Nous savons que Charles Çristini,
Pierre Maurel, Henri Pille du Figaret et Nicole de Lan-
tosque, barbets, se tiennent cachés dans les Manouines
d'où ils dévastent le pays. Que le commandant de Lan-
tosque s'entende avec le comité d'Utelle pour les poursui-
vre. > Le 12 août, ils assassinaient un gendarme sur la
route de Levens, et cela en plein jour à quatre heures du
soir. Ces meurtres irritaient le gouvernement, surtout
contre la vallée de Lantosque dont on malmenait les ha-
bitants. Le comité de Nice écrira à la Bollène : « Vous
avez mal compris notre circulaire ; nous ne vous deman-
dons pas votre concours pour la République ; nous n'a-
vons pas besoin d'un si misérable service. Vingt-sept
millions de Français suffiront sans vous, pour exterminer
le Roi des Marmottes et tous les autres tvrans. Nous
demandons six hommes dans tout le district pour aller
à Paris apprendre l'art militaire. C'est vous faire tort que
de vous en parler. Comme nous voyons par le estille de
votre lettre que vous avez encore l'esprit avili par les
principes de l'esclavage, il vaut mieux que vous ne nous
envoyiez point des gens de votre commune. Nous vou-
lons des hommes et non de timides esclaves qui se tien-
nent toujours cachés pour commettre de lâches assassi-
nats. > Et ici le comité fait allusion aux barbets. Quelle
lettre d'insultes !
Roquehillière dans ces circonstances adressa le rapport
suivant au général Gamier, comme preuve de son patrie-
Si GKJkraSE m
jr : < L'urririssrKiàcit msnkipaîe de œ canton a sjpçm
îTr«r -iz ieisit-r : iiiâr Vé^i d? votre santé et de votre
ie^iz^in : c h~ Jcn i* T^tti? r/vm^fR/ digne à vos mérites
•=^ i - lêfr fïï 'tî-ivi.-rrr ■î*:el vrai répablîcain et digne géné-
ril- >":*i5 l"rr frlirriri-cs t.:-at nnément en se désirant
:it^1:-^ n'tiasàHi i^înr v:<i5 téfli^:4gner notre vif attache-
ra, fc* rc ^rcTTÈSir^ -in !ï»>a monvement qne nous avez
z-ci^yriz^ -rc /:o.!-ôc&>rt -î? vocre Si^joar ea ces cootrées.
I>rZ<ii5 ^ 'zvirs, li 2?krie nati<>nale de ce canton, nuit et
;»v:r. -esc ea n-i-avecaeQt : et t>us les habitants se stmt por-
t.és av-ft? zèl-? e: aEiti-niê excramilinaire, à la vue du bon
exemple ::i cbef de bn^ail!-». Crespd aîné et antres offi-
ciers, ie $i>r5ie -jaliier a réussi à cette garde de taer en
cevie r-Ia?e paK: 51e le capitaine en chef des barbets,nom-
mê Jc-ser-h Fenis&x cet homme tant renommé, lequel est
resté sar le o»>ap à oMé de cène place avec grande joie
ei onienî^menî des habitants. Vive la République. En
suite avoss onJoané à tous les pays de notre ressort avec
cant >ns -je Vâl i-:-M'>re ei d'Utelle de faire prendre tous les
armes aux habitants et envoyer vingt-neuf soldats avec
hisils et munirions Je guerre pour poursuivre les barbets et
en pr^>?u^e^ rexrirf^ation. De plus aujourd'hui nous avons
envovê une patrouille au Flaout, où v étaient les bar-
bets. les ayant chasses et piDursuivis jusqu^au territoire
delà Boliène avec Tassistance de la garde, nationale de
Belvédère. Une autre patrouille s'est portée à Saint-Mar-
tin-I^ntos*iue. et les habitants, à son arrivée, se sont
portés en masse pour les extirper, en attendant quelque
nouvelle de son voyage. Enfin nous avons juré ou d'être
vainqueurs ou d'abandonner notre patrie, en attendant
que de votre part rien n'oublierez pour concourir à la
tranquillité publique. Salut et fi*aternité, >
Mais jugez par le crime suivant de Thorreur qu'inspi-
raient les barbets. Dans une pauvre maison située entre
Loude et Lantosque étaient restées une femme et ses deox
CONVENTION NATIONALE (1795) 267
fllles. Le père de famille et son fils, déserteurs, et des Sardes
et des Français, couraient la montagne avec les barbets. Ils
ne revenaient au logis que la nuit, et avant le point du
jour, ils s'en allaient armés. Ces gens-là avaient eu une
certaine aisance et tenu auberge avant 1793. Ils étaient
doués, raconte Alexandre Dumas, d'une force herculé-
enne. Or, par une soirée brumeuse de novembre 1794,
vers quatre heures du soir, dix éclaireurs français surpris
par la neige et par la pluie frappèrent à la porte de la
maison. On ne répondit rien d'abord. Ils frappèrent encore
rudement, et la pauvre femme ayant caché ses deux filles
dans une espèce de réduit que fermait une porte vermou-
lue se hasarda d'ouvrir : < Dieu vous en a pris, la femme,
dit le sergent-major ; sans cela vous passiez un mauvais
quart d'heure. Avez-vous quelque chose à nous donner à
manger? allons vite, dépêchons, entendez-vous, la mère ?
Messieurs, répondit-elle alors, vous ne savez que nous n'a-
vons plus rien dans ce pays-ci. Je vais vous offrir du peu
qui nous reste. >Et elle tirade l'armoire du pain dur comme
la pierre puis une sorte de chose qui ressemblait à du fro-
mage. Elle mit quelques fascines dans l'àtre, et chacun se
blottit là comme il put. Le sergent-major paraissait jouir
d'un grand ascendant sur ses hommes. Ainsi quand ils
demandèrent du vin : < Est-ce qu'il y a du vin dans ce
pays-ci ? dit le sergent à ses soldats. Quand on n'a pas de
vin, on boit de l'eau. Faites comme moi. — Quel pain de
chien! dit l'un d'eux! —Encore trop heureux d'en trouver.
Si tu le trouves trop dur, fais comme moi, trempe-le dans
l'eau. > La pauvre femme revenait un peu à elle et la con-
versation s'engageait même entre elle et le sergent, si
bien qu'elle alla tirer du fond d'un placard une bonne bou-
teille d'eau-de- vie. Ce qui mit chacun en liesse. La bonne
femme avait parlé de ses filles. Les soldats demandèrent
aussitôt où elles étaient, et voilà qu'ils font le tapage. Les
filles s'élançaient par la fenêtre en fuyant. Cependant en-
etô CHAPITRE m
trem le père et son fils. Les soldats restent interdits à la vue
de ces rudes montagnards qui portaient leurs fusils en ban-
doulière , ei avaient sous leur large chapeau une figure
qui imp:«sait. Femme.dit îe père,en regardant les éclaireurs
français, as-tu donné à ces braves ce qu'ils te demandent?
—Oui, tout ce que j'avais, mais...— Allons, ne vois-tu qu'il
fait froid, que chacun de nous est fatigué. Va nous cher-
cher ce que tu as de mieux dans la cachette. — J'y vais,
répondit la femme — 11 ne sera pas dit que des soldats fran-
çais soient venus chez nous sans être satisfaits. > Lesergent
ne soufliait mot, les autres soldats se félicitaient d'avoir si
bien rencontré. L'eau-de-vie arrive. Le Lantosquin verse
rasade sur rasade et trinque avec eux, jusqu'à ce que nos
soldats déraisonnent, et tombent d'ivresse. Oh ! mainte-
nant, écoutez. Quelle horreur ! Le père et le fils s'armant
chacun d\me hache abattent l'un après l'autre la tète de
ces infortunés, et les jettent dans le gouffre à côté. La nuit
cacha cet horrible forfait. En une heure, tout fut expédié.
Le lendemain éclaira ces deux crimes. Lorsqu'on eut
trouvé ces cor|)s mutilés, on avisa le général Garnier ; on
fouilla dans tous les environs. A Nice, le comité et les
administrations poussèrent les hauts cris, on redoubla de
sévérité à regard des Vésubiens, surtout à l'approche des
fèt-;»s de Noël. Mais plus Ton sévissait, plus les barbets
frappaient dans Tombre. Ajoutons à ces temps si troublés,
l'ouragan qui bouleversa la vallée, précisément en la nuit
de Noël de <*ette année 1794. On eut dit que le monde
allait thiir. Notre re<loute du Tuech, contre laquelle tous
les efforts de Tennemi avaient échoué , même dans les
comhUs du Raous et de l'Authion, fut complètement rui-
née par ce vent terrible mêlé de grêle, de foudres, de
pluie et (le neigo. Nos soldats épouvantés et renversés
poussaient dos cris affreux. Plusieurs périrent écrasés,
le reste descendit mutilé, en disant : Nous croyions que
c'était la tin du monde. Le ciel combattait contre nous.>
CONVENTION NATIONALE (1795) 269
Cette nuit de Noël de 1794, dans ces montagnes, rap-
pelait l'épouvantable légende de la reine Jeanne dans
son château de Roquesparvière, aussi dans la nuit de
Noël... Ah ! Ces deux époques de terreur se ressem-
blaient-elles bien en forfaits inouis contre Dieu et contre
les hommes ?
Les barbets continuèrent leurs scélératesses en 1795.
Ils conspirèrent même contre les jours de Kellermann. Le
vainqueur de Valmy, montant en voiture la pente escar-
pée qui conduit sur les hauteurs de l'Escarène, au même
endroit où Salicetti avait failli périr, entend le sifflement
d'une balle qui traverse la portière et effleure son front.
L'aide-de-camp s'élance aussitôt, et le pistolet à la main
court aux brigands, et aidé de ses hommes, il parvient à
en arrêter trois, qu'on expédia bien vite.
Pour en finir, on forma des meilleurs tireurs et des gens
les plus décidés une troupe de chasseurs qui eurent pour
cheflecorse Albertini,etdontle quartier-général futàLan-
tosque. On mit de nouveau à prix la tête des barbets.
C'est ainsi que nous lisons sur les registres de Belvédère
50 fr. de gratification à Joseph Castelli de Belvédère
pour avoir tué de sa main le barbet, Otto de Lantosque.
Le maire de Belvédère écrit au juge de Coni que le
barbet Salari, dit Renard j poursuivi par ses gardes natio-
naux, s'est réfugié dans sa province. Grasse, Saint-Paul,
Puget-Théniers, tous les districts en 1795 font la chasse
aux barbets.
Kellermann était disposé à donner une nouvelle impul-
sion à la guerre des Alpes-Maritimes ; la Constituante lui
envoyait même du renfort et il venait avec Masséna et
Berthier de vaincre de Winsà Champ-de-Prêtre, 19 sep-
tembre; il portait à l'ordre du jour Saint-Hilaire et
Marnet, quand il reçut la nouvelle de sa destitution.
Kellermann ne put contenir sa douleur indignée, en re-
mettant son commandement à Schérer.
iTO CHAPITRE HI
TTUTT, — LA SITUATION GÉNÉRALE A LA FIN
DE LA CONVENTION.
La majorité de la CoQTentioD, en se prononçant contre
Robespierre, se proposait de rétablir l'ordre l^al. On con-
serva le tribunal révolationnaire , mais dans un sens
plus modéré , on amoindrit Timportance du Comité du
Salut publie, on supprima la Commune de Paris, on abo-
lit le maximum, les réi^uisitions. et on ouvrit les prisons.
Une faction, sous le nom de jeunesse dorée, vêtue en
signe de ralliement du costume à la victime, armée de
bâtons plombés, assaillit partout les Jacobins ou Robes-
pierristes dans les rues, au théâtre, aux clubs. C% que
voyant les débris de la Commune et de la montagne se
coalisèrent, en soulevant le peuple affamé. L'émeute du
I*' avril 1T95 fut réprimée facilement ; celle du 20 mai
(1** prairial; envahit la Convention, qui ne dut son salut
qu'à la garde -nationale. •
Parut ensuite la Constitution, dite de Tan III qui établis-
sait le Directoire, et confiait le pouvoir législatif à deux
assemblées, les Cin«|-Cents et les Anciens. Il fallait procé-
der à de nouvelles élections. Le parti royaliste espérait
obtenir une majorité qui préparerait la restauration mo-
narchique. La Convention décréta alors que la prochaine
législature se composerait pour les deux tiers de conven-
tionnels : c'est ce qu'on appela Tarticle additionnel. Paris
rejeta le décret, les royalistes voulurent que la décision
de Paris fût celle de la France entière et 40,000 insurgés,
dans la journée du 13 vendémiaire, menacèrent la Conven-
tion (5 octobre.) Barras choisit Bonaparte pour lieute-
nant. La prédiction du Chàteau-Salé recevait son accom-
plissement. Bonaparte,du parvis de Saint-Roch,mitraillait
rémeute et recevait le commandement en chef de Paris.
A Nice, à Antibes, à Grasse, à Vence, même tous ces
CONVENTION NATIONALE (1795) Î71
mouvements de Paris se font sentir. Ainsi le chef du
C!omité de Surveillance de Grasse écrira, le 20 avril 1795,
à la Convention : < J'ai jugé à propos de mettre Grasse en
état de siège, afin que le gouvernement militaire donne
plus de force à la loi. On a mis en arrestation les individus
dénoncés comme terroristes et Robespierristes : ce qui
s'est fait sans troubles. > Le bon ordre règne à présent. Sui-
vent les noms des suspects : P. Gérard, cadet, M. Malvilan,
M. Roubaud, B. Jaume, Niel fils, J. Girard, cadet, Isnard,
S. Cavalier. Nous avons vu qu'il en avait été de même à
Nice.
Nice, dans la fête du 10 thermidor (28 juillet 1796) eut
sa réaction et sa petite émeute royaliste. Le général Casa-
blanca commandait et il y avait une grande mésintelli-
gence entre la garde-nationale et la troupe. Le parti
royaliste prit fait et cause pour la garde-nationale. Les
malveillants, dès la veille, parcoururent la ville en chan-
tant le réveil du peuple. Le Conseil municipal s'assembla
à dix heures du soir pour aviser aux moyens d'empêcher
le trouble. Ni la gendarmerie, ni la troupe ne purent rien.
Le lendemain la garde nationale cria : A bas le Conseil
municipal ! A bas tous les partisans de la Nation ! On fit
quelques arrestations. Lorsqu'arriva la fête du 10 août, on
ne convoqua que l'état-major de la garde-nationale. Les
instituteurs et les élèves participèrent surtout à cette
solennité. Les maîtres prêtèrent le serment d'inspirer à
leurs élèves des sentiments républicains. Des chants civi-
ques, accompagnés d'une musique guerrière, suivirent cet
engagement solennel. Le soir, on donna des jeux publics.
Les juges des prix choisis parmi les instituteurs siégeaient
sur l'estrade, tenant à la main les palmes et les couronnes
de laurier. Les élèves chantèrent un hymne à la Liberté,
des danses terminèrent la journée. Le 10 fructidor (27
août) autre fête, dite de la Vieillesse. On lisait sur une
banderoUe flottant à l'arbre de la Liberté : Gloire à nos
272 CHAPITRE III
défenseurs, respect à nos vieillards ! Les vieillards des
deux sexes furent conduits en procession à Tautel de la
Patrie et couronnés de chêne par les magistrats. On leur
servit un banquet civique et Ton chanta des couplets dont
le refrain était : Honneur, honneur à nos vieillards ! Au
dessert, des troupes d'enfants accoururent vers les tables
pour couronner encore les vieillards et les embrasser. La
musique joua le rigodon, et tous nos vieillards se mirent
à danser.
CHAPITRE IV.
LE DIRECTOIRE (1795-1799.)
E Directoire entre en séance le 27 octobre 1795. Barras,
(^i\s. Réveillère-Lepaux, Rewbel, Letourneur et Camot
sont les cinq directeurs. Nous avons pour représen-
tants à l'Assemblée des Cinq-Cents : Barrière de Saint-
Jcannet, Maxime Isnard de Grasse ; à Nice, c'est Blanqui
et Dabrav.
Au dehors l'Angleterre , l'Autriche, l'Espagne et une
partie de l'Italie restaient armées contre nous. A l'inté-
rieur, le malaise et la désorganisation étaient partout :
dépréciation des assignats, rareté du numéraire, diffi-
culté de faire rentrer les impôts, armée mal vêtue, mal
nourrie, faute d'argent, telles étaient les difficultés contre
lesquelles le Directoire ne sut pas lutter, pendant les qua-
tre années de sa durée. Aussi tombera-t-il , autant sous le
discrédit public, que sous l'épée de Bonaparte.
Ce qui continuera pourtant de faire le plus d'honneur à
la France, ce sera notre armée, grâce à son courage in-
trépide, soutenu par l'obéissance envers ses chefs et par
l'amour patriotique.
18
274 CHAPITRE IV
I. — VICTOIRE DE MASSÉNA A LOANO.
Schérer savait qu'après la disgrâce dont Kellermann
était l'objet pour la troisième fois, il devait, en lui succé-
dant, se signaler par quelque action d'éclat. Il équipa,
comme il put, à force de réquisitions, de dons patriotiques,
les 40,000 hommes de Tarmée d'Italie ; garda tout le plan
de campagne du brave Kellermann, et résolut dans le con-
seil de guerre une attaque générale pour le 15 novembre.
Mais il tomba tant de neige sur la montagne dans la nuit
du 14 au 15 novembre, que les généraux La Harpe et
Sérurier dépêchèrent à Sospel, où se trouvait Schérer,
pour l'avertir qu'on ne pouvait rien entreprendre pour le
moment, Schérer prit aussitôt l'avis de Masséna, qui lui
soumit un autre plan de campagne. L'ennemi occupait les
bergesescarpées du Tanaro.Oîi marchait sur le centre; on
mençait la retraite de la gauche par une masse imposante
sur les derrières de rennemi , et on le refoulait dans les
plaines de Loano. 11 fut décidé qu'on formerait trois atta-
ques, une fausse et deux véritables. Les troupes comman-
dées par Sérurier, ayant sous ses ordres Miollis, Pelletier,
Vicose furent, destinées à attaquer le camp de Saint-Ber-
nard et de la Pianetta, et à tenir en échec tout ce qui se
trouverait dans la gorge de Garessio, si elles ne pouvaient
s'en rendre maître.
Le centre avec Masséna ayant sous ses ordres La Harpe,
Charlet, Saint-Hilaire. Pijon, Mesnard, Bizanet, Cervoni,
attaquerait l'ennemi par son centre et couperait dans les
lignes de Loano le corps d'Argenteau de celui de de Wins.
Le 3®corps, avec Augereau, Banel, Victor et Dommartin,
emporterait la droite des troupes de de Wins, appuyées
à Monte-Calvo , et couperait la communication avec
d'Argenteau.
Le 22 novembre, à la pointe du jour, neuf chaloupes
LE DIRECTOIRE (1795-1799) 275
canonnières et un brick vinrent prendre position sur la
plage entre Borghetto et la Piétra pour inquiéter le flanc
gauche de l'ennemi.
Masséna avait rappelé de TAlpi une partie des bataillons
qui y stationnaient. Les Autrichiens qui ne demandaient
pas mieux que de prendre leurs quartiers d'hiver, ne son-
geaient à rien autre chose. De Wins, malade à la Piétra,
d'un rhumatisme et d'un abcès à la bouche, croyait la
campagne terminée et disait à Wallis de s'occuper des
affaires de service. Masséna, sans que de Wins s'en dou-
tât le moins du monde, le 21 novembre, harangua son
armée qui lui répondit par des cris d'allégresse et de pa-
triotisme. Le 22 novembre, samedi (2 frimaire), le signal
fut donné à six heures du matin par deux fusées parties
du mont Santo-Spirito, auxquelles répondit une bordée de
chaloupes canonnières. A l'instant Augereau fit avancer
1700 hommes de troupes légères sous les ordres de l'adju-
dant-général Rusca pour occuper les trois mamelons qui
formaient les avant-postes des Austro-Sardes. Les deux
premiers furent emportés sans tirer un coup de fusil, le
troisième opposa une longue résistance et l'ennemi finit
par en sortir pour être reçu par les troupes du général
Victor qui en fit un véritable massacre. Cependant le
général Banel, avec 2,500 hommes, prenait le village de
Toirano ; mais en gagnant les hauteurs auxquelles était
flanquée la droite de l'ennemi, il fut blessé au cou et
remplacé par Lannes aidé de Rusca. On emporta quatre
positions fortement retranchées. Une partie des fugitifs de
Toirano s'étaient réfugiés à la Chartreuse de Bardinetto ;
Augereau y envoya Dommartin qui força l'ennemi à
capituler. Un général , un colonel , des officiers et 600
hommes se rendirent à discrétion.
Masséna opéra avec un admirable sang-froid dans les
conditions les plus difficiles. La Harpe et Charlet prirent le
poste important de Roccaberno, puis ceux de Malsabecco
éc îd Eîaae:* -21 7 ihî.stns tul zruid carnage. Le gros de
r-HTnrqnt, iiibc& i 5arrnrtsj, Iâeb& pied ; Cervoni lui alla
3arr^r .« rnenin^ irn ^imîïîisaïiait aux hauteurs de Set-
^eoaii ^ itt Vr4t:gnf:> p^uisizic que llassêoa montait s'en
angarsr. -s Les*^^tLin: ie !à â Soii-Paniâleone et à Gorra
siKir jr?!i<îr*f l'-^rrt^nt i 'ic^. à «jQ ne le forçait pas dans
jas.îgne^ieLcaji:,
Senrisr inizèdiii j2* P^emoacab de secourir Argentean.
A 'nriis ieur^ in îccr. le «utre de Tennemi était coupé.
Arsen^irai se rrçîfar: .a nsn sar bs hauteurs de Gorra et
de FTT.sIe pccur -TUTTir L'èTat^oation de ses magasins de
Fîule- Cfrv :ci iT^a: r^M r*xdre «le cerner d*Ar^nteau,
ceiïi>^ ±z r^rihe precipcumnieM sur Vado , abandon-
mviz :.:cr: vre ::i: 1 1: r«scaîî *ranillerie et plus de cent cais-
secs : AjXv i-=s !iOcr» poarsuiTîrent la retraite. Le fort
de Vii.:* ec Ir^ Liii^eurs de SaTone restèrent en notre pou-
Totr. Telle es: cec:e Tîecoire de Loano« qui coûta aux
Ausrr:-<?arôrs ' i.u5 de 3*»1m> morts . 6.000 prisonniers ,
+S pi«ècfs le o-.iH-C, 5 drapeaux ec plus de 100 caissons.
Les repre5ec:Az:5 iu peupie. Peyre et Ritter. rendent jus-
tice a*jx A'^str.^-^ird-es, < Ils ont combattu comme des
lions, mais ils ont eu ;\fl&dre avec des Français. Des re-
doutes à rriple eca^e oat été enlevées au pas de course. >
M:\sseaa dans >?n rapport à Schêrer dira : 11 n'est point
dVxpression assez forte pour exprimer le courage du sol-
dat. Les fatigues ^\ril a essuyées, Tintrépidité qu'il a mon-
trée, son adresse, son anîeur et son dévouement pour la
cause de la lilvTté doivent faire trembler les tyrans coali-
sés. » 11 jKirle de la Harpe qui s'est signalé à Monte-Lingo et
à Roccaberna : de Cervoni à Bianco et à Bardinetto ; il
loue Pipon et radjudant Joubert.
De Wins qui ivpétait : Je ne quitterai mes bottes qu'à
Nice, ne se débottera pas de longtemps, disait-on dans les
deux camps. — On placarda dans les rues de Gènes une
caricature qui le représentait à cheval sur imé écrevisse ;
LE DIRECTOIRE (1795-1799) 277
au-dessous on lisait :< Il caporale de Wins che vadiretlo
a Parigi. > Il dut s'en aller en Piémont dans une chaise
à porteur pour ne pas tomber entre nos mains. Cette éva-
cuation s'effectua au milieu de murmures et de manifesta-
tions peu flatteuses pour le feld-maréchal.
Schérer publia de Vado, le 20 décembre, la proclamation
suivante à l'armée :
€ Soldats d'Italie, vous avez vaincu nos ennemis : vous
avez montré une valeur héroïque et vous avez bien mé-
rité de la Patrie Mais après avoir triomphé par la
liberté, plusieurs d'entre vous se sont déshonorés par des
vols, des incendies et d'autres forfaits Soldats, votre
père vous avertit pour la dernière fois de mettre fin à
des procédés qui flétriraient la réputation de l'armée d'I-
talie. 11 punira, selon la rigueur des lois, toute espèce de
délits et rend responsables les chefs de tout grade de ce qui
pourra se passer dans leur commandement respectif...., >
La rigueur de la saison amena une suspension d'armes
forcée, sans qu'il y eût pourtant aucune convention.
Jugez des transports de joie qui éclatèrent du nord au
midi, quand on apprit la nouvelle de la victoire de Loano.
An tibes célébra encore le nom de Masséna. Marcel Masséna
y commandait en second sous les ordres du général Parra
qui depuis le 24 octobre avait remplacé le général Barthé-
lémy, Marcel avait succédé le 7 novembre au chef de bri-
gade d'Héram.
Années 1706.1797-1708.
Heureusement pour Nice , entrèrent dans le port
quatorze bâtiments génois qui apportaient 130,000 liv. de
blé, 16,000 liv. de fèves, 6,800 liv. de fruits. 1,650 liv. de
poisson salé, 2,900 liv. de fromage, 6,700 liv. de riz, 2,600
liv. de vermicelles, 1 ,000 liv. de jambon et lard salés, etc...
Le pain fut fixé à 4 fr. la livre, valeur numérique (18 jan-
vier). La charge de blé coûtait 1,400 fr. en assignats.
:?»?• Lcr nftT^*t*j^ -s mir:: X nnr "Bar rimrftpr jsfc ittsnsa^jii
je5 jmr5 te: "^*=»mp. flar^s- r^oir iwsk:. âaissx Srû:^ la
.=-? =3^3 îM3rt:i,w îï 3BF OHl I. *^'«gir i:* TTaLIE
rouiGfflrtî H!^:^r^^ 4 >flK j^ ^ TOCS. iT^e •JttOT^, s»
5îf!r;*air^- -ît ^Timir^ «m ifiéif mie— tt»— !aji&^ E >Tee dans
r^r^Uir it yi'm i-Tir ^:^^^L Tuimtiîs^^r^iàjn centrale.
::z^-S>;rier ":i*tîi LTl:^:TSJ:lImiî^^ H >:ciz.î «l'^tever s<»i
irrziit^r i " , - J'L X'.mTTH^ fc ii r«ïij:'r^ir.T -îes rroopes qui
a& zrzrm^r^' iiiz> 'jt zui- 1 a3(;*^^ i::;r4$ «ie lui Benhier
piiir lie:' Tr'iii-ziii «c -?: ^liJf^r^i îOG e:cipa2i-:-ie. dont
îl X Tf^^rTi-L' fc .:l r-ffiî iaz.1 Si :-:citnf>f . < LeGouver-
zjrciec; i'r:ec': if z.-:»^ if^ri^î-fs ^Àzt?.*?, ecrivaii-il à
Cfa.i:iTai. ; z"! iTi^-T -rïiTrT:^ i »>êo?s : il ùai les réaliser et
tîrrr 1 • Piine îe li :rL5*f •': fL-r s* :r?ctTe, Hàtez-vous de
T-=nir. ;'ài Ses: ci :»r i->::^-» Ez œ rakae )oar, 27 mars, il
lancii: ^ye-n^ io:oLiZ2:i::i*xi Cr.r .r?, qu*oa lisait au front
< Soldais. Toas ècces aa> . mal xkmutîs ; le Goaveniement
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 279
VOUS doit beaucoup, il ne peut rien vous donnef ; votre
patience, le courage que vous montrez au milieu de ces
rochers sont admirables ; mais ils ne vous procurent au-
cune gloire; aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je veux
vous conduire dans les plaines les plus fertiles du monde.
De riches provinces, de grandes villes seront en votre pou-
voir; vous y trouverez honneur, gloire et richesse. Soldats
d'Italie, manquerez-vous de courage et de constance ? »
Ces quelques mots, dit Toselli, électrisèrent Tarmée. En
effet, Bonaparte, cet homme de génie, est resté maître en
harangues militaires. Le même jour, il dîne chez Schérer
dont il n'a qu'à se louer. Le lendemain, il apprend que
le 3® de la 209® demi-brigade, campée sur la place de la
République, se mutine. Il descend de son appartement, il
y court et apprend qu'ils refusent de marcher, parce qu'ils
n'ont ni souliers, ni argent. Sa présence seule impose aux
factieux, tout rentre dans l'ordre. Notre armée formait
neuf divisions, dont deux d'avant-garde aux ordres de
Masséna ; la 3®, à Breil, sous Macquard; la 4% à Roquebil-
lière, sous Garnier. Les quatre autres faisaient le corps de
bataille ; et la 9® restait pour le service du littoral. Gau-
tier de Kervéguen commande à Nice ; Parra à Antibes. '
Le 29 il ordonne à Parra de requérir l'administration
d'Antibes afin qu'elle emploie la garde nationale au ser-
vice de la place. Le 30 il s'excuse, à cause des affaires
pressantes, de ne pouvoir assister à la fête de la Jeunesse.
Le 1*' avril, il chargeait Casablanca du littoral depuis la
rivière d'Argens jusqu'à Marseille ; et le 2 avril, après
avoir pensé à tout, il prit le chemin de Villefranche, en
s'arrètant à son passage chez le comte Laurenti pour Tem-
brasser. Le 3 avril, il avait son quartier général à Menton
et le 5, à Albenga. Le 12 avril, il débutait par la bataille
de Montenotte, où Masséna, dit le rapport, parut en don-
nant la mort et l'épouvante sur le flanc et le derrrière de
l'ennemi où commandait d'Argenteau. Le canon s'éloigne
tȈ CHAPITBB IV
de nos AIpes-Maritimes. La victoire de Mondovi, 28 avril,
amène rarniistice de Chirasco qui sera suivi de la paix de
Paris^ par laquelle le roi de Piémont abandonnera à la
France Mce, la Savoie, Coni, Tortone et Alexandrie. La
victoii'e de Lodi, 10 mai, nous ouvrira les portes de Milan,
où Bonaparte entrera, le 14.
La paix de Paris, publiée à Nice le 9 juillet par le gé-
nénil Gasabianca^ y fut célébrée par un banquet , par des
danses sur la terrasse, et par une illumination générale.
Cette campagne d'Italie, véritable marche triomphale,
amena le Pape à signer le traité de Tolentino, 15 février
175)7, par lequel il renonçait à une partie de ses États et
auComtat d'Avignon ; et enfin, comme on en était con-
venu, toutes les armées menaçant Vienne, Bonaparte dé-
terminait Tempereur d'Autriche à signer le traité de
Campo-Formio, 17 octobre, ce qui mettait fin à la pre-
mière a^alition. Tant de gloire pour un général de vingt-
huit ans effraya le Directoire qui envoya Bonaparte à
Texpéiiition d'Egypte et replaça Schérer, une troisième
fois, à la tète de larmée d'ItaUe.
Miisst^na, mesurant son vol à celui de Bonaparte, avait
fait des pnxiiges de valeur à Montenotte, décidé la victoire
à Millesiuio et sVtait signalé à Diego et à Lodi. Bonaparte
lavait dêooiv à Vérone le â5 mai du titre cT Enfant chéri
delà cictoire. Le 14 août, il méritait ce nouvel éloge:
€ Masst^ia, actif, infatigable, audacieux, d'un coup d'oeil
sur, d*une rè^olution prompte, compte pour six mille
hommes de plus, dans son conmiandement. » Lorsque
Bouai>arte IVnvoya à Paris pour les préliminaires de
LèolH'u, la capitale le reçut avec des transports d'admi-
ration. Le 9 mai 1797 le Directoire lui donna une audience
publique et solennelle, et il fut salué d'un tonnerre d'ap-
plaudissements. On lui décerna des armes d'honneur.
Combien Antibes et Nice devaient ètrefières de Masséna !
Pendant celle période glorieuse des guerres de Bona-
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 281
parte, si Tarmée avait quitté nos Alpes-Maritimes, le pays
n'en avait pas moins à lutter ici, contre les barbets ; là,
contre l'indiscipline des troupes, partout contre la misère
publique. Entendez les habitants de la vallée de Lantos-
que: « Nous manquons de bras pour les travaux de la
campagne ; les assignats valent six deniers de moins la
livre ; les biens ont été dévastés par les troupes can-
tonnées chez nous , sans compter les coups, les menaces,
les injures qu'ils nous ont prodigués, ce qui remplit nos
esprits de frayeur et de mélancolie, et cause l'épidémie
qui sévit chez nous depuis trois ans... Nous sommes ré-
duits à la dernière extrémité, à lapluscruelle misère, ayez
la charité de nous obtenir au moins le remboursement des
frais que nous avons faits et des dommages que nous a cau-
sés l'armée. Depuis 1793 nous n'avons reçu que 2,000 fr.
en paiement des 267,825 fr. qui nous sont dûs.> — Saint-
Martin réclame 132,731 fr.; La Bollèno 36,490 fr. ;
Roquebillière 22,500 fr. Malgré cet état misérable, les
réquisitions ne cessent pas. On leur demande ce qu'ils ont
encore d'argenterie et de bijoux provenant des églises.
La garde nationale devait, en outre, parcourir les bois
et les montagnes pour saisir les barbets. — < Nous remer-
cions les communes de la vallée de Lantosque, dira Louis
Otto commandant à Lantosque, de leur concours géné-
raux. Mais ayant appris par le citoyen Balari, venant de
Levons et de Loude, que les barbets se montrent en grand
nombre, envoyez-nous encore vos hommes pour la dé-
fense du pays. > — A TEscarène une sorte de tribunal mili-
taire fonctionnait continuellement pour juger et exécuter
ceux qu'on saisissait. Un certain Fulconis mis à mort à
TEiCarène fut placé devant la maison de sa propre mère,
puis promené dans le pays, et enfin son corps jiorté à Nice,
à dos de mulet, fut traîné ainsi, ô horreur ! dans toute la
ville. Cette scène se renouvela encore le 13 mai 1795
pour un autre barbet. Le corps était lié sur un mulet, et
282 CHAPITRE IV
avait le poignard attaché à la main et le fusil sur le
dos.
Plus hardi que jamais, en 1798, ces bandits dévalisèrent
le courrier de Nice à Turin et tuèrent les deux gendarmes
qui l'escortaient. Ils tirèrent à TEscarène sur le poste mili-
taire. Un de leurs chefs les plus fameux se nommait Contin,
originaire de Drap. Il avait organisé sa bande, comme
celle de Mandrin . Garnier traita avec lui, parvint à s'en ren-
dre maître et l'envoya au bagne de Toulon, où ilmourut.
Nice, de 1794 à 1798, éclate souvent en plaintes amères
contre l'indiscipline de la troupe. Autant le soldat fran-
çais en campagne obéissait et volait à la gloire, autantil
ne connaissait pi us de maître dans sescantonnements.Mais
c'est surtout en 1797, que l'administration municipale se
plaignait.
III. — LE 18 FRUCTIDOR. — 4 SEPTEMBRE 1797.
Les Jacobins ou terroristes avaient relevé leur drapeau
sanglant. Le parti royaliste de son côté annonçait haute-
ment le retour prochain de Louis XVIIl. GracchusBabœuf,
s'inspirant de son histoire romaine, demandait le partage
des biens. Le Directoire, qui avait pour lui l'armée, fît cer-
ner par Augereau les salles des deux assemblées, condamna
à la déportation les deux directeurs Carnot et Barthélémy,
soupçonnés de royalisme, et avec eux vingt membres
des Anciens et quarante-deux des Cinq-Cents. Telle fut
cette journée mémorable du i8 fructidor an V. ou du
4 septembre 1797. Cette réaction se fit sentir par toute la
France. On rétablit la plupart des lois révolutionnaires,
on arrêta les suspects, on fit la chasse aux émigrés et aux
prêtres : on obligea tout les citoyens de se montrer fran-
chement républicains, d'assister aux fêtes de la patrie et
aux solennités décadaires.
Un certain nombre de citoyens de Nice avaient pris une
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 283
manière de se coiffer et de s'habiller tout-à-fait originale.
Les soldats les insultaient, comme portant des signes de
ralliement. On en vint des injures aux coups, et chaque
jour ces provocations amenaient des rassemblements et des
troubles.Un certain Lupi, soldat corse, excitait surtout les
autres soldats contre les civils. La garde-nationale l'ayant
arrêté sur la place de l'Egalité et conduit en prison, le gé-
néral Garnier riposta en incarcérant le sergent du poste de
la maison commune. Le tumulte augmenta, 7 août 1797.
On informa, et l'on prétendit que les deux Villaret,et Arlet,
capitaine de génie, dit le Père éternel, étaient les fauteurs
cachés des troubles qui affligeaient la commune ; qu'ils
voulaient former de Nice une nouvelle Vendée ; qu'ils
avaient avec eux tous les émigrés rentrés dans le pays,
et les prêtres.
La municipalité avertit Garnier que le 13 août la
troupe devait s'ameuter contre la population : < Ce ne se-
ront plus les cade7iettes et les oreilles de chie7i qui leur
serviront de prétexte, mais le besoin de nous mettre en
hostilité avec Tannée. > La jeunesse dorée portait les che-
veux tressés en cadenettes, tandis que les Jacohiis avaient
les cheveux plats et non poudrés. Lannes reçut l'ordre de
se rendre à Nice à la tète de sa division de dix mille hom-
mes. On savait Sa proclamation à Aix : < Aristocrates,
j'arrive demain, vous n'êtes plus. > 11 entra en effet à Nice,
le 5 octobre, déclara la ville en état de siège et menaça de
la livrer à discrétion : < Si vous avez dix mille hommes à
vos ordres, lui dit le maire, baron Alexandre Pauliani,
j'ai pour moi toute la population. Au premier coup de
tambour, je ferai sonner le tocsin. >
Le maire écrivit au ministère de la police générale, puis
au général Bonaparte. Il paraît que la conduite des aides-
de-camp du général Lannes, le 25 octobre, dépassa toutes
les bornes: « Est-ce ici, la municipalité ? demanda l'un
d'eux. Quel logement nous avez-vous donné? Com-
284 CHAPITRE IV
ment f... coquins, Jean-f...? vous nous le payerez, scélé-
rats, nous vous ferons guillotiner. La neuvième colonne va
venir, elle vous fera marcher la baïonnette en avant. . . Vous
serez fusillés, canailles que vous ètes>. — Nous voyant
traités de la sorte, dit le rapport, nous avons cru prudent
de ne rien répondre... — Le maire donna sa démission et
avec lui six autres officiers municipaux.
Le Directoire l'accepbi et nomma Guide (J.-B.), Cha-
baud, Chartroux, Cougnet, Jaume, Séguin et Rousset.
Une société anti-royaliste, sous le titre de Comité cons-
titutionnel, se forma en même temps. On exigea partout le
serment de haine à la royauté^ et cette nouvelle adminis-
tration rendit hommage au Directoire pour avoir sauvé la
Constitution de l'an 111, en déjouant la plits horrible des
conspirations qui aurait été Varrêt de mort des patrio-
tes de tout le globe. < On voulait faire périr, disaient-ils,
par le fer et l'infamie tous les défenseurs de la liberté et
nous donner des fers que des milliers d'années n'auraient
plus brisés. Rendons grâce au 18 fructidor, au gouverne-
ment et aux défenseurs de la Patrie. Nous n'acceptons
nos places que dans Tintention de défendre le gouverne-
ment. Etrangers à toute haine de parti, nous nous occu-
perons sans relâche du bon ordre de la commune ; nous
n'agirons et ne vivrons que pour les lois, les ordres du
gouvernement et le bien public Que des moments de
souffrances, inséparables d'une grande révolution ne nous
dégoûtent pas. . . Le vaisseau de la grande nation touche
au port ; Soyons tous unis, tous républicains; il y entrera,
un moment plus tôt, et un moment plus tôt, nous joui-
rons des douceurs qui en dérivent. >
Notre Isnanl de Grasse qui avait été envoyé dans le
départemT^nt des iJouches-du-Rhône pour y arrêter les
terroristes s'ex|)rimnit en ces ternies : « Si vous rencon-
trez des terroristes, frappez-les; si vous n'avez pas d ar-
mes, prenez des bâtons ; si vous n'avez pas de bâtons.
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 285
déterrez vos parents, et, de leurs ossements, assommez les
terroristes ! »
Vence et Grasse avaient aussi leurs troubles en 1797.
A Vence, l'administration cantonale eut avis que les
royalistes devaient se rendre armés à l'assemblée primaire
le 21 mars, pour les élections. Le président cantonal, M.
Charles Guérin, afficha la proclamation suivante :
€ Quel esprit de vertige s'empanî devons ? Factieux,quel
est votre espoir en cherchant à troubler la tranquillité pu-
blique qui règne dans le canton depuis le 9 thermidor. Ou-
vrez les yeux, insensés, vous courez à votre perte,en enve-
nimant les plaies qui saignent encore et en vous montrant
si peu dignes d'un pardon accordé aux crimes des uns et
aux erreurs des autres. L'impulsion étrangère qui vous
donne ces perfides conseils, les fourbes qui vous mettent
en jeu, ne vous donneront aucun secours ; ils tenteront en
vain de vous soustraire au glaive vengeur des lois. Le
peuple n'est plus la dupe de ces perfides insinuations. >
Le complot fut déjoué. Les royalistes répondirent à la
proclamation de M. Guérin en parcourant la ville au cri
de: Vive le Roi ! Mort aux républicains ! A bas les buveurs
de sang ! Le président Guérin imposa à l'émeute, qui
pensa bien s'y repi'endre plus tard, comme nous le ver-
rons.
Grasse ne jouissait pas d'une plus grande tranquillité.
Une bande d'individus s'étaient constitués en colonnes mo-
biles, sous prétexte de défendre la République, semant la
terreur soit à la ville, soit à la campagne. Us cherchaient,
disaient-ils, les émigrés, les gens suspects, et en profi-
taient pour pilier les biens nationaux, et les biens des par-
ticuliers. On avait dénoncé à Paris la municipalité de
Grasse comme pactisant avec eux, en les laissant agir.
Le parti royaliste de Grasse allait aussi par la ville, le
17 mars, en proféra^it les mômes cris qu'à Vence.
Mais voici que le 24 septembre la municipalité apprend
286 CHAPITRE IV
qu'un rassemblement s'est formé chez le traiteur Ray-
baud, et qu'on y tient les propos les plus antipatriotiques.
Deux membres de la commune s'y rendent au nom de la
loi. On leur met le pistolet sous la gorge, et on les pour-
suit ainsi jusqu'à THôtel-de- Ville, en criant : Mort aux
officiers municipaux ! Ils rencontrent dans la rue le ci-
toyen Appian, bon patriote, et tombant sur lui, ils le
frappent à coups de sabre, et l'assassinent impitoyable-
ment, au cri de : A bas la commune. Un jury chargé de
cette sinistre affaire déclara qu'il n'y avait pas lieu de
poursuivre. L'impunité enhardit ces forcenés, qui s'at-
troupaient chaque fois qu'ils apprenaient qu'on voulait
arrêter un des leurs.
Le Directoire informé remplaça l'ancien conseil par une
commission de 18 membres. Les mêmes perturbateurs,
toujours en colonnes mobiles, dirigés par un certain Bel-
lissime de Callian, bravèrent impunément la nouvelle ad-
ministration ; ils assassinèrent le juge Gaitte dans son
domicile, mirent à mort une pauvre veuve ; une femme,
en défendant ses enfants, eut le bras cassé; ils se portè-
rent à la maison de l'aubergiste Roustan pour tout dé-
vaster. Celui-ci ne dut la vie qu'à deux soldats logés chez
lui. Ces troubles se continuèrent bien longtemps, puisque
l'année suivante on célébra, par un banquet et par des
farandoles, l'assassinat d'Appian (3 vendémiaire 1798).
Observons toutefois que ces colonnes mobiles se com-
posaient plutôt de terroristes et de robespierristes que
de royalistes, ce (jui constituait deux factions opposées au
Directoire. En assassinant Appian et en dévastant l'au-
berge Roustan, les mobiles se donnaient pour mission de
rechercher les chouans et les royalistes.
Le 18 fructidor avait donc ramené la terreur. En octobre
des troubles avaient éclaté à Tourrette, mais si violents,
que le général Lefebvre y accourut avec des troupes.
A Vence , le consul cantonal était dénoncé , depuis
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 287
quelque temps, comme trop modéré. Charles Guérin en
était le président, avec Charles Vacquier pour adjoint. Les
ardents, et surtout le parti qui avait renouvelé la terreur,
faisaient courir le bruit que leur destitution était décidée,
que Saint-Paul en avait déjà l'arrêté de Paris entre les
mains. Le 10 novembre, l'administration, pour témoigner
de son zôle patriotique, avait célébré une cérémonie fu-
nèbre en mémoire du général Hoche ; on avait dressé un
catafalque sur la place Vieille autour de l'arbre de la li-
berté, qu'on avait couvert de branches de laurier et de
cyprès De la cime pendait une couronne de chêne et de
laurier ; aux quatre faces, on lisait sur des médaillons en-
guirlandés : < A la mémoire de L. -Lazare Hoche, général
en chef des armées de la Moselle, de l'Ouest, de Sambre-
Meuse et du Rhin, mort à Wistalar, le 3, complémentaire
de l'an V de la République française, à l'âge de trente ans.
Au pacificateur de la Vendée ; — au libérateur de Laudau
et du Bas-Rhin ; — au vainqueur de Weissembourg, Qui-
beron et Nerwinde. > Le cortège était parti de l'Hôtel-
de-Ville ; on avait lu des discours et chanté des hymnes
patriotiques. Le même jour on défendait d'aller en armes
dans la ville et d'y proférer des cris. L'ordre était donné
de fermer les cabarets. Les turbulents bravèrent cette
proclamation. Dans la nuit du 14 au 15, ils se mirent à
tirer des coups de fusil aux fenêtres des royalistes et à
frapper aux portes à coups de pierres en proférant des
cris de mort.
Le citoyen Antoine Pons, ex-lieutenant du 9° bataillon
du Var, menait la bande. On signalait J. -F. Féraud, L.
Isnard, A. Suche. Ceux-ci étant entrés dans le cabaret
de J -B. Isnard, y cherchèrent querelle à ceux qu'ils y
trouvèrent, et, entre autres, à Chabert dit l'Aveugle, an-
cien chef du Comité de surveillance. Les sieurs Aubert et
Broc, essayèrent de prêcher la paix et la conciliation, et
ensuite quittèrent la salle emmenant avec eux Chabert
288 CHAPITRE IV
pour le reconduire à sa maison. Quand ils furent à la
porte Vieille, les agresseurs, qui les avaient suivis, les
assaillirent d'injures. A quoi Aubin répondit : < Je suis
aussi bon patriote que vous, et moi je le suis pour le bien. »
Pons d'un coup de pistolet atteignit Broc ; celui-ci, quoi-
que blessé , put se relever et fuir chez lui. Pons tira
alors un coup de carabine sur Aubin qui tomba raide
mort. Le sieur H. Giraud essaya de s'interposer entre
l'assassin et la victime ; Féraud le coucha en joue. 11 était
onze heures du soir. Aux cris de la femme Broc et du
monde qui accourait, le maire parut enfin, ordonna de
battre la générale; les gardes nationaux prirent les ar-
mes, et toute la population fut bientôt sur pied. Les chefs
de l'émeute avaient gagné la rue de CabrajTa. Un déta-
chement des gardes nationaux s'y rendit, mais trois
d'entre eux furent encore blessés. On avait envoyé à An-
tibes, d'où Marcel Masséna dépécha aussitôt de la troupe
sous les ordres du commandant Borel. La population de-
mandait la tête de ces misérables assassins ; il fallut que
le maire et le juge de paix conjurassent presque à ge-
noux de laisser la justice suivre son cours. Aubin avait
l'estime générale. On dressa, sur cette triste affaire un
long rapport, dans lequel on interrogea même des enfants.
Les autorités donnèrent leur démission, sans attendre
qu'on la leur notifiât. M. Guérin, menacé dans la procé-
dure, se réfugia à Antibes , où était aloi^ le général
Masséna. Celui-ci le prit sous sa protection, lui donna un
certificat de bon patriote et en fit son secrétaire particu-
lier. L'administration centrale du Var afficha cette pro-
clamation :
a Considérantque le royalisme et le fanatisme ont exercé
leurs fureurs daiis la ville de Vence, que les patriotes ont
été livrés au poignard des égorgeurs/a>ia<ico-royae/a?, que
leurs propriétés ont été dévastées sans que l'administra-
tion municipale ait pris des mesures efficaces, ladite ad-
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 289
ministration est suspendue, et nous nommons A. Bé-
renger, administrateur du canton. Le Directoire exécutif
de Saint-Paul est chargé du présent arrêté (21 novem-
bre). >
L'ancienne administration envoya à Paris un mémoire
justificatif, et la nouvelle engagea les citoyens à la con-
corde. € Le Gouvernement, dit-elle, ne veut pas de réac-
tion. Le 18 fructidor nous a sauvés d'une seconde terreur.
Aimons le Gouvernement tant calomnié et reconnu par
toutes les puissances. >
IV. — MASSÉNA A ANTIBES. — 19 MARS 1798.
Masséna, comme nous l'avons vu plus haut, avait pris
sous sa protection Charles Guérin de Vence, qu'il connais-
sait depuis assez longtemps et avec qui il était déjà
en rapport d'amitié. C'est lui qu'il chargea, étant à Paris,
par une lettre datée du 25 décembre 1797, de lui acheter
au prix de 24,000 fr. la propriété du Caire à Tourrette-
Vence. < Quant à la terre de Gourmette, je m'en accommo-
derai, si M® de Constantin voulait la vendre. > 11 acquit en
effet le Caire. 11 écrivait encore dans le même temps :
€ Mon sort n'est pas encore connu. Tous les directeurs
m'ont fort assuré que Je serai placé d'une manière avan-
tageuse, si l'armée de Portugal n'a pas lieu. Je retourne-
rais volontiers en Italie pour y commander en chef. Bona-
parte voudrait bien m'emmener avec lui en Angleterre
pour me faire commander un tiers de son armée. Ce ne
sera qu'à la dernière extrémité que je le suivrai. Veuillez
bien me dire, mon cher Guérin, si votre intention est de
me suivre en Angleterre, dans le cas où je serais forcé d'y
aller, pour que je puisse écrire en conséquence. Adieu, je
vous embrasse. >
Cette lettre nous démontre suffisamment dans quels
termes vivait M. Guérin avec Masséna.
19
Î90 CHAPITRE IV
Masséna eat en effet le commandement en chef de
Tarmëe de Tltalie (février 1798) et en mars il arrivait
dans nos parages. Cannes le fêta, Ântibes le reçut avecles
témoignages de la plus vive allégresse ; on le porta en
triomphe jusqu'à sa maison. Le 19 mars, nous lisons
encore dans une lettre à M. Guérin, qu'il lui recommande
son aide-de-camp Ducos, un peu malade. Quelques jours
apnès il prenait la route de Rome.
On sait les motifs qui déterminèrent Masséna à quitter
le commandement de Rome pour venir se reposer à
Amibes.
11 écrit le 5 juin à M. Guérin : Quartier général d'Anti-
bes,armée d*Italie,8* division: «Donnez-moi des nouvelles
de la santé de votre épouse, mon cher Guérin, et de la
vôtre. Vous nous oubliez, vous ne nous donnez plult signe
de vie. D\n\ vient cela ? Est-ce que vous ne nous aimez
plus ? tiivz-nous de ce cruel état en venant nous voir
avec votre éjx>use, ou bien écrivez-nous souvent. Adieu,
je vous embrasse. *Te vous envoie un petit poisson. > Et
quelques jours apivs il ordonne au citoyen Ch. Guérin,
son secrétaire, de se rendre à Nice, d'où il viendra à Anti-
K»s, api>>s qu'il aura terminé les affaires dont il est chargé,
lia juin.)
Troubles de Grasse. — Les troubles se continuent à
Grasse on 17i>8. Le 31 juillet, la colonne mobile étendant
ses plM^|uisitions jusqu'à Saint-Cézaire, y blesse à mort
Fran^^ois Civsp Gindal, maltraite son père, son frère, sac-
cage sa maison et ne se retire que devant la population
qui accourt. On informe. Les mobiles bravent la justice,
si bien qu'ils célèbrent par des farandoles et par un ban-
quet l'anniversaire de l'assassinat d'Appian.
Sur le rapport adressé au ministre de la police, celui-ci
répond de Paris le 2b décembre, que la municipalité de
Grasse doit employer tous les moyens de remédier à d'aussi
regrettables excès. Mais que feàrel Les trois partis quidi-
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 291
visaient la ville avaient la même forée, les mêmes haines de
famille. Les uns et les autres connaissaient leurs dénoncia-
teurs réciproques sous les différents régimes de la révolu-
tion. Ceux-ci avaient en exécration les officiers municipaux
qui les avaient fait incarcérer ; ceux-là ne pouvaient voir,
sans colère, les fauteurs de l'émigration de leurs parents
ou de leurs amis. Tel avait en horreur les acquéreurs des
biens des émigrés, ou de l'église ; tel autre ne pouvait, à
cause de ses excès, aimer la révolution et restait attaché
de cœur et de conviction à sa religion et à la monarchie.
Les fêtes républicaines, les décades, les hymnes patrioti-
ques assombrissaient son àrae et il regrettait les cérémo-
nies du cuite, ses autels, ses cloches, ses processions. Il se
rappelait Noël, la Semaine sainte, Pâques. < Comment,
se disait-il,ces mêmes hommes que nous avons vus si assi-
dus aux offices sont-ils devenus les ennemis de l'Église,
ont-ils profané nos temples, chassé nos prêtres et nos re-
ligieux, vendu nos vases sacrés et nos saintes images ? >
De 1797à 1799, le Directoire, depuis le 18fructidor,avait
remis en vigueur toutes les lois de la Convention. On tra-
quait les émigrés, les royalistes, les prêtres insermentés.
Une des victimes de cette nouvelle terreur fut un chanoine
de Saint-Paul, Pierre Sicard de Vallauris, ffis de Jacques
Sicard, maître potier, et d'Anne Guirard.
Après avoir refusé le serment à la constitution civile du
clergé, il avait émigré à Nice, d'où l'arrivée de d'Anselme
Tavait forcé de partir. Il était à Bologne, quand la chute de
Robespierre le détermina à revenir en France (fin août
1795). Il desservit la petite paroisse de Domne-Sène près
de Marseille. Étant revenu à Grasse pour y exercer le
saint ministère , il fut dénoncé par les terroristes de
Vallauris et de Grasse, arrêté près de Grasse vers la fin de
novembre 1798, transférée Toulon, et exécuté le 14 fé-
vrier 1799. C'était un saint martyr de plus. < Je pardonne
de bon cœur,dit-il, à tous mes ennemis qui ont contribué à
292 CHAPITRE IV
ma mort, principalement à ceux de Vallauris et de Grasse.
Je donne volontiers ma vie pour l*expiation de mes pé-
chés, pour la gloire de Dieu et pour la paix de l'Église.
Je désire que mon sang apaise la colère du Tout-Puissant
et procure à la France cette paix si désirée et toute sorte
de prospérités. ... Que cette chair se réduise en poussière,
elle le mérite, pour donner à mon âme l'heureux avène-
ment des saints.... Du fond de mon cachot, les fers anx
pieds, mais libre en Jésus-Christ, je déclare mourir dans
la religion catholique, apostolique et romaine. Je vais
bientôt sceller de mon sang les vérités qu'elle enseigne.
Amen. »
On a les larmes aux yeux en présence de ces lignes.
Et penser qu'au xviii» siècle il y a eu des juges et des
bourreaux dans notre belle France civilisée pour assas-
siner leurs frères !.. . Hélas! de nos jours, notre patrie
n'a-t-elle pas engendré d'affreux Rigault ! N'a-t-elle pas
eu ses martyrs ? Mais passons.
V. — BONAPARTE ET L ASCARIS.
L'Angleterre restait la seule des puissances de la pre-
mière coalition armées contre la France. Le Directoire,
après avoir préparé un débarquement dans la Grande-
Bretagne, se décida pour l'Egypte, et le 19 mai Bonaparte
cingla de Toulon vers l'Ile de Malte dont il s'empara. 11
envoya, sur l'ordre du Directoire, les chevaliers de Malte
à Antibes, où ils furent internés. Parmi eux, il en dis-
tingua un qui s'attacha aussitôt à sa fortune. Le gé-
néral en chef, autant à cause de l'illustration de son
nom, que de son àme ardente, en fit bientôt un ins-
trument aussi intelligent que dévoué (1). lise nommait
Jules- François-Guillaume-Joseph- Marie Lascaris, fils
d'illustrissime seigneur Charles-Louis de Lascaris-Vin-
(1; Toselli— i^ûl. de Mce. — Tome H. 2« partie, page 216.
LE DIRECTOIRH: (1796-1797-1798) 293
timille, comte de Castellar, et de Thérèse Caissotti de
Roubion. Il était né à Nice le 19 décembre 1767 dans
le palais de la rue Droite et avait été baptisé à la cathé-
drale Sainte-Réparate. Le parrain avait été le comte
Ch.-Fr.de Cays, comte de Gilette, et la marraine Margue-
rite de Borriglione-d'Aspremont, veuve Barralis. Henri
Martin et Lamartine ont fait son éloge.
Le jeune chevalier de Malte, partit du Caire avec les ins-
tructions secrètes de Bonaparte, et sous des déguisements
successiSs parcourut toutes les tribus de l'Arabie et de la
Perse, se lia avec les chefs et parvint à fédérer tous les
Bédouins de ces diverses contrées. Au premier signal de
Bonaparte, ils étaient prêts à se liguer contre l'Angleterre.
Tout était prêt en 1813, quand Lascaris apprit la chute de
l'empire. 11 en mourut de chagrin en Egypte. C'était le
dernier des Lascaris de Vintimille. Le comte Jean-Paul-
Lascaris, était mort, victime de la Révolution, à quel-
ques lieues de Menton, sur le territoire de Gênes. Après
avoir été incarcéré à Grasse, à Montpellier, il avait été
ramené à Nice, quoique malade, quand parut la loi du 19
fructidor contre les émigrés, et embarqué aussitôt pour
expirer bientôt dans une campagne du territoire de Gênes.
Ainsi fut traité, dit Dabray, le comte Lascaris, vieillard
respectable, paisible, affable, charitable, chéri du peuple.
Ses biens furent séquestrés, vendus, quoiqu'il n'eut jamais
réellement émigré (1).
VI. — GLORIEUX FAIT MARITIBIE DES ANTIBOIS.
30 JUILLET 1798.
L'Angleterre tenait la mer sous les ordres de Nelson.
Brueys commandait notre escadre. Le 3 juin, nousavcms
un ordre du général Le Pelletier, commandant à Antibes :
€ L'escadre anglaise menace les côtes. Mort aux ennemis,
(t) Toaelli — Bût, de Niè9. — ^^toI. 2« partie, page 145,
294 CHAPITRE IV
s'ils abordent. Tenez-vous prêts. » Or, deux jours avant
notre défaite d'Aboukir, le lundi matin, 30 juillet, la vigie
de Notre-Dame de la Garde à Antibes signala un cutter
anglais. On sut bientôt qu'il avait été armé à Gibraltar,
qu'il était sous le commandement d'un capitaine irlandais.
Il avait capturé la Maria en vue de la Corse, et l'avait
remorquée à Tîle d'Elbe d'où il était reparti depuis huit
jours. L'équipage, en présence du cutter, avait gagné la
Corse. Le 27, le même navire anglais avait encore pris
une tartane catalane qu'il remorquait. Il en avait en vue
aujourd'hui trois autres, aussi catalanes , et un gros
navire génois. Vers midi, une embarcation servant de
mouche au cutter serrait de près le bâtiment génois qui
s'efforçait de gagner le port d'Antibes. La population
entière bordait la mer :« Souffrirons-nous,disaient les plus
indignés, que ces tyrans des mers aient l'audace de faire
des prises à notre barbe. » Guide, maire d'Antibes, Curault
capitaine du port, l'administrateur Gairaud étaient d'avis
qu'on courût sus au cutter. Cependant les batteries de la
côte forcèrent la mouche d'abandonner sa prise, et vers
une heure le bâtiment génois entra en sûreté dans le port
d'Antibes aux acclamations de tous. D'un autre côté le
tocsin sonnait. Vingt soldats de la 80* demi-brigade et
autantd' Antibois, ayant Gairaud avec eux, s'embarquèrent
aussitôt sur la felouque nationale du capitaine Perrière.
C'est tout ce qu'elle pouvait contenir, et on pourchassa la
mouche. Le général Masséna, alors à Antibes, était à la
campagne. Aussitôt qu'il apprit ce qui se passait, il accou-
rut en toute hâte, se rendit au port, demanda si l'on n'irait
pas en plus grand nombre contre ces insolents. Il y avait
là un brigantin génois. Curault en prend le commande-
ment ; les chevaliers de Malte veulent être de la partie,
afin de rendre utile leur rentrée en France. Le général Le
Pelletier distribue des armes et des munitions ; on embar-
que à la hâte une pièce de quatre avec son affût de rem-
LE DIRECTOIRE (1796-1797-1798) 295
part. Chacun monte en chantant la Marseillaise, et aux
cris répétés de : Vive la République, Vive Masséna ! A bas
les Anglais ! Mort aux tyrans des mers, aux tyrans du
genre humain ! Guide, le commandant de la garde-natio-
nale, le secrétaire de Masséna, Guérin, son aide-de-camp
Ducos s*y trouvent aussi. Le capitaine Ferrière, animé par
le renfort, redouble d'activité et les deux navires avancent
en pleine mer. Vers cinq heures ils s'aperçurent que le
cutter avait envoyé ses chaloupes à bord du bâtiment
qu'il remorquait pour en retirer l'équipage. Puis ils l'aban-
donnèrent.
Les Antibois dirigèrent vers ce bâtiment deux cha-
loupes armées qui l'occupèrent. On en avait haché et
coupé toutes les manœuvres. Le cutter, ayant une mar-
che supérieure, et deux lieues d'avance sur le brigantin et
la felouque, s'enfuit et disparut dans l'obscurité de la nuit;
mais les trois vaisseaux catalans, le navire génois étaient
délivrés, et le bâtiment espagnol nous restait. On rentra
au port vers 9 heures au milieu d'un enthousiasme indes-
criptible. Les félicitations vinrent de tous les points de la
France à la municipalité d'Antibes. < Le trait de bravoure
et de patriotisme, dit le procès-verbal du Comité départe-
mental, nous fait prendre l'engagement solennel d'imiter
les Antibois, si ces perfides et féroces Anglais s'avisaient
de se montrer sur nos côtes » (1). Le Directoire propose ce
trait de patriotisme à l'admiration de la France entière :
€ Citoyens, dans une République fondée par les vertus,
les actes de courage, de désintéressement et d'honnêteté
qu'elle inspire, doivent être proclamés par le Gouverne-
ment, afin que les noms de ceux qui ont le bonheur de
pouvoir servir à sauver leurs concitoyens, soient connus
de la société tout entière. Cette récompense aussi douce
qu'honorable nous l'avons obtenue, citoyens, solennelle-
ment le jour de l'anniversaire de la fondation de la Répu-
(1) Imprimé i Nice chei Congaet, rue de la lumidrtf (me de li Préfecture).
290 CHAPITRE ÏV
\
blique . Les habitants d'Antibes^ont bien mérité de la pa-
trie, et c'est avec une véritable satisfaction que je voas
adresse les annales glorieuses, dans lesquelles cette mé-
morable action a été justement enregistrée. Salut et fra-
ternité. >
Paris, 30 Tend, an 7 (20 oct.) F. db Neufchatbac.
VII. — LE DIRECTOIRE ESSAIE DE RÉCHAUFFER L'aRDEUR
PATRIOTIQUE.
Le Directoire recommande expressément dans ses décrets
de Tan VI, de célébrer les fêtes décadaires, de faire oublier
tout ce qui a rapport à l'ancien culte, de cesser tout tra-
vail les jours des fêtes décadaires. Antibes pour se confor-
mer à ces décrets changera jusqu'au nom de ses quatre
foires : celle de Saint-Sébastien (20 janvier) prendra le
nom de foire de la Bravoure, en souvenir des quarante-
sept jours de blocus de 1747 ; celle de Saint-Jean (24 juin),
foiredes Moissons; de Sainte-Claire etNotre-Dame du 12au
15 août), foire des Fruits et celle de Saint-Gabriel (13octo-
bre), foire des Semences. Nous lisons sur tous les registres
des délibérations communales la description détaillée des
fêtes de la Vieillesse (10 fructidor); de la Jeunesse (lOger-
minal); de l'Agriculture (10 messidor); de la Liberté (10
thermidor); de l'abolition de la Royauté (11 février); de
la Souveraineté du Peuple (30 ventôse). Mais relatons one
de ces descriptions, extraite des registres de Belvédère,
(10 fructidor 1798). Sur la place, se dresse Tarbre de la
Liberté, garni de guirlandes, surmonté du bonnet phry-
gien et du drapeau tricolore. Au pied est l'autel de la Pa-
trie sur lequel on a placé la Constitution et les droits de
l'homme. A dix heures, au son du rappel, tous les habi-
tants, sous peine de châtiment, doivent être rassemblés
devant la maison commune. On obéit. Les gardes natio-
naux forment la haie. Au milieu s'avancent vingt citoyens
LE DIRECTOIRE (1796-4797-1798) 297
choisis de différents âges qui représentent le peuple sou-
verain. Quatre des plus âgés ouvraient la marche ; sui-
vent quatre jeunes gens qui portent les inscriptions pa-
triotiques, enfin viennent les officiers municipaux. Arrivés
devant l'autel on lit les droits de l'homme et la constitu-
tion, on chante des hymnes patriotiques ; un des vieillards
lit un discours pour la circonstance, et l'on retourne à la
maison commune dans le même ordre. Le soir il y a des
danses, des farandoles et une illumination officielle. « Tous
les habitants, ajoute le procès -verbal, aises de plaisir
montrent par leur attitude leur joie et leur attachement à
la République. >
A la fête de l'Agriculture, on forme des groupes qui
représentent l'agriculture, l'industrie, le commerce et les
arts ; on porte la statue de la Souveraineté du peuple, de-
vant laquelle les appariteurs abaissent leurs baguettes.
Pour la fête de la Jeunesse on est tenu d'y venir jusqu'à
seize ans accomplis, on donne des prix aux plus méritants.
Nous avons vu par la cérémonie du général Hoche com-
ment on rendait aux morts les honneurs funèbres. Il y
aura de ces solennités pour nos nwiistres assassinés à
Rastadt, pour le brave Joiiberl^ mort à Novi. Mais hélas!
la religion n'y présidait plus depuis longtemps.
Grasse a encore ses troubles. Un jour de fête décadaire,
19 mai 1799, Maximin Isnard, autre que le conventionnel,
avait quitté Grasse depuis 1795, comme robespierriste
et ancien président du Tribunal de commerce, en 1794.
Il y revint en 1799 avec une commission spéciale du
commandant de place de Nice. Les gendarmes avaient
Tordre d'arrêter tous ceux qui ayant été bannis de la
ville, y rentraient. Pourtant à cause du parti qu'Isnard
avait dans le pays, ils n'eussent pas osé mettre la main
sur lui, d'autant plus qu'il avait sa commission, s'il ne les
eût nargués pendant la cérémonie, au temple décadaire.
L'officier municipal, Suche, qui y assistait déclara que cet
S« OUPXRB IT
asfle ^uh i=.TΣharti^. I> brigiAer de gendarmerie attendit
k 11 TC?^ p*:-^^ s'^s emparer. q[iiaiid le firère de Maximin
sa co>Iiec ec fane lai fat de laisser aller le
gracr^ apftoadîssemeiits des mobiles.
zâ OËfte Tille en ocmtinaelle fermen-
:c. ^•^^^TTi^^grra;î%n centrale da Var avait le dessein
c^icTiffr ^ Grssse I^es cfaeraliers de Malte : < Noos avons
wxi* i :!riÏ2-rre de k^er de pareils hommes^ répondaient
Les GrÀSSijis. No^:s avc-os réiabii la tranquillité avec beau-
cc-^ip if peLie. La présence de ces gens-là la compromet-
tra:: ce niGTeaa. > Et on ne les t envoya pas.
< Arrêiéi et r^eehercfaez les émigrés qui rentrent en
{ot>^ ecnT^ît le :riî?it5tre général de la police ; ce sont les
eoneoiis -ie la Rér*abiiqae« les égorgears de nos frères.»
Sarveîllez toos ceox qai v<Mit et viennent. Retenez à la
pcHste toat imprimé destiné pour TAngleterre. Que rien
ne sc'rte da conâr.eQt.> Lvon est signalé comme un foyer
de rr-yalistâs et d'émigrés. L^admioistration de Cannes est
sasçendae «mme réactionnaire (3 mars 1 799). On raocuse
de nr-^.i^r Tcbservaiioa des Êtes républicaines, de favo-
riser révaâon des suspecis^de donner asile aux égorgeurs
royjk^ix ^t anx dései-t^urs. -'Ministre de Tintérieur, F. de
Neufohàieaa.
CHAPITRE V
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1799-1814)
I. — DÉBARQUEMENT DE BONAPARTE A F RE JUS,
pendant Texpédition d'Egypte, la France avait eu con-
tre elle une seconde coalition des puissances. L'empe-
reur de Russie se posait en protecteur des chevaliers de
Malte, l'Autriche voulait reconquérir le Milanais; la reine
de Naples songeait à venger sa sœur, Marie- Antoinette et
à éloigner les Français de Rome. Notre défaite d'Aboukir
semble leur promettre le succès. Au moment où Tannée
russe s'ébranlait, nos plénipotentiaires français qui y trai-
taient certaines questions laissées indécises à Campo-
Formio, furent traîtreusement assassinés par les hussards
autrichiens.
La guerre éclata aussitôt : la loi de conscription mili-
taire qu'on vota, mit 200,000 jeunes gens à la dispo-
sition de la République. Le roi de Naples fut vaincu
à Civita-Castellano (novembre 1798) et son royaume con-
300 CHAPITRE V
quis par Championnet. Le Roi de Piémont fut obligé
d'abdiquer et de s'en aller en Sardaigne. Mais voici les
revers, Joiirdan en Allemagne est vaincu à Stockach.
L'Autriche et la Russie réunies battent successivement
Scliérer à Vérone, à Magnano ; et Moreau à Cassano, à la
Trébie, î\ Novi, où Joubert est tué, à Génola. L'Italie était
perdue. De 150,000 hommes de Tarmée d'Italie, il nous en
restait 85,000. Championnet, désolé, avait retiré ses lignes
au col de Tende et établi tout malade, son quartier-géné-
ral à Sospel. Il est heureux que Masséna, rappelé au com-
mandement en chef de l'armée d'Helvétie, et que Brunet,
chargé de Tarmée des Pays-Bas, nous sauvassent le pre-
mier à Zurich (25 septembre) et le second à Bergen et à
Casiriciim, comme autrefois Villars à Denain. C'est à la
batj^illo do Zurich que Masséna chargea son secrétaire
(luérin d'en porter rapidement la nouvelle à Paris. Le
ministre Talleyrand j^renant Guérin à part lui dit: «Avez-
vous (le Targont ? — Non. — Je vous retiens mon prison-
nier junir dix-huit heures. » Il acheta à la bourse qui
é<;iiteii baisse, et le lendemain à midi, le canon annonça
la victoire de Zurich. La bourse monta. Talleyrand y
gagna des millions.
Bonaparte ayant eu nouvelle des affaires de France,
s'embarqua aussitôt et, glissant entre les croisières de l'es-
cadre anglaise, aborda heureusement à Saint-Raphaél
de Fréjns (14 octobre 1799). Il entra dans Paris au grand
étonnement du Directoire.L'administrationd'Antibes écrit
à ce sujet au district de Grasse : € Nous avons eu connais-
sance du débarquement de Bonaparte. Nous en avons
publié la nouvelle à la suite des avantages remportés par
Masséna H rarmée d'Helvétie. Une illumination générale
a eu lieu parmi les cris de joie de toute la population. Ce
matin, nous avons mis en place le convoi de Gènes chargé
des jjiècos (rartilhMie de l'armée d'Italie, qui a passé mal-
gré la surveillance des croisières anglaises. >
LE CONSULAT ET l'EMPIRE (1799-1814) 301
Le 18 brumaire faisait succéder le Consulat au Direc-
toire. L'arrondissement de Grasse envova à TAssemblée
législative Barrière de Saint-Jeannet et Christophe Rei-
baud d'Antibes. Nice conserva les mêmes représentants.
Bonaparte, à partir de ce jour, devient le maître des
destinées de la France, comme premier consul. Il nomme,
le 23 novembre, Masséna général en chef de l'armée
d'Italie.
II. — MORT DE CHAMPIONNET A NICE.
Championnet avait,comme nous l'avons dit, le comman-
dement des Alpes- Maritimes et il tenait toujours son quar-
tier général àSospel. Nos troupes y occupaient une ligne de
1431ieues.Pour savoir ce qu'elles y souffraient, il suffirait
de comparer les ressources dans de tels climats, et dans une
pareille saison avec les besoins d'une armée. Dans un pays
qui se suffit à peine à lui-même, il fallait provisions de
bouche, habillements, munitions de guerre, chevaux, mu-
lets, pour les équipages et pour l'artillerie. Personne ne
peut s'imaginer lessouffrances de nos soldats qui gardaient
ces postes couverts de glace et de neige, bivouaquaient
sans feu, sans toit, à peine vêtus et manquant souvent de
nourriture. Beaucoup mouraient de froid ou de faim. Ceux
qui vivaient dans les villages disputaient aux habitants
leurs aliments. Les chevaux périssaient,faute de fourrage.
Nulle subsistance sur les chemins, pour les soldats en
voyage ; nul soulagement dans les ambulances, et encore
fallait-il se garder des barbets qui avaient en horreur le
soldat français. Masséna savait tout cela. Le typhus de
plus s'était déclaré dans l'armée.
Championnet abreuvé de dégoûts et malade à Sospel
y attendait avec impatience un successeur. Atteint du
typhus, il se fit conduire à Nice. Les huit premiers jours,
on espérait encore le sauver ; le neuvième jour vint le
302 CHAPITRE V
délire. Il demandait sans cesse où étaient les vsdssean
chargés de blé, s'il en arrivait de Marseille^ si l'on appor-
tait de l'argent , des habillements, si les soldats étaient
payés, si Ton avait mis les Autrichiens en déroute. < Par-
tons, disait-ilydès le début de la maladie, partons de Nice.
Cette ville me sera fatale. Si du moins je mourais, comme
Joubert, sur un champ de bataille. Ma mère ne survivra
pas à sa douleur. Consolez-la ; ménagez-lui cette nou-
velle. »
11 mourut le jeudi, 9 janvier 1800. Son corps devait
être porté au Panthéon ; mais il subit une telle décompo-
sition,qu'arrivé à Antibes, il dut y rester.On l'inhuma au
Fort-Carré où il repose encore avec son épitaphe. Valence
sa patrie lui a élevé un monument.
III. — MASSÉNA A l'armée D'ITALIE.
Laissons parler ici M.Toselli : < Plus Masséna approchait
du quartier général, plus il était frappé de l'état déplorable
dans lequel la misère avait plongé l'armée. En entrant
à Fréjus, il rencontra un bataillon du 14* de ligne qui
avait abandonné son poste ; ses armes étaient en faisceaux
et les hommes demandaient du pain de porte en porte. 11
fit battre la générale. Quand le bataillon fut rassemblé, il
en parcourut le front, d'un air sévère : — Pourquoi, dit-il,
avez-vous quitté votre poste ? — Général nous mourions
de faim. — Eh bien ! il fallait mourir. Les soldats qui aban-
donnent leur poste sont des lâches. — Nous ne sommes
pas des lâches ; qu'on nous donne du pain et on verra. — »
Ce n'était pas le moment d'user de rigueur, et à voir
ces figures livides et creusées par la misère, il ne pouvait
douter de leurs souff*rances. Il fit recueillir tout ce qu'il
pût de pain, et le bataillon défila devant lui aux cris de :
Vive la République ! Vive Masséna ! En même temps ar-
rivait la nouvelle que le 18® léger et le 24* de ligne déser-
LE CX)NSULAT ET l'EBIPIRE (179W8i4) 303
taient en masse. Masséoa envoya l'ordre à Brunet de les
retenir sur le Var. Ce qui eut lieu. Ces insurgés sans mé-
fiance se laissèrent surprendre par les colonnes mobiles
qui leur enlevèrent armes, drapeaux et une pièce de canon
et les conduisirent à Saint-Laurent-du- Var. A Grasse, le
21* de ligne en pleine révolte fut désarmé. Six compagnies
du 28* subirent le même sort. Quelques jours après la
deuxième demi-brigade venue de l'Helvétie se laissa en
traîner pour manque de vivres.
€ Soldats de la deuxième demi-brigade, leur dit Mas-
séna, je vous ai choisis entre toutes les demi-brigades de
Tarmée d'Italie pour passer avec moi dans l'armée d'Ita-
lie. Vous n'avez pas justifié la distinction que j'avais faite
de vous, parmi tant de corps dont les titres étaient égaux
aux vôtres. Vous avez méconnu les lois de la discipline....
Je vous rappelle au nom de l'honneur à vos devoirs
sacrés.... Vous ne méconnaîtrez pas la voix de votre gé-
néral qui vous parle au nom de rhonneur,de la gloire et
de la patrie. » (Quartier général d'Antibes, 15 janvier
1800.)
U engagea à Antibes le général Marbot à répondre du
service, et reçut de lui tous les papiers de l'état-major. 11
envoya l'adjudant Reille reconnaître tous les postes de
la rivière de Gènes et laissa son oncle Marcel au gouver-
nement d'Antibes, avec l'adjudant Vienne.
D'une armée de cinquante mille hommes, depuis le mont
Cénis jusqu'à Gênes, Masséna en comptait au plus la moi-
tié, sur laquelle il pût compter... Le bataillon de la Lozère
arriva à Nice, n'ayant plus qu'un homme.... Et les ma-
lades ! ! !
Les malades au nombre de 13,000 manquaient généra-
lement de tout. € L'hôpital de Cannes, par exemple, disait
dans son rapport l'inspecteur-général Cochelet, est une
cloaque, où Ton enterre vivants les malades qu'on y dé-
pose. Us sont la plupart couchés sur de la paille infecte et
:ozr."r f:LZ:f Tvsaiir, ssos xDêiïcaineiits. sans linge....
Z' ^s, i-zzjirLiiz^'z i."t iktII rien. >
MiSî.ri.i. iyrrîf âxc.îr r-iabrasiê sa femme et ses enfants*
-TiTT-î Ai-iiVtï s:T*r^ i:'j âToir sêjoamé qae vingt-quatre
ii-E^-r-^, e"* >f rri: r: k Nice. Là il mit onire à tout avec une
:r:ii:^-T^:i>r iTiTr.ir. ?:»iiàâ l-fs premiers grades de son ar-
n-T-^ :-. >:•".*:• -^ S:: i-Le: e: i Turrea -.i, eî marchant en avant
il : K-ZiiTjr}. L?^y *>riîr:s Lr 1 0 février . après avoir surmonté les
7 . -5 iTT-M. is : ":ff*«i -les. Sm; ami Bavasiro loi fut d'un grand
>e:-:cr5, :.3l::: :«:iir Irî? vivres que pour la correspondance.
itr.:^, ^rL-eril -a ?':ieide rarmée Ci>aliséey avait bien
izss: ifs riiinri- î rrlever. mais il Tenait tout sous sa main,
e: >:c .-.nir-ei.";: i;i:»bAz:e ne s:»ageaiî plus qu'à nouspour-
siivTr ; i>^i'ei: Pr: T^arrf eî à s'emparer de Toulon.
:v. — ÎnV» — MASSèXA ET SCCHET.
Il .«rTS ZZ ^-ENES, C-: MBATS DU VaR.
Fr^iii.; :"flf :V.3-ii:5LreoiiaIOn leaaiî Massêna bloqué
il-:.s •,7:Cfîî', MtIàs ::i:\r.::*isur le Var,et sépara la division
Si: "i-r: .e >::: ireiirrAl ri. ohei. C"es; au j^eril de leur\ie
jU: -":i:Tr . lies Frjir-Viis sur le navire de Bavastro,
p:::^:.:.: ;.r ij.fr. i \J.\ss^-La •i:ins Gènes, les dépêches,
e". ei :\\: :•:::.-.:£-: l^s iiverses instructions. Force fut
.»:::> :r •:. >> ^r ...: u^-r les e:'Si:ês «ie Viniimiile. de Tende
m
t:-: .:-N::-e : . .;:■ se rr'.îrer ;iu-îel.\ du Var. La Provence
:.e s'a::?:: : .:: : .us iU'A uue ijrmiîable invasiun ; mais
cV.A :.;:: i^t::. :: -:u v-:::r.\je à I.\ iiAUieur du danircr.
Le '.':.::*:. le ^j:;v:vi1 C" lUsel quitta la Boi\lighiere et
jascsa : :\ivr;j.e:.: ..i Kova e:i lucc du g.uêral autrichien
L:\::e:"^a:.:î. ;o ir ^\\vvir les i;iùats qui dominent Vinti-
mille. L\ ;;:::>' au-rlai-k- secondai: les mouvements strate-
giques de renuemi. Sachet, après avoir laissé une petite
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1799-1814) 305
garnison dans Vintimille, coupa le pont de la Roya, se
dirigea sur Menton, et arriva à Nice.
Le général Lesuire abandonna le col de Tende devant le
corps d'armée de Gorrup; et toujours pressé par lui,descen-
dit le Brouis. puis le Braous, arriva à Drap et à Saint-Pons.
La tâche de Suchet devenait délicate. Il ne s'agissait
plus seulement d'échapper au nombre, mais d'arrêter
rinvasion au Var. 11 commença par opérer avec une rapi-
dité incroyable l'évacuation de tout le matériel de Nice.
Antibes et Cannes fournirent tous leurs bateaux. Soixante-
quinze bâtiments le transportèrent à Antibes ; et le 10, à
minuit, Suchet était en état d'abandonner Nice pour met-
tre le Var entre les Autrichiens et lui.
Grâce à la brigade Zablonowski la marche de l'ennemi
fut ralentie, un jour de plus qui donnait le temps aux nôtres
de commencer sur la rive gauche du Var ces formidables
retranchements, l'une des gloires de Suchet et des généraux
du génie, Camprédon et d'Amberrère. Suchet avait dans
son état-major Mesnard, Raoul, Brunet, Garnier, Lesuire
Clausel, Maucune, Zablonowski, Pascalis, Pelletier,Drouot,
Péreimond, Mengaud, Solignac et le vaillant Rochambeau,
tous généraux éprouvés.
De l'autre côté on voyait, avec Mêlas, Gorrup, Elsnitz,
Lattermana, Wolkmann, Kuessewich. Le comte de Pier-
las, qui commandait le régiment de Coni et les émigrés du
comté de Nice, arriva du côté de Tende avec Gorrup, et
fit son entrée à Nice le 1 1 mai. Quoique du Mont-Alban
notre canon tonnât sur la ville, la population accourut
au-devant de Pierlas en criant : Vive Savoie. Le conseil
municipal le complimenta et lui offrit les clefs de la ville.
Chacun prit la cocarde bleue. On pouvait craindre une
réaction contre le parti républicain. Pierlas eut la pru-
dence d'organiser à l'instant même une garde bourgeoise
qui, par des patrouilles fréquentes, empêcha les violences
contre les particuliers et contre les propriétés.
20
306 CHAPITRE V
Mêlas tenait, le II mai son quartier-général à la Bordi-
ghière. Il avait envoyé avant lui Gorrup et Kuessewich.
Lattermann à Tavant-garde, il somma nos cent hommes du
fort de Vintimille de se rendre, puis avança sur Menton et
sur Monaco ; et de là, le major Wolkmann fut chargé de se
porter sur Nice avec deux mille hommes. Ce qu'il fit en
trois colonnes, suivant, Tune la route du littoral, l'autre la
route de Villefranche, et la troisième celle de la Roquette-
du-Var. L'avant-garde de Wolkmann fit son entrée à
Nice le 1 1 mai, sans coup férir. Mêlas arriva le 13 à
Nice, et y nomma, le 14, chefs de la municipalité:
le baron Joseph de Grimaldi, l'avocat Paulian et André
Girard .
Le corps d'armée de Gorrup étend sa ligne depuis la
Roquetto-du-Var jusqu'à Aspremont , en observant le
pont de Bonson. Elsnitz tient tous les coteaux et la plaine
du Var, en vue de Saint-Laurent. Mais ils n'osaient rien
tenter contre les nôtres qui occupaient encore Villefranche
et Montalban. D'ailleurs ils ne devaient avoir leur artillerie
que le 18 mai, ce qui donna du temps àSuchet pour conti-
nuer ses retranchements en tète du pont du Var.
Le 11 mai, Tavant-garde deSuchet, aux ordres du gé-
néral Raoul, occupe Gagnes ; Pascalis a le gouverne-
ment d'Antibes. Le 12, Suchet porte son quartier général
à Antibes, où il recevait tout son matériel de Nice. Ilécri-
vait de là : < J'ai pu, en dirigeant une partie de mes
troupes à Drap avant l'évacuation, suspendre la marche
de l'ennemi, que j'ai même été reconnaître en compagnie
du général Mesnard, et j'ai vu l'impossibilité où se trou-
vaient Raoul et Brunet, d'arrêter les envahisseurs. »
Le 13 mai, Lattermann nous attaqua en tète du pont
du Var. Le général de cavalerie Quesnel fut chargé de le
recevoir. Le brave Rcville, chef de bataillon, y perdit la vie
à la tùtc des chasseurs de la 2® ; le 13® chasseurs y fit mer-
veille, si bien qu'après deux heures de combat, Lattermann
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1799-1814) 307
laissa entre nos mains, vingt-cinq grenadiers et vingt-
cinq hussards de Toscane.
Suchet avait toujours son quartier général à Gagnes. Le
13 mai, le préfet du Var vint mettre à sa disposition tous
les habitants de son département. Suchet écrivait le même
jour : € Trois régiments ennemis qui descendaient à Nice,
par Montgros, avec les hussards de Toscane ont reçu l'or-
dre de retourner ; j'en suis informé par le télégraphe de
Montai ban. » Et le 14 mai : « Mêlas s'endort à Nice. Lat-
termann etElsnitz se mettent en bataille sur le Var... Les
Anglais sont mouillés à l'embouchure du Var. >
COMBAT DE SAINTE-HÉLÈNE, 17 MAI.
Le 17 mai, Suchet écrivait de son quartier général
de Gagnes : < Mêlas est toujours à Nice. Il continue
de menacer la tète du pont du Var. Ce matin j'ai fait
pousser une reconnaissance. »
En effet, Solignac s'avança jusqu'à Saint-Isidore et fit
des prisonniers. Brunet, en se portant jusqu'au Magnan,
débusqua tous les postes ennemis. 11 fut obligé de s'ar-
rêter devant deux bataillons de grenadiers hongrois,
retranchés derrière des abatis. Rochambeau et Quesnel,
suivant la grande route chassèrent deux bataillons de gre-
nadiers et les dragons de Kaim établis à Sainte-Hélène.
Leur fusillade dura deux heures. Tout était fini à dix heu-
res du matin. < La perte de l'ennemi est de deux généraux,
dont Brintano, de deux colonels, quarante-trois officiers,
six cents grenadiers, environ mille quatre cents hommes
hors de combat. »
COMBAT DE SAINT-LAURENT-DU-VAR, 18 MAI.
Suchet écrit de Gagnes, à Masséna : « Mêlas semble
persister dans l'opinion qu'il a émise depuis plusieurs jours
de croire l'armée de rt serve une armée imaginaire ; il
continue de rester à Nice. »
308 CHAPITRE V
Renseignemertt précieux pour Masséna. En ce moment-
là, Bonaparte, avec son armée de réserve, rassemblée
dansle plus grand silence à Dijon, se mettait en marche
par le Saint-Bernard. Le 17 mai, le général Lannes par-
tait avec Tavant-garde ; et le 24 mai, il s'emparait de la
citadelle d'Ivrée.
Le 28 mai, Suchet écrivait encore à Masséna : < Toute
la brigade Lattermann avec quatre régiments d'infante-
rie et trois batteries d'artillerie occupe les hauteurs du
Var. De Bellegainie garde le Var ; le sieur d'Aspremont
reste à Levens avec3,500 hommes. Elsnitz,m'assure-t-on,
s\v trouve aussi. De mon coté, arrive Saint-Uilaire, avec
trois colonnes mobiles de Provence et de la cavalerie. Il a
donné l'impulsion aux Provençaux qui sont bien disposés
à repousser l'enneiui. >
L'Aut richien commençait à recevoir son artillerie,trente-
cinq pièces de calibre. Aussitôt Suchet ordonne d'attaquer
en avant de la tète du pont. L'affaire fut chaude et impré-
vue. Brunet y fit soixante-treize prisonniers dont deux
ollioiers, quoique nous avions devant nous onze batail-
lons de grenadier et huit régiments d'infanterie.
Le soir même une estafette du général Kaim annonçait
à M(Has que rarmée de réserve n'était plus une fiction et
que Bonaparte s'avançait par les Alpes pour descendre
dans les plaines du Piémont. Aussitôt Mêlas donne ses or-
dres àElsnitz ; < Si vous êtes forcé, dit-il, d'abandonner la
ligne du Var, gardez celle de la Roya pour empêcher la
division Suchet de revemr sur Gènes. Si vous abandonnez
la Roya, pcrtez-vousau col de Tende et à Monte-Ajuto de
Savone pour vous a|)puyer sur Oit. > Il laissa au Var
18.000 hoaim.^s et s'élança par le col de Tende, rapide
comme 1 éclair.
Il fallait agir. Suchet apprend que les Autrichiens ont
résolu un assaut général sur nos ouvrages du pont du Var
pour le 22 mai. Il met la division Clausel, cachée derrière
LE CONSULAT ET l'eMPIRE (1799-2814) 309
la tête du pont ; place la brigade Zablonouwski derrière
le Var, et prolonge sa droite jusqu'à la batterie du Signal,
à laquelle il ajoute une pièce de seize ; il envoie Tordre à
Garnier de passer le Var au pont de Malaussène, afin d'at-
tirer Gorrup sur ce point, et de s'avancer jusqu'à La Tour
pour gagner Utelle, après avoir débusqué l'ennemi de la
Tinée. Pour lui, le 22 mai, jeudi, fête de l'Ascension, afin
de mieux tromper Gorrup,. il monte à l'improviste à
Vence, emmenant avec lui un escadron de hussards et
quelques pièces d'artillerie. Il faisait croire à l'ennemi
qu'il allait soutenir Garnier du côté de Saint- Martin-du-
Var. Les anciens de Vence rapportent que lorsqu'ils
aperçurent de la troupe qui montait chez eux, tout effrayés,
ils s'imaginèrent que c'était l'Autrichien. On cria :« L'en-
nemi, l'ennemi, sauve qui peut ! > Bientôt on se rassura.
Suchet data quelques ordres de son quartier général à
Vence, et envoya son escadron et son artillerie défiler en
longue file, sur les hauteurs qui dominent la rive droite
du V^ar en vue de Gorrup. Il apprit bientôt que Garnier
avait, malgré la crue des eaux, franchi sans obstacle le
pont de Malaussène et qu'il s'était porté à La Tour. Il
revint rapidement vers une heure sur Saint-Laurent-
du-Var.
Cependant le même jour, dès quatre heures du matin,
les Autrichiens, au nombre de onze bataillons de grena-
diers et de dix d'infanterie, s'élancèrent avec ardeur sur
notre tète de pont. Brunet les reçut avec le 20®, le 39® et
le 99* de ligne. Il v fut blessé d'un éclat d'obus. Rocham-
beau, admirable de talent et de sang froid, et d'Ambar-
rère soutinrent le feu des batteries, six heures durant. A
dix heures, le feu cessa, mais la fiot tille anglo-napolitaine
continua de tonner jusqu'au soir à l'embouchure du Var.
Notre plus grande perte fut l'explosion de deux de nos
magasins à poudre.
Le lendemain 23, les eimemis s'y reprirent de nouveau ,
iès rm.'^*t în ^nxr. 3^:05 n j rsçcradiiiies qne iMMidialam-
3U2ir. 7» iir iLi^Bgr incr» xœ- n>jces époi^nîoiis nos mani-
:i:cs i. iiiiisir îe ji iisr^ ie K-csire éf»roavée la veille, ou
loif ii:s iz-ji^e* i"^ iftrîiî ^râ cae ^sitre direedc»!. En eflFet
OîLTTiier ÎTL !t:i>i- iTT^idije jfs rairaétoiî beaoeoap. Elsnitz
iT^in f^iT^i^i^ 5e*I»f!riràf i DuTiinas ; G«3rrnp se tenait à
AiTTr^nimi. ^ W-â>=ririii avi^ç recada renfort, se mit
ai ih^^ :»f z«:cr* vcd ra Pxl;. ^aaib qae Lattermannse
:j^in.\T is £A.9T-tiAiaxr7. ^ o ^
Prî^ecx j* à? TT.t: p«r iè brave Fruiceschi, aîde-de-
cl: iif S:cj:. ri^* Bjcarune fraocfaissaii le Saint-Ber-
aari. Sw±!fî; r^fôicLrûi rirdeor pxir se maintenir dans
ses T»:Ktj:c:5. rC :;ir ;i:i!c size V^teor* laissa les Autri-
i±i.fc;s ;25*=r Irrcrs zlzzî'^jGs « s^entrecenir dans l'idée de
îsMT sc:T«rri:rr:c-. La *:âr,:'nz3Êie An 26 mai endommagea
Ejècirr DIS iTiT^A;;! : f^ ocGise sc-os continoions de faire
pcr^ -rr silrro:^, ELscî'-T cQ c»>aciat que nous n*ëtions pas
ec. e:L.\: i«r «•rcs îeîrcivîre. P:a:iant Oudinot avait fait une
tr^<u jr scme, :'-i n:c> avions perdu soixante hommes,
in3cs e-^^^ :::».uj^ cî-rces -ie eaaon. et fait deux cents pri-
soîiniers. Eis:i:z vovilut pT>aîiin^ausâtùt sa revanche, et la
nui: Ei-ènie, :re:îr>r le (en à notre pont, en nous coupant
tout moyeE. de rrtriiie. Or vers 10 heures du soir, par une
nuit n:ir^ rî : rÀ^r>.;5e, il envova* dans le plus îrrand secret
et sans brui:, «irts pionrkiers avec tortues et ^seines gou-
dronnées, s:*uîeiias par les bataillons de Paar et de Ninus.
Nous savions touî. Niaus se f<rêsente le premier, et nous
lui lançons s^>udaia une êp: u vantaWe déchaîne de toute
notre mitraille à la fois. Paar en reçoit autant. Ninus
revient à la ehawre : il y perd beaucoup de monde et tout
se relire en des:*rdre. Eisnitzjoué se brûla au pont qu'il
voulait brûler. Garnier, comme nous lavons vu, après
LE CONSULAT KT l'EMPIRE (1799-1814) 311
avoir forcé Bellegarde d'évacuer Saint-Martin -du- Var et
la Roquette, et soutenu, le 24, un enj^agement sérieux à la
Tour, renouvela ce même jour 26 mai les glorieux corn-
bits de 1793 en enlevant à la baïonnette les postes de
Vilette, de la Madone et du Brec d'Utelle. Micholouski,
capitaine des hussards, poursuivit l'ennemi vaincu jusqu'à
Lantosque et Roquebillière et en ramena une trentaine de
prisonniers.
Le 27 mai. Sachet prend à son tour l'ofFensive. Il or-
donne à Rochamljeau, à 5 heures du soir, de marcher en
avant sur Nice. Celui-ci partage la 34* brigade aux ordres
de Mazas en trois colonnes, précédées chacune de vingt
sapeurs, qui s'avancent sur la gauche du pont, vers les
collines occupées par les Autrichiens, tandis que la 1 1® bri-
gade va sur Nice, partie par la vieille, partie par la
nouvelle route. Un bataillon de la 20® formait la réserve
en avant de notre tète du pont. Les deux brigades de gre-
nadiers autrichiens restées dans les lignes et attaquées
les premières se battirent bien, et finirent par plier.
Mazas, cependant, en s'avançant vers le vallon de Saint-
Isidore, allait être enveloppé par l'ennemi, s'il n'eût su se
dégager à temps et battre en retraite vers la tète du pont.
Un de ses bataillons qui gardait les hauteurs, le proté-
gea contre les dragons de Kaim. On signala, dans ces
combats du 28 le brave capitaine Gobert de la 11% qui à
la tète de quinze hommes s'élança dans une redoute autri-
chienne défendue par quatre pièces d'artillerie et par qua-
rante grenadiers et s'en rendit maître. Le même 1 1* soutint
aussi plusieurs belles charges à la baïonnette. Ce que
voyant, l'ennemi retira son artillerie et délogea. La nuit
venue, cette mêlée au milieu des oliviers dut cesser, et
nous sonnâmes le ralliement. Nous avions perdu dans
cettp. journée cent quarante-cinq hommes ; mais pris
encore quatre pièces d'artillerie et fait trois cents pri-
sonniers.
312 CHAPITRE V
COMBATS DE DURANU8, DB DRAP ET DE l'bSCARÈNE, 27 MAI.
Elsnitz à deux heures du matin abandonna Nice. Ulm
et Saint- Vallier gagnèrent le Braiis, Weldenfeld se diri-
gea vers le Col de Tende; Lattermann à Tarrièi-e-garde
s'en alla par la Turbie, laissant un détachement à Mont-
gros. Gorrup opéra sa retraite sur le Raoûs, et envoya
Bellegrade rejoindre ceux du Braiis.
Suchet ira les y chercher. Il apprit que Garnîer s^était
rendu maître d'Utelle le 27 par un combat acharné, qu'il
avait soutenu un feu de six heures sur le pont de Duranus,
que Tennemi, outre la perte de beaucoup d'hommes, avait
laissé quatre-vingts prisonniers. Il fit avertir ce brave
général que les Autrichiens avaient dirigé surLevens trois
bataillons de grenadiers et trois régiments d'infanterie. A
cette nouvelle, Garnier dirigea un détachement de ce côté
et une légère fusillade dans la nuit du 27 au 28 éloignant
le danger, il put gagner Lantosque et établir, le 28, ses
quartiers à Belvédère.
Le29mai,du côté de Nice,Rochambeau quittant le pont
du Var à la pointe du jour s'avança à Cimiés par les vallées
de Saint-Isidore et du Magnan. Il apprit, chemin faisant,
de deux officiers blessés de la II*, qu'Elsnitz avait aban-
donné Nice.
Le même jour, Mengaud, qui devait aller seconder les
opérations de Garnier, n'avait pu passer le Var à cause de
la crue des eaux ; il prit son chemin par Aspremont.
La 9® division de Clausel et de Quesnel, protégée par
Jablonowski avec la II®, et par Brunet qui fouillait les
bois d'oliviers, s'était avancée sur Nice par la vieille et par
la nouvelle route. Brunet suivit la rive droite du Paillon
pour s'établir à Saint-Pons, Solignac se posta sur le Pail-
lon. Les Autrichiens de Montalban réunis à ceux de Ville-
franche poussaient des reconnaissances. Notre 20® de ligne
et le 55** s'élançant à Montgros y firent cent-cinquante
LE CONSULAT ET L'EMPmE (1799-1814) 313
prisonniers et chassèrent les grenadiers de Lattermann
vers Eze et laTurbie.
Suchet, après avoir laissé cinq cents hommes à la tête
du pont de Saint-Laurent et de l'autre côté du Var à Pu-
get-Treize-Dames, entra à Nice à sept heures du soir,
c'était toujours le 29 mai. Les autorités se présentèrent à
lui d'un air très-embarrassé, pour lui offrir les clefs de la
ville. Le général fit mine de ne pas s'en apercevoir et
comprit qu'il fallait user de bienveillance. lien écrivit à
Masséna : « Je crois, lui dit-il, seconder vos ordres, en
ne prenant pas des mesures de rigueur. La victoire est
compagnedel'indulgence.J'ai rétabli la batterie de Sainte-
Hélène. Dirigée contre nous, elle le sera aujourd'hui con-
tre l'Angleterre. »
Il poussa ensuite une reconnaissance vers l'ennemi, en
compagnie de Saint-Hilaire, il fit à Drap prisonniers deux
cents grenadiers de Lattermann et s'empara de vingt
chariots. C'est à Drap que Rochambeau rejoignit Clausel
et toute sa cavalerie. Siras gravit aussitôt la Turbie et
poursuivitLattermann jusqu'àMenton.En ce même temps,
Quesnel occupait l'Escarène, où Brunetle rejoignit. Ils en-
gagèrent contre l'ennemi un combat assez vif qui lui coûta
trois cents prisonniers. Belgrade et Uhn, toujours pour-
suivis, avaient besoin du secours de Lattermann pour ga-
gner le Braoiis et le Brouis.
Le 30 mai, Rochambeau se tenait sur les hauteurs de
l'Escarène. Il envoya Brunet au Braoiis et Mengaud au
col de Négro ; et le lendemain 31, Bellegarde et Ulm se
retranchaient derrière la Royasous les ordres du général
en chef Elsnitz. Gorrup restera séparé de l'armée et
retranché sur l'Authion.
COMBATS DU l*' JUIN AU 6.
Le 1*' juin était la fête de la Pentecôte.
Le brave général Brunet, qui n'était pas de la fa-
îît CHAPITRE V
zzllr il j*rr:nier. réparait les défaites du Raoûsetde
. --\ j. -> '-.r 1 • -/-:>.
Le 31 zl. -',':. il êiaiî p<irri da BraoQs« renforcé de la 99®,
e: :.:::; :": ri* une kiQg^ie distance à parcourir, il marcha
i-yi':<r \\ ni::. ^T.wiî sins bruit à la faveur de l'obscurité
îe o-.>l il Br>u:>. L'ennemi reposait en sécurité derrière
se> re:r\Zr:-henîrn:s. Beauo^up tombèrent entre ses mains;
le r-<:e e^X-ma Mîlleîo irches. où un bataillon les poursui-
vi:. Men^/.ui ie ia division Mesnard. avisé de la prise du
Br:u:s, ^>:'ura: :\ Miiielourehes et àTAuthiou. Gorrup y
avÀÎ: sr^rle :>-is ses hommes du Raous et relevé les
rec:u:es ie ITiQ. Au premier coup de canon de Mengaud,
G.ir.ier r*:>:e à Belvédère devait se fiorter au secours. A
o he :rvs : j nivia. l*' 'uin, l'escalade commença. Gloire à
Lesoure ^i'îî avr*? ".a 7* îëirère du 109* de ligne, et de la
brl^A-îv Maunay pj.ir réserve, emporta ces positions, et
n: >:x ce ::s :»ris:'ar-iers. Sans désemparer, la 6® division
de Mr>c;oî '>:»iiriK à Fonian et à Saor^e couper à Gorrup
le : A5s.-.^ - : .; ^>1 de Teale, ei la 7* s'élança au Raoùs.
ElI>::::j-lVl.o^\r.:e et Uîm accourus au secours de Gorrup
iiure::: s-e ;e:er en :oute hâte, partie sur Airole, partie sur
F'X:r..\i:;. a van : manant leurs bairaires.
Le ? ^.;::u à a ioi:.îe«.îu jour, nouveau combat.
Rv.'.e:. S:I:-:nao. Manoune unissant leurs forces au
lv> le:. •,:;->: K-henî en^x^re i^ir le Brouîs et enlèvent à
rau::ioîùe:i l>>inîa louie s*3n arrière-grarde. Français ei
Aurriohîev.s ei.tivut ivie-mèle dans BreiK où nous pre-
nons sc^jK oaiioîis, trois obusiers, huit cents prisonniers.
Apiv< ;> hoiiivs de repos, nous courons à Fourciun
iKmVuîu p:\r :?.»> hommes. Brunet prend par la gauche
la i»o<iti n : Zablonowski par le front. Tout cède et cinq
oonis prisonnières nous restent.
I.oo jiii'K Hrune: j»vi$xa jusiu'à Penna, Dolcéaqua et
Ti olivette i^ ui il rauu^na ijuatre cents prisonniers en fuite
vei^s \intimille. Quatre régiments autrichiens, ne pou-
LE CONSULAT ET l'EMPIRE (1799-1814) 315
vant rejoindre Elsnitz, gagnèrent le col de Tende, en
jetant armes et bagages. Lescure alla à leur poursuite par
les cols des Sablone et de Bourra. Il eut parmi ses prison-
niers le baron de Moltck, commandant des sapeurs-pion-
niers. Suchet avait Tœil à tout. 11 tenait le 3 juin son
quartier-général à Tende, et écrivait de là qu'il avait en
son pouvoir 5,000 prisonniers, et que le Comté de Nice
était en entier recouvré.
Le 4 juin Oudinot,chefd'état-major,apprenait à Suchet,
de son quartier-général de Breil, que le vœu de l'armée
était d'aller à Gènes pour délivrer Masséna, et de marcher
sous les ordres de son chef intrépide à la rencontre du
premier consul.
Suchet écrira de Port-Maurice, 6 juin, au ministre de la
guerre : « La rapidité, avec laquelle nous poursuivons
l'ennemi, ne me permet pas de vous en écrire plus long ;
déjà mon avant-garde est, la gauche à Orméa et la droite
à Borghetto, où je me rends. Nous comptons les instants
qui doivent nous rapprocher de Gènes et du général en
chef. Encore deux marches forcées et il me sera permis de
vous annoncer le premier une jonction si vivement dé-
sirée. »
Le général Devaux aux ordres de Garnier à Nice, féli-
citait le maire de Vence du zèle qu'avait déployé l'admi-
nistration pour l'organisation de la garde mobile; il or-
donnait de la laisser encore à Gattières, et mettait la
commune à la disposition du général Pereimond qui suc-
cédait à Pascalis dans le commandement d'Antibes. Su-
chet apprit le 7 juin à Alassio que Masséna avait capitulé
le 4 et que le 5, à la pointe du jour, il quittait Gènes avec
1,500 hommes, son état-major et tous les honneurs de la
guerre. 11 faisait voile vers Antibes sur le navire de son
ami Bavastro, y séjournait peu de temps et se rendait
aussitôt à Paris. Suchet recevait la division du général
Gazan venant de Gènes. Le général Gazan avait eu aussi
316 CHAPITRE V
sa belle part de gloire dans ces circonstances. Ni Masséna,
ni Suchet ne purent prendre part à la victoire de Ma-
rengo (14 juin), mais on peut dire que Tun et Tautre l'a-
vaient préparée. L'intrépidité de Masséna donna à Bona-
parte le temps d'arriver. < Vous valez à vous seul plus de
25,000 hommes, lui avait dit l'amiral Keith. > Suchet re-
tint assez longtemps 17,000 hommes dans les Alpes-Mari-
times, reconquit Nice, et si Masséna eût pu tenir encore
trois jours, il était rejoint par Suchet.
Nous n'avons plus dans nos parages de bruits de guerre.
Pourtantnotre arrière-garde conserve encore ses positions
dans les Alpes-Maritimes ; Alberti commande la place de
Lantosque ; Cinetti garde Belvédère, et un poste de canon-
niers occupe la redoute de Saint-Jean. La garnison de Bel-
védère, peu disciplinée, se permit d'insulter les habitants,
de piller les bergeries et de menacer même de mort ceux qui
résistaientà leur pillage.L'administration s'en étant plainte
au général commandant à Nice, voici qu'au mois d'août
trois généraux inspecteurs montent à Belvédère, se ren-
dant à Saorge ; ils mandent le sergent du poste de Saint-
Jean ; et le général en chef, le frappant de sa cravache en
plein visage, le traite de canaille et ordonne de le mener à
Saorge pour passer en conseil de guerre. Puis i! dit à Ci-
netti de prendre garde à lui: « Si j'entends la moindre
plainte, je vous dégrade immédiatement. >
Jetons ici une expression de regret sur Marcel Masséna
qui meurt, dans son commandement d'Antibes, le 18 dé-
cembre 1800; il n'avait que 60 ans. Dans ces cent com-
bats de nos Alpes-Maritimes de 1792 à 1800, il est une
pensée qui atfecte douloureusement notre àme, touten
admirant Ihéroïsme de nos soldats ; il y manque le souffle
religieux. Le ministre de Dieu n'est pas là pour soutenir,
pour consoler, pour aider enfin à mourir. Et cependant
qu'est le sacrifice, le dévoument militaire, sans l'espoir de
l'immortalité bienheureuse !
LE CONSULAT ET l'EMPIRE (1799-1814) 317
V. — LES BARBETS.
Ces terribles brigaads qui infestaient toutes les routes
des Alpes-Maritimes, ne cessaient pas d'y jeter la terreur.
On dressa une liste des principaux chefs, qu'on envoya à
toutes les communes. On citait de Nice les nommés Luin
et Aiida ; une dizaine de Villefranche, autant de l'Esca-
rène, cinq d'Utelle, dont Cresci jugé à mort ; dix de Sainte-
Agnès, douze d'Eze, cinq de Cuébris, douze de Breil, six
deSaorge, trois de Belvédère, trois de Tourrette-Le-
vens; tous condamnés à mort par contumace, et leur
tète mise à prix. Le 12 décembre, les colonnes mobiles
chargées de les atteindre en prennent onze. Ce qui faisait
trente-uu depuis le 19 octobre. En 1801, le général Gar-
nier arrête Sébastien Gibelle et Jacques Martin, des plus
dangereux (13 mars.) Le 28 septembre, à Loude deux des
chefs, Antoine Bensa et Antoine Imbert. Le 8 novembre,
Penchienatti de Contes et C. Cagnoli d'Utelle. En 1803,
trois sont pris à Puget-Théniers, J. Pastor, A. Ferrier et
N. Rivasca (8 octobre.) Le 13, ils assassinent un gendarme
au col de Tende. On signale Airole près de Vintimille,
comme un de leurs repaires. En 1804, 26 février, on en
prend trois à Castillon, dont deux de Berre et un de Ben-
dejun. En 1805,6 avril, c'est M.-A. Gallo, Frabon, et
Galvagno dit le dragon d'Ormée. Le 7 février, un des
barbets, Girard dit Boulon^ s'est retiré à Valbonne ; il
blesse deux gendarmes et s'évade. En 1810, une bande
de barbets court la vallée de Lantosque. Les gardes natio-
naux, les gendarmes réunis font une battue du 11 août au
17. Ils finissent par arrêter à la Bollène leur chef, André
Thaon. Le 24 août, les Barbets assassinent au Brec du
Braûs un certain Bellissime dit Campagnole, qui con-
duisait des bœufs à Nice. En 1818, on prendra enfin un
certain Laugier dit le Loup, né à Grasse. Les anciens ra-
318 CHAPITRE V
content encore les forfaits d'un fameux barbet qui avait
choisi pour asile le quartier si accidenté du Ray, aux en-
virons de Nice.
VI. — LE CONCORDAT DE 1801.
L'avènement de Bonaparte au Consulat rendait la paix
à l'Église. Il signa avec Pie Vil le concordat de 1801 (15
juillet.) Jusqu'alors les prêtres non assermentés tombaient
sous le coup de la loi ; le culte catholique n'était que toléré.
Maintenant l'Église de France reprend son existence offi-
cielle et régulière. L'empressement que met le peuple à
revenir aux habitudes religieuses prouve que la liberté de
conscience n'existait plus en France depuis la constitution
civile du clergé, et que la révolution qui se disait libérale,
n'avait fait qu'imiter les gouvernements les plus cruels et
les plus despotiques. Les évèques de Grasse, de Vence, de
Nice, de Toulon, remettent entre les mains du Souverain
Pontife la démission de leur siège. Bonaparte désigne alors
au siège de Nice, un de ses petits parents, originaire de
Bechisano (Corse), J. B. Colonna d'Istria, né en 1758,
renommé par sa piété et par sa charité. Sacré à Paris le 11
juillet 1802, il prit possession de son siège, le 4 septembre,
au milieu du plus grand appareil. Toutes les administra-
tions, la magistrature, le clergé l'accompagnèrent solen-
nellement à la cathédrale. Le vicaire général, Jérôme
Rossi, lui adressa un discours latin ; l'évèque y repondit
en français : « Me voici enfin, dit-il, au milieu de vous tel
qu'un ange de paix, vous apportant les célestes conso-
lations.
Il jette un coup d'œil rapide sur les événements passés,
puis s'arrètant tout à coup : < Ne rouvrons pas des plaies
(jui saignent encore et qu'un sage gouvernement tâche de
cicatriser... Grâce à la divine Providence ce temps n'est
plus où les prêtres remplissaient les cachots ? » U fait ob-
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1799-1814) 319
server qu'il n'en a pas été de Nice comme des autres
pays. La Révolution n'y a pas produit les mêmes effets
qu'ailleurs. La religion s'y est conservée au milieu des
agitations les plus violentes »... Il adresse des prières fer-
ventes pour le gouvernement, pour le Souverain Pontife.
Puis il se met à l'œuvre, s'entend avec le Préfet pour la
réorganisation des paroisses, reconstitue le chapitre, le
séminaire, les confréries des Pénitents, prend successive-
ment pour grands vicaires MM.de Villarey, Trinchiery,
Garin et de Grimaldi ; rétablit les couvents de Saint -Bar-
thélemv, deCimiéset des Vésitandines. Il n'a rien à lui.
Tout ce qu'on lui donne va aux pauvres.
Sur l'autre rive du Var, l'archevêque d'Aix M^"^ de Cissé
nomme curé-archiprètre de Grasse M. Archier ; d'Anti-
bes, curé de V"^ classe, M. Geoffroy du Rouret ; et de
Vence, M.Savournin qu'il fait grand vicaire, etarchiprê-
tre en considération de ses mérites personnels et de l'anti-
que siège épiscopal de Vence. M^' Pisani passera en 1804,
à l'évêché de Namur, qu'il illustrera par ses talents et par
ses vertus. Il n'oubliera jamais son ancien peuple de Vence,
il lui enverra son mandement d'installation ; et quand il
mourra, il fera des legs à l'église de Vence, et à celle de la
Gaude pour le repos de son àme et de celles de son père et de
sa mère. Lisons un extrait de sa hîttre à ses diocésains de
Venco quand il se démit de son siège (10 octobre 1801) :
€ Telle est et telle sera juscju'à la fin des siècles la destinée
de l'Eglise qu'elle doit continuer sa course, comme elle l'a
commencée entre les persécutions du monde et les conso-
lations de Dieu... 11 est reconnu que les évoques de France
conduits en exil ont soutenu avec justice la vraie croyance
de l'Église... La paix va nous être rendue, mais les dou-
ceurs ne seront que pour vous. Les amertumes continuent
pour vos pasteurs fidèles ; ils doivent boire le calice jus-
qu'à la lie. Ce n'est qu'à ce prix qu'ils peuvent vous assu-
rer, dans les circonstances présentes, les jouissances de la
320 CHAPITRE V
paix. Oui, on vient de leur demander à tous un sacrifice
qui a pu être proposé dans l'Église, mais qu'on n'a jamais
vu s'accomplir. Il est résolu à le faire. Soumis au décret
du Saint-Siège, il renoncera à un siège où il voulait mou-
rir. Mais il aimera toujours sa chère église de Vence. >
(Donné le 10 octobre du lieu de son exil.)
La réorganisation des paroisses ne se fit pas sans certai-
nes difficultés. Combien de prêtres compromis pendant la
révolution avaient à se réhabiliter dans l'opinion publique!
Le Préfet du Var, empiétant sur ses droits, cherchait à
s'immiscer dans les affaires du clergé et quelques prêtres
adhéraient à ses ordonnances: < C'est cette lâcheté inex-
cusable, disait l'archevêque d'Aix, qui a fait prêter tant
de serments inconsidérés. Comment veulent-ils que je les
protège efficacement, s'ils ne me suivent pas, lorscjue je
me mets en avant d'eux. Pour moi je n'avilirai jamais les
droits du sacerdoce, et je ne trahirai pas mon ministère.
Je défendrai, s'il le faut, de si grands intérêts, et je ne me
découragerai pas de l'abandon de plusieurs de mescoopé-
rateurs... 11 faut que les bons prêtres désarment les mé-
chants par leur patience et leur charité. >
La Colle et Saint-Jeannet ne voulaient pas des curés
qu'on leur donnait. Plusieurs pays n'en avaient pas. t A
Bezaudun, dit-on en 1803, on meurt sans sacrement faute
de prêtre. >
Des curés pleins de zèle ranimaient l'esprit religieux par
des missions. Le 3 février 1805, dans la mission de Vence
dix prêtres suffirent à peine aux confessions ; et l'autorité
municipale en tête, suivit tous les exercices, et communia
de la manière la plus édifiante. Il en fut de même à Saint-
Paul et îi la Colle.
Le P. Paré, capucin , prêchait la mission à Grasse en 1808.
Seulement s'étant permis dos attaques contre le gouver-
nement, un ordre de l'administration supérieure arriva
de ne plus monter en chaire et de quitter la ville de Grasse.
LE CONSULAT ET l'eMPIRE (1799-1814) 321
Le prêtre, fidèle dépositaire de la vérité, ne doit jamais la
sacrifier ; mais cette défense de la vérité n'exclut pas la
prudence, la douceur et la charité. Qu'il se garde de mêler
la politique avec la religion : il se doit tout à tous pour
gagner tout à Jésus-Christ.
VII.— ADMINISTRATIONS DÉPARTEMENTALE ET MUNICIPALE.
Partout les divers services reprennent leur cours régu-
lier. Il s'agit d'équilibrer le budget. On a beaucoup de
ruines à relever, de dettes à payer. Les communes les plus
importantes se font autoriser à établir des octrois, Nice,
Grasse et Antibes sont de ce nombre. Le gouvernement
tenait à ramener le bonheur dans le pays si longtemps
éprouvé. Aussi il demande à l'avocat Dabray de Nice,
quelle était la disposition des esprits dans le département
des Alpes-Maritimes (octobre 1800).
€ Le commerce est nul, les campagnes ont été rava-
gées, les troupes ont apporté avec elles tous les fléaux,
même la peste ; les contributions écrasent tout le monde ;
et le général Garnier qui commande le département, est
détesté à cause de sa brutalité et de son despotisme. »
Le nouveau préfet, M. Flourens, républicain modéré et
bon administrateur, employa bien toutes les ressources
dont il pouvait disposer ; mais le régime militaire passait
encore avant tout. 11 fut remplacé par M. de Chàteauneuf-
Randon, ancien conventionnel de la Montagne. Il ne resta
que quinze mois, et eut pour successeur M . le vicomte
Joseph Dubouchage (mai 1803), qui mérita bien du pays
par la sagesse de son gouvernement. Son premier soin,
en arrivant à Nice, fut de visiter la rive droite du Paillon,
dont le débordement du 21 novembre 1802 avait dévasté
les plus belles propriétés, et de venir en aide aux rive-
rains par un secours efficace. Les maires se succèdent,
nommés par le premier consul, ce sont : MM. Pauliaui,
21
322 CHAPITRE V
puis François Defly et Romey. C'est sous Tadministra-
tion de M. Défly que Ton plaça dans la salle du conseil les
bustes du général Masséna et de Napoléon Bonaparte,
nommé consul à vie : de Masséna, notre concitoyen, ce
héros que Thistoire entière respecte et que la FYanoe
admire ; de Napoléon Bonaparte, premier consul à Tie,
objet de V admiration de l'univers et deVamour des
Français, dit le (îonseil délibérant.
Masséna lui-même, passant Thiver à Nice, sa patrie, en
1803, fut nommé président du collège électoral du dépar-
tement. Lorsqu'on plaça son buste dans la grande salle
de la Mairie, M. Piccon, président du tribunal^ lui lut une
ode en beaux vers ; la République Ligurienne lui envoya
une riche armure. Ce furent ovations sur ovations. L'em-
pereur, en 1804, le nommera duc de Rivoli, maréchal de
France ; il lui donnera le cordon de la légion-d'honnear
et quelque temps après, le fera prince d'Essling.
Pour nous, qui jugeons à distance et qui reprochons à
Bonaparte d'avoir confisqué toutes nos libertés, renié son
passé républicain, en devenant empereur, nous devrions
consulter ropinion publique qui lui décerna ce titre, et qui
lui confia Tépée de la France, dont les terroristes avaient
abusé. Comme il y avait eu de vraiment grand en France,
sous la Convention et sous le Directoire, l'armée souffrant,
se battant et mourant aux frontières, le plus grand de ses
soldats deviendra le chef et le restaurateur de la Patrie.
Que son ambition ait fini par le perdre, qu'il ait commis
de grandes fautes, il n'en reste pas moins, malgré ses ta-
ches, un astre du premier ordre, comme guerrier, po-
Utique et chef d'État.
Lisons l'adresse de Nice à Bonaparte pour qu'il ceignît
la couronne impériale. En voici quelques phrases : < Héros
incomparable, vous tenez dans vos mains,fortes de sagesse
et de courage, le sort d'un grand nombre d'États. Plus
grand, plus illustre, plus savant que Charlemagne^vousne
LE CONSULAT ET l'EMPIRE (1799-1814) 323
pouvez en refuser le diadème. Qu'il soit posé sur votre tête
sacrée et qu'il se perpétue dans votre famille, formée comme
vous à l'exercice des grandes vertus... Tel est.le vœu gé-
néral... tel est le vœu particulier de la ville de Nice....»
«Il est temps, dira le maire d'Antibes, M. Vantrin,de
manifester un vœu trop longtemps renfermé dans nos
cœurs. L'attachement que tous les habitants de cette
commune ont pour le héros qui nous gouverne ne me
laisse aucun doute sur votre adhésion à la proposition que
vient vous faire la ville d'Antibes.
€ Un moment pouvait détruire le fruit de quatre années
de miracles, et le bonheur de l'avenir. La tranquillité
dont nous jouissions couvrait de fleurs et cachait l'abîme
que nous creusait la perfidie, et qu'elle peut creuser
encore. Le complot affreux qui vient d'être déjoué, en
nous rassurant pour le présent, nous laisse la crainte et
l'inquiétude de tous les instants. Le meilleur frein du cri-
me est de lui ôter la possibilité du succès. Une grande
puissance, un titre redoutable pour nos ennemis autant
que rassurant pour les Français, la dignité impériale enfin
conférée au grand homme qui nous gouverne et Théré-
dité, dans sa famille, hérédité qui brisera toutes les ambi-
tions, sont les moyens d'éterniser la prospérité des Fran-
çais et d'acquitter la dette contractée envers le héros qui
nous gouverne. > — Et tous votent par acclamation et à
l'unanimité. — Grasse, Vence, Cannes, pas une commune
qui n'appelle l'Empire de ses vœux. La petite commune de
Marie y par exemple, dira qu'elle ne peut exprimer ce
qu'elle ressent pour le sauveur et le libérateur de la
France. « Sire, nous vous supplions d'assurer notre repos
et notre bonheur, en assurant le titre d'Empereur, héré-
ditaire dans votre famille. » Les légitimistes eux-mêmes
l'acceptent, comme un temps d'arrêt, et une nécessité du
moment: ce qui n'empêchera pas les arrière-pensées
et la réaction. En attendant, le tribunal, le corps législatif
324 CHAPITRE V
et le sénat votèrent l'Empire et le 18 mai 1804, Napoléon-
Bonaparte était proclamé empereur des Français sous le
nom de Napoléon P% et le Pape, sur son invitation, arri-
vait de Rome à Paris pour le sacrer à Notre-Dame, le
2 décembre 1804.
Du Nord au Midi, on chanta le Te Deiini. Nous pû-
mes voir planer, au-dessus du Chéron, un des ballons
partis de Paris dans la direction de l'Italie pour y annoncer
la nouvelle du Sacre. Nice fêta la proclamation de rEm-
pire ; le soir on illumina, et au théâtre on joua une pièce
de circonstance qui avait pour titre: Vhommage à
Bonaparte ou la fête villageoise. W Colonna or-
donna, par un mandement, de chanter, le 17 juin, le Te
Deum et le Veni Creator dans toutes les églises de son
diocèse. Nice envoya quatre de ses principaux citoyens à
Paris, pour complimenter TEmpereur ; et quelque temps
après, une autre députation de gardes nationaux, pour as-
sister au Sacre. On célébra, le jour du Sacre, une fête civile
et religieuse. Désormais toutes nos grandes victoires se-
ront accompagnées des mêmes solennités, dont la religion
ne sera plus séparée. Le 5 janvier 1806, par exemple,
l'évêquede Nice, W^ Colonna d'Istria, officiera à la cathé-
drale pour la victoire d'Austerlitz,ety prononcera devant
les autorités réunies un fort beau discours.
Beaucoup de personnes de l'ancien régime, et même de
la Révolution s'étaient dévouées au gouvernement Impé-
rial, et parmi elles, nous nommerons le conventionnel
Isnard. 11 était devenu juge au parquet de Paris, lorsque
le Pape y vint pour sacrer Napoléon . Il lui offrit dans cette
circonstance son traité de V Immortalité de rame.
Ceux qui furent opposés à l'empereur ne furent pas
épargnés. Barrière de Saint-Jeannet, membre de TAssem-
blée législative, pour avoir osé dire à la tribune : J'aime le
consul, mais je n'aime pas le consulat, sera exilé à
Naples. Au fort Sainte-Marguerite arriveront quelques-
LE CONSULAT ET l'EMPIRE (1799-1814) 325
uns de ces disgraciés du nouveau régime. En 1803, c'était
M. Omer de Toulon. Le 6 février 1806, on y amenait la
duchesse d'Escars.a Sa haine prononcée contre sa Majesté
et contre ses institutions, le mauvais esprit qu'elle ne ces-
sait de manifester dans ses sociétés, ont nécessité cette
mesure. > En 1812, 16 mars, l'évêqiie de Gand, M^' de
Broglio, sera enfermé au fort Sainte-Marguerite.
vin. — LES GUERRES DE L'EMPIRE.
Quoique le théâtre de la guerre se soit éloigné de nos
passages, nous n'en ressentirons pas moins les contre-
coups, puisqu'il nous faudra contribuer d'hommes et d'ar-
gent pour les armées de terre et de mer. Les villes mari-
times auront de plus à se garder, nuit et jour, contre la
flotte ennemie. Antibes fournissait plus de six cents hom-
mes à l'inscription maritime, et beaucoup d'officiers dis-
tingués pour l'armée continentale.
Les corsaires anglais inquiétaient continuellement nos
côtes. Le 18 juin, 1803, une goélette anglaise avait cap-
turé en vue de Villefranche une tartane française chargée
de sel, pour Menton. La Fauvette^ capitaine Voisin, alla
le lendemain matin à la poursuite du vaisseau ennemi,
l'atteignit enfin, engagea le combat, la força d'amener son
pavillon, et de se rendre. La goélette, armée à Malte,portait
douze canons et deux obusiers, et quarante-cinq hommes
d'équipage. La Fauvette rentra en rade avec sa prise.
Le 20 août, de la même année, le bruit courut que l'es-
cadre anglaise avait envoyé des chaloupes armées pour
détruire nos batteries côtières. Au bruit de la générale, la
troupe de Nice, la garde nationale, les habitants des envi-
rons couvrirent bientôt le rivage.
II en fut de même du Var à Cannes. Ce n'était qu'une
fausse alerte. Mais huit jours après, cinq navires anglais
fiirent signalés en vue de Saint-Raphaël. Une douzaine
326 CHAPITRE V
d'habiles marins, partis du golfe de la Napoule, se portèrent
du côté du port d'Agay, pour gagner la redoute d'Al-
mont, que les anglais menaçaient. Un engagement eut
lieu. 11 y eut un anglais de tué, et deux faits prisonniers;
les autres regagnèrent leurs navires. Us reparurent le 10
mai, en vue de Nice. Enfin, comme malgré le traité
d'Amiens, ils continuaient de rester armés et refusaient
d'évacuer Malte et le cap de Bonne-Espérance, une nou-
velle rupture éclata. Ce fut la coalition de 1804-1805.
Napoléon, reprenant son projet d'une descente en Angle-
terre, forma le camp de Boulogne. 11 y attendit en vain
la flotte commandée par de Villeneuve, et renonçant à
l'espoir d'écraser l'Angleterre dans son île, il essaya de la
vaincre sur le continent. Pitt avait soulevé la Russie et
TAutriche contre nous. La victoire d'Aust^Tlitz, 2 décem-
bre 1805, nous consola de la perte de notre marine à Tra-
falgar. La quatrième coalition suivit de près la paix de
Presbourg (1806.) Nous triomphions à léna ; et de Berlin,
partait pour toute l'Europe la déclaration du blocus conti-
nental qui frappait l'Angleterre dans son conimeree.Toute
marchandise anglaise trouvée sur le continent dut être
brûlée, tout bâtiment neutre qui se mettait en rapport
avecun vaisseau sur le littoral anglais était capturé. Nice
s'y soumit, mais en souffint cruellement.
Le 14 mai 1807, vers cinq heures du soir, une frégate an-
glaise venant de Test attaqua en vue du cros de Gagnes
une grosse polaire, capitaine Prever, armée de six pièces
de canon, et venant de Marseille. Quoique Prever n'eut
que vingt-trois hommes contre quarante-cinq, il engagea
le combat qui dura depuis dix heures jusqu'à minuit, tua
bon nombre d'ennemis et les força de prendre le large.
Revenu s'amarrera Antibes,il y rendit compte de cet acte
de liravoure ; le rapport fut envoyé à Grasse et de là à la
Préfecture.Preverreçutlesfélicitationsdu Gouvernement.
Les guerres succèdent aux guerres et les victoires aux
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1799-1814) 327
victoires. Pendant la troisième coalition, l'évêque de Nice
avait ordonné des prières publiques dans tout son diocèse.
Les communes du littoral se tinrent sur la défensive.Ordre
àNice de sonner la cloche d'alarme, et à toutes les parois-
ses de faire de même au cas d'alerte. A la victoire d'Aus-
terlitz, qui coïncidait avec l'anniversaire du sacre, l'em-
pereur avait demandé à chaque commune de doter une ou
plusieurs filles sages et vertueuses et de les donner à un
homme honorable ayant fait le service militaire. Ce qui
fut accepté dans les centres de populations, assez aisées
pour voter cette dépense. Nous avons sous les yeux les
dotes votées par les conseils de Nice, d'Antibes, de Grasse
et de Vence. Ces jeunes filles prennent le nom de rosières.
A Nice, ces mariages se célèbrent solennellement dans
l'église Saint-François de Paule, le jour anniversaire delà
bataille d'Austerlitz.— Napoléon était au faîte de la gloire.
De 1804 à 181 1 il distribue des grâces et des titres. Il fait
le conventionnel Isnard, baron de l'Empire ; le général
Reinardi de Belvédère, aussi baron de l'Empire ; le brave
Rusca, général ; le général Gazan de Grasse, comte de la
Peyrière ; Massé na qui était déjà maréchal de France et
duc de Rivoli, sera en 1809 prince d'Essling. Fallait-il
qu'oubliant les leçons de l'expérience. Napoléon voulût
tout plier sous son autorité ; et qu'au mépris de la reli-
gion, du respect et de la reconnaissance, il osât même por-
ter la main sur le Souverain Pontife, et l'amener prisonnier
à Fontainebleau ? Le sacrilège n'a jamais réussi. On peut,
en observant l'histoire, considérer ces attentats contre la
religion comme le signal de la décadence de ceux qui les
osent, quels qu'ils soient.
IX.— PIE VII A NICE.— 1809.
Pie VII, ramené brusquement à Savone, arriva à Nice
le 7 août 1809 vers onze heures du matin. Plus de
328 CHAPITRE V
2,000 personnes allèrent à sa rencontre jusqu'à Saint-
Laurent-du-Var. Sa Sainteté étant descendue de voi-
ture, l'orfèvre Buèrelui offrit son ombrelle. Là étaient
M^' Colonna d'Istria et la princesse d'Etrurie. Vie VU prit
le petit prince dans ses bras, et l'éleva vers le ciel : < Quel
temps différent ! dit la Princesse. > — « Tout n'est pas amer^
tume, reprit le Pape. Nous ne sommes ici ni à Rome, ni à
Florence, et pourtant regardez tout ce peuple, écoutez
ses transports et ses acclamations. > Rien ne put empêcher
la foule d'approcher jusqu'à lui pour recevoir sa bénédic-
tion. Les gendarmes durent céder. Il descendit vers midi
à l'hôtel de la Préfecture, où le secrétaire général Sau-
vaigo avait eu l'ordre du préfet Dubouchage, de préparer
les appartements. Le colonel de gendarmerie, Boissard,
laissa la liberté de visiter Sa Sainteté. Chaque soir, la ville
illumina ; la veille de son départ, on lui donna^ sous ses
fenêtres, qui ouvraient sur le quai du midi, le spectacle
de tous les bateaux pêcheurs illuminés et pavoises, croi-
sant sur le rivage. Le Pape parut au balcon et bénit
encore la multitude qui criait : Vive Pie VII. Il partit le 1 1
au matin, par le col de Tende pour Savone, et il ira de là
à Fontainebleau.
X. — SIXIÈME COALITION.
Napoléon continuait d'élever de plus en plus son essor.
En 1810 son empire comptait cent trente départements;
il distribuait des couronnes. Mais voici qu'en 1812, il s'at-
taque au colosse russe. C'est au sein même de ses états
qu'il veut l'étreindre. La sixième coalition se forme. Il
nous faut encore des hommes et de l'argent.
Entrons dans la salle du Conseil municipal d'Antibes,
le maire, M. Barquier s'exprimera ainsi le 3 février 18)3:
€ Messieurs, interprète des sentiments que vous avez
manifestés, en apprenant les pertes, que l'intempérie des
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1799-1814) 329
saisons a occasionnées à la grande armée, et la trahison du
général de l'armée d'une puissance alliée, j'ai demandé
l'autorisation de vous assembler pour que vous puissiez
exprimer légalement votre vœu.
€ Le conseil voulant donner à sa majesté l'empereur et
roi des preuves de son dévouement et de son amour pour
sa personne, aussi du vif désir qu'il a de soutenir la gloire
des armées françaises, et la prépondérance que les nom-
breuses victoires remportées par sa Majesté ont donnée
à la France, a unanimement délibéré qu'il sera présenté
à Sa Mojesté une adresse pour lui offrir deux cavaliers
montés et équipés, soit 1,200 fr. par cavalier.>
Et voici l'adresse :
€ Sire, l'intempérie des saisons et l'àpreté d'un climat
sauvage ont pu arrêter quelque temps l'essor des aigles
françaises toujours invincibles sous vos ordres. La lâche
trahison du général de l'armée prussienne a pu com-
promettre un instant la sûreté d'une des ailes de la grande
armée. Mais ces événements ne feront que hâter l'époque
où seront mis à exécution les plans que votre génie a con-
çus pour le bonheur du monde. Les mers seront libres et
l'Europe sera affranchie de la funeste influence de ce cabi-
net perfide qui sème partout l'or et la corruption. La nation
française bien loin d'être abattue par ces événements im-
prévus ne fait que redoubler d'énergie. Non contente de
fournir les contributions décrétées, elle prévient, par des
offrandes volontaires, les besoins de l'État.
€ Les habitants d'Antibes se sont toujours distingués
par leur attachement et leur fidélité pour le souverain. Us
n'oublieront jamais le bonheur qu'ils ont eu de vous pos-
séder au milieu d'eux ainsi que votre auguste famille.
Interprêtes de leurs sentiments de dévouement, d'amour et
de respect pour votre personne sacrée, et pour celle du roi
de Rome,nous supplions votre Majesté dédaigner accepter
les services de deux cavaliers, montés, équi[)és et aimés. ..>
330 CHAPITRE V
La séance est levée au cri de : Vive TEmpereur !
Et quand la coalation nous menace : « Sire, les chimé-
riques projets des ennemis de la France sont parvenus
jusqu'à nous. Ils osent se flatter de faire descendre la
grande nation du haut degré de splendeur où vos immor-
tels travaux l'ont élevée ; qu'ils sachent que le peuple fran-
çais se lèvera tout entier pour repousser les audacieux
qui tenteront d'envahir son territoire. Ce ne sera point
en vain que l'auguste Marie-Louise, la digne petite-fille
de Marie-Thérèse, aura fait retentir dans le sein du Sénat,
votre nom, Sire, et les mots de patrie et d'honneur. Oui,
nous et nos enfants, nous sommes prêts à prendre les ar-
mes pour défendre l'honneur delà couronne impériale et
l'indépendance de la nation ; nous sommes prêts à faire
tous les sacrifices pécuniaires que le soutien d'une si belle
et si juste cause pourra nécessiter. Les Français, animés de
l'amour le plus vif pour votre personne sacrée , pénétrés
de ce qu'ils doivent à l'honneur national, à leurs frères
et à leurs enfants qui sont sous vos aigles, ne peuvent
qu'être victorieux. > 24 octobre 1813.
Antibes avait pourtant perdu plusieurs de ses braves
concitoyens pendant ces guerres continuelles. L'adjudant-
général Nicolas Gazan, antibois , était mort en défendant
Ancône en 1797 ; des trois Vial, Vial Sébastien avait été
tué à Orcaux en 1809 ; le général Honoré Vial succombera
glorieusement à Leipzick, le 18 octobre 1813, en même
temps que le général Emond d'Esclevins, qui s'était si
bien distingué àLutzen.
Grasse ne restait pas arrière , nous avons le récit des
fêtes officielles, et en 1811, pour la naissance du roi de
Rome, et le 15 août 1812 ; nous avons des adresses à
l'empereur en 1813, adresses si respectueuses. Il n'y a
pas jusqu'aux plus petits villages qui en 1811 se mettent
en frais pour le petit roi de Rome. Ainsi Caille, le 27 avril
1811, a Te Deum^ banquet, farandoles, aux cris de:
LE CONSULAT ET l'EMPIRE (1799-1814) 331
Vive le roi de Rome ! Vive TEmpereur ! Nice n'applau-
dira-elle pas ausssi aux gloires de l'empire ? Elle célébrera
avec enthousiasme la naissance et le baptême du roi de
Rome ; elle enverra pour députés à l'empereur, MM. de
Roubion et Dabray ; votera 3,000 francs de dot pour cinq
rosières, composera un recueil de poésies en l'honneur
de l'empereur, ce dont Napoléon se montrera si flatté qu'il
donnera à la cité de Nice une grande médaille en or.
En 1813, ses adresses à l'empereur sont dans le même
sens que celles d'Antibes. Elle offre douze cavaliers équi-
pés à ses frais ; elle célèbre avec une plus grande solennité
que de coutume la fête du 15 août.
M. Toselli a publié les adresses de Nice et de Puget-
Théniers à l'impératrice Marie-Louise, que porta encore
à Paris M. de Roubion, maire, accompagné de MM. V.
Gain, Louis de Grimaldi et A. Pierrugues. < Quoique re-
légués dans nos montagnes, disent les habitants de Puget-
Théniers, et peu favorisés de la fortune, nous nous
empressons de concourir aux besoins de l'État pour con-
quérir une paix glorieuse. » Mais voici le déclin.
XL — RETOUR DE PIE VII A ROME. — ISH.
Pendant que Napoléon battait en retraite de Russie, Pie
Vil, délivré, retournait en triomphe vers Rome. La mon-
tagne descendit en foule sur son passage le 29 février, à
Cannes, à Antibes, à Saint -Laurent-du-Var. Le préfet se
rendit au pont du Var. Monseigneur Colonna, accompa-
gné des évêques d'Amegliaet de Suétri, arriva à son tour,
avec toute la procession. Des notables Niçois, quand on
fut à la Croix-de-Marbre, s'attelèrent eux-mêmes à la
voiture, et traînèrent le vénérable pontife. Des chanoines
portaient le dais ; les gardes nationaux, ayant mis leurs
chapeaux au bout de leurs baïonnettes en signe de res-
pecty formaient la haie.On arriva ainsi à Sainte-Réparate,
33Î CHAPITRE V
OÙ fut donné la bénédiction du Saint-Sacrement, et de là on
conduisit Pie VII au palais delà Préfecture (maison Nieu-
bourg). Les mêmes fêtes qu'en 1809 se renouvelèrent. La
princesse Pauline, alors àNice,rendit deux visites au Pape ;
et le 13 février. Sa Sainteté prenait la route de la Corniche.
Le monument, qu'on voit à laCroix-de-Marbre, rapi>elle
cet événement. En 1822, Pie VII enverra, comme témoi-
gnage de sa reconnaissance, son portrait à la cité de Nice,
qui le montre avec fierté dans la grande salle de THôtel-
de-Ville.
XII. — ABDICATION DE NAPOLÉON.
Cet homme, si grand , si révéré tout à l'heure, semble, de-
puis ses revers, tomber tout à coup dans la désaffection des
populations. La réaction sur les deux rives du Var est
telle qu'on redemande ses anciens rois. Sospel, l'Esca-
rène, Lantosque, Roquebillière se mettent en pleine insur-
rection. A l'Escarène surtout, les habitants se permettent
les paroles les plus outrageantes contre le Gouvernement
impérial, et contre les Français. Dans les rapports du géné-
ral Eberlé qui commande à Nice (28 février, 2 et 7 mars),
il est dit qu'on fait courir le bruit de l'arrivée du'ilue
d'Aoste de Sardaigne pour reconquérir le Comté de Nice.
Beaucoup refusent de tirer à la conscription et désertent
les drapeaux ; d'autres ne veulent plus payer les contri-
butions.Le maréchal Masséna, qui a le commandement de
la 8« division militaire, réunit les troupes qu'il a sous la
main pour ramener les révoltés, et pour rechercher les
déserteurs. Huit de ces individus, masqués et armés, assas-
sinent trois gendarmes sur la route de Nice à Saint-Mar-
tin-du-Var et volent la caisse de l'État. Pas une route n'est
sûre pour l'unifuime français. Cependant se livraient dans
le Nord les cent combats où la valeur des troupes impéria-
les luttait avec une énergie désespérée contre les alliés
envahisseurs. C'est dans un de ces combats, à Soissons, que
LE CONSULAT ET L'EMPIRE (l799-i814) 333
tomba, frappé mortellement d'un biscaïen russe, le vaillant
général Dominique Rusca (14 février 1814). La prise et
le pillage de Soissons suivirent sa mort, mais on put lui
rendre le lendemain, en grand deuil, les honneurs funè-
bres.
C'en est fait de l'Empire. Le 11 avril. Napoléon abdi-
que à Fontainebleau, et quelques jours après il part pour
rUe d'Elbe. Le 12 avril le comte d'Artois, Louis XVIII,
entrait dans Paris.
CHAPITRE VI.
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815).
I. — NICE RETOURNE A LA SAVOIE.
E parti légitimiste avait toujours eu des nombreux
^5;^adhérents à Grasse, à Vence et à Antibes. Nice aimait
la maison de Savoie, dont elle n'avait reçu que des bien-
faits. Les émigrés royalistes en rentrant dans leurs foyers,
au milieu de cette réaction générale, fortifièrent le parti
anti-napoléonien. Comme il arrive d'ordinaire, le peuple
qui acclame aujourd'hui ce qu'il repoussait encore hier,
qui assistait chaque année à la fête de la déchéance^ à la
décapitation de l'effigie royale, qui brûlait lesinsignes de la
monarchie, qui avaitcrié: Vive la République ! puis Vive
Napoléon ! Vive le Roi de Rome ! ce même peuple traîne
maintenant les statuts de la République et de Napoléon
dans la boue et salue avec enthousiasme l'avènement de
Louis XVIIL Le 15 avril 1814, le préfet des Alpes-Mari-
times se montrera au balcon de la préfecture, en agitant
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 335
son mouchoir blanc, et s'écriera : Vive Louis XVIII ! Vive
les Alliés ! Sa voix sera étouffée par les cris répétés de :
Vive Louis XVIII ! Vive Victor-Emmanuel ! Vive notre
Roi légitime! On s'embrasse, on fait des rondeaux, on
parcourt la ville, musique en tête; et chacun a pris la co-
carde blanche et bleue. Il n'y a aucun désordre, aucune
vengeance, aucune insulte. La joie ne discontinue plus.
Au mois de mai, on dresse partout des arbres enguirlan-
dés et ornés des couleurs nationales, on compose des chan-
sons que tous, soldats, bourgeois et commerçants, chan-
tent en allant d'un quartier à l'autre et autour des mais.
Le corps de cavalerie hongroise, qui avait escorté
Napoléon jusqu'à Saint-Raphël, vint occuper la ville de
Nice (3 mai) et fut cantonné au faubourg de Saint-Jean-
Baptiste. Les troupes françaises, dévouées à Napoléon, ef-
fectuant leur retraite d'Italie arrivaient en même temps à
Nice par le col de Tende. Il y eut le 13 mai une collision
entre les offîciers hongrois et les offîciers français. Le sang
coula. Le général Ebferlé, qui commandait alors à Nice,
montra une telle énergie, qu'il apaisa le tumulte. La mu-
nicipalité lui en garda bon souvenir en décernant le nom
d'Eterlé à l'avenue qui de la place Victor monte au
Château.
Nice retourne au roi de Savoie. Les conférences deCha-
tillon (14 novembre 1814) laissaient le duché de Savoie et
le comté de Nice à la France, en vertu du traité du 15 mai
1796. Mais au congrès de Paris, grâce au général Alexan-
dre Michaud, niçois, aide-de-camp de l'empereur de Rus-
sie, l'Empereur Alexandre déclara formellement qu'il ne
consentirait jamais à ce que le roi de Sardaigne perdît un
pouce de ses anciens États : « Il faut que la Savoie et
Nice lui soient rendues. > Il y fit ajouter de plus, toujours
sur la demande de Michaud, la république de Gênes pour
y être réunie à perpétuité. Ce brave général fut chargé
de porter cette bonne nouvelle au roi Victor-Emmanuel.
336 . CHAPITRE VI
Il en reçut la grand'croix des SS. Maurice et Lazare, et
le titre de comte de Beauretour pour lui et ses descendants.
S'étant rendu ensuite à Nice, il refusa par modestie Tova-
tion qu'on lui avait préparée.
Le nom de Michaud de Beauretour sera cher à jamais
aux Niçois. Le frère d'Alexandre, Jean-Louis restera en
Russie. Il commandera la Crimée en 1819 et fortifiera
Sébastopol.
Un ordre des puissances alliées arrivait à Nice le 19 mai
qui laissait l'occupation de la ville et du comté aux troupes
autrichiennes, en attendant que le roi de Sardaigne fût
rétabli dans ses États. Les troupes françaises continuèrent
de traverser Nice, en évacuant l'Italie, et suivirent leur
chemin par Antibes et par Vence.
Dubouchage emportait les sympathies de la reconnais-
sance générale. Le général d'Osasque, appelé par Victor-
Emmanuel au gouvernement du comté de Nice, occupa la
ville conjointement avec un bataillon autrichien et un ré-
giment anglo-sicilien. Lepremier juillet, un détachement
de ces troupes fut envoyé à Monaco, malgré les protesta-
tions du comte Millo, gouverneur, au nom du prince Joseph
de Grimaldi.
Par ordonnance royale du 12 juillet, le nouveau conseil
municipal de Nice entre en fonctions. Le comte Hermé-
négilde Audiberti de Saint-Etienne remplaça M. de
Roubion. On voyait près de lui MM. le comte Garin, le
chevalier J. B. Alli de Macarani, le comte Acchiardide
Saint-Léger, le baron Millonis de Thouët. Il y eut les trois
conseils pris dans chaque classe de citoyens, plus six
membres aussi de chaque classe.
II. — GRASSE ET ANTIBES A LA RESTAURATION.
Grasse accueillit avec transport la Restauration. « Les
habitants, est-il dit, oubliant les malheurs que la tyrannie
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-Î8I5) 3J?
de Robespierre avait déversés sur eux , et gémissait
en silence sot4S un despotisme d'un autre genre, non
moins funeste à Vhumanitè^ voient combler leurs
vœux par Vavénement au trône de ses ayeux Louis le
désiré.
Les Antibois délibèrent, le 16 avril 1814. Après la lec-
ture faite du décret du Sénat (11 avril), qui prononce la
déchéance de Tempereur Napoléon, abolit le décret d'hé-
rédité dans sa famille, et rappelle Louis XVIII sur le trône
de France, les conseillers font éclater les témoignages de
la joie la plus vive et votent l'adresse suivante aux mem-
bres du gouvernement provisoire: < C'est avec les trans-
ports de la joie la plus vive que les habitants de la ville
d'Antibes ont reçu la nouvelle des heureux événements
qui se sont passés à Paris du 1*' au 9 avril. Nous adhérons
tous de cœur et d ame aux actes que le Sénat a rendus. Il
a arraché le pouvoir des mains de cet homme qui en avait
si cruellement abusé pour le malheur de la France et de
l'Europe. 11 a rappelé au trône de Saint Louis et d'Henri IV
le noble sang des Bourbons qui ont fait la gloire et le
bonheur de la France pendant tant de siècles. 11 a par là
préparé le bonheur dont nous allons jouir sous le règne de
Louis le désiré, notre ancien comte de Provence qui tou-
jours a été cher à nos cœurs. Vive le Roi ! Vive le Roi!
Vive le Roi ! > Signent tous les conseillers, M. Barquier,
maire, eE tète, Chambron et OUivier, adjoints, Jaubert,
Guide^ Gautier d'Aubeterre, Suquet, Barquier, négociant,
Riouffe, Gazan, l'aîné, L. Gazan, Vautrin, J. Rodi,
Reibaud, Borelli, Plaucheur, Gairaud, Baliste, Gras,
Aubanel, Arnoux, Curault.
Le 1«' juin, M. Barquier, maire, parlait ainsi : « Mes-
sieurs, les descendants de nos anciens rois dont la race
est fertileen héros et en princes magnanimes et d'une vertu
éminente, ont remonté sur le trône. Louis XVlll est rendu
aux dé&in et à l'iuuour des Français. 11 veut que notre
22
338 CHAPITRE VI
bonheur date de son règne. Hàtons-nous de lui faire agréer
par une députation les sentiments qui animent les habi-
tants de cette ville, et de lui offrir Thommage des respects
et de dévouement que nous portons à son auguste per-
sonne. Mes sentiments sont les vôtres. Ma proposition ne
peut que vous être agréable. > Et Ton rédigea, séance te-
nante, l'adresse suivante : « Sire, le trône de Saint-Louis
avait été usurpé. Mais ses descendants n'ont pas cessé de
régner sur le cœur des Français. De longs malheurs, de
trop justes douleurs font place à l'allégresse publique.
Elle est unanime, elle porte l'empreinte des sentiments,
qui, longtemps comprimés par la force, s'exhalent par tous
les témoignages d'amour qui, pendant plusieurs siècles, ne
furent pas un devoir pour les Français. Votre ville d'Anti-
bes, Sire, sous vos ancêtres et particulièrement lors du
siège de 1746, a donné des preuves de dévouement qui
obtinrent des récompenses publiques. Héritiers de ces sen-
timents, nous pourrions, avec quelque orgueil, parler de
notre conduite dans les orages d'une révolution qui nous
accusa du noble crime de royalisme.
€ Continuer de mériter d'être distingués par notre fidé-
lité, notre dévouement et notre respect pour votre auguste
personne, tel est le but que nous ne cesserons de nous pro-
poser. > {Suivent les signatures.)
MM. Reibaud de Clausonne, ancien membre du corps
législatif, Aubernon, commissaire ordonnateur, Vial, an-
cien consul de France dans les échelles du Levant, V.
Reille, receveur des contributions, Gazan, lieutenant-co-
lonel sont députés à Paris pour porter cette adresse. Le 8
juillet M. Aubornon écrivit à M. Barquier : < La députation
de la ville d'Antibes a été admise, le l®"" juillet, à l'audience
de Sa Majesté, à laquelle j'ai eu l'honneur de présenter
l'adresse du corps municipal. Elle a daigné l'accueillir avec
bonté, et nous répondre qu'elle agréait avec plaisir les
sentiments de la ville d'Antibes, et qu'ils pouvaient tou-
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 339
jours compter sur sa protection. — Voilà les propres paroles
du Roi que je suis très-flatté de pouvoir vous transmettre.
Vous ne serez pas sans doute moins flatté d'apprendre que
Sa Majesté, sur la demande que j'ai eu l'honneur de lui
faire, a bien voulu accorder la décoration du Lys aux mem-
bres de la députation, ainsi qu'à tout le corps municipal de
la ville d'Antibes. Vous recevrez ci-joint les vingt-quatre
lettres d'avis qui me parviennent dans le moment et qui
vous autorisent à porter cette décoration. « Lorsque, le 20
juillet, le conseil réuni prit connaissance de cette lettre, il
manifesta une fois de plus sa joie et ses protestations de
dévouement. Le 2 octobre, il prétait le serment de fidélité
au Roi entre les mains du maire, Jean-Antoine Barquier,
Le 2 novembre le roi envoya aussi la décoration du Lys à
un certain nombre d'habitants de Vence. Grasse n'était
pas restée en dessous du mouvement royaliste. Chacun
croyait que nous en avions fini avec la révolution et avec
les guerres. Le général Gazan de Grasse, comte de la Pey-
rière, vepait se reposer dans sa patrie, après vingt-cinq
ans de services signalés. Pour vivre tranquille, il avait
même refusé le commandement de l'Hérault que lui avait
fait offrir Louis XVII I. Masséna, mécontent de Bonaparte,
qui, l'ayant laissé sans emploi dans les dernières guerres,
l'avait envoyé à la 8® division militaire, y resta quand
Louis XVIII monta sur le trône. Mais une grande partie
des troupes et les anciennes créatures de Napoléon regret-
taient l'Empire. Beaucoup aussi reprochaient à Louis
XVIII d'avoir été ramené et rétabli par les nations étran-
gères. L'armée en voulant aux alliés, désirait une revan-
che et maudissait Marmont. Napoléon, dont le génie ne
pouvait rester contenu dans une île, savait qu'il y avait
en France un mécontentement général surtout à cause des
faveurs exagérées, accordées exclusivement à la noblesse.
Il va oser. Audaces fortuna juvat.
340 CHAPITRE VI
III. — LES CENT JOURS. ~ DÉBARQUEMENT DE L'EMPEREUR
AU GOLFE-JUAN.— 1" MARS 1815.
Tout avait été disposé à Tîle d'Elbe pour le retour de
Napoléon en France. Sept navires armés en corsaires pri-
rent à bord, le 28 février, à 6 heures du soir, les grenadiers
de l'Empereur; et Napoléon avecDrouot, Bertrand, Cam-
bronne, le médecin Muraour, grassois, s'embarqua sur
V Inconstant y àe vingt canons, capitaine Taillade. Le sieur
Mourandi, antibois, faisait partie de V Inconstant comme
capitaine en second.On partit de Porto-Ferraio à neuf heu-
res du soir, dans le plus grardsilence,on trompa le Z^/?Wr,
chargé de surveiller l'île, et le 13 mars, Nice et Antibes
signalaient l'escadrille. Le baron de Coursio, qui com-
mandait à Antibes, navigua aussitôt vers les îles de Lérins
pour mieux observer ce qu'il en était. A onze heures, trois
navires débarquaient déjà leurs hommes au Golfe-Juan,
et dès une heure, un détachement de vingt-cinq grena-
diers se présentaient à la Porte de France, en demandant
à être introduits chez le major du 87®. Le major en aver-
tit le commandant de place, qui consigna les vingt-cinq
hommes, leva les ponts-levis, ferma les portes et doubla
les postes. Un autre officier s'introduisit aussi dans la ville
et alla loger chez le capitaine de marine Fugairon, son
ami. 11 fut arrêté aussitôt ; Fugairon s'esquiva. Ulncon-
stant se trouvait au Golfe-Juan à trois heures, mais avec
une mer si houleuse que Napoléon ne put mettre pied à
terre qu'à cinq heures. Ses fidèles grenadiers lui avaient
préparé une tente dans la propriété Guirard. C'est de là,
sous l'olivier traditionnel, qu'il lança cette proclamation
célèbre : < La victoire marchera au pas de charge. L'aigle
aux couleurs nationales volera de clocher en clocher jus-
qu'à Notre-Dame. >
Cependant quinze hommes étaient encore venus à Anti-
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 34f
bes,à quatre heures,en disant qu'ils avaient quitté Napoléon
pour se réfugier dans la place. On les désarma, en leur
donnant la liberté, et en leur assignant pour logement la
chapelle Saint-Esprit. S'étaient glissés aussi dans Antibes
le docteur Muraour, Tofficier Casablanca qui, avec les
quinze nouveaux-venus et Tofficier corse, Salicetti, re-
muaient déjà la garnison en faveur de Napoléon. Le com-
mandant de place consigna les quinze de la chapelle du
Saint-Esprit, et voulut saisir les trois autres qui sautè-
rent les remparts. Casablanca se cassa la jambe et fut
transporté à l'hôpital. Les officiers du 87® avaient proposé
de renvoyer avec leurs armes les soldats de l'Empereur.
Le major et le commandant de place s'y opposèrent. Ce-
pendant le maréchal d'Ornano, avisé de ce qui se passait à
Antibes, écrivit de Lérins au maire de mettre la ville en état
de siège, et de prendre tous les moyens de défense. On lui
apprit bientôt que les chemins de Cannes et de Vallauris
étaient gardés par les impérialistes. Depuis quatre heures
le toscin sonnait à Antibes. C'est à grand peine que le ma-
réchal d'Ornano, ayant gagné la plage, et après avoir, cinq
heures durant, traversé à pied les bois, les collines, les val-
lons, afin d'éviter la garde impériale, put arriver à An-
tibes. Vers six heures, un autre officier nommé Lamouret,
avec quelques hommes, vint inviter le maire au nom de
l'Empereur, de se rendre au Golfe-Juan pour une com-
munication importante. On se contenta de le constituer
prisonnier. Le maire de Cannes, à qui Napoléon envoya
un pareil message à la tète de cinquante grenadiers, ne
donna aucune réponse. Ce qu'ayant appris, les généraux
conseillaient à l'Empereur de marcher sur Antibes. Na-
poléon les calmant : < Ce serait perdre notre temps, dit -il,
il s'agit de marcher en avant. »
Le capitaine Gautier d'Aubeterre raconte que revenant
de la chasse à sept heures du soir, pour rentrer en ville, il
fut étonné de trouver les portes fermées, qu'après avoir
342 CHAPITRE VI
décliné son nom, le major lui ouvrit, et qu'il fut salué
par les cris de : Vive TEmpereur ! que poussa le poste du
87®. Lui répliqua par : Vive Louis XVIII ! Vive le Roi !
A mesure qu'il s'avança dans la rue, il rencontra desgens
du peuple qui criaient : Vive le Roi ! La garde nationale,
au grand complet, bivouaquait sur la place.Il demanda des
hommes de bonne volonté pour se joindre à lui, et aller
faire appel aux pays voisins. L'administration municipale
modéra son zèle et refusa de lui faire ouvrir les portes.
A dix heures du soir, le conseil municipal délibérait,
sous la présidence de M. Arnoux, premier adjoint. Quoi-
que l'ancien maire et la moitié du conseil municipal,
suivant la loi, eussent été renouvelés, et que Tordonnance
royale du nouveau maire fût datée du 27 janvier, M.
Tourre (Jean-François) n'avait pas encore pris posses-
sion. M. Arnoux parla en ces termes : « Un événement
d'une nature bien extraordinaire m'a mis dans le cas de
vous réunir à une heure si tard. Vous le savez. Celui qui
n'eut pas la force de soutenir le poids de la couronne veut
la reconquérir aujourd'hui. Bonaparte, que la France a
tant de motifs de repousser de son sein, rélégué sur les
rochers de l'île d'Elbe pour y être en proie à ses remords,
jaloux du bonheur dont nous jouissons sous le règne de
notre monarque, a débarqué au Golfe-Juan, dans l'après-
midi de ce jour avec la partie de la garde qui l'avait suivi;
il s'est empressé d'envoyer en cette ville des émissaires
avec des proclamations. Ses proclamations ont été re-
poussées avec dédain, et ses émissaires ont été arrêtés.
< Quelques hommes de sa garde se sont introduits ici ; on
s'est assuré de leurs personnes. Il paraît que Bonaparte
attache quelque importance à l'occupation de notre ville,
mais des mesures ont été prises pour faire avorter ses pro-
jets insensés. La garde nationale a été convoquée et ar-
mée; des cartouches lui ont été délivrées ; elle est animée
du meilleur esprit ; elle ne se laissera pas surpasser par la
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 343
garnison. Dans ces circonstances, je me suis entouré de
vous, Messieurs les membres du conseil municipal, et de
tous les fidèles sujets du Roi ; c'est à la sagesse de cette
réunion d'hommes choisis que je dois les précautions qui
ont été prises et les mesures qui ont été exécutées. C'est
dans ces sentiments que vous partagez,que je vous admets
au serment, en vertu de la délégation de M. le Sous-
Préfet. >
M. Tourre, maire, et M. OUivier, adjoint, ayant prêté
le serment à Louis XVIII, le nouveau maire prit la parole:
€ En acceptant les fonctions auxquelles m'appelle la bien-
veillance de Sa Majesté, je ne pouvais penser que le pre-
mier pas que je ferais dans cette carrière me fournirait
l'occasion de lui donner une preuve éclatante de mon atta-
chement, de mon amour et de mon dévouement. C'est
lorsque Bonaparte est sous vos murs, lorsqu'il somme la
place de lui ouvrir ses portes, lorsque vous êtes menacés
pour cette nuit de quelque tentative, lorsque quelques
uns de ses satellites introduits imprudemment dans la
ville ont encore leurs armes à leur disposition et nous font
concevoir pour l'intérieur des craintes plus fondées que
celles que peut présenter une attaque extérieure, c'est
dans ces circonstances, et après avoir, depuis la première
alerte, coopéré avec Messieurs les adjoints dans la mesure
commandée par la circonstance, que je devance avec ces
dignes magistrats la cérémonie de mon installation. Il faut
aller au danger. Je rougirais d'un plus long retard. Si la
nuit qui s'avance nous présente du danger, c'est à votre
tète que je veux l'affronter. La garde nationale est à son
poste ; elle a répondu à l'appel qui lui a été fait par le cri
unanime de . Vive le Roi. Nous allons lui faire savoir que
la ville est en état de siège. Cette annonce redoublera son
ardeur. Je le jure en votre nom et en celui de tous nos
concitovens et la France entière redira ce serment:
Jamais le Joug de fer du tyran ne s^ appesantira sur la
tête des Français. Vive Louis XVIII / Vivent ks
Bourbo7is ! » Et toute rassemblée redit trois fois ces ao-
clamatioDs.
Pour qui n'admirerait pas le patriotisme et le courage
des Antibois dans un pareil moment, nous le taxerioDS
d'ignorance en fait de serment et de ce qu'on appelle hon-
neur français. Antibes a bien mérité, selon nous, de la
postérité.
Grasse ne connut le débarquement de TEmperear qu'à
sept heures du soir. Le sous-préfet, M. Bain, descandit
aussitôt à Antibes, où il resta deux jours, en chargeant
sa femme d'avertir le maire de Grasse. Celle-ci ne s'ac-
quitta de cette commission qu'à neuf heures. Déjà le bruit
s'en était répandu dans la ville, et il y avait des attrou-
pements. On disait que Napoléon avsgit 3,000 hommes et
de l'artillerie. Le maire convoqua le conseil, et alla prier
le général Gazan, qu'il trouva atterré,de venir à la mairie
l'aider dans une circonstance aussi difficile. Sur les trente
conseillers présents, deux ou trois prétendaient qu'on
devait marcher contre l'Empereur. Mais comment s'y
prendre, sans armes, ni munitions !
Le prince Honoré de Monaco, qui venait de Paris en
chaise de poste, pour se rendre à sa principauté, fut arrêté
par le général Cambronne et conduit à l'Empereur. 11
trouva Napoléon se chauffant au feu du bivouac : < Ah !
prince, lui dit-il en souriant, vous allez trôner à Monaco,
et moi je vais aux Tuileries. »
On causa quelques instants. < Je ne prétends pas em-
pêcher votre voyage. Seulement j'espère que vous vien-
drez me voir à Paris. > Ce fut le prince de Monaco qui
porta à Nice la grande nouvelle. Le commandeur d'Osas-
que prit dès le matin ses mesures de sûreté. Comme il
n'avait que le régiment de la Reine et deux compagnies
de chasseurs de Savoie, il organisa aussitôt la milice, ce
qui avec un bataillon du régiipent d'Aoste lui. donna pour
LES DEUX RESTAUltATIONS (1814-1815) 345
le moment un effectif de 2,500 hommes. Il envoya
garder le Pont du Var. Un vaisseau anglais aux ordres
du capitaine Thompson, qui stationnait à Villefranche
et deux autres petits bâtiments armés croisèrent sur le
littoral.
Napoléon avait levé le camp vers minuit, lorsque la
lune s'était montrée à l'horizon. Il traversa Cannes en
silence. A six heures, un gendarme annonçait au maire de
Grasse que Napoléon arrivait. L'Empereur suivit le fau-
bourg, stationna sur le plateau de Roquevignon jusciu'à
midi ; il attendit en vain le général Gazan, qui s'en était
allé à sa terre de la Peyrière, et il en marqua son vif mé-
contentement. Le soir, il faisait étape à Séranon. Gre-
noble lui ouvrira ses portes le 5 mars, et Paris le 20.
Louis XVIII se retira à Gand.
Le 2 au matin, vers 3 heures l'escadrille faisait voile
dans la direction de l'ouest. Un des navires, le Saint-
Esprit, capitaine Jean Galibert d'Agde, ayant jeté l'ancre
à Antibes, dut y laisser six caisses de fusils qui furent
déposés chez le commandant de place. Un certain nombre
d'Antibois se mirent à la suite des impérialistes et cinq
soldats du 87« les rejoignirent le même jour.
La nouvelle gagnait de proche en proche. Vence l'ap-
prit à 5 heures du matin par une lettre d'un sieur Bellon,
vençois : < Je pars de Gagnes pour Nice en ce moment
avec deux voyageurs italiens venus de Cannes. Il mon
asseuré avoir vu hier à trois heures après-midi trois ou
quatre vaissau à Golf-Juan et beaucoup de troupes dé-
barquées abillé à la française avec des bonnets à poil,
panache rouge. Antibes est fermé. >
Le préfet du Var M. de Bouthilliers était à Antibes, le
2, à 6 heures du soir, et après y avoir donné ses ordres, il
était retourné en toute hâte à Draguignan. Des exprès
envoyés d' Antibes, de Grasse, de Vence, de Nice dans la
directioQ de Castellane, se renseignaient sur la marche de
346 CHAPITRE VI
l'Empereur. On formait des bataillons de volontaires
royaux contre Vusurpateur.
Napoléon avait fait porter cet ordre à Masséna, qui
commandait le midi : « Prince, arborez sur les murs de
Toulon le drapeau d'Essling. > Masséna temporisa. Les
trois couleurs ne seront arborées à Toulon que lorsqu'elles
flotteront sur la France entière.
Le 4 mars, le maire d'Antibes installait la moitié du
conseil renouvelée de 1813, au cri de Vive le Roi ; et il
n'enregistrera plus, à partir de ce jour aucune délibéra-
tion, jusqu'au 19 juillet, afin qu'il n'y eût rien de compro-
mettant par écrit, et que tout se bornât maintenant à une
opposition passive. Masséna viendra établir son quartier
général à Antibes, le 11 avril, au nom de l'Empereur,
mais cette fois, il comprendra qu'il y a perdu tout crédit
pour le moment. Napoléon le rappellera du midi pour lui
donner le commandement de la garde nationale de Paris.
La rumeur publique courut bientôt qu'il se formait une
septième coalition de l'Europe contre Napoléon ; Vence
avait reçu la nouvelle oflicielle que quinze mille hommes
devaient passer dans ses murs. Le maire, M. Bérenger,
dépèchaM. Baussy, son premier adjoint, à Nice pour prier
le commandant d'Osasque d'épargner une ville qui n'a-
vait aucune ressource. Une lettre datée de Nice, le 15
avril, à dix heures du soir, annonça au maire qu'on lui
accordait pleine satisfaction.
Pourtant rien ne remua jusqu'au milieu de juin dans
nos parages. Le duc d'Angoulème,qui était venu prendre
le commandement du Midi le 11 avril, avait dû se consti-
tuer prisonnier, le 12, entre les mains du maréchal de
camp, comte de Loverdo, impérialiste, et les bataillons
royaux avaient été immédiatement licenciés. Le gt^néral
Gazan était allé offrir son épée au duc d'Angouléme, qui
n'avait pas ou le temps de la mettre à profit, et il avait
ensuite poursuivi sa route jusqu'à Paris. Reille d'Antibes,
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 347
demeuré dévoué à Napoléon, fera partie de la division
du prince Jérôme.
Antibes, malgré l'arrivée de Murât qui abordait à Can-
nes le 25 mai, malgré la troupe qui avait repris les aigles,
changé sa dénomination de 87® en 106®, élevé une colonne
commémorative au Golfe-Juan pour le retour de l'Empe-
reur, Antibes ne tergiversera pas : elle refusera d'enregis-
trer l'acte additionnel de la Constitution, elle ne participera
ni à l'assemblée électorale, ni au champ de mai. Le 8 juin,
le maréchal Brune arrive avec son quartier-général.
La ville doit illuminer officiellement pour le recevoir. On
illumine et c'est tout. Brune dira dans sa proclamation qu'il
ne suffit pas d'obéir à Napoléon, mais qu'il faut lui témoi-
gner de l'amour, Antibes gardera le silence. Malheure u-
a3ment il y a partout des gens trop ardents qui compro-
mettent les meilleures causes. De ce nombre était le
capitaine G... d'A... 11 allait disant parmi le peuple que
l'administration montrait trop de faiblesse ; il déclamait
contre l'Empereur, contre la troupe. Officiers et soldats
du 106*, de guerre lassés, finiront par l'assiéger dans
sa maison. € Nous aurons ta peau, criaient-ils, nous en
ferons un tambour, nous te mangerons le foie, et ceux de
ta femme et de tes enfants. > Vaubert, chef d'escadron des
chasseurs, était le plus acharné. Notre malheureux G... ne
put s'esquiver lui et sa famille que par la lucarne d'une
cave donnant dans une ruelle. Le commandant de place
lui donna asile et favorisa sa sortie de la ville sous un
déguisement. Ayant voulu rentrer quelques jours après,
le maréchal Brune l'envoya au fort Sainte-Marguerite.
A mesure qu'on apprenait la défaite de Waterloo (18
juin), l'abdication, 22 juin, et les événements qui suivaient,
Brune redoublait d'énergie. Le 18 juin, il tenait son quar-
tier-général à Saint-Paul ; les soldats français et les alliés
s'insultaient au pont du Var. Brune vit enfin le comman-
dant d'Osasque à Saint-Laurent-du-Var et parlementa
348 CHAPITRE ITI
avec lui, pour se retirer des lignes jusqu'à Grasse. Da 4
au 13 juillet, il faisait intercepter le courrier venant de
Paris, et de Draguignan. Joachin Murât se trouvait
avec lui à Cannes à cette époque. Enfin se voyant débordé
par le mouvement royaliste, il lève des contributions for-
cées sur les riches de Grasse et part avec ses troupes poor
Grenoble, le 9 juillet.
Le 6 juillet, les alliés étaient rentrés dans Paris, et le 8»
Louis XVIII y avait repris possession des Tuileries.
La population de Grasse, en majorité royaliste, ne se
contenait plus de joie. Pourtant par un excès regrettable,
elle s'attaqua à la famille du général Gazan. Elle proféra
les cris : € A bas le traître, le scélérat, le brigand ! » Elle
alla jusqu'à essayer de forcer sa maison pour la piller, et
tira des coups de fusil aux fenêtres ; et ces démonstration»
hostiles se continuèrent les jours suivants.Quand on voyait
paraître Mademoiselle Gazan, sa sœur,, avec le jeune fils
du général, on disait : € Voyez la sœur du brigand, voyez
son fils ! > On en voulait à M. Payan, directeur des con-
tributions, l'ami de Brune, qui l'avait aidé dans toutes ses
levées de contributions forcées. Payan était aussi le beau-
frère du général Gazan.
Le sieur Ricord, procureur du Roi, passait pour im-
périaliste, et le préfet, M. Bains pour un ancien robes-
pierriste. Le président, M. Mougins de Roquefort, n'avait
pas assez d'influence pour empêcher les désordres.
Lorsque le dernier soldat de Brune eut quitté Grasse, on
alla chercher à la mairie le buste de Napoléon, on l'atta-
cha avec une corde, on le traîna à terre dans les rues,
et on porta la statue de Louis XVIII en triomphe. Chacun
prit la cocarde blanche, on arbora le drapeau blanc, en
vocifi^rant : « A bas les traîtres, à bas les partisans de
Bonaparte ! Vive Louis XVIII ! > Et le sieur Payan de
s'écrier : < J'avais bien raison de dire au maréchal Brune
qu'au départ des troupes,Grasse ferait des siennes. Je vais
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 349
lui écrire et il va revenir sur ses pas. » Ce propos divulgué
aussitôt, exaspéra le peuple. On chercha partout Payan
qui s'était caché. La nuit, vers une heure, on était encore
devant sa maison, en criant : « Ah ! brigand, il nous faut
ta tète ! > On eut besoin d'un détachement considérable
de gardes nationaux pour dissiper l'émeute.
G d'A avait reparu à Antibes le 1*^ juil-
let, et avait de nouveau exalté les esprits de cette ville
habituellement si calme. La troupeaux ordres dePoudret-
Servet, qui tenait encore pour l'Empereur, gardait ran-
cune à G. Le maire dut encore le forcer de quitter aussitôt
la ville. G. s'en était allé à Grasse et avait assisté aux di-
verses émeutes du 9 et du 10 juillet.
Les Antibois, sachant que, le 9 juillet, Gîtasse avait
arboré la cocarde et le drapeau blancs, sommèrent le
maréchal de Camp Slivarik d'agir de même : ce qui fut
accordé. Poudret-Servet était absent ce jour-là. Étant
revenu en ville, il mit son régiment sous les armes, braqua
le canon, enleva le drapeau blanc et fit arracher aux habi-
tants par ses soldats la cocarde blanche.
Mais il n'y eut plus bientôt à hésiter. La proclamation de
Louis XVIU arrivait officiellement aux communes.
Le 17, les alliés passaient le Var, et montaient à Saint-
Paul, où ils faisaient leur entrée au cri de Vive le Roi.
C'était le régiment de Coni, colonel de Belloni, formant
Tavant-garde. Le 18, on recevait enfin le courrier de
Paris et de Marseille. 11 s'y trouvait une proclamation
du marquis de la Rivière, lieutenant du duc d'Angou-
lême pour le midi et la Provence, par laquelle il était
ordonné de reconnaître Louis XVllI et d'arborer le dra-
peau blanc.
L'administration de Grasse se mettait en devoir d'ac-
complir ces ordres supérieurs le 19. C'était le procureur
du Roi, Ricord, qui publiait la proclamation ; mais à
mesure qu'il voulait ouvrir la bouche, la foule le sif-
350 CHAPITRE VI
fiait, le huait, couvrait sa voix : A bas le partisan de
Bonaparte ! A bas les traîtres ! A bas le représentant de
Napoléon ! A bas Ricord ! Les gardes-nationaux le met-
taient en joue.
Puis on le força de prendre un drapeau et la cocarde
tricolore, et de parcourir ainsi les rues en disant : Vive
l'Empereur ! Enfin les gardes nationaux le mirent dans la
maison d'arrêt. < Partout ailleurs, disaient des gens du
peuple, on se défait de ces gens-là. C'est à nous de nous
en faire justice nous-mêmes. >
Hélas! ce n'était que trop vrai. Nous déplorerons tou-
jours que la réaction légitimiste à Avignon ait assassiné le
maréchal Brune, le général Ramel à Bordeaux, les géné-
raux Faucher, Mouton-Duvernet à Lyon, Chartran à Lille.
C'est ce qu'on appelle la Terreur Blanche.
Le lundi, ISjuillet, devant le conseil d'Antibes réuni, M.
Tourre annonce qu'on a reçu enfin le courrier ; que le Roi
est à Paris. Tous crient comme par un mouvement élec-
trique : Vive le Roi ! Il dit qu'à partir de ce momânt, toute
autorité, qui dans Antibes ne parlerait pas et ne comman-
derait pas au nom du seul et unique souverain légitime,
Sa Majesté Louis XVllI, serait considérée comme illégi-
time, qu'on n'y obéirait que contraint et forcé, qu'on
proclamerait à l'avance comme illégal tout ce qui pour-
rait se ftxire à rencontre du monarque que la France et
l'Europe entière reconnaissent, que la municipalité dé-
clare responsables ceux qui retarderaient cette reconnais-
sance. Puis le maire est chargé, par le conseil, de prier le
maréchal commandant do place à Antibes de proclamer
Louis XVII (; maisSHwarick répond qu'il craignait de l'op-
position (le la part des troupes. Le 19, dans une nouvelle
séance du conseil municipal, on prête de nouveau le ser-
ment de fidélité au Roi et l'on envoie MM. Guide et Olli-
vier à Marseille auprès du duc d'Angoulème, pour le
prier d'assurer le Roi de la fidélité d'Antibes et de lui rap-
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 351
peler la conduite qu'ils ont tenue le P^ mars. Enfin le 20
au soir, Poudret-Servet, voyant qu'une partie de son
régiment faisait défection, retira lui-même le drapeau
tricolore pour arborer le drapeau blanc. Alors se fit la
proclamation. « Nous avons été témoins, dira le maire,
des transports de joie et d'allégresse qu'a causés, dans
toutes les classes de nos concitoyens, la proclamation que
j'ai faite à votre tète dans toutes les rues de la ville.
L'enthousiasme a été à son comble, et quelques jours de
bonheur ont déjà fait oublier trois mois de tourments et
de persécutions. Le désir de hâter cette proclamation n^
nous a pas laissé le temps de réunir à cette fête une céré-
monie qui l'aurait rendue encore plus touchante et d'y
ajouter des accessoires propres à en augmenter l'éclat. »
I^ capitaine G n'eut rien de plus pressé que de
troubler encore cette fête en insultant la troupe. On
l'expulsa de la ville. Il y rentra le 23, et ses provocations
furent telles que le commandant l'enferma. Mais, cette
fois, la foule, s'ameutant à la porte de la prison, somma
l'autorité de délivrer le capitaine. Lorsqu'on l'eut, on le
promena en triomphe, en criant : A bas la troupe ! Pou-
dret-Servet, furieux, lança ses hommes, la baïonnette en
avant sur la farandole, la dispersa, s'empara de Gautier
et le réintégra dans la maison d'arrêt. Il fut rendu à la
liberté, avec promesse de rester caché ; ce qu'il fit le 24 et
le 25 juillet.
Les alliés marchaient en avant. Le 26 juillet, le général
en chef levait son quartier-général de Saint-Paul, n'y lais-
sant qu'une compagnie de grenadiers. 15,000 hommes
suivent par Grasse, Séranon, Castellane ; et 25,000 par
la route d'Antibes et de Cannes sous les ordres du général
Blanchi. Antibes tint toutes ses portes fermées. Notre ca-
pitaine Gautier se mit le 26 à l(5ur suite, et le maréchal de
Nogent lui donne des dépêches à porter de Fréjus à Mar-
seille pour le marquis de la Rivière. C'est là qu'il. composa
352 CHAPITRE VI
son libelle diffamatoire contre ses concitoyens, adressé an
duc d'Angoulème.
IV. — BLOCUS D'aNTIBES.
Le 27 juillet un armistice avait été conclu entre le gé-
néral Sliwarick et le chevalier d'Osasque et ratifié le 29
par le marquis de la Rivière. C'est en vertu de cette com-
mission que le 106*^ quitta Antibes pour Draguignan, à la
satisfaction générale des Antibois, et que le service de la
^lace resta confiée à la garde nationale, aux ordres de
MM. de Glandchamp-, colonel, et de MillevîUe, chef de la
colonne urbaine.
Une des clauses de Tarmistice était que 150 hommes de
troupes austro-piémontaises occuperaient Antibes, con-
jointement avec la gardp^nationale : quarante dans le
Fort-Carré et le reste, de même par moitié, aux postes de
la ville. La garde nationale de Cannes et 100 douaniers
vinrent en aide aux 360 hommes de la garde nationale
antiboise. Une autre convention se fit le 4 août. Les alliés
demandaient Toulon, et on leur sacrifiait Antibes.
Or le 5 août, sur Tavis du préfet du Var, un corps de
12 à 15,000 hommes de Tarmée alliée, sous les ordres du
général Bianchi, se présenta sous les murs d'An tibes, pré-
tendant occuper la place. Le général menaça d'en faire le
blocus, si Ton refusait de recevoir une garnison double de
la garde nationale et un commandant de place. Ce que le
maire et tout le conseil repoussèrent comme contraire à
la convention du 27 juillet. En même temps, les douaniers
dirigés surle Var pour y prendre leur ligne, rencontrèrent
au Loup le poste piémontais qui leur refusa le passage.
Le général Sliwarick, ayant appris cette violation de la
convention, fit dire aux Piémontais que si Ton ne levait
cette défense, il n'admettrait pas les 150 Piémontais daos
Antibes.
LES DEUX RESTAURATIONS Ci8i4-J8l5) 3&3
En effet, quand ils arrivèrent, on n'ouvrit pas. Le gé-
néral Blanchi prit fait et cause pour les Piémontais. On
entra en pourparlers, et le 14 août on signa un arrange-
ment. On laissa l'entrée à 150 Piémontais et à 90 officiers,
mais sous la condition expresse qu'ils n'exerceraient que
la police de leur corps et des postes qu'ils occuperaient.
Ils ne pouvaient rien prendre aux magasins de l'artillerie
et du génie sans un ordre exprès. Les douaniers seraient
placés sur la ligne du Loup. « Cette entrée qui eut lieu à
sept heures du matin, n'a pas été le plus beau moment de
ma vie, dit M. Tourre. Nous ne le méritions pas, à cause
de notre dévouement au Roi. » Le colonel piémontais prit,
le 15 août, son logement chez le maréchal-de-camp
Andréossy.
Le maire, dans le conseil du 17, exposa que, selon cette
dernière convention du 14 août, les 150 Piémontais devant
être traités sur le pied des troupes en campagne, il fallait
faire un appel de fonds. Une commission fut nommée.
Le général Sliwarick remarqua bientôt certain mou-
vement dans les troupes Piémontaises. Il renforça les
postes et organisa de fréquentes patrouilles. En effet, le
22 août, le général Bianchi fait dire qu'il va relever la
garnison Piémontaise par une garnison Autrichienne, et
le 23 août le baron d'Aspera, major autrichien, demande
à être introduit dans la place. Sliwarick répond que, puis-
qu'il ne devait y avoir que 150 Piémontais, il ne pouvait
admettre le baron d'Aspera avec ses hommes, que lorsqu'on
aurait fait sortir du fort ceux qui s'y trouvaient. Le major
objecte qu'une troupe n'abandonne son poste que lors-
qu'elle est remplacée ; que c'était offenser les alliés que de
se montrer si méfiant.
Enfin on décida qu'on commencerait par relever vingt
hommes du Fort-Carré avec un nombre égal de gardes
nationaux. On exigea de l'officier autrichien sa parole
d^honneur pourque, après son entrée, il fit sortir lesPié^
29
354 CHAPITRE VI
montais. Mais les deux détachements alliés, malgré la foi
jurée, tombèrent à rimproviste sur les vingt gardes na-
tionaux, leur enlevèrent leurs fusils, en brisèrent une
partie et consti tuèrent prisonnier l'officier français, après
lui avoir ôté son épée. Surpris de cette violence, rofficier
éclata en reproches : < Monsieur, lui dit l'Autrichien, j'ai
mille excuses à vous faire d'avoir manqué à ma parole ;
mais j'ai des ordres exprès. > En même temps il lui rendit
son épée et le laissa aller sur parole.
Pendant ce temps-là, le major autrichien resté sur les
glacis avec Sli warick, le maire et plusieurs officiers d'état-
major, dit qu'il voulait avoir les clefs de la ville, que sa
troupe ne pouvant ni entrer, ni sortir sans l'intervention
du commandant français, cela ne pouvait durer. En vain
lui opposait-on que la convention' ne concernait que les
150 Piémontais, que les officiers du Roi, conser^'^ant l'in-
tégralité de leurs droits, devaient avoir les clefs de la
ville, qu'il y avait une énorme différence entre la reddi-
tion d'une place et l'admission d'un détachement sans
condition ; rien ne pouvait convaincre le baron d'Aspera.
On lui demandait sos ordres. 11 ne les avait, répondait-il,
que verbalement. Sliwarick alla jusqu'à lui offrir la moi-
tié des clefs pour qu'on ne pût entrer ni sortir l'un sans
l'autre. On lui proposa de l'admettre dans la ville, et d'en-
voyer prendre l'avis des généraux en chef. Ce fut peine
inutile. Après s'être emparé du Fort-Carré par surprise,
il commença le blocus de la ville (27 août).
Les chemins furent gardés, et les hauteurs se couvri-
rent de canons et de postes.
Le maire convoquant le conseil lui annonça tout ce qui
s'était passi : < Les alliés, non contents d'avoir introduit
dans la plaça un plus grand nombre d'hommes, y manifes-
taient des intentions hostiles. Ils veulent le désarmement
de la garde nationale, lisse sont emparés violemment du
Fort-Carré, ils ont déclaré que les 3,000 hommes qu'ib
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 355
laissaient sur notre territoire,voulaient, la nuit prochaine,
bombarder la ville. > Tous les conseillers répondirent qu'ils
allaient courir aux armes, que ce ne serait pas en vain,
que le Roi comptait sur leur fidélité. < Nous nous défen-
drons jusqu'à la fin. > — Le maire porta cette délibéra-
tion au général.
Le 29 août,les Autrichiens arrêtèrent le courrier, se mi-
rent à saccager les propriétés, à maltraiter les paysans, à
couper les arbres. Le 3 septembre, le colonel de Salis com-
mença à tirer du Fort-Carré deux mortiers pour les placer
sur les collines, où déjà ou avait pointé une batterie
d*obusiers et trois pièces de campagne. Deux autres mor-
tiers furent aussi placés au pied du Fort-Carré, et on
commença à bombarder la ville. Ceux-mèmes qui vou-
laient aller par bateau dans leurs maisons de campagne
furent le point de mire des assiégeants. Dans cette extré-
mité, Sliwarick envoya à Toulon demander des secours
et de l'argent. Le maire porta plainte au colonel de Salis
des ravages qu'on avait promis d'interdire. On lui répondit,
le 7 septembre, qu'on allait lever le blocus, quand arriva
le général Gippert qui serra de plus près la place. Le 15
septembre, 4,000 hommes arrivaient encore.
Le ministre de la guerre, informé de ce qui se passait,
chargea le préfet du Var, le comte Siméon, d'exprimer au
maire d'Antibes et à tous les habitants toute la satisfac-
tion qu'il éprouvait de mettre sous les yeux du Roi leur
belle conduite. < Exhortez-les à supporter avec patience
les maux qu'ils endurent. Vous pouvez leur donner l'es-
poir qu'ils seront bientôt terminés. Nous nous occupons
de leurs intérêts ; le préfet cherchera la première occa-
sion d'aller leur témoigner son admiration. > On affirmait
aussi que MM. de Milleville et Balestre, députés de la
municipalité, avaient été reçus par le Roi, le 30 août,
et que Sa Majesté leur avait dit : < Je sais que les
• braves habitants de ma petite ville d'Antibes se sont
356 CHAPITRE VI
toujours bien conduits. J'en aurai soin et je ne les ou-
blierai pas. >
Le 16 septembre, le général comte de Partouneaux,
commandant la 8® division, écrit de Marseille qu'il envoie
400 hommes du 14® léger, de l'argent et de rartillerie;
qu'il se rend à Avignon pour remontrer au général
Bianchi les ordres précis qu'il avait reçus du ministre, de
conserver Antibes et Toulon. Il remplaçait en même
temps Sliwarick par le général Perreimond.
Tous les pays des environs se plaignaient des alliés.
Cannes écrit, en apprenant l'arrivée de Gippert : < Noua
allons être plus malheureux que jamais. > Où trouver des
vivres? Les gardes-nationaux de Cannes, dans une de
leurs réquisitions s'en vont aux métairies du général Gazau
de Grasse. Le fermier de la Bouillide.leur donne deux
bœufs et les reçoit bien ; mais celui de la Peyrière, les
ayant mal accueillis, en fut quitte pour le saccagement
de la maison et de la campagne. Du 4 août au 29 sep-
tembre, on ne cessa de lever des contributions. Grasse
y fut pour plusieurs cent mille francs. Le camp le plus
considérable des alliés était à la Gabelle. Le 22 septembre,
le procès- verbal envoyé de Cannes à la Sous-Préfecture
de Grasse déclare que la campagne d'Antibes ressemble à
un désert: récoltes perdues, arbres coupés. Les alliés bat-
tent les paysans à coups de bâton ; ils ont arrêté le fils de
M. Emond d'Esclevins , chef de la colonne mobile de
Cannes. Les habitants de Biot sont si exaspérés que le 23
septembre ils prennent les armes pour repousser toute
nouvelle réquisition. Gippert s'entêtait, quoiqu'il connût
l'ordre formel du Roi. Le 26 septembre, il eut une en-
trevue sur les glacis avec le général Perreimond. C'était
vers 6 heures du soir. Perreimond observa à Gippert que
ce que faisaient les alliés, depuis deux mois, ressemblait
à une véritable hostilité ; que les Français, de leur côté,
n'avaient jamais mis aucun obstacle au passage des trou-
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 357
pes. Bientôt on s'anima de part et d'autre. Perreimond de-
mandait que cela finît au plus vite. — Gippert déclara
qu'il aurait raison des Antibois. — Et moi, reprit le général
français, si dix mille ne suffisent pas, j'en aurai cent raille,
puisqu'au lieu d'agir en alliés, vous agissez en ennemis, et
que vous vous déclarez contre vingt-cinq millions de Fran-
çais. — Et moi, je ferai égorger tous les maires, reprit
Gippert en tournant le dos et en s'en allant.
La nuit, les patrouilles autrichiennes s'avancèrent jus-
qu'aux palissades. Le poste de la demi-lune les somma de
se retirer, sans quoi, il faisait feu.
Le 27 septembre, le maire disait au conseil :
€ Messieurs, abusant de notre confiance, l'armée alliée
s'est emparée par surprise du Fort-Carré. Vous ne vous
êtes laissé séduire ni parleurs off*res, ni par leurs menaces,
et fermes dans les principes qui vous dirigent, n'écoutant
que la voie de l'honneur et du devoir, fidèles à la patrie,
l'annonce du danger vous a rassemblés spontanément
autour de moi, et, d'une voix unanime, vous avez délibéré
de courir aux armes pour repousser cette injusteagression.
Vous résolûtes de périr, s'il le fallait, sur vos remparts et
sur la brêche,plutôt que de livrer à l'étranger une place que
l'intention du Roi et ses ordres positifs vous prescrivaient
de conserver intacte . Vous aviez la certitude que votre
résolution allait vous exposer à des pertes considérables ;
qu'elle vous ferait probablement courir des dangers ; vous
aviez à choisir entre vos intérêts et ceux du Roi ; il fallait
sacrifier les uns pour conserver les autres ; votre cause ne
pouvait être douteuse, et votre élan généreux fut bientôt
communiqué à toute la population par la proclamation que
je fis à votre tète. La population entière est sous les armes;
la vieillesse et l'adolescence ont voulu concourir à cette
belle attitude et pai'tager vos travaux. En vain l'armée
qui vousbloquese fait un jeucruel dedémolirsur place vos
maisons de campagne, de dévaster vos récoltes, de piller
358 CHAPITRB Yl
VOS propriétés ; vous voyez de dessus vos remparts ces
dégâts sans eu être affectés, et aucun sacrifice ne vous
paraîtrait pénible, si vous pouviez conserver le dépôt
précieux que Sa Majesté adaigné confier à votre loyauté. •
Ce sont de belles et nobles paroles. Elles trouvaient un
écho dans tous les cœurs des Ântibois.
Les Autrichiens, s'entètant de plus en plus, restaurent
leurs batteries, plantent des piquets qu'ils se procurent en
découvrant les bastides, et pressent encore plus la ville.Les
arbres étaient rasés,troiscents maisons endommagées, Ta-
queduc coupé. Par bonheur, le 29, vingt-cinq canons nous
arrivaient par mer de Toulon, et de la troupe de secours.
Gippert se décida à lever le blocus et à se retirer. 11
laissa seulement 400 Tyroliens dans le Fort-<Darré pour
protéger ses régiments cantonnés à Grasse, à Biot, à
Mougins, au Cannet, à Vallauris, et partout aux environs.
Le dernier Autrichien passa le 12 octobre, à trois heures
et demie du soir, en vue d'Antibes. La prise solennelle du
fort se fit, le soir, par les autorités civiles et militaires, à
la tête de 250 gardes nationaux. 11 y eut en ville banquet
de soixante-dix couverts, feu de joie, bal, farandoles et
illumination.
Le préfet écrivait au général Perreimond :
< Témoignez, je vous prie, aux braves Antibois toute
ma satisfaction sur leur conduite qui tient de Théroïsme.
Je me suis plu à payer au "digne et estimable Sliwarick,
auprès du ministre de la guerre, le tribut d'éloges et d'es-
time qui lui est dû ; S. A. R. le duc d'Angoulème paie aussi
son tribut d'éloges aux Antibois. Gouvion de Saint-Cvr,
ministre de la guerre, n'aura pas assez de bonnes paroles
pour eux. Et le Roi dira aux députés du Var : < Je suis
touché des sentiments que vous m'exprimez au nom de
votre département. Si ce département a eu le malheur
d'être le premier théâtre des crimes de l'usurpateur, il a
été le seul qui ait eu la gloire de s'y opposer. La conduite
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 859
de la ville d^Antibesne sortira jamais de ma mémoire. »
(Séance du 14 octobre.) Du 25 octobre au 30, il passait
encore à Cannes 7,335 hommes. Le 31 octobre, c'était le
régiment de Castellar. Le 1*^'^ novembre, Bianchi tenait à
Nice son quartier général.
La pe:te estimative du blocus fut évaluée à 247,844 fr.
Le seul service de table pour les officiers alliés avait
coûté 41,782 francs.
Antibes eut voulu obtenir, en récompense, un port de
refuge, selon le projet de Vauban.
L'Assemblée vota, le 31 octobre, une adresse defélici-
tations au général Perreimond, nommé au commandement
du département du Var :
< M. le général Perreimond était venu se renfermer
dans nos murs pour diriger notre défense et partager nos
travaux. Dans le temps qu'il a paru au milieu de nous, il
nous a donné des preuves multipliées de son amour inalté-
rable pour le Roi, de son zèle pour le servir, de ses talents
militaires et de son activité, enfin de l'intérêt qu'il portait
au saccès de nos eflForts communs et du désir qu'il a cons-
tamment montré de soulager nos maux. > Il rappelle sa
belle conduite, au mois de mars dernier, sous les ordres
du duc d'Angoulérae, et dernièrement, à la tète de la
garde nationale de Marseille, quand le royalisme présen-
tait encore des chances douteuses.
On s'occupe ensuite d'une pétition au Roi, pour que Sa
Majesté aide à la réparation du môle, au creusement du
port, à la construction d'une chaussée hors des murs, sans
qu'on soit obligé de traverser la ville. On demande le ré-
tablissement du courrier de Corse par Antibes. M. Reibaud
lit un rapport pour avoir une sous-préfecture à Antibes ;
M. Ollivier.pour la restauration du port; M. de Barquier,
pour la correspondance de Corse .
Le 3 décembre le baron de Damas venait au nom du Roi
complimenter les Antibois.
860 CHAPITRE VI
Louis XVIII envoya d'abord un secours de 10,000 fr.
sur sa cassette particulière. Par ordonnance du 20 mars
1816, il déclara Antibes bonne ville^ et promit une allo-
cation de 90,000 fr.
Voici cette ordonnance :
c Au Château des Tuileries, le 20 mars 1816.
« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre.
« Sur le compte qui nous a été rendu par notre ministre,
secrétaire d'État au département de la guerre, de la belle
conduite des habitants de notre ville et place d' Antibes, qui,
aux mois d'août et de septembre 1815, environnée de troupes
étrangères prêtes à pénétrer dans la place, et ne doutant pas
du prix que nous mettions à sa conservation, jurèrent, quoi-
qu'abandonnés à eux-mêmes, et sans le secours d'aucune
garnison, de la défendre jusqu'à la dernière extrémité, et
persistèrent jusqu'au bout dans cette noble résolution, sup-
portant toutes les fatigues, endurant tous les sacrifices, et
s'abstenant toutefois par respect pour nos intentions de tout
acte hostile, qui aurait pu troubler le rétablissement de l'état
de paix avec les puissances alliés ;
« Nous rappellant, en outre, l'exemple mémorable de fidé-
lité qui nous a été donné au mois de mars 1815 par les auto-
rités et les habitants de la même ville d'Antibes, la première
qui, placée sur le passage de V usurpateur^ ait fermé ses por-
tes à lui et à ses émissaires, exemple qui, s'il eut été mieux
imité, eut infailliblement préservé nos peuples des calamités
sans nombre qui les ont accablés ;
« Voulant reconnaître dignement un dévouement si par-
fait et en perpétuer le souvenir d'une manière durable :
« Sur le rapport de nos ministres, secrétaires d'Etat de
l'intérieur et de la guerre,
« Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
« Art. I'^ — La ville d' Antibes est mise au rang de nos
bonnes villes du royaume. Notre bien-aimé frère, M. le co-
lonel-général des gardes nationaux de France est chargé de
faire remettre, en notre nom, à la garde nationale d^Auûbes
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 361
un drapeau d'un modèle particulier, présentant d'un côté
Técusson aux armes de France, entouré d'une couronne de
chêne, avec cette inscription : Fidei sevvandœ exemplum;
de Tautre côté, le même écusson avec ces mots : 1*^"^ mars
1815, 27 août 1815.
« Art. 2.— La croix de la Légion-d'Honneur est accor-
dée aux deux citoyens de la garde nationale d'Antibes qui se
sont le plus distingués dans le cours du dernier blocus, et qui
nous seront désignés par notre ministre, secrétaire d'État de
la guerre
« 11 nous sera également désigné un sujet choisi dans
Tune des familles les phis recommandables d'Antibes pour
être élevé aux frais de 1 État dans nos écoles militaires.
4c Art. 3. — La ville d'Antibes est autorisée à inscrire le
texte de la présente ordonnance sur une pierre monumen-
tale qui sera placée dans un lieu public et apparent de la
ville.
« Art. 4. — Nos ministres, secrétaires d'État aux dépar-
tements de l'intérieur et de la guerre, sont chargés, chacun
en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente ordon-
nance.
« Donné au château des Tuileries, le 20 mars de l'an de
grâce 1816 et de notre règne le vingt-unième.
€ Pour le Roi, Signé : Loris.
Le Ministre secrétaire d'Ëtat de la guerre,
Signé : Duc de Feltre.
Collationné conforme au n® 526. »
Quand le 3 mai, le maire, debout, et la tête découverte,
en eut fait la lecture, ce fut une explosion de : Vive le Roi !
Vive Louis XVIIl ! Vivent les Bourbons ! Vive la famille
royale ! Vive le Maire ! < Non content, dit M. Tourre, de
signaler à la France, à l'Europe, à la postérité, votre
exemple comme un modèle à suivre, on le fait connaître
par la voix des journaux, et on l'insère dans le Bulletin
des loisj n^75. > Les acclamations redoublent. Le conseil
3<K CHAPITRE VI
s'appr'Xrhe du buste du Roi, qui est dans la saille, sur une
c?ns>Ie. et renouvelle le serment de vivre et de mourir,
s'il le luut. jiour la défense de sa personne, de son trône et
de sa îamille.
C'est les Iarm?s aux yeux que tous prêtent ce serment
de fi lêlicé. Le Maire, toit ému, s'écrie : < Cet élan d'amour
vous es: bien naturel : vous en avez hérité de vos pères.>
Décision est prise, à Tunanîmité, qu3 cette ordonnance
sera transcrite sur le registre des délibérations, qu'elle
sera publiée solennellement dans toutes les rues et places
de la ville, qu'elle sera imprimée et placardée au nombre
de douze cents exemplaires, et envoyée à chaque chef de
famille d'An:ibes : qu'un exemplaire, mieux orné, sera
placé dans un cadre et expvosé dans la présente salle ;
qu*on priera les chefs d'administration et les instituteurs
de la tenir artîchéedans leur salle principale ; qu'on rédi-
gera, séance tenante, une adresse à Sa Majesté, et qu'une
députation de trois membres sera envoyée à Paris pour la
remeîtreà Sa Majesté.
On rodirjre l'adresse suivante :
< Vot! e Maiesté a daigné attacher quelque importance
à la conduite des fidèles habitants de sa bonne ville d'An-
tibcs.oi dans son inépuis;ible bonté, elle a trouvé le moyen
d'ajouter à des faveurs signalées un témoignage plus
éclatant de s:\ bienfaisance.,. Les cœurs des habitants
d'Antibes sont pénétrésd'amour et de reconnaissance pour
tant do bontés et de vertus que Sa Majesté fait briller sur
le trOmo. >
Suivent les vœux : < Puissent tous les Français, abju-
rant, comme nous le faisons en ce jour, le crime affreux
qui, plongeant la France dans le deuil, donna à l'un des
prédocosseurs de Votre Majesté la palme du martyre, se
rallier autour de son trône, et, s'il est possible, vous Mve
oublier vos longues angoisses par le tribut unanime de
leur amour et de leur reconnaissance. >
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 363
Sur la proposition de M. Joseph Gazan, on vote aussi
des félicitations à MM. Tourre, Ollivier et Arnoux, pour
leur belle conduite dans l'administration d'Antibes.Chacun
signe.
Ce n'est pas tout : Sa Majesté accordant une bourse à
rÉcole militaire pour un Antibois, le 6 mai, sur sept su-
jets présentés au vote du conseil : Antoine Cresp, Nico-
las Fugairon, Chnrles Gazan, Félix Jaubert, Benjamin
OUivier, Jacques Riouffe, le fils de Joseph, Guillaume Ros-
tan, fils de Pierre-François, OUivier obtint la pluralité des
suffrages.
Le 26 mai, le préfet, comte Siméon, et le sous-préfet,
M. Bovis, arrivent à Antibes pour l'ampliation officielle de
l'ordonnance royale du 20 mars. Outre les conseillers,
toutes les administrations civiles et militaires assistent à
la séance. Une députation de sept membres et un dé-
tachement de la garde nationale vont au devant du
Préfet. Il traverse la ville au milieu des acclamations gé-
nérales, et, ayant pris place au fauteuil, il dit : « Les
preuves de dévouement et de fidélité que les autorités et
les habitants de la bonne ville d'Antibes ont données au
Roi, feront l'éternel exemple des Français. 11 est heureux
dese trouver dans ce conseil d'où sont émanées tant de
résolutions généreuses... Vive le Roy ! Vivent les Bour-
bons ! > Ce cri est répété avec enthousiasme. Le Préfet
relit Tordonnance du 20 mars, la remet au maire en l'em-
brassant avec eff*usion : « Je désire, ajoute-t-il, que tous
les braves Antibois regardent ce baiser comme un témoi-
gnage de la haute estime que j'ai pour chacun d'eux et
pour leur digne magistrat. > M. Tourre répond au Pré-
fet en forts bons termes.
Dans la soirée, il y eut banquet, fête et illuminations.
Une autre solennité se préparait. Le vote du 16 juin
eut en vue la colonne commémorative sur laquelle le Roi
autorisait d'inscrire la date du 20 mars 1815. 11 fut con-
364 CHAPITRE VI
venu qu'on demanderait à M. Eugène Aiziary de Roque-
fort la colonne de granit, et une table de marbre qui se
trouvaient à l'île Saint-Honorat. M. Chantron, directeur
de l'artillerie, et M. Léon, capitaine du génie, firent le
plan du monument. On demanda au ministre Tautorisa-
tion d'ériger cette colonne sur la place Royale. Tout
réussit au gré du conseil. M. Alziary de Roquefort répon-
dit qu'il accordait la colonne et le marbre, et que pour le
paiement qu'on lui offrait, il n'y en avait pas pour lui de
plus flatteur que le bonheur de concourir à rérection d'un
monument si honorable pour la ville d'Antibes. On lui
adressa une lettre de remerciement. Le ministre permit
de l'ériger sur la place Royale.
Comme on ne savait pour qui demander la croix de la
Légion-d'Honneur, tant de citoyens l'ayant méritée, M.
de Milleville, chef de la garde nationale, demanda à oe
qu'on priât le Roi de l'attacher aux cravates du drapeau.
Ce qui fut encore accordé.
La duchesse d'Angouléme donna le drapeau et chargea
la préfète de la représenter à la solennité.
Le 3 novembre, dimanche, on procéda à la solennité du
drapeau.
Le préfet, le sous-préfet, le marquis de Coibert, inspec-
teur des gardes nationaux du Var, le chevalier de Coiron
de Saint-Florice, lieutenant du Roi, commandant de la
place d'Antibes, M. Glanjand, commandant de la garde
nationale de l'arrondissement de Grasse, l'état-major de
la place, le colonel de la légion de la Lozère, les officiers
de la 26® compagnie de vétérans en garnison à Antibes,
les oiliciers du génie et de l'artillerie, la douane.... M* la
baronne Siméon, représentant la duchesse d'Angouléme,
assistaient à cette cérémonie, que le temps contraria dans
la matinée. Dos salves d'artillerie se firent enlendre pour
la solennité. Une députation et un détachement de la
garde nationale se rendirent au devant du préfet et de sa
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 365
dame, à la porte de France. M. le maire fit un petit com-
pliment très-gràcieux à madame la baronne. Celle-ci
répondit que l'honneur que lui avait fait Son Altesse
Royale marquerait parmi les plus beaux jours de sa vie.
Le cortège se rendit à l'église paroissiale pour la béné-
diction du drapeau. M. Geoffroy du Rouret, curé de la
paroisse, prononça après la messe un beau discours :
< Messieurs, dit-il entre autres choses, ce drapeau, cette
récompense distinguée dont notre auguste et légitime
souverain a daigné honorer votre dévouement à sa per-
sonne sacrée, doit encore devenir plus précieux à vos
yeux, quand il aura été sanctifié par notre religieux minis-
tère avec les saintes cérémonies et les prières de l'Église.»
Il rappelle l'usurpateur souillant nos côtes de sa présence
désastreuse ; son infâme étendard remplaçant le bel éten-
dard sans tache de Henri IV ; Antibes, comme un seul
homme, jurant de rester fidèle à son Roi.
< Témoin de votre dévouement, j'ai souvent élevé ma
voix vers le ciel pour rendre à Dieu de dignes actions de
grâce.... > Il finit par le cri de : Vive le Roi ! Vivent les
Bourbons ! que mille voix répètent avec un entrain
indescriptible.
Madame Siméon, à laquelle le commandant de la garde
nationale, M. Glanjand, donnait la main, reçut du maire
les glands et la cravate qu'elle attacha au drapeau.
Le maire passa le drapeau au prêtre chargé de le
tenir pendant que le curé le bénit. Puis M. le curé
donna l'accolade au maire, et on entonna le Te Deum.
Cîomme la pluie avait cessé, on se dirigea vers la place
royale.
Le commandant délégué de S. A. R. rappela les paroles
de Henri IV : « Ce signe de ralliement vous trouvera tou-
jours au sentier de l'honneur, de la fidélité et de la gloire.»
Il remit le drapeau à M. de Melleville, chef de la cohorte
antiboise. M. le maire lui donna Taccolade, et le Préfet,
366 CHAPITRE VI
a[>r>s «luelques mots émus adressés à la garde nationale,
excita un si vif enthousiasme que tous, la main levée vers
le ciel, jurèrent d'être toujours fidèles au Roi, de défendre
leur drapeau et de le transmettre sans tache à leurs en-
fants.
Dans la séance du 28 novembre,M.Tourre rendit compte
du voyage qu'il avait fait à Paris, en juillet, avec MM.
Guide et Reibaud,au nom de la commission. Nous avons eu
le bonheur exc;î;Ui3nnel d'être reçus par le Roi,quoique Sa
Majesté, à cause de ses occupations, eût refusé la députa-
tiondeB->r..leaux. Partout nous avons obtenu l'accueil le
plus aimable et une bienveillance marquée : ministre de
rintérieur;ducdelaChàtre,5juillet; leRoi,7 juillet. Sa Ma-
jesté nous a dit, le sourire sur les lèvres : < Je vois avec
plaisir les dêp^jtés de rna fidèle cille d*Antihes. > De là
nous fumes présentés à LL. AA.RR. la duchesse d'Angou-
lême, le duc et la duchesse de Berry. < Impossible de dire
avec quelle affection ils nous accueillaient, quels éloges
ils nous ont décernés. S. A. leducd'Angoulème était parti
pour Grenoble. Nous avons obtenu la reconstruction du
môle, le chemin extra muros^ le curement du port ; et le
20 septenilnv le secours inespéré de 90,000 francs d'in-
demnités sur les onze millions votés. >
Le conseil ré Ji ire une nouvelle adresse de remercie-
mentsà Sa Majesté. On s'oci?upe de demander au Roi,
daris cette même a.lresse, confirmation des armoiries dont
la ville jouit de temps immémorial. Une ancienne tradi-
tion rapporte que les tieurs de lys qui ornent Técusson
furent accoPilées parles Rois à cause d'éminents services
rendus à l'Etat. Ceux de 1746 et de 1815 donnent l'espoir
que Sa Majesté leur conservera ces armoiries avec la devise:
Fidei scrvandœ exemplum. Les bonnes villes ont déplus
le droit d'avoir à la partie supérieure de Técusson un chef
pai senu* de tieurs de lys d'or. Ces armoiries seraient d'a-
zur à la croix d'ar^jent cantonnées de quatre fleurs de lys
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 367
d'or, en y ajoutant la devise du 20 mars 1815, entourant
récusson d'une branche de chêne, et le surmontant d'une
colonne murale avec deux canons et deux drapeaux pour
support, et enfin le chef parsemé de fleurs de lys d'or, le
tout porté sur le dessin ci-joint.
On demande aussi que comme la foire du 12 août avait
été transférée au 16 par ordonnance du Roi du 5 octobre
1815, celle du 20 février, à cause de la date du 21 janvier,
le fût au lundi après le 21 janvier et celle du 13 octobre,
à cause de la mort de Marie-Antoinette le 16, le pre-
mier lundi après le 16, et que chacune de ces foires durât
quatre jours consécutifs. Antibes obtint tout ce qu'elle dé-
sirait. La colonne commémorative fut érigée en 1819. En
même temps Louis XVIII exempta la ville des frais de ca-
sernement et, par lettres du Roi, Paris, 29 novembre, M.
Tourre fut nommé chevalier de la Légion-d'Honneur dans
la séance du 6 février ; M. de Barquier lui donna l'ac-
colade.
V.— INSTRUCTION PUBLIQUE.
Depuis longtemps déjà on se préoccupait de l'instruction
publique. La révolution en supprimant les ordres reli-
gieux, soit d'hommes, soit de femmes, avait enlevé les maî-
tresà la jeunesse: Jésuites, Oratoriens, Augustins, Pères de
la doctrine; religieuses :Visitandines, Bernardines, Sœurs
dites de la Coi!1e grise. Sœurs de la Doctrine, Dames de
Nevers, etautres qui tenaient presque tout l'enseignement.
Dans les villages et même dans les villes, des ecclésiasti-
ques se dévouaient à cette œuvre pénible. Il y avait bien
aussi des maîtres laïques dans les communes, mais ils
étaient en irès-petit nombre. On préférait les religieux ou
les ecclésiastiques, parce que célibataires ils étaient moins
dispendieux; d'ailleurs leur caractère, leurs études, leur
mission même semblaient les rendre plus aptes à ces obs-
cures et importantes fonctions.
368 CHAPITRE VI
L'Assemblée législative s'occupa pourtant d'or^niser
l'instruction publique. On commença par diviser Tenseir
gnement en primaire, secondaire et supérieur. On créa
d'abord des écoles pour l'enseignement primaire dans
chaque commune. Mais plusieurs communes telles que
Nice, Grasse, Sospel, Vence, Antibes avaient perdu leurs
établissements secondaires. Grasse en 1791 aura bien en-
core l'abbé Jean Maubert, qui continua de diriger le col-
lège avec les abbés Fournier et Roquemaure pour régents.
Le Conseil municipal d'Antibes gémissait en 1791 del'état
d'ignorance dans lequel croupissait la jeunesse; et il deman-
dait à l'Assemblée législative qu'elle lui envoyât au moins
un professeur d'hydrographie pour former des marins.
Elle ne l'obtiendra qu'en 1793. Le 10 juin arriva le citoyen
Béguin, professeur d'hydrographie et de mathématiques.
Le maire et d'autres conseillers iront chez demoiselle
Testons, où il loge, et après lui avoir donné une compo-
sition à faire sur les devoirs du maître et l'avoir interrogé
ils se montreront satisfaits et l'accepteront. Mais ce ne
sera que pour un temps. La tourmente de 1793 emportera
le maître d'hydrographie d'Antibes et les prêtres du collège
de Grasse. Antoine Maubert se fera instituteur libre ou maî-
tre d'éducation. Le Conseil général de Grasse votera, le 28
octobre, 1,200 francs pour les écoles primaires de filles et
3,000 francs pour celles des garçons.On y enseignera la lec-
ture, l'écriture et l'arithmétique et dans les écoles des gar-
çons ony ajouterale lati net le dessin. < Lescitoyens,dit-on,
tireront un plus grand avantage d'uneinstruction gratuite
qui s'étend à tous et à chacun. > Les petites communes
suivront l'impulsion donnée. Caille demandera au district
de Grasse de donner 200 francs à son maître d'école ; Ci-
pières nommera le sieur Martini de Tourrette régent des
écoles ; en 1793, elle élèvera ses gages à 250 ù\ Mougins
demandera aussi un maître d'école au district de Grasse.
En 1794, le Luc priera le directoire de Grasse de lui en-
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 369
voyer de bons instituteurs ; et on répondra qu'on a vingt
instituteurs quand il en faudrait soixante (27 mai). Lors-
qu'en novembre, la Convention voudra savoir de Grasse
quelles sont ses ressources littéraires, elle répondra qu'a-
vant 1789 c'était la seule ville du district où il y eût un
collège, qu'il n'y en a plus présentement ; qu'on ne pos-
sède ni cabinet d'histoire naturelle, ni jardin botanique^
ni cabinet de physique ou de chimie. Il y a une petite
bibliothèque nationale des livres du clergé et des monas-
tères.
Le 8 juillet, un ordre du gouvernement vint de recueil-
lir tous les livres, les objets d'art et d'en former des col-
lections ; de recueillir dans les jardins des émigrés ou des
biens nationaux les plantes rares et d'en former des jar-
dins botaniques près des écoles: < Nous n'arriverons à
éclairer les peuples qu'en établissant partout des institu-
teurs et des institutrices. C'est le seul moyen de fonder
une nouvelle génération. >
Le gouvernement essaie par des fêtes, où il invite maî-
tres et élèves, d'encourager l'instruction publique. Nous
avons parlé de quelques-unes de ces fêtes célébrées à Nice
le 20 décembre 1794. Les maîtres et les élèves avaient une
place d'honneur dans la fête nationale dite du malheur.
Le 13 juillet 1795, un nouvel ordre plus pressant encore
est donné d'ériger partout des écoles primaires. Nice eut
son école centrale dans l'ancien couvent des Augustins,
faubourg Saint-Jean-Baptiste (aujourd'hui le Lycée.) Le
19 brumaire 1796, le conseil municipal de Nice s'occupait
de l'organisation des écoles primaires et affectait neuf
locaux pour les neuf classes, cinq pour la ville, trois pour
la campagne, et le neuvième pour Villefranche : < Depuis
trop longtemps, dit le procès-verbal, l'instruction publique
a été négligée. Les ennemis de notre révolution voulant
détruire le plus sage des gouvernements, ont usé de tous
les ressorts possibles pour parvenir au but de leurs tra-
2Ï
370 CHAPITRE VI
vaux perfides. > Avec le premier empire , Nice eut un
Lycée, dont les bâtiments furent achevés en 1810. M. de
Orestis en fut le premier proviseur. En 1794, les citoyens
Bidaut, Durand et Timon tiennent les écoles d'Antibes.
Avec le calme le collège de Grasse se reconstitue aussi.
M. Raybaud en était le principal en 1815, Antibes ajou-
tait délibération sur délibération pour en fonder un; mais
l'argent manquait.
Le 11 février 1803, le maire Jacques Vautrin parlait
ainsi : < Le premier besoin pour une ville policée est
rinstruction publique. Sans elle on croupit éternellement
dans un état de médiocrité et d'ignorance préjudiciable à
l'intérêt général comme à l'intérêt particulier. Une com-
mune telle qu'Antibes située dans une position avanta-
geuse, destinée à former pour l'État des militaires distin-
gués et de bons marins doit aspirer à donner à sa jeunesse
une éducation qui développe de bonne heure les heureuses
dispositions que la nature lui a accordées. Nous ne devons
pas nous dissimuler que l'administration n'a encore rien
fait à cet égard pour répondre à l'attente et aux d^irs
bien prononcés des pères de famille. Le défaut de res-
source, il faut Tavouer, nous a empêché de former des
établissements d'instruction, mais aujourd'hui que par les
octrois nous nous sommes ouvert une source de revenus,
il n'y a aucun inconvénient à voter une somme convena-
ble pour remplir envers nos concitoyens une obligation
aussi sacrée. Le gouvernement d'ailleurs fait tout pour
encourager ces établissements. > Il propose donc de voter
2,600 fr. pour trois professeurs, dont l'un sera directeur,
aux appointements de 800 fr ; il sera chargé du latin ; un
autre aura les mathématiques, et le troisième la classe
élémentaire. Un pensionnat sera annexé à l'établissement
et l'église Sainte-Claire servira de chapelle. Les externes
jusqu'à treize ans paieront trois francs par mois, et quatre
francs au-dessous. On prélèvera sur les 2,600 fr., 200 fr.
LES DEUX RESTAURATIONS (1814-1815) 371
pour la distribution des prix, et 600 fr. pour le loyer de
la maison.
On établit encore une école primaire, dont la rétribution
scolaire est de 1 fr. 50 par mois (14 août 1803.)
Le 11 décembre 1804, le maire propose au Conseil de
demander au Gouvernement l'érection de l'école publique
en école secondaire. Il y aurait deux professeurs pour les
belles-lettres, et un pour les mathématiques. Ce dernier
serait tenu à faire deux heures de classe par jour pour
les aspirants de marine.
Le 22 février 1807, on adressa une pétition au ministre
de l'instruction publique et de la marine i)Our que l'on ré-
tablît à Antibes le professeur d'hydrographie supprimé
depuis 1801. On présente à l'approbation du recteur MM.
Sébastien Vautrin , prêtre, pour directeur du collège,
Jean Levens pour professeur de mathématiques, J.Michel
Guisolplie, prêtre, pour second, professeur de belles-lettres.
Le 31 octobre, on pétitionne encore.
11 y a cinq ou six institutrices pour les filles.
Vence même, qui a tant perdu pour l'instruction, depuis
la suppression de son évêché, ouvre un collège en 1800
sous la direction du sieur Cosseaux, officier retraité. En
1805, l'abbé Belon y ouvre un pensionnat de jeunes gens.
En 1813, l'abbé Blacasy fonde son petit séminaire, avec
les abbés Chais etSicard pourprofesseurs.Comme le recteur
fera opposition, M. Blanc appellera près de lui M. Auba-
nel de Marseille, qui, au moyen de son diplôme, empêchera
cette maison de se fermer. Le petit séminaire de Vence
sera légalement autorisé à la Restauration, et il subsistera
jusqu'en 1832.
VI. — TRAVAUX PUBLICS.
La Révolution a donné à l'État toutes les églises et les
abbayes. Beaucoup de chapelles et d'églises ont été trans-
formées en magasins militaires et en ambulances ; les cou-
372 CHAPITRE VI
vents en casernes ou en hôpitaux. Après la Révolution,
plusieurs de ces édifices appartenaient à des particuliers.
Ceux qui étaient restés à l'État, ou qui avaient été acquis
par les communes, ont été rendus, les uns au culte, d'au-
tres ont continué d'être affectés aux divers services de l'ad-
ministration. Ce qu'il y a eu de regrettable, c'est que quel-
ques-uns de ces édifices religieux ont été transformés en
théâtre ou ont servi de granges et d'écuries, comme Saint-
Dominique de Nice. Avec l'Empire, Nice a commencé quel-
ques travaux importants, tels que : le Lycée, i'endiguement
du Paillon, le monument de Catherine Ségurana ( 1803).La
statue de l'héroïne luttant contre un turc, posait sur une
belle fontaine, au miUeu du Cours. En 1808, Nice, qui
n'avait jamais eu d'éclairage public, eut enfin des réver-
bères. Mais l'œuvre la plus importante du premier Empire
pour le comté de Nice, ce fut la route de la Corniche ter-
minée en 1806.
•
Ici finit Vhistoire proprement dite de la Révolution
dans les Alpes- Maritimes. Puissions-nous profiter des
leçons de l'expérience ! Marchons dans le progrès ; ne nous
lassons pas d'améliorer, mais que les mots sacrés de fa-
mille, de religion et de patrie ne soient jamais séparés;
que la liberté ne dégénère pas en licence ; que les principes
éternels d'ordre, d'autorité, de morale soient la base de
nos constitutions, que l'on n'étouflfe jamais dans le sang
la voix et la vie de ceux qui ne pensent pas comme nous.
Ne revenons pas aux tristes essais de quatre-vingt-treize.
C'est pourquoi vivons d'amour, jamais de haine.
FASTES CHRONOLOGIQUES DE i8i6 à 1878.
1816. — 2 mars. L'empereur d'Autriche envoie à la sœur
Agnès, supérieure de l'hôpital de Grasse, cent
ducats d'or en récompense des soins donnés
aux malades autrichiens.
1817.— Nice conserve le port- franc.
— 4 avril. Mort de Masséna à Paris. Le général
Reille obtint du Gouvernement qu'on lui ren-
dît son bâton de maréchal et qu'on le mît sur
son cercueil. Le général Thibault prononça
son oraison funèbre; le colonel Beaufort
d'Hautpoul célébra ses exploits. Son tombeau
est au Père-Lachaise. De ses trois enfants, un
est mort à l'armée, le second est aujourd'hui
le duc de Rivoli ; la demoiselle a épousé le gé-
néral Reille d'Antibes.
— Le théologien, J.-B. Sola, futur évêque de Nice,
dirige comme censeur le collège de Nice.
1818. — 24 février. Tremblement de terre.
— Une épidémie désole la vallée de Lantosque.
Belvédère fait un vœu à Notre-Dame-des-
Fenètres.
37i FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
1818. — On rouvre le petit séminaire de Grasse.
— Meurt à Paris le dessinateur Aubrv, niçois.
1819. — Le Roi exempte Antibes, pour son dévouement,
de tous frais de casernement et de logement
de troupes. (Tuileries, 21 avril).
— Charles-Emmanuel, ex-roi de Piémont, meurt.
Nice lui fait un service funèbre. M^"^ Colonna
officie et Dom Sapia, professeur de rhétorique
au collège, prononce l'oraison funèbre.
1820.— 6 février. M. Tourre, maire d'Antibes reçoit la
croix de la Légion-d'Honneur.
— 30 mai. Le roi Victor-Emmanuel approuve
V établi sseme7it des Cessolines fondé eu 1812
par le saint prêtre Eugène de Cessole, dans
l'ancien couvent des Visitandines (aujourd'hui
hospice de la Providence).
— 5 novembre. L'archevêque d'Aix fait sa visite
pastorale à Grasse. 11 y bénit le 7 novembre la
première pierre de l'église des Visitindines.
1821 . — Les Jésuites prennent la direction du collège de
Nice.
— Pendant les troubles de Turin, Victor-Emma-
nuel se réfugie à Nice avec sa famille et loge
dans la maison Nieubourg (rueSaint-François-
de-Paule, en face l'église). 11 y arrive le 19
mars et part le 29 mai. On le fête. Le comte de
Cessole, Dom Sapia, Rancher, Dahray, Du-
rante, Andrioli composent des odes, des sona-
tes, des cantates.
— Les villes de la rive droite du Var envoient des
députations au baptême du duc de Bordeaux.
1822. — L'ancien château de Nice est transformé en pro-
menade publique. On restaure l'ancien Palais
de l'intendance pour le Palais royal (Archi-
tecte Escoffier).
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 375
1822. — 9 janvier. Pie VII envoie son portrait à la ville
de Nice.
— Meurt à Grasse, W^ Gérard, peintre de mérite,
parente et élève de Fragonard.
— Claude Gimelle crée la marquetterie niçoise.
— Nice compte 25,925 habitants.
1823. — A Nice, lepoëte Rancher -fait paraître sa Ne--
mdida.
— A Paris meurt l'historien Papon, né à Puget-
Théniers, ex-oratorien de Marseille.
— 3 juillet. On apporte à Grasse le corps du dernier
évêque de Grasse, M*' de Prunières, et on l'en-
sevelit en grande solennité à la cathédrale.
— Le neveu de M. d'Aguillon prie la commune
d'Antibes de rétablir Tinscription de la fontaine
détruite en 1793.
1824. — Le sieur Autric ouvre à Antibes une école secon-
daire de latinité.
— Mission à Antibes.
— 17 février. Service funèbre à Sainte-Réparate
de Nice par M^*" Colonna pour le roi décédé. La
grande duchesse de Saxe-Cobourg, alors à
Nice pour la saison d'hiver, y assiste avec sa
suite. L'avocat Fornari prononce l'oraison
funèbre.
— L'intendant Crotti transforme les anciens rem-
parts en quais depuis la descente Crotti jusqu'à
la place Victor.
1825. — On inaugure à Nice, sur la place du Collège, la
belle fontaine des Tritons apportée de Grèce
par les Lascaris.
— Construction du Pont-Neuf.
1826. — 22 février. Meurt l'évèque deNamur, M^'Pisani
de la Gaude, ex-évêque de Vence, âgé de 83
ans. C'était un saint et savant évêque. Le 14
376 FASTES CHRONOLOGIQUES BE 1816 A 1878
1826. mars, M*'' de Rîchery, évêque de Frëjus,
viendra à Vence célébrer le service funèbre.
. — Grande mission à Nice à Toccasion du Jubilé
de Léon XII. Il y a trois prédicateurs italiens.
— Charles -Félix vient visiter la ville de Nice, avec
la reine Marie-Christine. On le fête, on le
chante. Ce sont les poètes : Horace de Cessole,
l'avocat Fornari, Roland Borra, Tavocat Novi,
Emile Cacciardi, baron deBerre, Joseph Gior-
dano, Dabray, Durante, l'avocat Barralis, le
chanoine Rusca, Martin Saytor. Les israélites
lui érigent un monument à l'entrée du Pont-
Neuf ; et le conseil municipal, la porte qui est
sur la place de la Poissonnerie au bout du
Cours. La famille royale va au sanctuaire de
Laghet.
1827 . — * Belle mission à Vence pour le Jubilé deLéonXIl.
— A Grasse, M. Pérolle, dote l'hospice de trois
tableaux de Rubens.
— 26 octobre. Ou verture à Nice du théâtre recons-
truit. On joue l'opéra II Barons de Felseint.
1828. — Incursion sur le territoire de Carras de corsaires
algériens.
— 4 novembre. On inaugure à Nice, sur le port
la statue de Charles-Félix, jour de sa fête.
1829. — Construction de la Place-d'Armes à Nice.
— Le roi passe l'hiver à Nice avec tout^ sa cour. 11
n'en partira que le 11 mars 1830. Il donne
30,000 fr. pour la construction de l'Église du
Port.
— Mort du peintre niçois Pacho.
1830. — Meurt à Nice le saint et charitable curé de la
cathédrale, chanoine Maurice Donaudi.
~ Grasse écrit à Paris au moment de la révolution
de 1830, que la plus grande tranquillité a ré-
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 k 1878 377
1830 . gné constamment dans tout Tarrondissement,
Le conseil municipal dit, que cet événement
est un heureux changement pour la France.
— A Nice, on consigne les troupes dans les ca-
sernes. Il y aura un petit mouvement à Nice
le 13 novembre. On arbore pendant la nuit un
drapeau tricolore au Château. L'auto.rité l'en-
voie retirer de grand matin. C'était le parti
constitutionnel qui* s'agitait dans les Etats-
Sardes, pour avoir un roi constitutionnel
comme en France.
— Le commandant du port, le sieur Lunel, répare
le port et les quais.
— Meurt à Grasse pieusement le baron Maximin
Isnard.
1831. — y*^mar5. Troubles à Cannes, le jour de la fête
du roi.
— M. le docteur Rostan (Jean-Baptiste-Bernard),
est nommé maire à Antibes. Il gardera la
mairie trente-quatre ans.
— Mort du roi Charles-Félix. Service funèbre à
Sainte -Réparate. Dom Sapia fait l'oraison
funèbre.
— Mort du comte de Revel. Mort à Nice du poète
Dabrav, ancien conventionnel.
1832. — 25 avril, he conseil municipal de Nice fait le
vœu d'ériger une église à Notre-Dame, si
Dieu préserve la ville du choléra. Il vote
40,000 francs.
— P^ jiim. Meurt à Paris du choléra, le conven-
tionnel Dominique Blanqui.
— Le supérieur du petit séminaire de Vence, et un
de ses professeurs, l'abbé Molinar, se noient
au Pont-du^Loup en voulant sauver un de
leurs élèves.
378 FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
1832. — Une ligue se forme à Nice contre le vénérable
évèque Colonna. On le dénonce au comte de
TEscarène, alors ministre de l'intérieur,
comme incapable. Forcé de donner sa démis-
sion, il fait ses adieux à sa chère ville de Nice
(17 octobre) et se retire à Rome où il mourra
au couvent de Sainte-Sabine, le 2 mai 1835, à
l'âge de 77 ans.
1833. — M^*" Dominique Galvano, savoîsien, arrive pren-
dre possession de son évéché de Nice, le 6 jan-
vier. 11 était monté sur une mule blanche.
— Grande mission à Vence. Elle finit le 12 mai.
1834 . — Mort à Paris du dernier marquis de Vence, Clé-
ment-Louis -Hélion de Villeneuve, pair de
France et maréchal-de-camp.
— Lord Brougham vient habiter Cannes pendant
rhiver et y bâtir la villa Éléonore-Louise. Cette
ville ne comptait alors que 3,000 habitants.
— La veuve de Charles-Félix passe l'hiver à Nice
dans la maison du comte Saissi à la Croix-de-
Marbre.
1835. — 22 j 21171. Troubles à Saint-Paul au cri de Vive
Charles X.
— On construit à Antîbes la grande caserne.
— Le choléra fait à Nice deux cent trente-une vic-
times. (Septembre).
— Meurt à Strasbourg le docteur Fodéré, savant
chimiste, qui avait laissé un nom cher à Nice
comme professeur de l'Ecole centrale et du pre-
mier Lycée.
1830. — Le roi Charles-Albert visite Nice en avril.
— J5 août. Le nouvel évêque de Fréjus, M^"^ Mi-
chel , officie à Vence.
1837. — Pluies torrentielles.
1838. — Chateaubriand visite Nice et Cannes.
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 379
1838. — Meurt à Turin le marquis Louis-Ange Lascaris,
fils du comte Joseph.
— Ouverture à Nice du Cercle philharmonique.
1839. — Meurt à Turin le poète niçois, Andrioli.
— 20 août. Grande inondation par la crue subite
du Var, de la Siagne el du Paillon.
— Construction du petit séminaire de Nice au La-
zaret.
1 840 . — 29 janvier. Meurt à Paris,le général comte Luce
de Gaspari, grassois.
— 27 mai. Meurt à Nice, le violoniste Paganini,
dont le corps restera au Lazaret de Ville-
frnnche jusqu'en 1844.
1841 . — MeurtàNice,Jose{;hDabray,rex-conveniionnel.
— Meurt k Palerme, le général Michaud, comte de
Beauretour, niçois.
— Le général Grimaldi, marquis de Gagnes, réclame
Monaco.
»
L'Etat donne à l'hospice de Grasse un beau tableau
de Gué, le Jugement dernier.
1842 . — La veuve de Charles-Félix*Marie-Christine,passe
l'hiver à Nice.
— y®»" avril. Érection du collège communal d'An-
tihes.
1843. — Meurt à Puget-Théniers, le savant curé Corpo-
randi (Ange), ex-oratorien.
— Meurt à Rome, le savant bibliophile Féa, niçois.
— Mission à Vence. L'évêque de Fréjus assiste à la
clôture, donne la communion à mille cinq
cents personnes et bénit la croix de la place
Saint-Michel.
9
1844 . — Etablissement à Nice de la Société de Saint-Vin-
cent-de-Paul.
1845. — 5 avril. Meurt à Grasse, le général Gazan^ comte
de la Peyrière et pair de France.
880 FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
1545.— Meurent à Nice, le naturaliste Risse et le comte
de Cessole, président du Sénat.
1846. — Le nouvel évêque de Fréjus, M*^Vicart, visite
l'arrondissement de Grasse.
— Fondation à Nice du musée d'histoire naturelle,
acquis de M. J. Vérani.
— Mort du major-général Joseph Félix, baron
d'Auvare.
1847. — Fondation à Nice, d'une Société d'agriculture,
dite de la Vésubie (3 août).
— Nice accueille avec enthousiasme les réformes
données par Charles-Albert. Une grande fête se
célèbre le 4 novembre jour de la fête du Roi. Il
y a un dîner de trois cent soixante couverts, où
l'on entend lés discours de MM. Barralis, doven
des avocats, Philippe Morro, Clément Béri, P.
Navello, M. Guigoni, A. Clérissi, M. Déforesta,
Malausséna , Deydéri , comte Giletta. César
Fighiera a composé une pièce de circonstance
et M"® Sassernô, une belle cantate. Le gou-
verneur, M. deMaîstre, assiste au toast. Nom-
mons encore les poètes Gonzague Arson, F.
Blancardi, Louis Arène, M"® Sauteiron, Tavo-
catLantéri, Giordano, Bernouilly, Tingf^nieur
Degliotti. Le 14, on chante un Te Demn à la
cathédrale.
— Meurent à Nice, le comte de Orestis ; — le che-
valier Paul Barberis, fondateur de l'École
gratuite de dessin.
1848. — 6 février. On murmure contre le gouverneur,
M. de Maîstre, à la sortie de l'église Saint-
Francois-de-Panle. Le 10 février, M. de Maïs-
tre fait proclamer la Constitution qu'on
accueille aux cris de: Vive le Roi! Vive la
Constitution ! Vive Pie IX ! Vive l'ItaUe ! Le
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 381
1848. soir, il y a illumination ; le lendemain Te
Deum à la cathédrale. On va arborer le dra-
peau tricolore au Pont du Var. Tout le comté
de Nice accueille avec enthousiasme le Sbitut.
Le curé de Sigale se met à la tète de la popu-
lation et prend le drapeau. Saint-Etienne, fête
trois jours consécutifs. Le 19 février, M. de
Maîstre quitte Nice, remplacé par le comte de
Sonnaz.
— 24 février. Révolution à Paris qui renverse le
trône de Louis-Philippe.
— Nice se met sur la défensive. Le parti avancé
insulte le consul d'Autriche. Le 5 mars, on
chasse les Jésuites du collège, par ordre de
Turin. La guerre était en même temps décla-
rée à rAutriche, Le 23 mars, à la nouvelle de
la prise de Milan, tout Nice se réjouit. Le 4
mai, cinquante voitures et une belle cavalcade
escortent les quatre députés du comté de Nice
qui partent pour Turin. Un char de musiciens
les précède. Le 4 juin, pendant la nuit, on va
saccager l'évèché. Le 13 juin, la populace
menace le bureau de VÉcho des Alpes-Ma-
ritimes. Le 20 juin, on fait une ovation à
Garibaldi , qui arrive de Montevideo ; le 27
août on bénit solennellement les drapeaux
de la garde-nationale,
— M. Garnier est appelé comme directeur du col-
lège de Commerce.
— Cependant la France était en pleine révolution ;
mais Tarrondissement de Grasse s^était montré
aussi calme à la chute de Louis-Philippe qu'à
celle de Charles X. Aux journées de juin, périt
assassiné le général Bréa, mentonnais. Blan-
qui Auguste est parmi les insurgés.
3SÎ FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
184S. — Menton avait eu sa révolution. Le 20 mars,
Menton et Roquebrune se déclarèrent indé-
pendantes soas le patronnage de la Savoie.
Monaco resta ferme.
1S49 . — 30 janvier. Petite émeute du collège de Nice
contre le censeur.
— i4 mars. Charles-Albert reprend les armes.
Vaincu à Novare, il abdique, arrive à Laghet
le 25 mars, et y dépose son épée, passe à Nice
incognito, couche à Antibes et se rend de là
en Espagne.
— Le choléra enlève à Paris le 12 juillet 1849 le
général Gazan, antilK)is, directeur général du
personnel de la guerre. Meurt à Turin le
comte Ravnaud de Falicon.
— d2 octobre. Service à Sainte-Réparate pour
Charles-All)ert. L'avocat Piccon prononce
Toraison funèbre.
1850. — Fondation à Nice des salles d'asile.
— JJ août. Emeute à Nice contre l'intendant, le
comte Radicati, de ce qu'il remet en vigueur
la loi de la fermeture des cabarets, le dimnn-
che, pendant les offices. On crie au Jésuitisme.
V Avenir de Xice excite la population:
€ Allons, peuple de Nice, de par M. l'inten-
dant, tu iras à la messe le dimanche de 10
heures à midi, et à vêpres, le soir, de deux
heures à quatre heures. >
— 10 novembre. Mort à Paris du peintre Frago-
nard Evariste, fils d'Honoré, grassois.
1851 . — 4 mars. Fête du Statut à Nice.
— 21 avril. Courses à l'hippodrome du Var.
— 13 mai. Nice demande la conservation du port-
franc. Il n'en sera pas moins supprimé (20
juillet.)
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 383
1851. — Meurt à Guillaunies, Tavocat Lions, homme de
bien, fils du docteur Lions, bon médecin.
— 1^^ octobre. Ouverture à Vence d'un collège
ecclésiastique, où beaucoup d'enfants des
meilleures familles de Nice vont chercher
l'instruction.
— 2 décembre. M. Mougins de Roquefort (Camille)
est élu maire de Grasse.
1852. — Inauguration à Nice de la société de secours
mutuels (2 mai.)
— 15 août. Troisième centenaire de la délivrance
de Nice. Inauguration de la nouvelle église de
Notre-Dame du Vœu par M^*" Galvano.
— Meurent à Nice, Thistorien baron Durante, et
le comte Agapite de Roubion.
— Coup d'État. Troubles du Var. On procède à
Vence à un certain nombre d'arrestations.
1853. — i®»" aoùi. Translation du corps de M^' Colonna
à la cathédrale. L'évêque Galvano prononce
lui-même l'oraison funèbre devant un con-
cours immense.
— Mort à Rome du peintre Castel, niçois.
1854. — Secousse de tremblement de terre, 9 février, à
quatre heures du matin.
— Mort à Paris de l'économiste Blanqui Adolphe,
niçois.
— 23 avril. Inauguration à Nice de l'éclairage
au gaz.
— Juillet. Le choléra sévit à Nice. Il y aura 430
décès du 20 juillet au 3 septembre. Le quar-
tier du Malonat élève une statue à la Sainte-
Vierge, le 8 septembre, pour avoir été pré-
servé du fléau.
— 29 décembre. Tremblement de terre à une
heure du matin et à trois heures.
384 FASTES CHRONOLOOIQUES DE 1816 A 1878
1854. — Meyerbeer, à Nice, compose plusieurs scènes de
V Africaine.
1855.— 2 janvier. Secousse de tremblement déterre.
— 20 janvier^ terrible coup de vent sur la mer.
— Février. Dragons et demi-batterie d'artillerie
venant de Rome en France par Nice.
— Le choléra enlève à Toulon le général Guilla-
bert, antibois.
— 26 mai. Meurt à Antibes , le général baron
Vial Jacques, antibois.
— i7 août. Meurt à Bibbiano, M" Galvano, évê-
que de Nice.
— Le même jour, vers le soir, mouvement insur-
rectionnel dans le Var. Les réfugiés français à
Nice doivent se réunir à la Gaude aux insur-
gés. La troupe de Nice et la gendarmerie du
Var accourent sur le Var.
— Meurent à Nice, le poète Dabray,flls du conven-
tionnel et l'architecte-ingénieur Gardon.
1856.— Ouverture à Nice, du théâtre Tiranty, aujour-
d'hui Théâtre Français, 27 septembre.
— Mort à Grasse, du comte de l'Escarène. 11 laisse
sa bibliothèque au collège de Nice.
— 26 octobre. Arrivée à Nice de l'empereur de
Russie. La ville illumine le soir.
— i6 novembre. Arrivée à Nice de la grande du-
chesse Hclène.
18 j7. — Le nouvel évoque de Fréjus visite Tarrondisse-
meut de Grasse.
— 12 janvier. Le grand duc Michel à Nice. Le22,
Victor-Emmanuel vient rendre visite à l'im-
pératrice. Le roi reste jusqu'au 7 févi ier.
— 2 mars. Arrivée du grand duc Constantin. Le 1*'
avril, Victor-Emmanuel revient à Nice.
— Le prince Charles de Prusse est à Nice. Le 21
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 385
1857. avril, l'impératrice quitte Nice. La grande
duchesse Hélène y reste jusqu'au !•" juillet.
— 10 septembre. Les fils de Victor-Emmanuel
viennent visiter Nice.Ilsserendent à Canneset
aux îles de Lcrins, le 15 septembre. — Mouve-
ment socialiste dans le Var, et même à Vence.
— 19 octobre. Grandes pluies. Le Var et le Paillon
débordent. — Construction de Thospice de la
Charité.
— 21 décembre. W Sola (Jean-Pierre), curé de
Vigon, est nommé évêque de Nice.
1858. — 5 janvier. W Sola est sacré à Rome dans l'é-
glise des SS. Apôtres, arrive à Laghet, le 23
avril , et fait son entrée à Nice, le dimanche,25.
— La grande duchesse à Nice. Elle se rend k Vence,
le 15 juillet.
— 25 novembre. Arrive à Nice le roi de Wur-
temberg ; le 6 décembre, c'est le grand duc
Constantin et sa femme la grande duchesse
Alexandra. Ouverture de l'église russe , le 1 1
décembre.
— 30 novembre. Le prince Napoléon vient visiter
à Nice le roi de Wurtemberg.
— Meurt au Cannet la tragédienne Rachel, 3 janvier.
1859. — Ouverture à Nice du cercle Masséna.
— \0 janvier. Guerre contre l'Autriche. La garde
impériale passe à Nice, du 14 mai au 22, au
milieu de lallégresse générale.
— 9 février. M" Jordany achète Lérins, et, accom-
pagné de l'archevêque d'Aix, célèbre la messe
dans l'île Saint-Honorat.
— Meurent à Cannes, le célèbre publiciste M. de To-
queville ; à Antibes, M. Guide ; à Paris, la
marquise de Vence ; à Nice, Ali-Pacha et la
grande duchesse de Bade. Meurent encore le
25
386 FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
1860. Yice-amiral Albini,et le cardinal Dupont^toiu
deux nés à Villefranche. Inauguration des ré-
gates de Cannes (2b avril ) .
— 22 mars. La Convention de Turin cède Nice et la
Savoie à laFrance.Le 15avril,lapopuIatioDdu
comté de Nice accepte Tannexion à runanimité
des suffrages. 8,458 voix, contre 205. Le comté
donne25,773 voix. Le 14juin,radministration
française entre en fonction. Le 16, on fête
l'annexion. M. Paul d'Y vois est le premier
préfet. M. Chevriaux est le premier proviseur
du Lycée, avec M. Zévort pour économe.
— D'avril à la fin de juin, les troupes reviennent
d'Italie par Nice.
— 12 septembre. L'empereur Napoléon et l'impé-
ratrice viennent visiter Nice.
— L'évèque de Fréjus veut transférer Ift Petit Sé-
minaire de Grasse à Vence. Le ministre vmet
opposition. Il n'y aura, cette année, de Petit
Séminaire, ni à Grasse ni à Vence. L'année
suivante, le Petit Séminaire sera réouvert à
Grasse.
— Meurt à Nice, M""Sassernô, poëte distinguée.
Meurt à Paris, 26 février, le maréchal Reille,
dans sa 85* année.
— La grande duchesse passe l'hiver à Cannes.
— Fondation à Nice de la Société d'horticulture et
d'Agriculture.
1861.— Fondation à Nice de la Société des lettres,
sciences et arts.
— Établissement à Nies des Petites-Sœurs des pau-
vres.
— M. Gavini de Campille est nommé préfet des
Alpes-Maritimes.
— Le prince de Monaco cède à la France ses droits
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 387
1861 . sur Menton et Roquebrune pour quatre mil-
lions de Irancs, 2 février. Monaco est sous le
protectorat de la France .
— Meurt à Grasse, le comte Albert-Robert d'Escra-
gnôles, le dernier de cette famille ; il avait été
chef au ministère de la marine.
— 1 ,700 familes étrangères passent la saison d'hi-
ver à Nice.
1862. — Ouverture du Casino de Monaco. Ouverture du
chemin de fer de Marseille à Gagnes.
— Mort à Gannes du duc des Cars.
1863. — Ouverture des cours publics à Nice par MM.
Frédéric Passy, Giraud, Bazin et Lévistal.
— En bâtissant la batterie de Beaulieu, on trouve
plus de cinq cents squelettes, lacrymatoires,
vases, urnes, monnaies romaines.
— Mort à Nice du chimiste J. Vérani, professeur
au Lycée ; à Grasse, de l'historiographe Séné-
quier.
— Cannes s'éclaire au gaz.
1864. — Ouverture â Cannes du Cercle Nautique et du
Grand-Hôtel.
— Meurent à Nice, le charitable ch. de Cessole,
le naturaliste Vérani, frère de J. Vérani, le
naturaliste prince de Salm-Dick et le célèbre
musicien llalévy.
— Fondation de THospice des aliénés à Saint-Pons.
1865. — Mort à Nice du Grand duc Héritier. — L'empe-
reur et rimpératrice de Russie sont à Nice.
— L'empereur Napoléon vient visiter Tempereur
de Russie.
— Établissement à Nice d'une succursale de la
Banque.
— Le prince et la princesse Napoléon passent l'hi-
ver à Cannes.
388 FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
1865. — M. Martelly succède à M. Mougins de Roquefort
comme maire de Grasse.
1866.— Mort à Nice du violoniste Hemz. — AP'Sola
reçoit son abjuration, et le baptise à son lit de
mort. (Maison Nieubourg, aujourd'hui d'E-
tienne et Carlin).
— Construction à Nice du quai Massëna.
— 19 mai. Secousse de tremblement déterre, neuf
heures et demie du matin.
— Formation à Antibes de la légion papale.
1867. — 14 janvier. Mort à Cannes de Victor Cousin.
— Mort à Menton du général Partouneaux ; à Nice,
du comte de Villeneuve-Beauregard, ancien
chevalier de Malte (85 ans).
— Les israélites de Nice font schisme.
1868. — Fondation à Cannes d'une Société des lettres,
sciences et arts.
— Fête à Cannes, le 16 août, pour Tinauguration
du canal de la Siagne.
— Mort à Nice du Roi de Bavière, de l'architecte
Boyer.
— 7 mai. Mort à Cannes de lord Brougham, âgé de
86 ans ; du général Yusuff.
— Fondation à Nice des fourneaux économiques.
— Inauguration du nouvel Hôtel -de-Ville de Nice.
— Le prince de Prusse, Frédéric Guillaumes, passe
l'hiver à Cannes.
1309. — Mort à Nice du prince Stirbey ; de M. Giraud,
professeur d'histoire au Lycée.
— 15 août. On inaugure à Nice la statue de Mas-
son a.
— Les Petites Sœurs des pauvres s'installent à Can-
nes. — Construction à Cannes de l'église No-
tre-Dame.
— Inauguration du nouvel Hippodrome du Var.
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 389
1870.— Mort à Nice de M. Carlone, qui fait la ville de
Nice son héritière.
— Statue de lord Brougham inaugurée à Cannes.
— 7 aoiit. Vive émotion à Nice et à Cannes à la
nouvelle de nos désastres militaires.
— 4 septembre. Proclamation de la République
dans nos Alpes-Maritimes. 15 septembre ,
Emeute à Cannes. On emprisonne le maire
(15 septembre).
— Engagements volontaires pour l'armée d'expé-
dition à Nice, à Cannes, à Grasse et à Antibes.
1871 . — Les préfets se succèdent à Nice. — Ouverture du
chemin de fer de Cannes à Grasse.
— Le duc de Parme et le duc de Montpensier pas-
sent l'hiver à Cannes.
— 30 avril. Cannes réélit M. Méro pour maire. —
M. Reibaud Félix est nommé maire à Antibes
et M. Roubaud à Grasse.
1872 . — Catastrophe du pont de la Brague.— Éboulement
du Château à Nice.
— Construction du Casino de Nice.
— L'empereur du Brésil et sa femme visitent Nice
et Cannes.
— M. Roubaud est nommé maire à Grasse.
— M" de Fréjus installe à l'abbaye de Lérins les
PP. Cisterciens avec leur abbé R. P. Marie-
Bernard, crossé-niitré.
1873. — d2 janvier. Éboulement de Saorge.
— 25 février. Magnifique carnaval de Nice. — 26
février, mariage du comte de Bardi à Cannes.
— L'archiduc d'Autriche réside à Cannes, ainsi que
le maestro Offenbach.
— 26 décembre. Bazaine est enferméau fort Sainte-
Marguerite. 11 arrive à Antibes à 1 1 heures du
soir.
390 FASnnSS CHRONOI/»IQUES DE iS16 A 1878
1874.— Mariage à Nice de ^i*** de Villeneuve, fille du
préfet de Nice, avec le comte de Maîstre. Mon-
seigneur bénit le mariage à la cathédrale.
— 9 août. Évasion de Bazaine.
— Meurent à Nice les grands vicaires, de Bottini et
le R. P. Lavigne, fondateur de la belle église
Notre-Dame et orateur distingué.
— Meurt encore à Nice le marquis de Constantin.
— Actiuisition de Laghet par le Chapitre de Nice.
1875. — 8 juillet. Meurt à Cannes M'' Jancard, qui était
né à Cannes en 1799.
— Mort à Grasse de M"^ la marquise de Villeneuve-
Bai^emon.
— Mort à Nice de M. le marquis de Châteauneuf,
tant aimé des pauvres ; de la comtesse Suares-
d'Aulan ; du comte de Barréme.
— 5 avril. Incendie de l'hôpital Saint-Pons. — Si-
nistre en vue de Cannes du navire la Nor-
mandie.
— Bénédiction des églises des PP. Africains à Nice ;
deSaint-Pierre-d'Arène, restaurée ; de Saint-
Antoine de Ginestière ; des cloches de Téglise
du Vœu.
— Souscription pour les inondés de la Garonne. Le
Lycée donne à lui seul 1 ,755 francs.
— Construction à Cannes du boulevard dit de Can-
nes-Eden.
— La société de musique de Cannes gagne à Rouen
le l*' prix au centenaire de Boeldieu. Elle joue
aux Tuileries en passant à Paris.
— La Reine de Hollande passe l'hiver à Cannes.
— Création à Nice d'un asile pour les prêtres ma-
lades.
1876. — Restauration du château de Cagnes et des fres-
ques de Carlone.
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 391
1876. — M*" Terris, nouvel évêque de Fréjus, visite Tar-
rondissement de Grasse.
— Mort à Cannes de Tamiral Pakenham et du che-
valier de Saint-Chéron.
— Le comte et la comtesse de Paris viennent à
Cannes.
1877.— Mort à Nice de l'avocat Féraud, Thomme des
bonnes œuvres ; de Xavier de Villeneuve,
fils du marquis de Villeneuve-Bargemon ; du
célèbre Tamburini.
— Mort à Cannes de M. l'avocat Macé, l'homme
des bonnes œuvres.
— Fondation à Nice de la Société des Lettres, dite
Niçoise.
— 21 août. Erection à Grasse de la statue du
peintre Fragonard.
— M"" SoladeNice donne la démission de son siège
épiscopal à cause de son âge avancé. 11 est
nommé chanoine du l®' ordre de Saint-Denis.
Le 28 décembre, on préconise à Rome M*'
Balaïn, évêque de Nice.
1878. — 6 janvier. La liste du comité républicain l'em-
porte à Nice et dans toutle département, Vence
et Antibes exceptés. M. Martelli est nommé
maire de Grasse, avec M. Gazan, petit-fils du
général, et M. Roure, pour adjoints.
— 7 janvier. Mort du fils de M. le comte de
Béthune, le dernier descendant de Sully.
— iO janvier. Congrès archéologique de France
à Nice.
— i6 janvier. Service à Sainte-Réparate pour le
roi Victor-Emmanuel mort le 9 janvier.
— 20 janvier. Courses du Var. Le général Chan-
garnier, revenant de Rome, y assiste.
— 7 février. Nouvelle à Nice de la mort de Pie IX.
392 FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
1878. — 25 février. Sacreà Fréjus du nouvel évêquede
Nice ; 26 février, belle entrée de M*'' Balain à
Nice. Toute les autorités raccompagnent à la
cathédrale,où il litson magnifique mandement.
— Splendide carnaval (du 2 au 5 mars.) Grande
affluence d'étrangers.
— Pendant le carême, la foule se iK)rte à Notre-
Dame pour y entendre les deux frères Lémann,
juifs convertis.
— M. Borriglione est nommé maire à Nice et M.
Gazan, notaire, maire à Antibes.
TRAVAUX PUBLICS DE 1816 A 1878.
La rive droite du Var commence à être sillonnée de
routes nouvelles carrossables. Où jamais Ton n'avait va
de voiture, maintenant on pénètre par des rampes d'un
accès facile. Cannes obtient son môle tant désiré (1838).
Les villas s y construisent en grand nombre depuis que
lord Brougham a donné l'élan (1834).
Nice s'agrandit et s'embellit. Elle s'étend d'abord du
côté de la Croix-de-Marbre. En 1822, des Anglais, en sta-
tion d*hiver à Nice, commencent à établir la promenade
le long de la mer, ou de la baie des Anges. L'architecte
Escotiîer restaure le palais royal. On construit la prome-
nade du Château. L'intendant Crotti obtient des secours du
gouvernement pour la construction du Pont-Neuf. 1825,
des quais depuis le Pont-Neuf jusqu'à la place Victor, et
pour la Place-d'Armes.Du vœu du 25 avril 1832, sortira l'é-
gliseN.-D.du Vœu. L'église duPortdatede 1852. En 1840,
on commence Tendiguement du Var. En 1846 se construii
le petit séminaire ; 1848, c'est l'hospice de la Croix ; 1852,
on commence le Jardin-Public ; 1857, la manufacture des
tabacs, Thospice de la Charité, l'église Russe ; 1858, la
place Charles-Albert.riiôpital Saint-Roch; des ruess'élè-
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878 393
vent comme par enchantement : rue Cassini, rue Ségu-
rana, rue et place Masséna, etc., etc.
A Villefranche, on construit la jetée du port.
A partir de 1860, des routes s'ouvrent dans toutes les
directions de la campagne de Nice et du département. Nice
aura enfin le chemin de fer, et Grasse son embranche-
ment. Quelles belles rues ouvertes à Nice, sur la rive
droite du Paillon, dans le quartier Longchamp, que de
boulevards et d'avenues : Avenue du chemin de fer, ave-
nue Longchamp,avenue Beauheu, boulevard Dubouchage,
quai Masséna, quai Saint-Jean-Baptiste, quai des Pal-
miers, promenade des Anglais, boulevard de l'nnpératrice
de Russie, Jardin du Var. Nous n'en finirions pas si nous
disions tousses hôtels, toutes ses villas, tous ses monu-
ments, tous ses riches magasins : gare de Nice, église
Notre-Dame ou du Père Lavigne, église des PP. Africains,
Casino de la Méditerranée, galerie Porialier, école Saint-
Pierre, asile Rotschild, hospice des aliénés, hôpital Pau-
liani, abattoir, square Masséna, square des Phocéens,
pont des Anges, Pont-Victor, etc., etc.
Grasse construit tout un quartier nouveau. Cannes voit
s'élever une ville nouvelle et renferme dix mille habitants;
il en est de même de Menton. Antibes, à l'instar de Cannes,
de Grasse, de Nice, s'éclaire au gaz, sa campagne se couvre
aussi de villas. On va visiter, entre autres, son magnifique
hôtel du Cap. Parlerons-nous de Beaulieu, de St-Jean,
du Cap-Ferrat,et enfin de Monte-Carlo, l'Eldorado del'Eu-
rope...St-Martin-Lantosque,laBollèneparticipent au mou-
vement général... Les bains de Berthemont sont remis en
honneur. L'abbaye de Lérins sort des ruines, restaurée par
les PP. Cisterciens de Solesme. Que nous réserve l'avenir?
L'INSTRUCTION PUBLIQUE EN 1878.
Le Lycée de Nice est devenu comme le centre du mou-
vement intellectuel du département des Alpes-Maritimes.
S4 FASTK CHROXOU0GIQCE3 IMî 1816 A 1878
IVs :2.sre?:enrs d'fliie, des proviseurs distingués, un per-
s:i^rl irTri-r'ess^urs choisis en sont les promoteurs. Six
•>fz*^ e.èvrrs fre»5-jîentent le Lycée. Les professeurs ne bor-
nrii: ras là leur travail ; ils ouvrent des cours publics
ro-ir 'a xl^nie étrangère.
Mfn: :n ?.urA s:»n p»etii Lycée; Grasse et Antibes ont leur
cry.r:^^ *>:'Simanaî. Nice et Grasse possèdent un petit sémi-
]:a:re. 11 y a »ie jîus à Nice, grand séminaire, école normale
prlmi^ire : Monac»? a un collège dirigé par les PP. Jésuites;
Car.n-e^, ui.e instiîution secondaire des PP. Marianites.
Les r^csionnats de demoiselles sont nombreux : à Nice,
à Ve: ce. Dames de Nevers ; à Antil)es et au Bar, Daines
Trini:aires ; à Grasse. la Visitation et Sainte-Martîîc ; à
Cannes, Dames de la Présentation ; à Nice, Dames de la
Visit vtion, de TAssomption, de Sainte-Marthe, du Saint-
Sacrement dcs Fidèles Compagnes, des Ursulines, deSaint-
Josoph. jviîsioiîcat des demoi^^elles Carlin, à Carabacel.
Nice est parfaitement pourvue tant pour les garçons que
pour les rîlles, d'écoîes primaires congré^anisteset laïques.
Les moinîres villriges ont presque partout école de gar-
çoîîs et èv.vle de tîUes. Ajoutez aux écoles primaires les
crèches où Ton reçût les enfants à la mamelle, les salles
d'asile, ei remontez jusqu'à Tasile des vieillards, vous
trouverez Thum'xnité secourue au physique comme au
moral dans tous les degivs de son existence. La statistique
otfioielle constate que les écoles primaires qui, avant 1860,
étaient fréquentées, dans le département des Alpes-Mari-
times par huit à neuf mille enfants, le sont maintenant
par vingt-sept mille environ. Chaque commune , excepté
Caussols, est pourvue d*écoles. 11 y a trois cent trente-six
écoles dont cent trente-six de garçons, cent onze de Slles;
qu itre-vingt-huit mixtes et vingt-une salles d'asile. En
1851, ne savaient ni lire ni écrire dans la province de
Nice. 83,071 personnes, dont 56,858 femmes, sur une
population totale de 118,377 habitants.
FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 k 1878 395
Lapop'ilation de Nice qui, au moment de Tannexion,
avait 44,000 âmes en compte, en 1877:52,000 et le dépar-
tement dépasse aujourd'hui 200,000 habitants. Que l'agri-
culture soit encouragée et qu'on arrête l'émigration des
campagnes vers la ville, nous n'aurons rien à envier
aux départements les plus florissants.
Aux écoles, il fauta)outer,comme moyens d'instruction
publi |ue, les bibliothèques, les sociétés savantes, les mu-
sées. Nic3 a deux sociétés des lettres, une société d'horti-
culture, une société hygiénique, une société météréologi-
que, une société de médecine et de climatologie. Cannes
possède aussi une société des lettres et une société d'hor-
ticulture. La bibliothèque publique de Nice est riche de
44 à 45,000 volumes.
Grasse et Cannes ont aussi des bibliothèques publiques.
Nice a un musée d'histoire naturelle. Vallauris montre
aux visiteurs des musées artistiques où sont exposés ses
produits en poterie ; partout se fondent des bibliothèques
communales et paroissiales.
INDUSTRIE ET COMMERCE.
Depuis 1860, Grasse et Nice n'ont rien perdu de leur
commerce et de leur industrie. Il y a de part et d'autre
un redoublement d'activité et d'émulation. Sur la rive
droite du Var, Grasse continue d'envoyer ses parfumeries
à l'univers entier. Elle est riche en olives, en toute espèce
de fruits, ses trois marchés par semaine sont fréquentés.
Elle a en outre quatre foires : lundi après le 1«' février,
après Saint-Marc, après Saint-Michel, après Saint-André.
Sa campagne est un véritable jardin.
Ses soixante-dix parfumeries fabriquent chaque année
au moins 15,000savonnettes à tous les sucs, plus de 60,000
kilos de pommade à la rose, au jasmin, à l'oranger, à la
tubéreuse, à la violette, à la cassie ; extraient des eaux
de roranger, de la rose, de la menthe, du sureau, et
396 FASTES CHRONOLOGIQUES DE 1816 A 1878
des plantes aromatiques qui croissent dans la contrée ;
la plus estimée de ces essences est le néroly-bigaradeou
extrait de fleurs d'oranger, il faut un kilo de fleurs pour
obtenir un gramme de néroly. Cette essence rentre sur-
tout dans l'eau de Cologne. Les liqueurs, les bombons, les
fruits confits de Grasse gagnent aussi en réputation. On
établit des filatures de soie importantes, des savonneries.
La fabrique de bougie de M. Goby obtient sept médailles
dont quatre d'or aux diverses expositions. Il y a encore
à Grasse des fabriques de bouchons qui y prospèrent.
Vallauris dans l'arrondissement de Grasse grandit de
jour en jour avec ses cinquantes fabriques de poterie, ses
vases artistiques, ses dix usines de distillerie et de pai'fu-
merie.
Cannes devient une des plus belles stations du midi. Une
ville nouvelle se construit le long de la mer, et sa campa-
gne se couvre de villas plus belles les unes que les autres.
C'est là sa principale industrie. 11 en est de même du Golfe-
Juan, du Cap d'Antibes. Si nous passons sur l'autre rive
du Var, dirons-nous que Nice devient la ville à la mode.
Qui n'a pas vu Nice, n'a pas vu de merveille. Sans compter
ses quarante hôtels de l'intérieur de la ville, ses apparte-
ments meublés à louer, plus de quatre cent cinquante vil-
las couvrent sa riante campagne. C'est là aussi sa princi-
pale industrie. On évaluait à vingt-cinq mille étrangers la
population d'hiver en 1874, ce qui versait dans la ville
135 millions de francs. La gare de Nice dans le courant de
cette même année avait reçu 307,779 voyageurs. Menton
de môme que Cannes est^devenue aussi une station d'hi-
ver qui a considérablement augmenté depuis 1860 : ce
qui n'empêche pas la renommée de ses citrons, pas plus
qu'à Nice, celle de ses orangers, de ses huiles, de sa par-
fumerie et de sa marquetterie. Mais la vente de son soleil
efface tout.
NOTES ADDITIONNELLES
I. — NOTICE DU GENERAL LUCE-GASPARI ,
COMTE DE BELVAL, GRASSOIS.
Nous (levons à M. Joseph Liice, de Grasse, des rensei-
gnements précis sur la famille Lnce. Nous y joignons ce
que nous avons puisé dans les archives de la Préfecture
de Nice. (Papiers de famille. Grasse.)
Deux branches des Luce partent de Pierre Luce, qui
Tivait à Grasse vers la fin du XVII^ siècle, et dont le nom
figure parmi les notables conseillers de la commune de
Grasse.
La branche dont descendra M. Joseph Luce, aujourd'hui
yivant, aura pour ancêtres :
P Jean Luce, fils de Pierre Luce, marié à une demoi-
selle Levans, dont,
2® Claude Luce , maître tanneur, marié à demoiselle
Pons, 31 août 1659.
3° Louis Luce, maître tanneur, marié à demoiselle
Courmes, 18 juillet 1685, lequel aura quatorze enfants.
4** Louis Dominique, marié à Marie Thérèse Raybaud,
4 février 1754.
5^ François Luce,marié avec Marie Gabrielle Pugnaire.
6^ Joseph Luce.
3^ X0TE3 ADDmOXXEU-ES
Xjtre général Luce de Gaspari, comte de Belval, des-
cendra au^si de Pierre Luce, et voici sa généalogie.
1 ^ B ilihazar. fils de Pierre, exercera à Grasse les fonc-
tions municipales. II aura un commerce considérable, et
ép-Disera Thérèse Reboul de Marseille. Il testera en 1696,
en laveur de Franc >is, son fils aîné. Il laissera plusieurs
enfants. d3nt Français qui héritera, et Anne qui épousera
Alexandre de Barbaroux de Marseille, donfJoseph-Frao-
cois et Loiis de Barbaroux, sieurs de Thorenc et de Gé-
vaudan. Un sieur de Barbaroux de Grasse sera en 1791
commandant de la garde-nationale du district de Grasse,
et un autre Barbaroux, chanoine de la cathédrale de
Grasse.
2' François Luce épousera Louise de Mouton. Il tes-
tera en 1748. et mourra le 23 mars 1756. Il aura pour
enfants Charles. Dominique, Romain et Honoré, le chi-
rurgien et des filles mariées aux sieurs Fanton, Maubert
etGazm.Anne Claire Luce mariée avec l'avocat Joseph
Gazan de Grasse sera la mère du futur général Gazan,
comte de la Pevrière, né à Grasse le 29 octobre 1765 et
baptisé le 30.
3^* Charles Luce, bourgeois, épousera Théritière des
comtes do G:\spari de Cors?, Anne Baptistine de Labaume,
fiKe de Jean Joseph de Labaume. marseillais et d'Elisabeth
Gaspari. 11 sera coseigneur dç Seillans, et achètera une
charire de conseiller à la Cour. Il sera maire et viguier de
Grasse en 1782. Ses papi^^rs de famille nous apprennent
qu'avec son frère Romain, il commerçait dans les pays
barbares- jues, les échelles du Levant, toutes les villes de
ritalie et de la livière de Gènes. Il habitait à Grasse, rue
Saint-Dominique, et était intimement lié avec le marquis
de Pontevès. les Thé;is. les Roberti d'Escragnolles....
Les Gaspari. originaires du Cap-Corse, étaient au XV*
siècle comtes distria, de Lanari et de Belval. Jérôme Gas-
pari,dit le Grand, marié en 1465 avec Bénigne d'Ornano,
NOTES ADDITIONNELLES 399
sera gouverneur général de la Corse au nom de la répu-
blique de Gènes. Son fils Pierre, pour avoir été dévoué au
parti de la France, eut ses biens confisqués et fut exilé.
André, fils de Pierre, sera gouverneur de Milan et vice-
roi de Portugal. Gaspard II, pour échapper aux persécu-
tions des génois, se réfugiera à Marseille et restera au
service de la France. Pierre Gaspard de Gaspari, mort aussi
au service de la France, testa en 1703. Il laissa deux filles,
Elisabeth Gaspari et Julie. Elisabeth épousa Jean-Joseph
de Labaume ; et Julie, le sieur Riquetti de Mirabeau. Anne-
Biptistinede Labaume, fille aînée de Jean-Joseph de La-
baume et de Julie de Gaspari épousa, comme nous l'avons
dit, Charles Luce, d'où quatre enfonts: notre général
Luce de Gaspari, Léopold-Louis, Honoré et une fille Ma-
rie-Thérèse.
François-Louis-Joseph-Gabriel Luce naquit à Grasse le
27 janvier 1754. Il fut baptisé le lendemain ; le parrain fut
Joseph-François de Barbaroux et la marraine Gabrielle
de Gaspari de Ferran de la ville de Digne, absente, dame
Louise Mouton, épouse de François Luce, aïeule de l'en-
fant, ayant prêté les mains (1).
Après de bonnes études au Collège des Oratoriens de
Grasse, notre général fit d'abord son droit à Aix. C'était un
beau jeune homme, à chevelure blonde, ce qui lui avait
valu le surnom de Tète d'or. Il avait de l'esprit, de la
grâce, tout pour plaire en société. A Tàge de seize ans,
son père le plaça à l'Ecole militaire de Nanterre, c'était en
1770. L'abbé Pontevès, aumônier du roi (2) qui résidait à
Grasse, lui donna des recommandations pour Paris. Il sortit
(1) Extrait des actes de Tl^tat civil de Grasse.— Notes de M. Jos<'p1i Luce.
(2) L'abbé Ponfevùs. résidait à Grasse avi'C son frère, le vicomte de Ponte-
vès qui en 1785 s'appelait seigneur d'Amirat. Il était commisitairi* des comp-
tes de la noblesse de Provence. Les Pontevès vivaient depuis longtemps à
Gnsse ou dans les environs. En 1G70 Jean Pontevès épousait à Saint-Paul
Lucrèce de Barcillon, fille de Scipioa Joseph de Roquefort et de Marguerite
Raymond! d*£oalx.
4^» yOTTS Al^OmO^ÇNELLES
«!•=• Trcile en ITTî. lîeatenait aa réirîment roval de Blois.
Mâlherireîisemer.:. c: mme tous les officiers rie ce temps-là,
il TiVtii .cna au «iês euvrement et aux plaisirs. Il fit des
dettrrs. Pour s-^rtir liece milieu, il s'enrôla en 1774 parmi
les V -jI .q /tires irta-^riis qni allaient soutenir Stanislas Il,roi
de P'jijiTie. •iéf-i'SsMê de^^uis 1772 d'une partie de ses
Etar.s. Nou> le retPjuvoTîs à Pari? en 1776 aux prises avec
ses detfcs de jeu. Il a tait des billets à ordre qu'il ne peut
payer, il a eni:?^ê sa montre, ses effets et de plus, il n'a
pas de «jU'i'i tliire tace à son brevet de major qu'il vient
dVjbtenir du roi de Pologne, c'est alors qu'il écrit à Grasse
des bttref? suppliantes. Le père qui ne badine pas n'en-
tend pas payer hrs freilaines de son fils.
Notre raajor. pour échapper aux poursuites des huis-
siers, se sauva de Paris à Saint -Cloud, et vit la quelques
sfim^\ne< a?^x crors d'»yn trafteffr qui j n'étant pas payé,
le pria de déloirer. Il trouve un gîte chez un ofllcierdu
génie, son ancien camarade de Nanterre. Le comte de
Bétancourt qTi'il va voir à Versailles.le 4 novembre 1877,
lui conseille dVcrire à son oncle, le chanoine Barbaroux,
puis à sa tante : ce qu'il fait d'un ton suppliant :
< On vous a trompée sur mon compte, dit-il à sa tante,
mes dettes ne dépassent pas cinquante louis. Ce qui me
chngrine le plus, c'est un billet protesté. Je tombe dans
un abîme, si mon père ne me tire pas de là, et ne me
donne le moyen de retourner en Pologne. L'état que j'y
ai me mettra à même de réparer mes sottises, et de ren-
trer plus tard dans ma patrie, et dans les bras de la meil-
leure des tantes. J'ai besoin de trois mille livres pour mon
l)revet et de mille quatre cents livres pour le voyage. Je
suis perdu, si je n'ai cette somme. >
On fit encore «à Grasse la sourde oreille. Pei^sonne ne
répondit. Notre pauvre François chercha à s'esquiver,
mais il fut arrêté et enfermé à Rouen. C'est alors que
Charles Luce envoya de l'argent.
NOTES ADDITIONNELLES 401
Nous trouvons notre major malade à l'hôpital de Besan-
çon (4 juillet 1778). A Grasse on célébrait le 6 août les
noces de sa sœur Marie-Thérèse qui épousait Louis Esté-
val de Montpellier, chirurgien aux gardes Valones, où
servait aussi comme chirurgien son frère Honoré.
Enfin Me futur comte Gaspari arriva en Pologne. En
1 786, il obtenait de son père une procuration en règle,
pour revendiquer à son profit l'héritage des comtes Gas-
pari de Corse, du chef de sa mère décédée, Anne-Baptis-
tine de Labaume ; Julie lui cédait ses droits.
Il se trou vêle 25 juin, à Grasse, ei s'embarque à Antibes
pour le Cap-Corse. Les tenanciers des Gaspari, depuis
longtemps, ne payaient plus ni droits féodaux, ni quelque
redevance que ce fût. Il y eut là pour lui toute une affaire
des plus compliquées pour rentrer dans ses domaines. Il
était de retour à Grasse, pour y passer les fêtes de Noël
(1786),pour s'en allait à Paris en janvier 1787, et logeait
en grand seigneur à l'hôtel d'Angleterre.
Sa première lettre de Paris à son père porte la date du
27 janvier 1787. 11 va mettre en jeu tous ses plus puissants
protecteurs pour obtenir son titre seigneurial. Sa corres-
pondance, qui embrasse une période de quatre années, est
des plus curieuses ; il ne se borne pas à ses affaires person-
nelles, mais, pour occuper ses loisirs, il rend compte de
l'émouvante révolution qui se prépare et qui s'accomplit.
C'est un volumineux résumé de tous les journaux, de tou-
t3s les nouvelles du temps, mêlé d'anecdotes curieu-
ses (1) et de réflexions de l'auteur. 11 y juge les ministres,
et les hommes de cette époque si troublée, à mesure qu'ils
paraissent et disparaissent.
Nous analysons sa première lettre du 27 janvier 1787.
Il envoie ses compliments à son oncle le capiscole du chapi-
tre, messireBarbaroux, à MM. de Thorenc et de Pontevès,
(1) Areh» de la Préfectare. ~ Fonds des émigrés» Grass$ — Luce-Gaspeti.
26
4<e NOTES AIH>rnOXXELLES
à Louis Robert dTscragnolles. D est allé voir la princesse
de Beauveau, femme da goayemear de Provence, mais elle
dînait à Versailleschez la princesse de Lamballe.Le 30 jan-
vier, il écrit de nouveau. Il a eu, cette fois, plus de chance.
M. le maréchal, prinœ de Bf^uveau, lui donne audience.
€ Hier 29, je me suis présenté chez lui à dix heures du
matin. < Depuis quand ètes-voos ici ? me dit-il. Vous ne
m'aviez pas annoncé votre voyage ? — Monseigneur, c'est
que l'exécution a suivi de bien près le projet. — Je suis
heureux de vous voir, mais quelle affaire vous amène à
Paris ? — Monseigneur, comme je vis que la liste des nou-
velles assemblées à Paris ne m\ comprenait pas, j'ai cru
devoir rectifier cet oubli de Sa Majesté. » Le maréchal rit
beaucoup de cette plaisanterie.— < Vous avez perdu ce
pauvre Marbeuf, ajouta-t-il. Sa perte vous fait-elle beau-
coup de tort ? > — A en juger par ses promesses j'ai tout
perdu, mais rien par les faits. — Comment ! rien. Mais il
avait fait tout son possible. Au reste quoique votre com-
mission en Corse ne soit pas grand^chose, on pourrait la
mettre en activité. 11 y a tant de postulants. — Oui, Mon-
seigneur, il y en a beaucoup, mais au régiment provin-
cial de Corse il y en a bien peu.— C'est aussi pourquoi
vous obtiendrez facilement une commission. En attendant
ce sera plus difficile de vous faire sortir de celle que vous
avez. — Mais, Monseigneur.avant que dVn sortir il faudrait
que j y entre. — Comment vous n'avez pas une commis-
sion à la suite de ce régiment ? — Non, Monseigneur. —
Pas même de major ? — Non, Monseigneur. — Et qu'à
donc fiût Marbeuf? — Beaucoup de promesses et peu
d'effets. — Cela n'est pas bien. J'en parlerai à M. de Bar-
rème qui y mettra plus d'activité. Et quant à vos affaires
privées, où en étes-vous ? — J'ai obtenu l'investiture du
comté de Gaspari et j'ai pris possession du château. Le
commissaire royal m'a prié de me départir des autres pré-
tentions en me promettant im dédommagement. — C'est
NOTES ADDITIONNELLES 403
juste, c'est trop juste. Faites-moi un mémoire sur toute
cette affaire, et je m'en occuperai. N'est-ce pas ainsi que
vous l'entendez ? — Je serai trop heureux, Monseigneur,
si vous daignez vous charger de mon sort et j'en augure
d'avance bon espoir. — Je serai toujours charmé de vous
témoigner tout l'intérêt que je vous porte. Je me rendis
ensuite chez M. le comte Potoski. Il était encore au lit,
quoiqu'il filt midi et demi, car il avait passé la nuit au bal.
Je lui laissai un billet-visite auquel je joignis mon adresse.
A trois heures, on m'avertit, étant rentré à mon hôtel
d'Angleterre, qu'un jeune homme qui était dans une voi-
ture me priait de descendre. Quelle fut ma surprise de
voir que c'était le comte avec son épouse. Il s'excuse de
n'être pas sorti de la voiture, parce qu'il était en pantalon
et en pantoufles. 11 m'embrasse, m'oblige de monter
dans sa voiture et d'aller dîner avec lui chez Madame la
princesse Lubromiska. Notez que j'avais déjà dîné.
Madame la princesse m'a reçu avec sa bonté ordinaire.
Elle m'a donné de vos nouvelles, et j'ai fini la soirée chez
elle. Ils m'ont engagé à dîner tous les jours avec eux.
Tout ce qu'il y a de mieux à Paris s'y trouve. La prin-
cesse, autant par économie, dit-elle, que pour ne pas avoir
la tête cassée du brouhaha, restreint sa table à vingt cou-
verts. M. de Vergennes va un peu mieux. M. de Saint-Priest
convoite son portefeuille. On parle aussi de MM, de Bre-
teuil et Vauguyon. Mais M. de Vergennes veut mourir au
champ d'honneur, et, comme il le dit, la plume à la main.
L'assemblée des Notables est pour le 7 février. Tous les
membres se sont rendus hier, 29, à Versailles. Je travaille
à mes mémoires. >
Le 3 février il annoncera à son père qu'il a présenté ses
deux mémoires à M. de Beauveau, un pour les affaires de
Corse, l'autre pour le militaire. Il dira qu'il n'a pu joindre
encore le comte de Carlonne. < Je vous adresse par le
courrier et sous le pli de M. de Penthièvre un paquet de
404 NOTES AIH>mONNELLES
nouvelles que j'ai prises chez la princesse. J'envoie par le
mémâ courrier an mémoire sous le pli de M. de BargemoD.
Il pourra vous amuser. M. le maréchal de Beauveau est
accablé d'affaires pour le moment, et malgré cela il me
laisse les entrées libres. Je n'ai pu voir encore qu'une fois
M. de Calonne. Il est plus embarrassé que vous et moi en
ce momeiit-ci. Il faut qu'il y joue sa tète. La princesse
est toujours bonne pour moi. >
En attendant, notre Luce Gaspari n'avait pas payé ses
dettes de jeuness^e. Le 23 février 1786, son beau-frère
Gazan lui écrit d'Aix qu'il avait eu une longue conférence
avec Moïse Beaucaire, frère de Daniel et avec son procu-
reur. < Ils m'ont assuré n'avoir trouvé dans les papiers du
défunt aucune note relative aux montres que vous avez
remises. Vous devrez payer les intérêts de cet argent que
vous avez reçu, ou 380 francs. Le juif veut 360 francs.
Votre qualité de fils de famille vous dispensant de payer,
parce que vous étiez très-jeune lorsq!ie vous avez fait
cette lettre, j'ai obtenu par vous de reculer le paiement de
la somme totale par des billeis en janvier et en juillet
1787. > En 1789, il ne sera pas plus avancé. Ses protec-
teurs lui obtiendront un sauf-conduit du Roi (28 janvier
1789), avec défense d'exercer des poursuites contre lui.
Revenons à la correspondance de 1786.
€ Le 19 février 1783, dit-il, M. le Maréchal vient d'écrire
pour moi en Corse. Le commandant actuel se montre plu-
tôt mon ami que mon protecteur. Il y a grande apparence
que M. d'Arambal sera nommé commandant en second,
car M. de Beaumanoir va donner sa démission. La prin-
cesse fera pour moi toutes les démarches à la cour. Je
vous achète une jolie canne. Dit3s à M. de Thorencque le
commun des martyrs porte encore des chaînes d'or, mais
que les élégants n'en portent que de corail ; c'est la mode.
Bien des choses à Louis d'Escragnolles. Dites-lui que j'ai
vu M. d'Hozier. L'Assemblée des notables, jeudi, sans re-
NOTES ADDITIONNELLES 405
tard. > Le 3 mars il engage son père à prendre des infor^
mations sur les domaines que possède le Roi à Saint-Paul
et à Antibes, parce qu'on en fera la demande pour lui. Il
raconte comment s'est ouverte l'Assemblée des notables.
< Louis XVI n'a prononcé que quelques paroles timides et
paternelles. Galonné, ce ministre brillant et frivole^ de-
venu le maître de la situation par la mort de Vergennes, a
exposé avec sa parole dorée et téméraire l'état des finan-
ces, heurtant les jalousies et attaquant tout le monde
même Necker
29 mars. Les sept bureaux font opposition au projet de
Galonné. Le clergé se retranche dans ses droits, la noblesse
l'imite. Monsieur, frère aîné du Roi, esprit imtu des idées
modernes, a contre lui son frère le comte d'Artois peu
enclin aux nouveautés. Le Tiers-État tient une attitude
menaçante contre les deux premiers ordres et réclame
l'égalité des droits
5 avril. Il copie cette épigramme à l'adresse de Galonné.
Le Roi des animaux s'exprime en ces termes :
€ Mes bons amis et bonnes bêtes.
Coqs, poulets, canards et dindons,
Que de vous ici les meilleures têtes,
Déduisent ici leurs raisons.
Le plus glouton de mes valets
Qu*un vif amour du bien domine.
M'apprend que le ciel vous a fiflts
Pour ma gloire et pour ma cuisine.
Je veux donc vous croquer tous.
Tel est mon petit manifeste.
Mon cuisinier fera le reste. »
Il parle de Mirabeau qui est à Nimègue afin d'offrir au
Stathouder son plus énergique et venimeux pamphlet. <Si
le Stathouder refuse, il retournera enAngleterre.il a paru
un libelle atroce contre Mirabeau. Ce libelle prend Mira-
beau à sa naissance jusqu'au 27 mars 1789 : < La nature,
y ôsl-il dit, n'eut jamais de fils plus ingrat, l'hymen
406 NOTES ADDITIONNELLES
n'éclaira jamais d'époux plus féroce et plus corrompu, la
famille n'eut jamais de parent plus dénaturé , la vertu de
plus grand ennemi, la patrie de citoyen plus dangereux,
la littérature de plus vil écrivain, la noblesse de gentil-
homme plus indigne, la société d'hypocrite plus insidieux,
l'amitié de plus lâche serviteur, le commerce de plus rui-
neux fripon, le sentiment de moqueur plus effronté, les lois
humaines de violateur plus déterminé, U; gourvernement
de séditieux plus hardi. Enfin la nature sujette à des écarts
en fît un, en créant son àme ; et autant qu'il était en elle,
elle s'efforça d'imprimer en toute sa personne un cachet
de difformité qui avertit l'honnête homme de se garder de
lui. >
Mirabeau,il est vrai, n'épargnait pas non plus ses adver-
saires. Ainsi parlait-il de Necker : < Voulez-vous savoir,
disait-il, la fermentation extraordinaire qu'excit« cet
homme qui connaît si bien son public et les tréteaux, je ne
dis pas sur le peuple, je ne dis pas sur les fanatiques col-
porteurs de la renommée, je dis sur les grands que M.
Necker humilie, sur les courtisans qu'il désoblige ? C'est
qu'il y a chez lui un mélange de tous les vices. 11 y a du
Richelieu, du Cromwell ; l'un a asservi son pays, l'autre
immolé son Roi. Haineux et implacable comme le pre-
mier, sévère, mystique, atrabilaire comme le second, il ne
vit que de délation et de méfiance ; il est d'un orgueil
féroce, d'une ambition insatiable. Chacun le craint, per-
sonne ne l'aime. Le retour de cet homme serait le présage
le plus certain de la plus effrayante alternative. Voilà
l'homme qu'on voudrait persuader à notre inconcevable
légèreté de redemander . >
Et l'on répondait à Mirabeau par l'épigramme suivante:
€ Puisse ton homélie, ô bouiUant Mirabeau,
t Ecraser les fripons qui gâtent nos affaires;
t Un voleur converti doit devenir bourreau,
c C*est prêcher sous TécheUe en pendant ses confrôres. •
NOTES ADDITIONNELLES 407
Beaumarchais se chargait d'ajouter le quatrain sui-
Tant de Necker à Mirabeau :
t Pour ton bourreau tu m*as choisi.
« Un roué s'y connaît sans doute ;
t Mais ne crois pas quejeredoutey
< Un criminel que j*ai flétri.
€ Un grand seigneur à qui un de ses amis demandait
pourquoi on exilait Necker et Cartonne, a répondu que
c'était pour égaler la recette à la dépense. >
Reconnaissez encore Tesprit français ou gaulois qui
s'amusait de tout alors, comme de nos jours. < Vous savez
sans doute, écrit toujours notre comte Luce de Gaspari,
que le roi lave les pieds à douze pauvres^ le Jeudi-Saint.
Cette cérémonie n*a pas eu lieu cette année à Versailles,
et on a composé le quatrain suivant à ce sujet :
t Le lavement des pieds par uti ordre nouveau,
t N'aura pas lieu, jeudi, pour douze misérables,
t Pourquoi ?C*est que le roi veut conserver son eau
€ Pour laver la tête aux notables.
Les diatribes contre le clergé étaient aussi à Tordre du
jour. On montrait le prêtre comme un danger social :
€ La connaissance parfaite qu'ont les cheîs du clergé des
abus qui leur sont utiles, la possibilité de les couvrir du
voile de la religion, l'ignorance du peuple, la facilité de
l'émouvoir, l'ancienne habitude d'effrayer le monarque,
Tusage de perpétuer leur existence par la terreur, l'espoir
de confondre leurs réclamations avec celles de la noblesse,
telles sont les armes de ce' corps redoutable. Réunissons à
tout cela ce que l'habitude de discuter, de gouverner, de
dominer donne de talent et de lumière, l'éloquence ton-
nante des uns, insinuante des autres, artificieuse de quel-
ques-uns, cet art d'émouvoir sourdement les esprits, cette
souplesse qui sait éviter le choc pour conserver l'intégrité
de ses prétentions, qui sait attendre pour les faire reparaî-
tre, et profiter des malheurs de l'État pour reprendre
iR S0TE3 abuitioxnellbs
hîissrJji sa première esistenoe. à ces traits vous reconnai-
iTëz quel csi le principe des plus grands obstacles, le
fojrr dtr la réâsîanoe, Taniie de l'opposition. Nation fri-
T i.e. Lsii :*ii TT-i'p abusée, jusqu'à quand fermerez-vous
les veux, jîis^u'à quand serez-vous dupe et Aiciimedes
eiiiicriis de roire bonheur ? »
Corn prenoLS par de tels écrits pourquoi une partie da
pteupîe ei de la bi^urgeoisie criera bientôt : Guerre au
Clerzél — Moines ei prêtres sont dénoncés au peuple comme
ennenîis. en aiiendant qu'ils lui soient livrés en pâture.
On donnait au contraire les plus grands éloges à la
prière de Tenifiereur Joseph.
€ Etre t-Lemel et incompréhensible, était-il censé dire,
îu es tout miséricordieux ; et ton amour, et ton soleil
éclairent également le chrétien et Tathée. Les pluies ferti-
lisent t^rilement les champs des croyants et des infidèles,
et le germe des vertus se trouve semé par toi dans le cœur
de rherétjque et de fimpie. C'est ainsi que tu m'apprends.
Être éternel, quelle est ta miséricorde et ton amour, et
comme quoi la diversité des opinions ne t'empêche pas
d'être un père bienfaisant pour tous les hommes. Et moi,
ta faible créature, aurais-;e moins d'indulgence ? Ne per-
mettrais-j^ P^^ 'P<^ chacun de mes sujets t'adore à sa
manière ■ Persécuterais-je ceux qui ne pensent pas comme
moi ï Co:iveriirais-je les infidèles avec le glaive ? Non,
Éternel. dont la puissance et l'amour embrassent l'univers.
Q fun tel sentiment soit toujours loin de moi. Je veux te
ressembler autant qu'il est au pouvoir de ta créature.
Comme toi. ie veux être tolérant. Que désormais tout ce
qui peut contraindre la conscience soit banni de mes Etats.
Quelle religion n'apprend pas à aimer la vertu, à détester
le vice ? Que toute religion soit donc tolérée ; que chacun
puisse S3rvir Dieu delà manièrequi lui paraîtrala meilleure,
ô Être Éternel I Une erreur de l'entendement ne pourrait
mériter qu'on fut banni de la société ; et la contrainte ne
NOTES ADDITIONNELLES 409
sera jamais un moyen propre àgagner les esprits et à rame-
ner ceux qui s'égarent. Qu'elles soient brisées à jamais les
chaînes honteuses de Tintolérance. Que le doux lien d'une
amitiJ fraternelle unisse à jamais tous mes sujets. Je sais
que j'aurai beaucoup do difficultés à vaincre et que la
plupart me sont suscitées par ceux qui s'appellent tes
ministres. Que ta puissance ne m'abandonne jamais. For-
tifie par ton amour ma sainte résolution, Être éternel,
incompréhensible, afin que je surmonte tous les obstacles
et que la loi de notre divin maître, cette loi qui n'est que
patience et charité, se trouve par moi enfin accomplie.
Amen. >
/.
11 mêle des anecdotes curieuses à ses nouvelles politi-
ques. En voici une, datée du 9 décembre 1787, qu'il envoie
au marquis de Ponte vès à Grasse. < A coté des nouvelles
sérieuses, on en place une très-plaisante sur le compte de
M™* la marquise de Fleury. Ayant connu et fait essai de
tous les genres d'amusements possibles, il lui manquait
encore de vouloir se faire enterrer de son vivant. Cette
dame feignit une maladie ; elle trouva un médecin assez
complaisant pour annoncer de jour en jour les progrès
rapides d'une fièvre violente, et enfin sa mort, peu de
jours après. Ses piincipaux domestiques étaient aussi dans
la confidence. Elle avait eu l'attention de rédiger son tes-
tament par lequel elle annonçait, entre autres choses,
qu'elle voulait après sa mort être portée dans sa maison
de campagne à Mousseau et y être exposée à visage décou-
vert pendant vingt-quatre heures ; de plus elle voulait
par esprit d'humilité et en expiation de ses très-grandes
fautes que la translation de son corps fût faite dans un
corbillard Elle eut l'attention de ne mourir qu'à cinq heu-
res du soir ; elle fut portée deux heures après dans sa
maison de Mousseau où elle fut gardée par des prêtres en
surplis qui psalmodiaient des prières pour le repos de son
&me. Un seul flambeau sur un grand guéridon éclairait
4?i jafyres asktxrgcelles
§»:c i.Tçarisi»ri*. Sii^ant na anide de son testament, le
Ti^^. Sr :-Li::i.:cr ■:x -^ai; daas la confidence venait mou-
':evi 5r Tccaje à antre. A nne heure convenue,
.- " 1
îl ii:o:-.j; — iliir>::i=air2î eî éteignit le flambeau. La
i^ii-z: iTii*: :>-i ;«à à •>!*? d'elle des bouteilles remplies
ir: :i>:i:rt- :::>1> ré^^ndit dans Tappartement. Les
:î5.-"rr^ ; >r:r« ir s^^ iroaver mal, de s'enfuir en criant à
lOein-r irirjrr. -e^ -ec-ETi^^^isant îe démon qu'ils disaientavoir
^rT-r .i :z.^r::il>e.<ii'?îqaes fiersonnes, témoins de l'évé-
i?r;--rc:. ^TLiezz avvÎT vu le dfable en personne enlever
l»r itir:.-?. r;rr:\ ians îlniervalîe. la marquise avait gagné
zz. :»r::: :-i': iirr:, sV^: haUIIee en homme ei était allée à
p\r:5 rî?.>n:c-r 5.:n his;oire. Tout Mousseau était accouru
dii.^ If i-iiiTcaa. e: ne vovant plus le corps, tout le monde
criv â:; :*:êî:;vemeat le rapport des prêtres et des témoins.
Tiiiîis q:îe rêp»:<i vante remplissait fàme des bonsvilla-
2"f::5, on riait à Paris: et la famille réunie avisait au
Eiivrn dVm;ê»?her cette jeune femme de se livrer doré-
niVAi.î :i ie j^ireiiles excentricités. >
LKi ?::::. ave»; cette correspondance si intéressante, tous
:: js ^ran is év^n-rmeats: et CexH du Parlement de Paris
G JroiJ'S. ra>:'Cîé jn?iue dans ses plus petits détails et le
rdoir-à P.*ns: et les changements de ministère; lessacri-
nce< ■:*ei::ir*i:iirL'S et les réformes que fait le roi dans sa pro-
pre c>ur : îa cjnvo.^tion des États-Généraux ; la Révolu-
tion Ci ses premiers débuts (1).
M. de la Guillème et M»* delà Tour du Pin s'en plai-
«maient auprès du ministre par notre comte Luce Gaspari.
M=* de îâ Tour du Pin lui écrit dans le mois d'août, de
Paris. Dames-Anglaises, rue Saint-Victor, 12, qu'elle lui
fJit mille compliments et qu'elle attend qu'il vienne la
voir, comme il l'a promis. < Je voudrais aller à l'Assem-
blée nationale. Je n'ai que deux chevaux. Amenez les
f^ \rc!MTe< de la rrêfectnre de Nice. E. Titres de famille. Correspon-
dance o2. 255^ 2'36, 276, :Î81, 3d6, 326, 333. 512, 516. 522, 537. 574.
NOTES ADDITIONNELLES 411
vôtres demain à huit heures précises du matin. Ils seront
rentrés chez vous à trois heures. > Le 31 août, M. delà
Guillème se disculpe auprès de notre Comte d'avoir reçu
les députés corses sans l'en avertir. «Je vois, Monsieur, que
vous êtes fâché contre moi. Je n*ai point reçu chez moi
Messieurs les Corses à titre d'assemblée. Ils m'avaient pro-
mis qu'ils vous auraient invité. J'ai vu la Corse exposée à
des troubles incendiaires; j'ai prié, d'après l'avis de M. le
Ministre, les patriotes de venir chez moi pour convenir des
moyens les plus propres à employer. Vous avez été nommé
par eux pour y concourir. Grondez vos compatriotes de
n'avoir pas rempli leur mission auprès de vous. Croyez à
mon attachement respectueux.»
Notre comte Luce de Gaspari obtient enfin une mission
temporaire en Corse. Il doit s'embarquer à Gènes, en pas-
sant par Turin, où on lui a confié une négociation secrète
à la Cour. Il y arrive le 23 septembre ; le Roi était à Mon-
calvi.<Oncompte,écrit-il à son père,quatre mille Français
à Turin. Les troupes piémontaises font un mouvement
vers notre frontière . >
Le 30 octobre, il écrira de son château de Morsaglia
qu'il a eu le voyage le plus heureux : < J'ignore le séjour
que j'y ferai. La Corse est déchirée par trois parties,
France, Gènes, Paoli. Il y a eu quelque insurrection. Du
côté de Gènes le roi de Piémont y a mis bon ordre, en fai-
sant pendre les insurgés. J'irai sans doute bientôt à Ma-
drid. >
11 continuait cependant de demander au ministère un
commandement definitifenCorse,etil ne recevait toujours
que de bonnes paroles. Le 17 décembre, on lui écrit de
Paris que l'on fait tout ce que l'on peut pour lui être utile.
Le26,même promesse ; et à propos des troubles de la Corse :
€ Ne vous faites pas tuer dans la bagarre. > Il paraît que
ses dettes n'étaient pas payées. < Faites honneur au bil-
let de 5,000 francs. Ne vous brouillez pas avec votre père. >
Ht JKfTES .\DDrnON:ŒLLES
Ea±i le r»:iiie Poîoene lui viendra heareuseraent en aide
^ar L"r3.:recii5e «ie ia princesse Lubromsika. Il lui enverra
une reii^î-jQ ie I .*j» florins ei le nommera de Tordre de
St\;z:-Sritzila5 5 mai 1T90.J La nouvelle lui parviendra
EiL : :iin 1 TiXLil Ss^ra chargé par le Gouvernement de don-
nrr l'eii: «ie îejUucs les embarcations du district du cap
Corse. 11 en :roavera 1013 jaugeant soixante tonneaux en
îou:.
II s'enL'rar^ae.nn juillet, pour Marseille avec Paoli etau-
tTfs iêpa:c?ts -ie laCorsese rendant à Paris.Le vent contraire
Ics p»:- .:>5e vers Aciibes. Après avoir vu sa famille à Grasse,
il o->^:.:i:iur >a r 'ite. et loge encore à Paris, Hôtel d'An-
glrti^re. Sa o::»rrtsfor.dance reprend de Paris, le 10 août
rae S.iin'.-Avoîe.; U demande une audience à Mirabeau
qui lui re>?ai, lv> novembre : < Monsieur, il n'y a pas
déJai:: Je K-cce v.jlontê de ma f»art, si je vous ai refusé
jusin'îoi la ooni'êrence que vous m'avez fait Thonneur de
me Liemanie:' : je vous prie de faire attention à mesoccu-
fv.ui.^::<, r: d'avoir quelque indulgence. U y a un calcul
d\\v:o:iiie très-e:eadu po*ir moi à recevoir par lettres
toutes les iQ>î:uv.*îions et les o^nâdences qu'on veut me
fai:v. v.\\.u ea ou:re, nxe mes souvenirs, lorsque des
aiîvitv?:Kvs mr-lnpiièes et se nuisant autant par la diffé-
retioe de leui-s obreis que piir leur nombre, ne me laisse-
raient :iaoirae ir.ioe de beaucoup de choses. Je désirerais
•
que vous i agréassiez convenable i!e votre part d'adopter
oeae voio. ,r:\i Phonneur dVtre très-parfaitement, Mon-
sieur, votre tivs-humble et très-obéissant serviteur. »
U ivnd visite à MM. de Eîeauveau et de La Tour du Pin :
< Jo n ai rien de iViiKiiua avec l'Assemblée nationale,
dira-t-i! ,lo jv\sst* tr-is ouïs do la semaine à Mai*seille. On
nous lait ioi des o^:it?> si extraordin.iires sur ce qui se
passe à M n'allé, que j\ii biea de la peine à y Ciboire. > Ce
u était que ti\)p vrai, comme nous l'avons vu.
NOTES ADDITIONNELLES 413
Notre comte, qui ava't fait tant de d émarch es pour obte-
nir les titres et les droits seigneuriaux, voit que tout lui
échappe. Quand on coTiflsque les biens des couvents, il
réclame en vain ce qu'il possède sur la maison des P.P.
Servitis à Mosiglia, entre autres une fondation de 2,000
écus d'or que ses ancêtres ont placée sur la banque de
Saint-Georges de Gènes.
Nous le trouvons en 1791 avec le grade de lieutenant-
colonel en France. Il est envoyé par Louis XVI en Pologne,
ayant une mission diplomatique pour le roi de Pologne,
Stanilas Poniatowski, qui venait d'accepter la nouvelle
Constitution.Nousavons encore dans lesarchivesdela Pré-
fecture de Nice, le mémoire aussi bien pensé que sagement
écrit que notreLuce Gaspari rédigea sur laPologne( 1 ). Dans
sa correspondance, il 1 appelle un entretien qu'il avait eu
avec M. de Ver^ennes, en 1789. Il lui avait annoncé les
projets des trois puissances spoliatrices de la Pologne.
€ Votre imagination va trop loin, lui avait dit le Minis-
tre. > Il consigna ces prédictions dans le mémoire qu'il
envoya à son père, et à d'autres de ses amis, lorsqu'elles
furent bientôt après réalisées. < La Pologne doit être
regardée comme le point le plus avantageux pour un
observateur. C'est de là que doivent partir les nouvelles
les plus intéressantes pour le cabinet de France, au milieu
de ces trois puissances redoutables ; c'est de là qu'on peut
les épier, les partis, les correspondances que chacune
entretient dans ce royaume produisant une direction dans
les esprits dont un observateur profite pour son instruc-
tion. Pour réussir dans ce rôle d'observateur au nom de
la France, il faut mettre un homme qui soit en mesure
de pénétrer chez tous les grands. Dans notre pays où l'on
se permet de penser tout haut, les maisons sont comme
des foyers de nouvelles. Les agents de la France sont
connus pour tels en Pologne. Le général barcn de Jaco-
(1) Arch. de la Préfectare. Grasse. F. 4.
114 NOTES ADDITIONNELLES
bowski Siérait faufilé dans les salons de la Cour et de la
Tille, mais ses convictions étaient trop connues. De là la
méfiance qull inspirait ; et d'ailleurs il était polonais. Ses
rappDrts n'étaient pas assez dégages de Tespritde parti
Les Polonais sont braves, généreux, francs, mais in-
constants et oublient facilement leurs amis. >
Le roi Stanislas Auguste appréciait tellement le comte
Luce Gaspari qu'il le nomma son chambellan, grand'croix
de Stanislas et général de brigade. Luce combattit sous les
ordres du duc de Bourbon, en 1792 ; se distingua en 1795
dans la division anglaise de lord Moiray. Ayant été en-
voyé par Stanislas à la cour d'Angleterre comme ministre
plénipotentiaire, il apprit que c'en était fait de la Pologne.
Stanislas abdiquait en cette année même 1795. Luce Gas-
pari retrouva dans le baron Jacobiniski, ministre plénipo-
tentiaire de Prusse près de l'Angleterre, un puissant pro-
tecteur ; il lui fit épouser sa fille Joséphine. Le baron
était peu riche. Sa fille n'avait par conséquent qu'une
faible dot, beaucoup d'esprit et de talent, une belle figure,
de la douceur, mais peu de cœur, comme on le verra
plus tard. Luce s'engagea à lui constituer un douaire de
60.000 francs; il lui fit une riche corbeille de mariage;
mais il dut adopter la nationalité prussienne comme atta-
ché d'ambassade, et c'est à ce titre que la cour de Berlin
rappela de Londres en 1796. Il s'embarqua sur le Prince
de Galles à Yarmouth, le 6 juin. Ce bâtiment ayant été
capturé par une frégate française, la République^ il fut
conduit à Flessingue. Sa femme ne l'avait pas suivi,
parce qu'elle était enceinte. Elle lui écrit d'abord les let-
tres les plus tendres. Mais voici que le 22 mars, elle lui
déclare qu'elle ne veut plus vivre avec lui, qu'elle ne
s'accommode pas avec son caractère, qu'enfin elle va de-
mander le divoi'ce. Le père l'y poussait. On lui disait qu'il
était bien étonnant qu'il eût marié sa fille à un révolution-
naire. Le comte Luce Gaspari réclama devant les tribu-
NOTES ADDITIONNELLES 415
naux et le procès était engagé, lorsqu'il dut se rendre en
toute hâte à Constantinople pour des affaires de fortune de la
plus haute importance. 11 apprit la, par les journaux venus
de Berlin, que la Haute-Cour de Berlin avait prononcé
le divorce, attendu que ledit comte était d'un caractère
rude, qu'il n'avait pas donné le douaire promis, etc.
En vain Gaspari écrivit à la Cour de Prusse que dans
ce temps même la République française s'était emparée
de Gènes où se trouvaient ses valeurs, que ses biens
avaient été séquestrés en Corse et à Grasse, quoiqu'il
n'eût pis émigré. Comment réviser ce qui avait été
jugé par la Haute-Cour ? Jugez si l'on pouvait se trouver
dans une position plus critique. Le prince Ypsilanti, en
1799, le prit p3ur son secrétaire d'Etat dans la principauté
de Moldavie et le nomma ministre des affaires étrangè-
res. Les Français qui vivaient en Valachie et en Moldavie
lui durent beaucoup à cette époque troublée, par les soins
qu'il prit de défendre leurs intérêts. Le changement opéré
dans le Gouvernement français l'engagea à se rendre à
Paris pour réclamer ses biens séquestrés ; et le prince
appuya sa demande auprès du premier Consul, avec
un congé de six mois. 11 était à Paris au mois de juil-
let 1802. Le département de la justice ayant été réuni à
celui de la police, il lui fallait attendre ; le temps de son
congé expirait et il reprit le chemin de la Moldavie. 11 ap-
prit à Strasbourg que le prince Ypsilanti avait été rem-
placé par le prince Souzzo. Celui-ci lui conserva en Vala-
chie le poste que lui avait confié Ypsilanti. En 1804, lors-
que Bonaparte devint empereur, Luce tenta de nouveau
auprès du Gouvernement français de se faire rétablir dans
ses biens séquestrés; et ayant demandé un nouveau congé
de trois mois, il partit de Bucharest pour Paris le 25 juin
1804. 11 logea à l'hôtel du Bœuf blanc, boulevard Cerutti,
5, du 10 au 18 juillet. Comme la Moldavie et la Valachie
étaient sous le protectorat de la Russie et qu'une rupture
416 NOTES ADDITIONNELLES
venait d'éclaler entre Napoléon et l'empereur Alexandre,
le général Luee Gaspari fut regardé comme un espion delà
Russie. L'inspecteur général de la police et le commissaire
du quartier arrivèrent à son hôtel le 26 octobre, à 6 heu-
res du matin, saisirent ses papiers et le firent monter en
voiture pour le conduire chez le ministre de la police et
de là à Sainte-Pélagie, sans lui dire un seuUmot(l). Il ra-
conte dans ses mémoires la première nuit qu'il passa dans
la prison. < A peine étais -je couché que j'entendis des pas
dans le corridor et une voix qui cria à plusieurs reprises :
€ Qu'ai-je fait, grand Dieu, pour qu'on me fasse ainsi souf-
frir ? Mon Dieu, mon Dieu, je me meurs. > J'entendis en-
core quelques soupirs, puis plus rien. Jugez des pensées
qui bouleversaient mon àme:Que vais-je devenir? > On le
laissa languir ainsi plusieurs jours, sans qu'on s'occupât
de lui. 11 écrivit trois fois au ministre. On le tenait
même au secret. Enfin ordre fut levé et quelques temps
après, 4 décembre, il eut la liberté, mais il doit sous trois
jours, avoir quitté Paris et le territoire français. 11 s'en
(l) Nota. — Extrait des registres du greffe de la maison de Saînte-Péli-
gie, à Paris. Vol. 7, fol. 171. (Arch. nationale, Bibliothèque nationale).
G brumaire, an XIII ;*28 octobre 1804)*
« Appert le sieur Luco Gaspari comte de Believai, âge de 50 ans, natif
de Grasse, département du Var, demeurant lors de son arrestation à Paris,
boulevard de ('erutti, n» h, avoir été amené en cette maison ledit jour, en
vertu d'un ordre de son Excellence le Sénateur Ministre de la police géné-
rale signe, portant de le retenir au secret, comme prévenu de correspon-
dance avec les ennemis de l'Etat.
« Le 17 brumaire, an XIII (8 novembre 1804). Par ordre de son Excel-
lence le Sénateur Ministre de la police générale le sieur Gaspari est retiré
du secret.
« Le 13 frimaire, an XMI '/i décembre 1804). Luce Gaspari a été trans-
féré à la Préfecture de police par ordre de M. le Conseiller d'État, préfet de
police, signé Dubois. Pour copie conforme à l'écrou de M. Gaspari comte
de Helleval et délivré à sa réquisition à Paris le 7 septembre I8IG, signé
Darels, contresigné Grandin, Germoar, Hayneval et Brûlé.» (Où à M. Pralon,
employé à la Bibliotiiéque nationale. Paris 17 septembre 187.'». »
(Arcli. de la Bibliothèque nationale de Paris, 27, n® 8286, 8287. Mémoire
du général, comte Luce de Gasparis de Belval.)
NOTES ADDITIONNELLES 417
retourna à Bucharest. Au bout d'un certain temps, il s'a-
perçut queles Valaques le voyaient de mauvais œil, comme
français. Malade, il fut obligé d'aller prendre les eaux de
Cronstadt. C'est dans ce temps-là que la politique russe, qui
avait prévalu en Valachie,le fît définitivement jeter de côté.
Souzzo eut la main forcée. Il lui promit pourtant une
pension de 24^000 piastres. Luce Gaspari quitta Bucharest
au mois d'octobre 1806. Il était de passage à Leipsick le
13 octobre, la veille de la bataille d'Iéna. Il se flxaà Altona
jusqu'à la fin de juillet 1807. Bientôt il se mit à récla-
mer sa pension qu'on ne lui payait plus régulièrement ; il
s'adressa en vain à la Cour de Russie, à la Cour de Cons-
tantinople. « Repoussé de partout, dit- il, je m'abondonnai
à la Providence. >
Nous le retrouvons enfin à Paris à l'époque de la seconde
Restauration. Un mémoire qu'il adressa à Louis XVIII,
en octobre 1816, fut enfin accueilli, et si bien, qu'il obtint
une pension de l'État, et même la croix de Saint-Louis.
Après une vie si agitée, c'est chez sa propre fille qu'il
trouvait une retraite. Madame la comtesse Luce de Gas-
pari, après un second mariage de son père à Londres,
avait dû quitter la maison paternelle avec sa fille, et
vivre, elle aussi, dans un état voisin de la misère. Sa fille,
non moins spirituelle qu'elle, eut le bonheur d'épouser à
Paris, le littérateur Fournier, plus jeune qu'elle de sept à
huit ans, fils du colonel Fournier. Cet écrivain connu par
les ouvrages qui avaient pour iïives : Stniensèe ; U^ie
Faute {1), pssse pour l'un des liltérateui's les plus nou-
veaux et les plus élégants de notre temps.
(I) Narcisse Fournier naquit à Paris, le 24 novembre 1803. Après aroir
lait ses études à Henri IV, il se lia avec Arnould, auteur dramatique, et dès
Tannée 1831, il donna à TOdéon Vflomme au masque de fer ; et au Théâtre
des Vaudevilles, la Poupée. Il a composé pour presque tous les thi^âtres de
Paris, soit en vers, soit en prose, plus de 50 pièces qui eurent du succès.
Il a été décoré de la Légion-d'Honneur en 1866. 11 travaille maintenant dans
la Revue Britannique,
n
41^ 3BOTE3
Un d<s ienLers actes du général Gaspari fut de laisser
5CIL hiernxze à un. membre de la famille de Gaspari. Il
s'êcaîT îTiaTê esi IS» à ser%ir avec un Gaspari capitaine
cocnzie IzL ians le résûneni de Picardie. C'était le con-
reniiC'Cirei Ga^artzu issu d^une branche cadette exilée de
Corse aa XM^ âecie par la République de Gènes, et éta-
blie 'i-irs le coai:ai Veoaîân à la suite du maréchal d'Oma-
no. Gâscarîn arait été envové à Tannée des Alpes, puis au
Siège de ToaI<xi. où Bonaparte apprécia son talent. Mal-
heareiLsemen: la maladie Tobligea de s^éioigner. Il alla
moorir à r^ran^e, le T novembre 1793. Le cœur de Gas-
parin fa; en^voyê à la Convention pour qu'on lui reudît les
h:*aneurs funèbres. Quand Bonaparte arriva au faite de la
f oissorice, il c»?aibLa de bienfaits les deux fils de Gasparin,
et leur laissa même cent mille firancs par son testament.
Notre comie Laoe de Gaspari, l^ua à M. le comte de
Gasc-arin, s: n château de Corse afin que ce vieux berceau
de leur commune Ëmiille continuât, dit-il, à appartenir
à un personna^ qui en avait le nom. 11 avait 86 ans
lorsque la mort L'atteignit, 59 janvier, 1840.
Le Mc^iitz^ur lui consacre im long et élogieux article.
< Sa more, dit-iU laisse de profonds regrets parmi tous
ceux qui Tont connu pend:mt cette longue et honorable
carrière, dont les fréquentes épreuves et la perpétuelle
agitation n'avaient jamais ébranlé son courage, ou mis
en défaut les ressources de son esprit. 11 était général,
comte de Bel val, Lanari, Istria, ancien chambellan du roi
de Poloirne, chevalier de Saint-Louis, Grand'Croix de
Stanislas. Ses armes avaient deux lions dressés, portant
une caisse de sable, avec des étoiles et une fleur de lis au
milieu. >
M. Joseph Luce dit que ceux de ses compatriotes qui
l'avaient co:mu et qui se rendaient à Paris, allaient le
visiter, < que c'était un beau vieillard, conservant, même
octogénaire, la plénitude de ses tacultés intellectuelles. >
NOTES ADDITIONNELLES 419
II. — JEAN HONORE FRAGONARD.
Jean Honore Fragonard, peintre du Roi, naquit, non à
Paris, comme le disent Feller et Larousse, mais à Grasse,
5 avril 1732.de François, marchand,et de Françoise Petit.
Il fut baptisé le lendemain à TÉglise cathédrale par mes-
sire Martin, curé. Jean Honoré Fragonard, son grand-
père et Gabrielle Petit sa tante le tinrent sur les fonts.
Son père, après lui avoir donné une bonne éducation, le
plaça chez un notaire ; mais lui, finit, comme Boileau pour
la poésie, par jeter de côtéla plume et prendre le pinceau.
Il obtint enfin la permission de se livrer exclusivement au
dessin. Il aimait à raconter que la nature en le poussant
à la vie lui avait dit avec malice : t Tire-toi d'affaire,
comme tu pourras. > En effet, il mit la leçon à profit, et
quoique disciple de Chardin Vanloo et surtout de Boucher,
il se forma lui-même par son travail ; qui plus est, il se
créa un genre à lui. S'il participa à quelques-uns des
défauts de Boucher, en ayant trop d'affectation dans la
distribution de ses groupes et dans l'exposition des figures,
il raisonna mieux ses compositions, et y montra plus de
noblesse et de poésie. Boucher affectionna son élève, qui
travaillait à son atelier plus de quinze heures par jour, et
lui donna des soins tout paternels. Proclamé grand prix de
Rome, Honoré dut partir pourl'Italie, accompagné de son
intime ami, l'abbé de Saint-Non. Boucher lui dit entre
autres choses : t Frago, tu vas voir les chefs-d'œuvre de
Raphaël et de Michel-Ange ; si tu prends ces gens-là au
sérieux, tu es un homme perdu. .^ > Il touchait juste.
€ L'énergie de Michel-Ange, nous dira, en effet, Frago-
nard. m'eTraya. J'éprouvais un sentiment que je ne pou-
vais rendre. En voyant les beautés de Raphaël, j'étais
ému jusqu'aux larmes, et le crayon me tombait des mains.
Je restai quelques mois dans un état d'indolence que je
420 NOTES ADDITIONNELLES
n'étais pas le maître de surmonter, lorsque je m'attachai
à Tétude d'autres peintres qui me donnaient Tespérance
de rivaliser, un jour, avec eux. C'est ainsi que Baroche,
Pietro de Cortone, Solimène et Tiepolo fixèrent mon
attention. »
Il y a quelque chose de touchant dans cette défiance de
soi-même mêlée d'admiration. Pourtant il eût été heureux
pour l'artiste qu'il espérât davantage dans son propre
génie. Ah ! confié aux soins de Vien, de David, de Girodet,
la France comptait un peintre de premier ordre de plus.
Mais la granda peinture n'était pas dans le genre de
Fragonard. Notre artiste, jeune, sensible, d'un caractère
jovial, donna quelque tem;>s à la satisfaction de son goût
pour le plaisir. 11 se mit à parcourir, avec l'abbé de Saint-
Non, le sud de l'Italie. C'est à cette occasion que fut
publiée 11 magnifique édition d'un voyage pittoresque de
Naplesetde Sicile en cinq volumes in-folio.
A son retour d'Italie, il entreprit, pour sa réception à
l'académie, un tableau représentant Corésus et Callirhoé.
L'artiste voulut se surpasser : il s'enferma dans son ate-
lier, où profonilément pénétré de son idée, il exécuta un
tableau dans lequel on admira une belle ordonnance et
surtout des effets de lumière, non- seulement piquants,
mais encore dirigés avec adresse. L'ouvi'age eut un grand
succès et fut agréé avec distinction par les académiciens.
Fragonard commença dès lors à avoir une grande vogue,
et vit son atelier fréquenté par les plus riches amateurs.
Le duc de Granimont lui commanda une Visitation de la
Vierge, œuvre médiocrement réussie.
Aussi notre peintre renonça-t-il aux sujets historiques.
En ce temps, o:i le goût, aussi corrompu que les mœurs,
prostituait les arts, où Boucher tenait le sceptre de la pein-
ture, notre Fragonard, comprenant combien il lui serait
difficile d'occuper la première place, s'il consacrait exclusi-
vement ses pinceaux aux grands genres^ sacrifia la gloire
NOTES ADDITIONNELLES 421
au plaisir et au badinage, s'adonna au genre erotique, si
bien qu'il devint le peintre à la mode. Ses petits tableaux et
ses dessins lavés au bistre, si remarquables par des pen-
sées neuves et ingénieuses étaient enlevés dès qu'ils
voyaient le jour. Chacun se disputait à l'envi ces produc-
tions frivDles, et les amateurs, qui encombraient son ate-
lier, le pressaient de dessiner devant eux des scènes qui
amusaient et charmaient tout le monde : arrangement
incroyable, vérité inouïe, forme exquise, tels sont les
caractères de ces compositions originales. Seulement, ils
font rougir la pudeur ; ces tableaux se regardent, mais ne
se décrivent pas. 11 fit paraître, à cette époque, la Fon-
taine d'Amoicrj le Sacrifice de la Rose^ et le Serment
d'Amour. 11 peignit pour le marquis de Verri, une toile
dans la manière de Rembrandt, représentant V Adoration
des Bergers ; et comme l'amateur lui en demandait un
second pour servir de pendant au premier, Fragonard,
croyant faire preuve de génie par un contraste bizarre,
lui fit un tableau libre et passionné connu sous le nom de
Verrou. On ne peut se dissimuler que les compositions
licencieuses de cet artiste n'aient souvent effarouché la
vertu et alarmé l'innocence. Tout en admirant le peintre,
on ne saurait louer le talent dont le résultat allume les
passions mauvaises et tend à la démoralisation.
En 1775, il se mit à peindre le salon de M"* Guémard,
son amante. Il la représenta en Terpsichore avec tous les
attributs qui pouvaient la caractériser de la manière la
plus séduisante. On raconte que les tableaux n'étaient pas
encore terminés» lorsqu'on ne sait pourquoi, la demoiselle
se brouillant avec son peintre, en appela un autre. Frago-
nard fut donc éconduit ; mais envieux de savoir ce que
devenait son ouvrage entre les mains de son succes-
seur, il trouva le moyen, quelques temps après, de s'in-
troduire, pendant que l'atelier chômait. Apercevant
dans un coin une palette et des couleurs, il imagine
e àazrç îe ^Kven de » renger. En quatre coups
à» atu^Kki. il -sSice > soarire des lèvres de Terpsîchore
« "jMr iccre r-îx?cessîon de la colère furieuse, sans
fjssi :cér TiilnMirs ia portrait de sa ressemblance, quoi-
^tH ^i: ^i.rrcit2iî Tooohê aox yeux. Cela fait, il s'esquive
a;x 51:25 T*.:iî. Le ziLiicorToalnt que M^^uémard arrivât,
^e-ciitkiie* ;::iâù^:i«âs îsâtants aiprès avec plusieurs de ses
sziîes :ii vimaàsi: j^iger du talent du peintre. Quelle ne
fx: rass sec inîiï^^aàjiu en se Tovant défigurée en furie !
yjLi^ Pl:c5 s& ectfère àriaa, plus la caricature devint res-
Ce :*ii rj««en5e I« oorrages de Fragonard, c'est une
scc« ie TTTîijrLe « ôe Éieràe. Poortant il touchait tour à
tiTor <es rbio^^:ix s&s^ oser en [tendre un d'une main as-
scrw : 51^ r«îi::imr« se nsssentent de cette indécision.
Soc scv j^ esc xcrvabîe* m^ point déterminé ; son desân
inct^eux* r«,Hi irrtète : sa couleur &ctice et sans vigueur ;
eîle n>^seci?te JL :ire Tsçeor aérienne qui aurait emi»iinté
II AT-ii: êce zorT:è r^!:tre du Roi et en touchait la pen-
si:r:: il niar.'Cjd: à La f.^ctune: et quand il fut Tamant pré-
fère ie M * G-J^eci^iri, fl nageait au sein de l'opulence ; son
ch-fcii- c vjù: s«:i*r ie r.xses^ Arriva la Révolution qui lui
ecl^vsi <es res^xin>?s : il ne p^eignit plus, il dut même se
cafcrher- Il ec: f,ù:i:, ti eut nroii.îa vi^llesse vint, la mala-
die eî :a n::r^> L nioc:niî à Psuris le 2? août 1806, âgé de
« t
Au;oari"r.uî oc est A ia recherche des Fragonards. L'ar-
tisîe n: .:or. ;5 I>^iise oathedraîe. où il avait été baptisé et
où son èls EvAr^e aval: rvou aussi le baptême, du Lave-
me < f t>- £ j> :V qui se trouve dans la cfaapdle du Saint-
Sacrement.
Oa voit aussi les l>?Iîes p^râtures dont il a décoré sa mai-
son paternelle, aaxxirvi^hji mais.^n Malvilan. Le baron Is-
nani po^ède quelques-mces de ses toiles. On pense que le
NOTES ADDITIONNELLES 423
grand tableau du maître-autel de la Charité est un Frago-
nard (1 ). Nice a quelques Fragonards. On voit un portrait
de l'acteur Garick, chez la comtesse de Castellane (rue
Bvési); une Bacchanale j petit chef-d'œuvre, chezM»°®la
comtesse de la Luzerne (promenadedes Anglais). En 1875,
j'ai rencontré des Fragonards chez le docteur Barelli (place
Garibaldi) et chez l'abbé Mouriés. Un officier du 111* avait
exposé un Fragonard dans la galerie Porta'.lier, en 1877 :
c'étaient deuw Mendiants^ simple ébauche des premiers
temps de notre artiste (2). Mais celui qui soit à Nice, soit
à Paris, possède la plus riche collection de Fragonards,
c'est M. Walferdin. On y admire, entre autres, un portrait
bien ressemblant de Diderot,
Fragonard était marié à Marie-Anne Gérard, fille
d'un parfumeur, dont il eut Alexandre Évariste, aussi
peintre distingué. Voici l'extrait de baptême : < Aujour-
d'hui 2ô octobre 1780. a été baptisé Alexandre Évariste
Fragonard, fils du sieur Jean-Honoré, peintre du Roi et
de demoiselle Marie-Anne Gérard, son épouse. Messire
Mougins de Roquefort, curé de la cathédrale a fait le bap-
tême. Le parrain a été Alexandre Maubert, négociant, la
marraine demoiselle Marie-Catherine-Rose Mercurin,
épouse de Pierre- JosephCamatte, absent. Le grand-père
paternel a signé. Signent Maubert, Mercurin, Camatte,
Fragonard, Magdeleine.
(1) La Tille de Grasse possède des tableaux de maître. Â la Cathédrale, il
y a une belle Assomption de Sublfiras, espagnol] une toile estimée de M.
Nègre, grassois. professeur au Lycée de Nice et inventeur de la gravure hé-
liograpliique, c'est saint Antoine ensevelissant saint Paul, ermite. Le lion
est là qui creuse la fosse. Ce tableau est un original.
A Tbôpital, trois Rubens, dons de M»« de Thorenc ; deux autres beaux ta-
bleaux, dons de M. Perrolle ; d'un Jugement dernier de Gué, donné par le
Gouvernement en 1841. MM. Roubaud, de Fontmicbel, baron Isnard, etc.,
ont aussi des tableaux de prix.
(2) Celte notice de Fragonard est extraite de nos recherches particulières
et des notices Biographiques de Michaud , Feller, Larousse ; des Éphé-
méridis universelles, etc.
: li» fc r
7*s: «ms rînnr h ttutjbk^ qae Marguerite Gérard,
a»2]rtrr -^Jji— iijtfmf- Di^rk ses kiraos. Elle était née à
*I-nasf e: l^rl rn- Ji&iiir Ginnsé' Gérard, fiarfumeur et de
«•t-Li^ir—KLrjr- ïLrr n'HETTi àGr^ftssc le l** janvier 1822.
E*-i-n-:- JL *.t^Lr :e Îl"= FrBXtoïkrd i Marie-Anne Gérard'?
T.ùiL «m nr-i jf "ntTr.ièEifc- 4 Le i^ ^îanvier 1761, a été
t:Kr2îerlt>rrierrkr v»=rari. ÊLe do âeur Claude Gilette
\yzTh^'L ZihizzzL'i^z t^ jiTir Marie son ^M>use. Le parrain
i-r^Hio:?^ isL-*-rL zie^;«£âar.î, « ia mairaine. demoiselle
MîTiri'er:":^ 'jrvr.vf ;v^« sxi «tinsse. Oni âgné Gérard, H.
isL.ir:< vri-Tir:. .^ii^L^iziîre* Isc^arxi. L'abbé Chérv a fait
— «r
ie *îiJ.r:r'Il.r- ►
Frj^: -iri .Vl^xî'-irr-E^rarisse, peintre et sculpteur, né
à OriïSf , 'j^.-nzi.t' :i>:i> /3t :4is dit, 26 octobre 1780, mou-
r-îî?iris> !■> lii-vrSilTe 1>&J. Élève de DaAid, son
Bûâiirr iisii; •f-r' 1 -i : < E v a de l'huile dans cette lampe.>
E ï>e se :r: :r::*i:: î:a5. Il exî>:«5» pour la première fois, au
Sali-Li d-e 1S2^>, Fratçiis 1^ armé chevalier par Bayard ;
H^irl IV e: Su/.v or.e2 îa telle Gabrielle.
Eq 1S23, .es ' our^e.'is de Calais, Marie-Thérèse pré-
se-c^int 5*:»Q fis aux Hon^n:«is.
En IS^- Frai:ç»>is 1'% recevant les tableaux de Prima-
trice.
En lS>î, Franç^vis I*^' à Marignan.
En 1S42, fîinéraiîles de Mazzaniello.
Il travailla avec s*3q fils Théophile, dans les dernières
années f»our la manufacture de Sèvres.
Il est malheureux fK^ur Fn^gonard Evariste, que le père
ait éclipsé le fils. Le génie frivole de notre siècle a remis
en faveur, depuis un certûn nombre d^années, les tableaux
de Fragonard jère, et Ton ne pense pas à son fils. Évariste
d^fpensa aussi son temps à des travaux pour le premier
empire. Quaiid vint la Restauration, on laissa de côté les
œ:ivres impériales. Pourtant la Restauration fit Évariste
Chevalier de la Légioa-d'Honneur, 1823 ; elle le char-
NOTES ADDITIONNELLES 425
gea aussi de décorer le fronton de la Chambre des Députés,
C'était la loi s'appuyant sur la force et la justice. 11 devait
encore décorer la façade de la Madeleine, lorsque la Révo-
lution de 1830 éclata. Enfin il travaillait à un ouvrage
considérable, et il avait déjà fait beaucoup de dessins et de
gravures; mais, tout resta en chemin. Quand les journaux
annoncèrent sa mort, en 1850, on le croyait mort depuis
vingt ans, dit son biographe.
La Préfecture de Nice possède dans ses salons un
tableau de Fragonard Évariste.
Son fils, Théophile Fragonard, a commencé à exposer
en 1831 . H se trouvait à Grasse pour l'inauguration de la
statue de son illustre aïeul [22 août 1877.) C'est aussi un
peintre de mérite.
III. — BARRIÈRE DE SAINT-JEANNET
Membre de la Législative.
Barrière, notaire de Saint-Jeannet, qui faisait les affai-
res, des Villeneuves-Tourrettes, eut deux fils. Barrière 1®%
Taîné qui eut le majorât avec le notariat, et le second qui
embrassa Tétat ecclésiastique et parvint par son mérite à
être aumônier du duc d'Orléans.
Notre Barrière II eut deux fils, dont Tun restera notaire
à Saint-Jeannet, et Tautre ira rejoindre son oncle Tau-
mônier à Paris, où il apprendra le métier d'orfèvre, s'éta-
blira et deviendra la tige des Barrière dont est sorti le
littérateur Louis Barrière.
Barrière III, aussi notaire à Saint-Jeannet, eut quatre
enfants, l'aîné qui sera bénédictin de Saint-Maur, le
deuxième prêtre, le troisième, notre membre delà législa-
tive, et le quatrième, propriétaire à Saint-Jeannet. Bar-
rière m, à la mort de sa femme, vendit sa charge, et entra
dans l'état ecclésiastique.
Son fils aîné, le bénédictin de Saint-Maur, fit ses études
<»:MMiè(B:vV' 4
m !^»Iei°^ ie yi^^Tirr^ i E*^rfJ5u Arant ca la place de
irsnirrr laiL* a .*îiUï&f. i oôcâu: 'a •iécoration qu^on don-
nair ii irrmit^. -r m iai ie l"i::ratA?r à sa boutonDÎère,
i îe jur i a !-:iiia-^ : !e l'ii «éconru bta*icoap ses cama-
mùf*. ^ T-i^ Jiiùrr«. 4 Fourrai:! àÏKs-Tocs cela ? lai diU
ic. — iiznaLeir. "^j*: iiiîit:-iL '^"«c pxir ne pas la jerdre. >
1 ae !-::â=:i itiis f :«!*!a.;er «^cnsc^nimeat la première plaoe.
iu.intî lirrr^i ;i ^iat:»f r«*v:i!iâoa, ilTinî Tirreà Saint-
•eiiLit^ i.1 niliea iesîslrv?»^ .|r--xi œ qainait jamais.
Là frrir T^nre^eacrnc f n «A«rf 'fn directoire de Saint-
ForiL fîi l'^s'^j : ':(iii* l'zi i-fs sifmixiLscracears et or?a-
isîiCv«ir5 ri zraTfmeni^HLî Françrû? à Nice, de 1792 à
I7-H. > rouie i la. >.pïî:iiT"e. e'-csc lai qai ea pleine tri-
*?*i:ie. '±z -id TarjjLi" :e Bi:ca?arte : < J^aime le consaly
211:5 ;e T'i:me p;i5> '?:ca?2la". > Le premier coa^ol ne le
l"i ra:*i':cLza c.?^. Il r-fvr.-i ea Teavorant à Naples^comme
iirwCvHir :e? Il cn;.Û2es. Après Li Restauration • il vécut à
C.i5C.f[".Ar.e* :fi il t:t-.u-: 5«^iit^»ïi!: le marqois d*Eoulx, son
izn. Sx :i'i5 ircoe :*^y: paùoa -ecaii iacalture de son petit
;jLr-±i. Il To^sRii: ;»:cir un rêpTbli'.^iin modéré, franc et
3".— LES O-MTSS THACnJC DE SJLDîT-AXDfBUÊ ET DE REVEL.
ThA>:i Ch\rl-es-Frti:rooîs, comte de Revel et de Saint-
An irv. rui .iiii: à Nîoe Le iS tevrier 1725- Sîi famille serait
orl^.n \ire »rEot:sse : el'.e descendrait d' im jeuiie page
éco«5sûs qui suivi: ea Fronce Marie-Stuart, lorsqu^lle vint
êp«?user Fnico-^is I**^. Au XMIl* siècle, Pierre-Antoine
Tha n, eoiyerde Lantos«jue* épouse Cassandre de Cha-
hau'ï, nlle de Henri de Chabaud, comte de Tourrettes, et
de Martin de Laugier. En ltî65, il transige avec les co-
^ i'ix e:z 43 ^}'!eze de Vesin* poor élèves trois de ses petits ncTcox
qui soat ujoard'liai eUbUs à Marseille.
NOTES ADDITIONNELLES 427
héritiers du comte de Tourrette pour le fief de Tourrette-
Chabaud. En 1687, Pierre-Antoine et Gaspard Thaon,
gentilshommes de Lantosque, obtiennent Tinvestiture des
fiefs de Saint-André et du Plan de Revel, et l'érection de
ces fiefs en marquisat et en comté. Pierre fut marquis de
Saint- André, et Gaspard, comte de Revel. Celui-ci eut
plusieurs fils, dont l'un fut père de Charles-Pierre, et les
deux autres chevaliers de Malte. Charles-François fut
élevé à l'académie royale de Turin, en sortit en 1740
porte-enseigne dans le régiment de Saluce ; fut lieutenant
en 1741 dans le régiment de la marine ; se distingua dans
les campagnes de 1743 à 1747 ; reçut son brevet de lieu-
tenant-colonel en 1768 ; de colonel en 1771 ; de brigadier
en 1774, et de major-général, l"" décembre 1780. Le roi
Victor-Amédée lui donna en 1781 le gouvernement du
comté de Nice, où il se fit chérir. Lieutenant-général en
1783 ; il fut envoyé en Sardaigne avec le titre de vice-roi,
l*"" mai. Il commanda un corps d'armée dans les Alpes-
Maritimes en 1792. Son fils Ignace, qui était ministre du
roi de Hollande, vint se ranger sous ses ordres. Son autre
fils servit dans le régiment de Nice, puis dans le régi-
ment de Suse en 1793.
Nous avons dit le courage qu'il déploya à l'armée des
Alpes, et comment le feld-maréchal de Wins le supplanta.
En 1797, devenu gouverneur de Turin, il montra autant
de fermeté que de prudence. En 1798, gardé à vue par
nos troupes d'occupation, il vit emmener en France ses
deux fils comme otages. Pour lui, il parvint à s'évader,en
mai 1799, et fut nommé parle roi, lieutenant-général dans
ses États de terre ferme, avec plein exercice de l'autorité
royale. Après Marengo, il se retira, lui et ses deux fils, à
Livourne. Vénéré de tous, il mourut pieusement le 14
décembre 1807, à Cagliari, où est son tombeau.
Joseph Alexandre, son fils aîné, nommé colonel du ré-
giment de Suze en 1793, suivit son père avec distinction.
428 NOTES ADDITIONNELLES
En 1798, il fut conduit avec son frère comme ôtdge,à
Grenoble, puis à Dijon. Tous d'eux, s'évadèrent, la même
année. 11 eut le grade de général d'infanterie en 1812; il
mourut, en 1820, gouverneur de Turin et inspecteur géné-
ral des armées du roi.
Ignace, chevalier de Revel, diplomate distingué, com-
me nous l'avons dit, revint de Hollande rejoindre son père
à l'armée des Alpes-Maritimes. 11 conduisit à Tpulon,ea
1793, les trou[)es piémontaises, ayant le titre de lieute-
dant-colonel. Le ministre Pitt, au parlement d'Angleterre,
loua la valeur du chevalier de Revel, quand le général
Ghara fut fait prisonnier. Le 9 août 1794, il était colonel
du régiment de Nice, puis quartier-maître général du
corps d'armée que commandait le duc d'Aoste. Il eut le
gouvernement d'Asti, pendant que son père gouvernait
Turin. Nous avons vu qu'il fut pris aussi comme otage
avec son frère en 1790. Le roi le nomma gouverneur de
Gènes en 1814 ; puis vice-roi de Sardaigne, gouverneur
de Turin ; il fut chargé du gouvernement provisoire dans
la révolution de 1821. 11 est mort le 25 janvier 1831.
Esprit, courage, prévo3\ance, voilà la devise du chevalier
de Revel. On a de lui, imprimé, son testament politique,
ouvrage remarquable.il était intimement lié avec le comte
Joseph de Maîstre.
V. — FAMILLE D'aUVARE.
Comme nous avons emprunté beaucoup de documents
au manuscrit de M. le général d'Auvare et que cette fa-
mille a joué un rôle important dans le comté de Nice, nous
avons cru devoir en donner aussi la notice, d'après les
renseignements puisés dans la famille même.
La maison de Corporandy d'Auvare établie dans la ville
de Nice, est propriétaire à Cimiez et originaire de La
Croix ( Alpes-Mai itimes). Cette commune de l'aiTon-
NOTES ADDITIONNELLES 429
dissement de Puget-Théniers a appartenu à différentes
époqnes tantôt à la France, tantôt au Piémont et c'est
pourquoi les membres de la maison des barons d'Auvare
ont servi alternativement la France et le rovaume de Sar-
daigne. C'est au Château de La Croix, berceau de la famille,
que cette famille habite encore aujourd'hui pendant l'été.
La Croix, située sur une éminence, fut d'abord un Chà-
teau-fort des Templiers autour duquel s'établirent dif-
férentes familles, entre autres, celle de Corporandy. Après
la suppression de l'ordre, La Croix appartint, partie aux
chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, partie aux Ville-
neuve-Beauregard. En 1705, Louis Corporandy acquit de
Villenueve-Beanregard ce qu'ils possédaient à Auvare et
à La Croix et il en reçut l'investiture, avec le titre de comte
en 1705. (Brevet du Roi, 3 mars 1705). Voici l'arbre gé-
néalogique de la famille :
I. Nicolas de Corporandy, lieutenant du juge, père de
Jean.
II. Jean qui succède à son père, comme lieutenant du
juge, dontLo^iis.
III. Louis, seigneur d'Auvare, qui en 1705, a, le premier,
le titre de baron d'Auvare et le passe à ses descendants. 11
a pour fils André.
IV. André, baron S'Auvare, licencié en droit à l'univer-
sité d'Aix, préfet de Barcelonette (1) et conseiller du Roi,
eut de son mariage avec noble demoiselle Hermione de
Amicis, deux fils: Claude et Joseph-Gaspard, né en 1722
à La Croix. André donna l'hospitalité en 1743 à Dom Phi-
lippe et en reçut son portrait et une médaille d'or.
V. Joseph-Gaspard, seigneur de Verrayon, lieutenant-
général au service de la France, chevalier de Saint-Louis,
ingénieur en chef à Antibes en 1778 ; il passe de là à la
(1) Arch. de la Préfi'cturc de Nice. Intendance de Grasse S. G. Lettres de
M. d'Anrare, gouverneur de Barcelonette (22 mai 1759 et 28 juillet 1760
poor les trataux aux fortifications d^EatrcYaux et de Guiliauines).
430 NOTES ADDITIONNELLES
circonscription d'Entrevaux en 1780.11 resta célibataire et
mourut à La Croix en 1804. (Le flef de Ver rayon lui avait
été apporté en dot par sa femme Hermione de Amicis.)
VI. Claude, baron d'Auvare, coseigneur de La Croix, li-
cencié en droit de la Faculté d'Aix, jurisconsulte distin-
gué, subdélégué de l'intendance de Provence, eut de son
union avec Marie de Chabaud, trois fils : Joseph-Félix, né
à La Croix en 1760; Auguste d'Auvare qui prit du service
en Prusse ; Paul, le lieutenant-colonel qui commande la
province de Biéla, chevalier des SS. Maurice et Lazare.
VII. Joseph-Félix, baron d'Auvare, major-général, che-
valier des SS. Maurice et Lazare, eut de son mariage avec
Antoinette d'Etienne du Brugnet trois fils : Charles-Mar-
cellin, Auguste le vice-amiral, chevalier grand'croix des
SS. Maurice et Lazare, commandeur de l'ordre de la Cou-
ronne d'Italie; Alexandre, lieutenant-général, grand-offi-
cier de l'ordre desSS. Maurice et Lazare, commandeur de
l'ordre de la Couronne d'Italie, lequel épousa la comtesse
Marie- Visconti.
C'est le général J.Félix qui a laissé le manuscrit que nousa
prêté son fils, le général Marcellin.ll estmortàNiceen 1846.
VIII. Charles-Marcellin, baron d'Auvare, major-général,
commandeur des SS. Maurice et Lazare, officier de l'ordre
de la Couronne d'Italie, a eu de son mariage avec noble
demoiselle Angélique Vitale de Pallières, trois fils: Louis,
officier au régiment des lanciens de Novare ; Alexandre,
officier d'artillerie ; Casimir, lieutenant dans la garde mo-
bilisée, au service de l'Italie.
La Biographie Niçoise de M. Toselli, d'après les notes
de M. le baron, général d'Auvarre-Marcellin, a consacré
deux notices spéciales aux généraux Gaspard et Félix.
Nous les analysons ici.
Joseph-Gaspard d'Auvare, sieur deVerrayon, naquit
à la Croix, le 1" juin 1722, d'André Corporandi, baron
d'Auvare, et d'Hermionne de Amicis. C'était le fils cadet
NOTES ADDITIONNELLES 431
d'André, préfet de Barcelonnette depuis 1726. La Croix
appartenait à la France, et ce n'est qu'en 1760, à l'époque
du traité de délimitation, qu'elle fut annexée au Comté
de Nice, en échange d'autres pays. Gaspard, après avoir
fait de bonnes études mathématiques à la célèbre école de
Mézière, entra en 1745, comme volontaire, dans le corps
de génie français, sous le nom du sieur de Verrayon. 11 se
distingua aux combats de Tanaro et de Bassignano, le 25
novembre 1745, aux sièges de Tortone, d'Alexandrie, de
Valence et de Casai, où il fut, dans un assaut, blessé à la
tète par un éclat de bombe. 11 servit comme aide-de-camp
du général de Mailly ; et le 14 octobre, 1746, il fut nom-
mé lieutenant dans le régiment d'Aquitaine. Ingénieur
ordinaire l**" janvier 1750, il eut le grade de capitaine le
28 octobre 1754. En 1770, il fat nommé chevalier de
Sains-Louis, par décret de Fontainebleau, 13 novembre.
En 1773, nous le trouvons ingénieur en chef à Antibes, où
il exécute différents travaux, soit pour le gouvernement,
soit pour la ville. 11 passe ensuite à Entrevaux. En 1788,
9 mars, il reçoit sa nomination de maréchal de camp. 11
est l'objet d'éloges particuliers au camp deBeaucaire, il se
distingue en Westphalie et sur le Rhin ; à l'île d'Oléron,
et enfin en Corse. 11 comptait sept cimpagnes, quinze
tranchées, une blessure glorieuse lorsqu'il fut nommé, le
8 mars 1793, général de division à l'armée des Pyrénées-
Orientales, a C'est dans les moments de crise, lui écrivent
les représentants du peuple, que les hommes de talent se
doivent à la Patrie. Persuadés de trouver en vous, citoyen
général, le chef qui convient dans cette partie de la Répu-
blique, nous n'hésitons pjis à vous y appeler. Hàtez-vous
de répondre à notre vœu. Vous vous mettrez à la tète d'une
armée qui a déjà en vous la plus grande confiance, et qui
brûle du désir de combattre et de vaincre. Gaspard se
rendit à Perpignan que menaçaient les Espagnols, refusa
le commandement en chef, et concourut puissamment avec
432 NOTES ADDITIONNELLES
Figueiras à nos victoires. Après avoir obtenu sa retraite,
il revint à Entrevaux, où il ne songea plus qu'à son salut
et aux actes de charité. Il finit pieusemment ses jours à
La Croix, 1*' mai 1804, à Tàge de 82 ans.
Joseph-Félix, baron d'Auvare, son neveu, naquit aussi
à La Croix en 1763. Il était fils de Claude, baron d'Au-
vare, frère aîné de Gaspard de Verrayon, et de Marie de
Chabaud. 11 adopta, ainsi que son frère Paul, la nationa*
lité italienne. Après avoir fait de bonnes études au collège
de Marseille, où il remporta le premier prix Matignon, il
prit du service dans Tarmée de Victor- Amédée, et fut
nommé en 1783, sous-lieutenant au régiment de Nice. 11
se distingua dans les guerres des Alpes-Maritimes, au
Raous, au Brec d'Utelle, 1793 ; à Saint-Véran, où il sauva,
en 1800, le général autrichien Garoup. En 1815, il passa
major ; lieutenant-colonel en 1817; colonel en 1821, et
gouverneur de Sanremo ; en 1826 , gouverneur de
Savone. 11 était aussi bon capitaine que littérateur et
écrivain distingué. Il a laissé des manuscrits intéressants
que possède son fils le baron MarceUin. Quand son oncle
servit en 1793, du coté de la France, on pensa bien qu'on
ne pouvait lui donner un commandement dans les Alpes-
Maritimes contre son neveu et contre ses concitoyens. 11
est mort à Nice, en mai 1846. Le baron Félix d' Au vare
avait aussi toutes les vertus héréditaires dans sa famille :
bonté, piété et bienfaisance. Ses fils, Marcellin, Tamiral
Auguste, et le lieutenant-général Alexandre, marchent
sur les traces glorieuses de leurs ancêtres. Le tombeau
de la famille d'Auvare est à Cimiés.
VI. — MONSEIGNEUR COLONNA d'iSTRIA, ÉVÉQUE DE NICE
ET LE CHANOINE DE CESSOLE.
Jean-Baptiste Colonna d'istria , naquit à Bëchisano
(Corse), en 1758, de Tillustre famille italienne des Colonna,
NOTES ADDITIONNELLES 433
qui avait fait branche en Corse sous le nom d'Istria. Il
était allié à l'empereur Napoléon. Il fit ses études théolo-
giques à Aix en Provence, où il fut ordonné prêtre. Les
troubles de la France le forcèrent de se réfugier à Rome.
Nommé évêque de Nice, en 1802, il fut consacré à Paris,
le 1 1 juillet 1802 ; et arriva dans son diocèse, le 4 septem-
bre. Il fit son entrée solennelle, le dimanche suivant, au
miheu d'un grand concours de peuple. Il se mit aussitôt à
l'œuvre de la réorganisation de son diocèse.
Monseigneur Colonna était la charité personnifiée. Il ne
pouvait refuser à un pauvre. Imitant lui-même la pau-
vreté du Divin Maître, il se privait de tout pour venir en
aide aux malheureux. Aussi, sa nourriture, son ameuble-
blement étaient des plus simples. Jamais il n'allait en voi-
ture. Il avait à peine une couverture pour son lit. Le roi
ayant appris qu'il se trouvait dans un état voisin de l'in-
digence, lui envoya, sur sa cassette, une somme de 4,000
francs pour qu'il se meublât convenablement. Tout cet
argent s'en alla aux pauvres. Le roi lui ayant envoyé des
effets, de la vaisselle, il vendit tout. On parle surtout
d'une couverture qu'il avait donnée pendant le rude hiver
de 1820. On la vit à l'étalage d'un brocanteur, on la
racheta et on la reporta à l'évèché. L'évêque ne put pas
la garder ; on la lui racheta encore, et ce manège se
répéta plusieurs fois, jusqu'à ce que la charité de l'évoque
l'emportât victorieusement. Le roil'engageait unjour àse
servirutilementpour lui-même de ce qu'il lui remettait:
€ Sire, répondit-il, je place ce que l'on me donne à inté-
rêt. Et puis je ne suis pas tranquille tant que j'ai quelque
chose dans mes appartements, car tant de pauvres n'ont
rien. On me donne, je donne. > Et le roi se mit à rire.
Ses domestiques, voyant qu'il n'avait plus de linge, lui
achetèrent un jour de la toile. Mais pendant qu'ils étaient
allés chercher l'ouvrière, la toile avait disparu. Le saint
prélat l'avait donnée à une pauvre femme.
2t
434 NOTES ADDrnO!eŒLL£3
On était quelquefois aux expédients pour son dîner.
Quelle frugalité ! quelle sévérité et quelle austérité
pour son corps^ quoiqu'il fût pourtant d'une faible oom-
plexion !
Dans le même temps, le curé de la cathédrale, le char
noine Donaudi, rivalisait de charité avec son saint évè-
que. Au moment du repas, si un pauvre venait lui
demander du pain, il donnait aussitôt tout ce qui était
préparé à la cuisine, et sa domestique de lui dire d'un ton
dépité : < Et vous, M. le curé, que mangerez-vous ? > Il
se contentait de pain et d'eau. Un soir d'hiver, il rencon-
tra un pauvre si dénué d'habits, qu'entrant sous une porte,
il se défit de ses vêtements de dessous, et les donna au pau-
vre. Quand il n'avait plus d'argent, il se dépouillait de ses
effets, même de son mouchoir. «Vous vendrez cela, disait-
il, pour avoir quelques sous.
La nuit, on put rencontrer plus d'une fois le digne curé,
portant sur ses épaules, matelas, couvertures, effets, où
il en manquait, et recommandant toujours le secret. Une
fois, il se trouva vis-à-vis d'un médecin qu'il connaissait
intimement, et qui était appelé de nuit chez un malade.
< Quoi ! vous, M. le curé ! — Oui, répondit-il, chacun à
son métier ! > Tel doit-être le vrai prêtre de Jésus-Christ.
Quand M^' Colonna dut quitter Nice, le gouverneur lui
demanda discrètement s'il avait besoin de quelque argent ;
qu'il était chargé de la part du Roi de lui remettre ce
qu'il désirerait. Le saint évèque déclara n'avoir nul
besoin : ce qu'on le força de prendre, il le distribua aux
pauvres en arrivant à Rome. Dans sa dernière maladie,
il dit aux PP. du couvent de Sainte-Sabine, où il s'était
retiré : < Vendez ma croix, mon anneau et les boucles de
mes souliers ; je ne veux pas descendre dans le tombeau,
en emportant quelque chose aux pauvres. > Et il fallut
qu'on exécutât ses ordres aussitôt. 11 mourait le même
jour dans le Seigneur.
NOTES ADDITIONNELLES 435
Parlez à Nice de M" Colonna, il a gardé la réputation
d'un saint. Et pourtant, des hommes se sont trouvés qui
Tout abreuvé de chagrin, et forcé de se démettre de son
siège en 1832. Les évèques de Nice ont de la peine à finir
leurs jours dans leur ville épiscopale. M" Valperga, après
avoir remis son évêché entre les mains de Pie VII, est
mort à Magliona en 1803. M*^ Colonna meurt à Rome en
1835, 2 mai. Son successeur. M*' Galvano meurt à Bib-
biano, le 17 août 1855. Et en 1877, le charitable M^'Sola,
dans sa 87' année, se démet de son siège.
VII. — LE CHANOINE DOM EUGÈNE SPITALIER DE CESSOLE
Fondateur des Ccssolines.
Puisque nous parlons des apôtres de la charité, pour-
quoi ne nommerions -nous pas ici un autre personnage
aussi humble que méritant, dont Nice, doit se sentir
fière.
Eugène Spitalierde Cessole naquit à Nice en 1785, du
comte Jean-Joseph etdeRosalieRippertdeMontclar.il eut
pour frère aîné le comte Hilarion, président du Sénat. Pour
lui il voulait embrasser Tétat ecclésiastique ; mais comme
on était en pleine révolution, il prit du service militaire
dans le régiment de Nice où était son frère, sous les ordres
du comte de Revel qui en était le colenel. Après la bataille
de Marengo, notre jeune officier, de retour à Nice, entra au
Séminaire en 1808 et fut signalé par M*' Colonna, comme
le modèle de la communauté. Ayant obtenu dans les exa-
mens le premier prix qui méritait la bourse gratuite, il
Toffrit en faveur du séminariste le plus pauvre. 11 fut or-
donné prêtre en 1812. C'est alors qu'il commença l'exer-
cice de cette belle vertu qui est l'âme du christianisme, la
charité. Avec l'aide de quelques personnes charitables,
qu'il intéressa à son œuvre, il se mit en 1813 à re-
cueillir dans deux écoles, l'une pour les garçons, l'autre
436 NOTES ADDITIONNELLES
pour les filles, tous les enfants pauvres, leur fournissant
livres et cahiers. Il obtint du préfet Dubouchage une par-
tie de l'ancienne maison des Visitandines qui tombait pres-
que en ruines et il se mit à la reconstruire à ses frais. Là
il distribua, dans ces années de misère, des soupes et des
vivres à plus de cinq cents malheureux aflTamés, prélu-
dant à la fondation des fourneaux économiques qui se-
ront installés plus tard, dans cette même maison des
Cessolines et dirigés par les dignes successeurs de Tabbé
de Cessole.
Tous les jeudis, il faisait le catéchisme à ses pauvres, ne
négligeant pas plus l'àme que le corps. De 1815 à 1820, il
distribua des soupes pour une somme de 48,548 francs.
En 1815 ayant obtenu du gouvernement Sarde la conces-
sion provisoire du local actuel, il recueillit les filles délais-
sées et sans ouvrage, dont le chiff're monta bientôt à plus
de cent. Il les fit élever de manière à les rendre aptes à leur
sortie pour différents emplois. Il lui fallait des religieuses.
Il s'entoura de dames, de filles pieuses et dévouées qui
sans être astreintes par aucun vœu s'engagèrent à porter
un humble costume, à mener une vie régulière et morti-
fiée et à diriger cet œuvre qui reçut le nom A^ Hospice de
la Providence. Par décret royal du 30 mai 1820rHospice
obtint son existence légale, l'approbation de ses statuts
avec confirmation de la concession de l'ancien Monastère
de la Visitation. Telle fut l'institution des Cessolines. En
même temps notre saint prêtre formait une société de da-
mes charitables qu'il chargea de procurer des secours aux
malades à domicile, aux familles sans ressource, aux pau-
vres honteux et aux petits enfants naissants.
Il consacra à ces divers établissements plus de cent cin-
quante mille francs de sa fortune. A uneheuredéterminéedu
jour, il accordait audience à ses pauvres, donnait des se-
cours aux uns, des ccnseils aux autres et à tous des conso-
lations. Jamais on n'oubliera son dévouement et celui de
NOTES ADDITIONNELLES 437
ses sœurs dans les trois apparitions du choléra à Nice.
Une sœur Cessoline fut atteinte de la maladie à l'hôpital
établi au grand Séminaire, mais l'Hospice a toujours été
épargné. Plusieurs Cessolines furent victimes de leur
héroïsme.
Le 23 octobre 1835, l'abbé de Cessole recevait une lettre
de félicitation de la part du Conseil municipal. L'Adminis-
tration diocésaine n'avait pas oublié tant de charité. En
1821 le Chapitre l'avait admis dans son corps, comme
chanoine titulaire.
Le Gouvernement n'était pas resté en arrière. Le Roi
l'avait fait chevalier de l'ordre des SS. Maurice et Lazare.
A la mort du chanoine Trinquiéri, il lui succéda comme
abbé mîtré de Saint-Pons et comte de Saint-Biaise. Plu-
sieurs évéchés lui furent offerts, et entre autres celui de
Vintimille qu'il refusa constamment. Cette belle vie d'ab-
négation, de charité s'écoula en faisant le bien, jusqu'à ce
que Dieu voulut qu'elle reçut sa récompense dans le Para-
dis. Le chanoine de Cessole rendit paisiblement à Dieu sa
belle âme le 29 mars 1864. Il avait quatre-vingts ans. Ce
fut un deuil général. Le corps municipal, le préfet M . Ga-
vini de Campile, le Chapitre, les corps religieux, tout le
clergé, une foule innombrable assistèrent à son convoi.
M*' Sola fit l'absoute ; le chanoine Barralis prononça son
oraison funèbre. Lorsqu'on déposa son corps vénéré dans
le cimetière de l'hospice de la Providence, les assistants
confondirent leurs larmes avec celles des Cessolines qui
éclataient en sanglots et en lamentations.
Le digne baron général d'Auvare a consacré une notice
au chanoine de Cessole. MM. le chanoine Brès et l'abbé
BonifTacy continuent l'œuvre. Ils ont même mis gratuite-
ment une salle et quatre sœurs à la disposition du comité
des Fourneaux économiques, qui fonctionnent admirable-
ment à Nice depuis le 15 décembre 1869.
438 NOTES ADDITIONNELLES
VIII. — ACTE DE MARIAGE DE MASSÉNA (l).
< L'an mil sept cent quatre-vingt-neuf et le dix du mois
d'août, sieur André Masséna,âgé de trente-un ans, fils de
défunt Jules César, négociant et de feu demoiselle Cathe-
rine Fabre, ancien adjudant du régiment des chasseurs-
royaux de Provence, habitant dans cette ville, d'une part,
et demoiselle Marie-Rosalie Lamarre, âgée de vingt-qua-
tre ans, fille du sieur Joseph, maître en chirurgie et de
demoiselle Marie-Anne-Hippolyte Aubanel de cette ville,
d'autre part, ont été mariés et ont reçu la bénédiction
nuptiale par nous prêtre soussigné de cette église et selon
les formes du Concile de Trente, après une seule publica-
tion faite dans cette paroisse, accordé par M. le général de
division, le 4 du courant et signé de lui, Montchoisy, ma-
jor, Court, greffier, D' Allons, lieutenant-général audit
régiment de Provence. Présents : le père de l'épouse et la
mère. Témoins : maître Louis Dolle, notaire, le sieur La-
marre, notaire, Gautier, Antoine Roux, négociant, Alexan-
dre Roux, bourgeois de la ville de Toulon, qui ont signé
avec les parties. — Ardisson, prêtre-vicaire. >
Pour ceux qui penseraient que Masséna est né à Levens,
nous extrayons l'acte suivant du Guide de M. Negrin^
p. 32:
« Nizza, parrocchia di Santa Reparata. Alli 8 maggio
1758, Andréa Massena, figlio del nob. Giulio e di Cattarina
Fabre, giugali Massena, nato li sei corrente, battezzato
oggi dameignazio Cacciardi,can*'coad®.Il padrino il nob.
Andréa Déporta, e la madrina la nob. Cattarina Massena.>
Il est né sur l'ancien quai Saint-Jean-Baptiste (extré-
mité orientale du Grand-Hôtel).
(l) Extrait des registres de l'État-Civil d'Antibes, dû à M. Dolys d'Aîitibcs,
arrière petit-fils de M. d'Aubeterre, major du Fort-Carré de 1746 à 1789.
NOTES ADDITIONNELLES 439
Masséna eut trois enfants : Prosper qui mourut chef
d'escadron à vingt-trois ans; Victor, aujourd'hui duc de
Rivoli, et M"® Masséna qui a épousé en 1814 le maréchal
Reille, antibois.
IX. — LETTRE DE LA MARÉCHALE MASSÉNA
A MADAME GUÉRIN DE VENCE.
Paris, 4 mai 1810.
Madame,
€ J'ai reçu avec plaisir la lettre que vous m'avez écrite
le 15 avril dernier. Je suis extrêmement sensible à la
part que vous avez prise à la nouvelle illustration de ma
famille et aux marques de munificence dont il a plu à S. M.
l'Empereur de m'honorer. Je sais que vous nous êtes sin-
cèrement attachée, ce qui me rend précieux les vœux que
vous faites pour notre conservation.
€ Quoique vous ne m'ayez pas parlé de vos enfants qui
sont à l'armée, je n'ai pas manqué dans le temps de les re-
commander au maréchal d'Augereau dans le corps duquel
ils se trouvaient.il les avait appelés et distingués. Il n'aurait
pas manqué de leur procurer de l'a vancement,s'il avaitcon-
tinué dans ce commandement. Il vient d'être remplacé par
le maréchal Macdonald avec lequelje n'ai aucune relation.
< Vous avez sans doute appris le départ de mon époux
pour le commandement de l'armée du Portugal. Si le régi-
ment de vos fils se trouve sous ses ordres, vous savez
combien il vous est attaché. Vous pouvez être persuadée
de tout l'intérêt qu'il leur portera.
« Je viens de recevoir dans ce moment la caisse de ci-
trons, gâteaux et parfumeries que vous avez eu la com-
plaisance de m'envoyer. Tout est arrivé parfaitement
conservé. Recevez mes remerciements les plus sincères,
ainsi que ceux de ma fille qui me charge de vous présenter
ses hommages.
< La nouvelle organisation judiciaire ne préjudicie en
440 NOTES ADDITIONNELLES
rien à Monsieur votre mari. Il aie droit de rentrer dans
les Cours d'assises et il ne peut manquer d'y être placé
d'une manière conforme à ses mérites. Si je puis y contri-
buer, j'en saisirai les occasions avec empressement.
< Recevez l'assurance de mon inaltérable amitié.
< La Maréchale princesse d'Essling-Masséna.>
X. — ARRESTATION DES BARBETS A SAINT-ÉTIENNE DE NICE
ET AILLEURS.
7 fructidor au YII. — 25 août 1800.
Le 21 prairial (16 juin). En suite des ordres du brave
général Garcin, le sieur Albertini fut chargé d'arrêter les
brigands et barbets. Il se rendit dès le commencement de
juillet dans le centre de Périnalde avec un détachement
de cent quarante-deux hommes, guidé par une certaine
Madeleine Boéro d'Apricale, habillée en homme, femme
convaincue de complicité avec les barbets, et comme telle
arrêtée et traduite par ordre du commandant Gastaldi,
juge de paix de ce caatori avec plusieurs autres, il y a
deux ans, devant le conseil de guerre séant à Nice, puis
mise en liberté par le jury de Monaco.
Albertini établit son quartier général, àDolceacqua,d'où
ses hommes commirent mille dépradations dans les com-
munes environnantes ; et sans faire marcher sa troupe,
vers la montagne où se tenaient les barbets, il se contenta
d'opérer quelques arrestations arbitraires et de menacer
les agents municipaux.
17 thermidor, an VnF. — 5 août.
l'reize gendarmes rassemblés à Nice, ont Tordre de se
rendre à Saint-Etienne de Nice, sous le commandement
de Jean Ri van, maréchal de logis, pour y arrêter les
quatre frères Contes, dits Brocard, prévenus d'être les au-
NOTES ADDITIONNELLES 441
teurs et complices de l'assassinat et des vols commis sur
la personne du général Raoul, sur la route du Var, le
20 floréal dernier (10 mai 1800). Les gendarmes ar-
rivés à Saint-Etienne se dispersent pour cerner les deux
maisons des dits quatre frères; et au lever du soleil, le
brigadier Devauversin, accompagné de quatre gendar-
mes, a frappé à la porte d'une des dites maisons et a
demandé le nommé Baptiste Contes. < Celui-ci s'est rendu
à mon appel. De là, ils sont allés à l'autre maison, où une
vieille femme seule a répondu. Il lui ont demandé si elle
était la maîtresse du logis et la mère des quatre fils Contes.
Elle a répondu affirmativement. Ils ont demandé ensuite
où étaient ses enfants. Elle a dit qu'elle n'en savait rien.
ils ont procédé ensuite à la visite. Cette femme les a priés
de ne pas faire comme le citoyen Albertini, chef de batail-
lon, commandant les éclaireurs, lequel, le 15 juillet der-
nier, avait volé la montre de son mari, tout son linge, ses
poules et son argent. — Cependant deux gendarmes placés
en vedette aperçurent deux individus qui arrivaient et
qui paraissaient être deux des quatre, et coururent pour
les saisir. Ceux-ci avaient pris la fuite. Les autres gen-
darmes menacèrent de faire feu.
Ils ne purent en saisir qu'un, Annibal Contes. Us con-
duisirent ces deux hommes devant le général Garcin.
Jean-Baptiste, trouvé innoncent, fut mis en liberté. Anni-
bal fut reconnu pour avoir fait partie de la bande Figon ;
il avoua avoir arrêté une voiture sur la route du Var, et
n'avoir eu pour sa part qu'un mouton qu'il a donné au
commandant Albertini ; qu'une autre fois, il avait arrêté
un homme avec sa femme, et que la bande avait pris deux
sacs de linge dont il n'avait rien eu.
(Procès -verbal signé Rivan, maréchal de logis; Devauversin,
brigadier; Laparre, Mandin, Rancurel, Delubac, Provers, Négrier,
MUler, Gérard, Durguis^ Dechère, Vigier, gendarmes.)
(Archives de la Préfecture de Nice. Police. An VUI.)
442 NOTES ADDITIONNELLES
XI. — AUTRICHIENS DÉSERTEURS
8 mars 1793.
€ Les citoyens Jean Rither, Jean Remper, Adam Jerlanh,
J. Décher, J. Schmit, A. Leikon, H. Kien, déserteurs au-
trichiens ont déclaré que le commandant de camp pié-
montais, régiment de Salluce, les ayant envoyés, le 12 du
courantjSous la conduite de J. Rither,caporal du régiment
de Belgioso, allemand, en avant-garde, avec un détache-
ment de trente Hémontais, au lieu d'exécuter les ordres
qu'ils avaient reçus du commandant, et brûlant depuis
longtemps du désir de venir rejoindre les soldats de la
Liberté, eux sept, nommés plus haut se sont détournés de
la route qui leur avait été tracée, ont abandonné le drapeau
autrichien, et sont venus se ranger sous le drapeau de la
Liberté. Etant arrivés à Lantosca, où se trouvait le géné-
ral Dagobert, commandant les troupes françaises, ils se
sont présentés à lui, lui ont remis leurs fusils, sabres et
giternes, et lui ont dit qu'ils venaient se ranger sous son
drapeau. Le général lésa reçus avec fraternité, leur a
fait donner à manger et à boire, et les a prévenus qu'ils
ne seraient pas regardés comme prisonniers, et qu'ils en-
treraient dans l'armée de la République ; puis il leur a fait
prendre la route de Nice. Ces braves frères d'armes, en-
suite des ordres du général, se sont rendus à l'Escarène,
d'où des défenseurs de la République les ont escortés à
Nice. Mais quelle a été leur surprise, lorsque arrivés en
cette ville, ils ont été mis en prison et traités comme les
autres prisonniers que les troupes françaisesontfaits.llsont
porté plainte de ce traitement au commandant des drngons
qui leur répondit que le général n'étantpas pour le moment
à Nice, il ne pouvait être fait droit à leur réclamation.
Arrivés en cette ville de Grasse, ils protestent de nou-
veau contre le traitement qu'on leur a fait subir, et décla-
NOTES ADDITIONNELLES 443
rent qu'ils veulent vivre libres ou mourir sousles drapeaux
delà République française. — Le lendemain on les dirigea
sur Marseille pour être présentés au commandant du dé-
partement des Bouches-du-Rhône.
(Archives de la Préfec. District de Grasse. Registre do Directoire. 1793.
XII. — DOCUMENTS SUR LES DERNIERS MARQUIS DE VENGE.
Notification de la mort du marquis de Vence à M. le
président Guérin (Vençois).
Paris, 11 septembre 1819.
€ Monsieur le maréchal de camp, comte de Vence, co-
lonel des hussards de la garde royale et Madame la com-
tesse de Vence, Monsieur le marquis et madame la mar-
quise de Bassompierre, Mademoiselle de Vence, Monsieur
Madame et Mademoiselle de Bassompierre, ont l'honneur
de vous faire part de la perte qu'ils viennent de faire dç
Monsieur Pierre-Paul-Ours-Hélion de Villeneuve,marquis
de Vence, pair de France, maréchal de camp et des armées
du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-
Louis, leur père, beau-père et aïeul décédé à Paris, le 9
septembre 1819, en son hôtel rue Belle-Chasse, n° 17 . >
Le marquis de Vence était le fils unique de Jean-
Alexandre-Romée de Villeneuve et de Angélique-Louise
de Larochefoucauld Seugère, et petit-fils d'Alexandre-
Gaspard de Villeneuve et de Madeleine-Sophie de Simiane
petite-fille de Madame de Sévigné.
11 était le vingt-cinquième seigneur de Vence.
I. Alexandre-Gaspard et Madeleine-Sophie de Simiane
eurent pour enfants :
Pauline, née en 1723, qui épousera Jérôme de Peyre,
comte de Chàteauneuf-les-Nice.
Julie née en 1726, mariée avec M. de Saint- Vincent,
en 1780.
Autre Pauline, mariée avec Joseph-Ours-Hélion de
Villeneuve, marquis de Flayosc.
*M NOIS ADDITI0X5ELLB8
w'ïeaiK^ci5e:ib--<'?-ésar-Aleiandre. né en 1728, qui suc-
c>'ôera ea 1774.
r. •^t'&iHJ :»se:»b-C'ésar-Alexandpe et Angélique-Louise
5r ii Ex-bfrfOTcaold eurent :
Pierrf-PauiHlmrs-Hêlion, qui succédera en 1780.
M?-^r riarjée à M. de Chaffault.
Al-exs^iririe-CLarlone-Adélaïde, à M. deBardonen-
C'hi: irZi 1773eî au marq<iis de Perrier en 1781.
Mâie-riiir-Ajrxandrine-Julie, à Joseph Guichard de
Vilie^euve, marquis de Tourrettes-Vence.
SC'T -Îiie-R asalie-lrène.
iz. Pirrre-Paul-Oursi-Hélion et Clémentine de Laage
riari'^ en 1T>&, eurent :
Clenjenî-Lctuis-HéJion, né en 1786, qui succédera en
1S19.
N. de Mlleceuve mariée avec le marquis de Bassom-
pieriv.
IV, Cieinent-L^uis^Helion et AymarenJulietted'Harcourt
ii'aiironi que des filles :
Anne-Mi^rie mariée avec le comte de Divonne.
An: 'ineiîe avec le cx^mie de Luçay.
P;v.:line :;vec le marquis dWndigné.
Le iernier mar îuis de Vence étant mort en 1834, sa
veuve :v:heTa,en 1S34. le château de Chalmaison (commune
d'Ever:y,Seiae-ei-Marne).oii elle mourut le 18 septembre
ISo^^. SL»n .hâTeau lui vendu par les héritiers en 1860.
XIII. — LETTRE Dr DERNIER M-\RQUIS DE \'ENCE
A M. LE PRÉSIDENT GUÊRIN, A VENCE.
• Harseille, IG décembre 1819.
< MONSIEIK,
€ Je c ^mpte terminer un voyage que je fais dans ce
moment-ci en Provence, en visitant comme voyageur le
vieux château de ma jeunesse. J'espère avoir le plaisir de
vous voir à \'ence et de vous y remercier de l'attache-
NOTES ADDITIONNELLES 445
ment que vous m'avez témoigné pour la mémoire de mon
père, lorsque j'ai eu le malheur de le perdre. Le chagrin
de sa perte, le besoin de m'en distraire, le désir de recon-
naître une province qui renferme tant de souvenirs inté-
ressants pour moi m'ont également engagé à faire un
voyage, avant Tépoque où les sujets de discussion de la
Chambre des Pairs deviendront assez intéressants pour
que mon premier devoir soit d'aller y joindre ma voix à
celle de tous les bons Français qui veulent franchement le
maintien du légitime et patei^nel gouvernement rendu à
notre pays par la Providence. Union de tous les honnêtes
gens, oubli de tous les torts, abandon sincère de toutes les
idées incompatibles avec le gouvernementconstitutionnel,
voilà mes principes, et je suis bien aise de vous les faire
connaître, afin que vous et tous les habitants de Vence
avec qui vous avpz occasion de vous entretenir de moi,
sachiez bien qu'après avoir passé les quinze premières
années de ma vie à gagner, dans les campagnes mémora-
bles de la France, le grade d'officier général, aujourd'hui
Pair de France, je sais plus que bien d'autres comprendre
toutes les nuances d'opinion, et désirer qu'elles s'effacent
ou au moins se fondent dans un môme sentiment d'amour
sincère de l'ordre et de repos, et par conséquent de la
légitimité et de la charité qui en sont la garantie. Faites-
moi connaître ainsi à Vence, où je ne serai que voyageur,
comme je viens de vous le dire, mais où je recevrai avec
plaisir les témoignages d'attaohement que quelques person-
nes ont gardé à une famille qui n'a dû y faire que du bien.
€ Recevez en particulier, Monsieur, l'assurance de ma
parfaite considération.
€ Hélion, marquis de Villeneuve. >
€ Nota. Je compte arriver, d'Antibes à Vence, le 20 ou
le 21 décembre. >
M. Quérin lui ayant répondu par une lettre très-flat-
44$ NOTES ADMTIOXXELLES
iense. en llnvitant à descendre chez Ini, le marquis de
\llleneavej écrivii d*Aniîbes, le 21 décembre :
< Moxsieciu
< J'ai trouvé, hier, en arrivant ici. la réponse obligeante
que voos m'avez faite et j'accepte sans Tiçon Toffre qu'elle
renferme, non q-ie je craigne le mauvais gîte que m'cAFri-
rait l'auberge, étant accoutumé au bivouac, sur la neige
par vingt-sept degrés de froid ; mais pour vous donner
une preuve de c3DJialité. En même temps, je vous certifie
que toute cérémonie, dont le résultat serait une gène pour
vous, ne pourrait que me contrarier vivement, et je vous
demande la plus petite chambre avec deux matelas par
terre, un pour moi et un pour le comte de Thorenc, adju-
dant-major de mon régiment qui est mon ami et qui
voyage avec moi. J'arriverai à Vence après-demain, entre
deux et trois heures.
< J'espère q le l'abbé B^lon aura reçu ma lettre, mais je
vous serai obligé de le faire prévenir, en outre, de mon
arrivé .
< Recevez, Monsieur, la nouvelle assurance, etc.
€ HÊUOX DK VlLLEXEC\'E. >
Cette belle famille de Vence part de Romée de Ville-
neuve, surnommé le Grand j flls de Giraud de Villeneuve
et d'Asturge. En voici la généalogie :
Raimond de Villeneuve (1116-1170).
Giraud de Villeneuve et Asturge (1 170-1204).
Romée de Villeneuve, tige des Seigneurs de Vence et
son frère Giraud des Arcs et de Ti'ans.
PEEUIÈEE BItàNCBE.
I. Romée de Villeneuve et Douce sa femme, 1204-1250.
II. Paul-Romée, fils aîné de Romée, marié avec Aycade
deCastellane, 1250-1307.
NOTES ADDITIONNELLES 447
in. Romée, le jeune, fils de Paul-Romée, 1307.
IV. Boniface de Castellane, second fils de Paul-Romée,
1307-1315.
V. Pierre-Romée, second fils de Romée le Grand,
1307.
VI. Bertrand d'Aigunes, fils de Pierre-Romée et D'A-
lasie d'Aigunes, 1315-1322.
VII. Truand de Villeneuve, fils de Bertrand d'Aigunes
et de Béatrix d'Esclapons, 1322-1327.
VIII. Romée III, fils de Truand et d'Aymare de Pier-
refeu, 1327-1338.
XI. Paul de Villeneuve II, second fils deBertrandd'Ai-
gunes et de Béatrix d'Esclapons, 1338-1356.
X. Français de Villeneuve , troisième fils de Ber-
trand d'Aigunes et de Béatrix d'Esclapons,
1356-1375.
XI. Giraud de Villeneuve, marié à Bourguette d'A-
gout, 1375-1408.
XII. François II, fils de Giraud et de Bouguette d'A-
gôut, 1408-1453.
XIII. Hugues, fils de François II et de Silette d'Agout,
1453-1488.
XIV. Raynaud et Nicolas; Raynaud fils de Hugues
et de Marie de Grimaldi ; Nicolas, fils de Hu-
gues et d'Alice de Brancas.
XV. Nicolas, seul, I492-I498.
XVI. Louis et Pierre, fils de Nicolas et de Marguerite
deForbin-Janson.
XVII. Pierre, seul, 1518-1528.
SECONDE BRANCHE.
I. Antoine de Villeneuve-Gréolières, arrière petit-
fils de Giraud de Villeneuve et de Bourguette
d'Agout et fils d'Antoine le Gros et d'Honoré
de Castellane, 1528-1558.
4tô !WTE3
II. Caade de Mlleneove. baron de Vence, fils d^An-
toine et de Françoise de Grasse, 1558-1502.
m. ScipioD de VilleneaTe. fils de Claude et de Fran-
çoise de Grimaldi, ladâ-1635.
IV. Gaspard de VilleneaTe. second fils deGaudeetde
Françoise de Grimaldi,
I. Claude de Villeneuve n, fils de de César et d'An-
nibal de Villeneuve et petit-fils de Claude de
Villeneuve et de Françoise de Grimaldi, 1657-
1667.
II. Alexandre, marquis de Vence, fils de Claude II et
de Catherine de Grasse, 1667-1699.
iii. François-Sexlius, fils d'Alexandre et de Margue-
rite de Brancas, 1699-1708.
IV. Alexandre - Gaspard , fils de François - Sextius et
de Jeannette de Millot de Courmettes, 1708-
1774.
V. Jean- Alexandre -Romée, fils d'Alexandre - Gas-
pard et de Magdeleine-SophiedeSimiane,1774-
1780.
VI. Pierre -Paul- Ours -Hélion, fils de Jean- Alexandre
Romée et de Angélique-Louis de la Roche-
foucauld-Seugère, 1780-1819.
VII. Clément-Louis-Hélion, fils de Pierre-Paul-Ours-
Hélion et de Clémentine de Laage, marié avec
Aymare Juliette d'Harcourt, 1819-1834.
Nota. — Cette généalogie corrige ce qa*il y a de défectueux dans celle
que nous avons donnée ailleurs.
XIV. — DISTRICTS DE GRASSE ET DE SAINT-PAUL
I. — DISTRICT DE GRASSE (10 CailtODS.)
1 . Canton : Grasse avec ses annexes.
2. — Antibes, commanes : Yallaaris et Biot.
NOTES ADDITIONNELLES 449
3. CaatOQ : Le Bar, commuaes I Caussols, Cipiéres, Gourdon et
Le Rouret.
4. — Cannes , communes : Le Cannet, Mandelieu, Pé-
gomas.
5. — Châteauneuf, communes : Gourmes, Opio, Valbonne.
6. — Mougins, communes: Aurîbeau,Mouans, La Roquette,
Sartoux, Le Tignet.
7. — Mujouls, communes : Collongues et Sallagriffon.
8. — Saint-Auban, communes : Aiglun, Amirat, Andon,
Briançonnet, Caille, Châteauvieux, Gars, le Mas,
Séranon, Valderoure.
9. — St-Vallier, communes : Cabris, Escragnolles, Saint-
Césaire.
10, — Vence, communes : Conségudes, les Ferres, Roques-
téron.
II. — DISTRICT DE SAINT-PAUL (5 CautonS.)
1. Canton : Saint-Paul, chef-lieu de district et de canton; com-
munes : La Colle et Roquefort.
2. — Le Broc, communes : Carres et Gattiôres.
3. — Cagnes, communes: Saint-Laurent et Villeneuve-
Loubet.
4. — Courségoules, communes : Bezaudun et Boujon.
5. — Tourrette- Vence, communes : Courmes, La Gaude,
Saint-Jean net.
DISTRICT DE NICE (en 1792 au moment de la conquête.)
1. Canton : Nice, chef-lieu de district et de canton, communes :
Villefranche, La Trinité, Saint- André, Eze.
2. — Aspremont, La Turbie et ses annexes.
3. — Contes, communes : Berre, ChÂteauneuf , Coaraze,
Drap.
4. — Escarône, communes : Lucéram.Peille, Peillon,Touêt.
5. — Levens, communes : Duranus, Roquette du Var,
Saint-Biaise, Saiut-M«rtin-du-Var.
6. — Roquebillière, communes: Belvédère, La Bollône,
Saint-Martin Lantosque, Venanson.
7. — Utelle, commune : Lantosque et ses annexes.
8. — Valdeblore, communes : Marie, Rimplas, Roure, Saint-
Sauveur.
29
450 NOTES ADDITIONNELLES
XV. — DÉPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES.
Aprôs la conquête déûaitîye, le département 8*étendit du Yar
à la Taggia.
(3 arrondissements y 29 cantons, 122 communes.)
ARROMDissEMENT DE NICE (13 cautons, 49 communos.)
1. Canton : Nice-Est.
2. — Nice-Ouest.
8. — Aspremont, communes : Dnranus, Falîcon, Levens,
La Roquette, Saint- André, Saint-Biaise, Tourrette.
4. — Briga, commune : Tende.
5. — Menton, communes : Sainte-Agnès, Castellar, Gor-
bio. Menton.
6. — Monaco, communes : Eze, Monaco, Roquebrune, La
Turbie.
7. — Roquebilliôre, communes: Belvédère, Bollône, Ro-
quebiliiôre, Saint-Martin-Lantosque, Venanson.
8. — Saint-Sauveur, communes : Marie, Rimplas, Roure,
Saint-Sauveur, Vaideblore.
9. — Saorge, communes : Breil, Saorge.
10. — Escarône, communes : Berre, Coaraze, Châteauneuf,
Drap, Contes, Lucéram, Peille, Peillon, Escarône,
Touêt.
11. — Sospel, communes: Moulinet, Sospel, Castillon.
12. — Utelle, communes : Lantosque, La Tour, Uteiie.
13. — Yillefranche, commune avec ses annexes : Beaulien,
Saint-Jean et Saint-Hospice.
ARRONDtSSEMEIîT DE PUGET-THÉNIERS (7 CautOUS, 40 COmmunCS.)
1. Canton : Beuil, communes: Beuil, Roubion, Uonse, Lieuche,
Pierlas, Rigaud.
2. — Gilette, Toudon, Tourrette. Bonson.
3. — Guillaumes, communes : Châteaiineuf-d'Entraunes,
Daluis, Entraunes, Guillaumes.Péone.Sause, Saint-
Martin-d'Entraunes. Villeneuve-dEntraunes.
4. — Puget-Théniers, communes : Auvare , La Croix,
Puget-Théniers, Puget-Rostang , Saint-Léger,
Touêt.
NOTES ADDITIONNELLES 451
5. Canton : Roquestéron, communes, Saint-Antonin, Ascros, La
Penne, Cuébris, Pierrefeu, Roquesteron, Sigales.
6. — Saint-Ëtienne, communes: Saint-Dalmas, Isola,
Saint-Etienne.
7. — Yillars, communes: Bairols, Clans, Malaussône,
Massouins, Tournefort, Thiéry, Yillars.
ARRONDISSEMENT DE SANRBMO (7 cantons, 33 communes.)
1. Canton : Sanremo , communes : Paraixo , Saint-Constant,
Palma, Piano, Sanremo.
2. «• Bordighiôre, communes : Borghetto, Sasso, Sabourg,
Yalbona, Saint-Biaggio (Saint-Biaise), Soldano,
Yalcrose, Bordighiôre.
3. — Dolceacqua, communes: Apri<mle, Boiardo, Isola-
Bona, Dolceacqua, Roquetta, Périnaldo.
4. — Pigna, communes : Castelfranco, Pigna, Colla.
5. — Paggio, communes : Badalmo, Bassano, Cerlana,
Montalto, Paggio, Taggia.
6. -^ Briora, commune.
7. — Yintimille, communes : Airole, Camporosso, Penna,
Yintimille (Les Lattes, Bévéra.)
En 1814, le Comté de Nice reprit ses anciennes divisions.
XVL— ORGANISATION DES PAROISSES DU DIOCÈSE DE NICE
EN 1803.
l•^ ARRONDISSEMENT.
I. MANDEMENT DE NICE (eST.)
Église paroissiale de Saint-Jacques (le Jésus) ; Succursales .
Saint-Martin, Sainte-Rosalie, Cimiès, Saint-Roch, l'Ariane, Saint-
Sauveur.
Église paroissiale de Saintc-Réparate (Ouest) ; Succursales :
Saint-Jean-Baptiste, Saint-Etienne, Saint-Pierre-d*Arône, Saint-
Barthélemj, la Madeleine, Sainte-Hélène, Saint-Roman.
II. MANDEMENT DE VILLEFKANCHE.
Église paroissiale de Villefranche ; Succursales: Beauliea, Saint*
Jean.
452 NOTES ADDITIONNELLES
III. MANDEMENT D*ASPREMONT.
Église paroissiale d'Aspremont; Succursales : Colomas, Saint-
Michel de Castagner, Falicon, Saint-André, Tourrette, Saint-Biaise,
Saint-Martin-du-Var, La Roquette-du-Var, Leyens, Duranus.
IV. MANDEMENT DE L'ESCAKÈNE.
Église paroissiale de TEscarône; Succursales: Peille, B^^^sasco,
Peillon, Drap, Bendegeun, Cantaron, Touét, Berra, Contes, la
Yernéa, Chateauneuf, Coaraze, Lucéram.
V. MANDEMENT d'UTELLE.
Église paroissiale d*Utelle; Succursales : Gros, Ciaudan. Reves-
ton, la Rivière, Figaret, La Tour, Roussillon, Lantosque, Saint-
Colomban.
VI. MANDEMENT DE ROQUEBILLIÈRE.
Église paroissiale de Roquebilliôre ; Succursales: Belvédère, la
Bollône, Marie, Yenanson, Saint-Martin-Lantosque.
VII. MANDEMENT DE SAINT-SAUVEUR.
Église paroissiale de Saint-Jacques de Valdeblore ; Succursales :
Saint-Dalmas du Plan, Rimplas, Saint-Sauveur, La Tour, Molières.
2' ARRONDISSEMENT.
I. MANDEMENT DE MONACO.
Église paroissiale de Monaco ; Succursales : Eze , la Trinité ,
Roquebrune, laTurbie.
II. MANDEMENT DE MENTON.
Église paroissiale de Menton ; Succursales: Saint-Roman, Cas-
tellar, Sainte-Agnès, Gorbie.
III. MANDEMENT DE SOSPEL.
Église paroissiale de Sospel : Succursales : Castillon, Breil, Mon-
linet.
IV. MANDEMENT DE PÉRINALDO.
Église paroissiale de Périnaldo : Succursales : Dolceacqae, la
Roquette, Isolabona, Apricale, Sabourg.
V. MANDEMENT DE PIONA.
Église paroissiale de Pigna ; Succursale : Buggio.
VI. MANDEMENT DE SAORGE.
Eglise paroissiale de Saorge ; Succursale : Fontan.
NOTES ADDITIONNELLES 453
VII. MANDEMENT DE BRIOA.
Eglise paroissiale de Briga; Succursales: Carlin, Spèga, Rialde,
Tende.
3« ARRONDISSEMENT.
I. MANDEMENT DE PHOET-THÉNIERS.
Eglise paroissiale de Puget-Théniers ; Succursales : Touêt-de-
Beuil, Puget-Rostan, la Croix, Auvare, saint-Léger.
II. MANDEMENT DE ROQUESTERON.
Eglise paroissiale de Roquesteron ; Succursales : Pierrefeu,
Cuébris, Saint-Antonin, Ascros, la Penne.
III. MANDEMENT DE GILETTB.
Eglise paroissiale de Gilette ; Succursales : Bonson, Revestj
Tourrette, Toudon.
IV. MANDEMENT DE VILLARS.
Eglise paroissiale de Villars ; Succursales : Malaussône, Mas-
soins, Tournefort, Thierry, Bairols, Clans.
V. MANDEMENT DE BEUIL. (bOOLIO.)
Eglise paroissiale de Beuil ; Succursales : Pierlas, lUonse,
Roubion, Lieuche, Rigaud.
VI. MANDEMENT DB GUILLAUMES.
Eglise paroissiale de Guillaumes ; Succursales : Yilletales,
Bouchaniôre, Barels, Saint-Brôs, Villeplane, Amen, Sausses,
Daluis, Péone, ChÂteauneuf-d*Ëntraunes, Villeneuve-d*Entraunes,
Terres, Enaux, saint -Martin-d^Entraunes, Entraunes, Asteng.
vu. MANDEMENT DE SAINT-ÉTIENNE .
Eglise paroissiale de saint-Etienne ; Succursales : Auron, Roja,
Douans, saint-Dalmas-le-Selvage, Bossiéjas, les Prats, Isola.
XVII. — EGLISES EN 1790 (1)
DANS LES DISTRICTS DE GRASSE ET DE SAINT-PAUL.
GRASSE.
Supprimer Magagnosc et Plascassier ; j établir une succursale
dans chacune. Conserver la paroisse du Plan.
(() Après avoir supprimé les éfèchés de Grasse et de Vence, rassemblée
nationale formera aussi une nouvelle circonscription des paroisses.
454 !(0rrE3 ADDITIONNELLES
Établir deux paroisses dans la TÎile, soivant la division faite pour
les jages de paix. Une de ces paroisses sera aax Cordeliers.
Un oratoire a la chapelle S. Pierre.
Conseryer Cabris ; sapprimer Peimenade, j établir une saccorsale.
— la saccorsale da Tignet.
— Saint-Césaire.
— Saint 'Vallier.
— La Roqnette, j rénnîr Pégomas^ où il continuera d*j
avoir une soccnrsale, j réunir anssi la chapelle rurale
de Mandelieo.
— Auribeau.
— > Cannes.
— Le Cannet.
— Mougins ; supprimer Mouans pour être réuni à Moogins;
établir une succursale à Mouans qui comprendra Sar-
toux.
La Chapelle rurale de Sartoux supprimée.
— Yallauris.
— Antibes. Un oratoire aux Cordeliers.
— Bîot.
— Yalbonne. Supprimer Opio, la réunir à Yalbonne, mais
en conservant à Opio une succursale.
— Châteauneuf . Conserver la succursale de Bergier. et cette
succursale fera le service du Rouret.
— Le Bar, y réunir Gourdon où il y aura une succursale.
— Yence, chapelle rurale à Mal vans.
— CipièreSfChapelle rurale à Caussols desservie par Cipiôres.
— Escragnolles ; supprimer une succursale.
— Séranon ; supprimer I9 Valderoure, y établir une suc-
curnale.
— les succursales do la Dore et de la Perrière. Supprimer
Châteauvieux ; la réunir à Séranon. Il y aura une suc-
cursale.
— Caille ; y réunir Andon qui sera supprimé. Il n'y aura
qu'une succursale.
— Les Mujouls. Supprimer Collongues, Sallagriffon et Ami-
rat, y établir une succursale des Chenans, dépendants
des Mujouls.
— Le Mas. Suprimer Aiglun, où ily aura une succursale
dépendante du Mas. Supprimer la succursale des Saus-
ses, où il y aura une chapelle rurale.
NOTES ADDITIONNELLES
455
Conserver Saint-Auban. Supprimer Briançonnet et Gars qui y se-
ront réunies et où ne restera qu'une succursale Con-
Herver la succursale des Lattes dans le territoire de
Saint-Auban.
— Conségudes. Supprimer Les Ferres et la Roquestéron
qui y seront réunies et où il y aura uqe succursale.
SAINT-PAUL.
Conserver Saint-Paul.
— La Colle, Roquefort et Tourrettes,
Supprimer Courmes, j établir une succursale réunie à Course-
goules.
Conserver La Gaude, Saint -Jeannet, Gagnes,
Supprimer Villeneuve, y érijçer une succursale; la réunir à Gagnes.
Un oratoire au Loubet.
Conserver Saint-Laurent, Le Broc.
Supprimer Garros ; y établir une succursale dépendante du Broc.
Conserver Gattiôres.
Supprimer Dosfraires ; y établir une succursale, réunie au Broc.
— Bezaudun ; y établir une succursale, réunie à Bouyon.
Conserver Coursegoules ; en y réunissant Gourmes.
— Gréoliôres-Basses ; supprimer Gréoliôres-Hautes, y lais-
ser un oratoire.
— Bouyon, en y réunissant Bezaudun.
XVIII. — CLOCHES DES ÉGLISES SUPPRIMÉES.
6 août 1790.
Grasse :
Jacobins. . ,
. . 4 choches
—
Cordeliers .
. . 3
—
—
Augustins . .
. . 3
—
—
Dominicains
. . 3
—
—
Séminaire .
. . 1
—
Lérins.
. . 2
Antibes
: Cordeliers. .
, . 3
_
—
Bernadines .
. 1
—
Vence :
Séminaire. .
. 1
—
Cannes :
Capucins . .
. 1
—
— (1120 quintaux).
(012 quintaux) .
(2,032 quintaux).
quintaux
6.431
St-Césaire: la Miséricorde 1 —
Restaient encore les cloches de la paroisse de Grasse . 7.800
— — des chapelles 1.600
— les quatre cloches d*Antibe8 (Paroisse) .... 1.750
456 NOTES ADDITIONNELLES
Restaient les autres cloches des communes du district de
Grasse 7.000
En 1790, le district enverra : Cloches 6.431
— Cuivre rouge 906
— Letton 2.308
Le sieur Bœuf voiturier portera le tout à Cannes et le capitaioe
Esprit-Houoré Serra les conduira à Marseille pour la fonderie, sur
sa tartane le Saint- Jean- Baptiste,
Les administrateurs de Marseille en accusèrent i-éception en
novembre 1791.
Le nombre des cloches était de 22 dems ce premier envoi.
XIX. — CONTRIBUTIONS PATRIOTIQUES EN 1790.
District de Grasse.
Grasse devra fournir .... 111.808 francs.
Antibes 16.417 >
Cabris et Mousteiret .... 2.408 »
Auribeau 895 »
Le Bar r . . . . 2.333 >
Biot 1.857 >
Cagnes 3.902 »
Cannes 9.730 >
Carros 2.711 »
Châteauneuf 1.002 >
Le Broc 1.857 »
La Gaude 1.461 »
Mougins 2.062 >
Saint-Césaire 1.7oS »
Saint-Jeannet 2.818 »
Saint-Laurent 2.596 »
Saint-Vallier 1.230 »
Sôranon 1.129 »
Saint-Paul 7.176 >
Vallauris 2.262 »
Vonco 21.780 >
XX. — ENVOI A LA MONNAIE DE MARSEILLE.
!•' avril 1794. — District de Grasse.
Grasse envoyait les bustes ( objets d*art) ou reliquaires de
5. Honoré^ do S.Aigulphe^ de Ste Ursule^ de S. Pierre. Deux pe-
NOTES ADDITIONNELLES 457
tites Vierges, huit calices avec leurs patènes, quatre ciboires,
galons d*or. glands un or, dix- huit croix, sceptres, deux bourdons
des chantres avec la masse capii&l&ire, dix-huit chandeliers en ar-
gent, croix d*autel, encensoirs, navettes, baisers de paix ou Agnui*
Dei. En tout six cent douze marcs d'argent. — Vence deux cent
trente-un. — Cannes centdouze.
On j joignit Targenterie des émigrés, ce qui fit 1,207 marcs.
Nous avons vu qu^Antibes s^était dépossédé de ses bustes véné-
rés de Notre-Dame de la Garde, de S. Sébastien et de S. Roch,
de sa grande croix de procession, toute en argent. Vence, des beaux
bustes de S. Véran ot de S, Lambert ; cinq calices et leurs patè-
nes, lampes, dix chandeliers en argent, statue de la Saite^-Vierçe,
bâtons des chantres tout en argent. -- Saint-Paul sauva tout.
Les envois de vases sacrés se continueront en 1793, 1794 et 1700.
Nous trouvons dans les archives de la préfecture, district de
Grasse :
Le Bar donne, 11 novembre 1794 : calice et croix de procession.
Le Cannet : ostensoir, ciboire, trois calices, bras d*argcnt.
Cannes : ostensoir, ciboire, trois calices, vases des saintes huiles.
Valbonne : quatre calices, bras en argent.
Mougins : cinq calices, etc., etc.
Valderoure : trois calices, etc., etc.
Châteauneuf-les-Grasses : deux calices, deux ostensoirs, deux
ciboires.
Vence, encore : trois calices, le bénitier, les saints huiles, etc.
Andon : deux calices, etc.
. Tout y paraît : Mouans, Mandelieu, EscragnoUes, Le Rouret, La
Roquette, Opio, Sartoux encore distincte de Mouans, Saint- Val-
lier. Cette nouvelle expédition d*argenterie à Marseille, s*élôvcra à
deux cent vingt marcs.
Nota. — A la fin de la vie de saint Lambert, manuscrit sur par-
chemin de quatre feuillets du xii* siècle, se trouve la note suivante :
t Fidem facio et tester quod ad majorem Omnipotentis Dei glo-
riam, die décima decembris 1793, extraxi saoras reliquias SS. Ve-
rani et Lamberti positas in tecca argentea et reverenter collocavi
in arca lignea deaurata presentibus Paulo Pons, presbilero, et
Petro Geoffroy in quorum fidem manu nostra signavimus.
« Vincii 10 décembre 1793.
f Paulus Pons P*«'.
« J. Geofttioy.
t Petrus Abon P**'et Prœccntor bujus ecclesiae.»
458 NOTES ADDITIONNELLES
XXI. — PRÊTRES ASSERMENTÉS (1791)
En janvier 1791 avaient prêté le serment constitutionnel ; les
curés de Saint-Paul, Boujon, Bezaudun, le Broc, Garros, Gourmes,
Gourségoules, Dosfraires, Gréoliôres-Hautes, La Gaude, Roquefort,
Saint-Jeannet, Saint-Laurent, Tourrette, Villeneuve.
Il y aura à La GoUe trois Raybaud, prêtres assermentés.
Vence : le curé Vial (H.)» ^^^ abbés Abbon, Pons, Auzias, etc.
Grasse : les curés Boniface Mougins de Roquefort, et Joseph
Gasq, Louis-Joseph Bayon. prieur; Jean Maubert, directeur du
collège ; les régents du collège : Joseph Fournier, Maurice Roque-
maure; les vicaires Et. Jsnard, Joseph Pins; le chantre Jacques
Robert; le vicaire J.-B.-Ant. Ricaud.
Antibes : MM. Barquier, curé , vicaires Ardîsson, Guisolphe,
Jaubert et Merle.
Cannes : le curé Jean-Pierre, les vicaires Donat Preire, Et.
Rioufie, Antoine Pascal, Joseph Martin, le curé des Iles Mai^ue-
rite. Honoré Jean.
Mougins : le curé, Allègre; vicaires, A.-J. Castellî, J.-A.OUivier.
Auribeau : le curé, Gésar Vidal.
Aiglun : J.-B. Barlet, curé.
Amirat : J.-J. Bonéty, curé.
Le Bar : le curé Henri-Henri, le vicaire, Antoine Arnaud.
Biot : le curé DoUe, le vicaire Gimbert.
Bergiés : Jacques Euzière.
Briançonnet : le curé J.-B. Paul, le vicaire, J.-B. Gras.
Gabris : le curé, Alexandre Raybaud ; vicaire J.-B. Jausseraa à
Peiménades.
Gaille : le curé, Amie.
Le Gannet : le curé, Henri Toussan.
GoUongues ; J.-P. Niel.
Gipières : le curé, Flory ; le vicaire. D. Flory.
Escragnolles : le curé, H. De Gaitte.
Les Ferres . le curé, Audoly.
Gourdon : le curé, H. Brunias.
Gars : le curé, H. Durand.
Mouans : P. Bonnet.
Le Mas : L. Bernai d, curé.
Mujouls : Alexandre Dedoue, curé.
Pégomas : L. Baussy, vicaire.
NOTES ADDITIONNELLES 459
La Roquette : H. Mercurin.
•
Roquestéron : Joseph Audolj, curé.
Saint-Auban : le curé, Alexandre Bœuf.
Saint-Césaire : le curé, H. Cresp.
Saint-Vallier : le curé, F. Darluc ; vicaire, J.-F.Peuverel.
Salagriffon : le cure, Esprit Clari.
Séranon : le curé, Bérard ; vicaires, A. Beliissime et V. Yigan.
Le Tignet : Claude Trabaud.
Valderoure : le curé, Antoine Rainard.
Valbonne : le curé, J.-B. Raybaud ; vicaire, J. Fioup.
Yallauris : le curé, H. Bastien Pugnaire; vicaire Antoine Arnaud.
N'avaient pas prêté serment et résidaient encore en France :
(Nous ne parlerons pas ici des prêtres émigrés.)
Grasse : Joseph Cavalier, prieur de N.-D. de Valcluse, F.
Imbert, aumônier de Thospice de la Charité ; L. F. Muret, aumô-
nier des Visitandines ; H. Niel, aumônier de Thospice S. Jacques
et Ant. Achard,2^ aumônier ; les cathéchistes, Ant. Comte, L. Cresp,
H. Pajan, J.-B. Vial et Allavône.
Vence : J.-Ant. Archier, curé.
Aûdon : le curré Charrier.
Cabris : le vie. Isnard.
Châteanneuf: les vie. P. D. Trabaud et J.-H. Maubert, prêtent
serment avec restriction.
Opio : le curé J. Ollivier avec restriétion.
Magagnosc: M. Chéry, avec restriction.
Plascassier : J.-M. Pilard, avec restriction.
Saint-Auban : A. Glurd, curé et J. -Honoré Bœuf, vie, avec
restriction.
Plusieurs reviennent à récépiscence, tel que le curé Archier de
Vence etc, etc.
Les curés de Cagnes et de Gattiêres prêtent le serment sous
réserve, jusqu'à ce que le Souverain Pontife se soit prononcé.
L'abbé Isnard, secondaire de Cagnes, non assermenté, sera arrêté
à Saint-Jeannet et emprisonné à Saint-Paul, pour avoir voulu
émigrer sans passe-port.
Les curés de Caussols, Clcrmont, Mandeliou,Sartoux, LeRouret
n'ont pas prêté le serment (23 mars 170L)
1793. — Nous trouvons une nouvelle liste des prêtres asser-
mentés dans les registres du district do Saint- Paul.
Ont prêté serment : le curé de Bezaudun, Talladojre ; Le Broc,
Mallet et Féraud ; Bouyou, Erigius Michélj ; Cagnes, Giraudj ;
460
NOTES ADDITIONNELLES
Garros, Flory et Blanc ; Coursegoules, Laugier et Isnard ; Dos-
fraireSi Audoli ; Gourmes, Lautier ; La Gaude, Audibert et Blacas;
Grôoliôres-Basses, Ravel ; Gréolières-Hautes, Ravel ; Gattières,
Gugj et Romain ; Roquefort, Ghérj ; Saint-Jeannet, Olivier et
Faucachon ; Saint-Laurent, Rostan ; Tourrette, Audibert etBelon;
Villeneuve, Trastour.
(Registres des districts de Grasse et de Saint-Paul. Arch. de la Préfecture.)
XXII. — GARDE NATIONALE.
1793. — Réquisition d*un dixième des gardes nationaux du dis-
trict do Grasse, pour se rendre avec armes et bagages à Antibes,
1h 20 juin. Ce contingent est de 520 hommes.
Grasse I.IGO hommes fournit 114 hommes.
V41C»OOV7« • • •
Antibes . . . .
693
Amirat . . . .
34
Auribeau. . . ,
58
Andon
30
Aiglun
67
Le Bar . . . .
234
Biot
71
Briançonnet . .
80
Gabris
424
Gannes . . . .
345
Le Gannet . . .
160
Gaille
36
Ghateauneuf . .
25
GoUongues. . .
27
Gipiôres . . . .
188
Gonségudes. . .
36
Escragnolles . .
48
Les Ferres. . .
82
Gars
74
Gourdon. . . .
59
Le Mas . . . .
79
Mouans . . .
51
Mougins. . . .
184
Les Mujouls . .
50
La Roquette .
61
Pégomas . . .
81
Opio
88
34
»
2
»
6
»
3
»
7
»
23
»
4
>
8
»
42
»
34
>
16
»
3
»
2
»
1
»
18
>
2
»
4
>
8
»
7
»
5
>
7
»
5
»
18
»
5
»
6
»
6
>
8
»
NOTES ADDITIONNELLES 461
Saint-CéFaire. .
97 hommes fournit
10
hommes
Saint-Auban .
88
—
8
»
Saint-Vallier. .
156
—
15
»
Sallagriffbn . .
39
—
2
»
Sartoux . . . ,
36
—
4
>
Sér.'iDOQ . . . .
70
—
7
»
Le Rouret . . .
22
—
2
»
La RoquesteroD
30
—
3
>
Le Tignet . . .
41
—
4
»
Yalbonne . .
249
—
22
>
Vallauris . . .
362
—
28
>
Vence ....
562
—
28
»
Valderoure . .
65
—
ft
>
(Archives de la Préfecture. — Correspondances. — District de Grasse,
de 1793).
XXIII. — MAXIMUM DU PRIX DES VIVRES ET DENRÉES (GRASSE.)
9 octobre 1793.
Francs. SoU. Deniers.
Tabac en carotte, poids d*étable 16 8
— à fumer 8 4
— sel (la livre) 1 8
Bois à brûler, le cent pesant 18 6
Charbon de bois, le cent 33 >
Savon, la livre 1 10 >
Mouton, la livre 9 »
Bœuf, menon^ brebis 8 >
Chèvre 7 t
Veau 12 t
Agneau et chevreau 12 >
Cochon frais 9 >
Viande salée 12 >
Lard 16 t
Saucisse et boudin 11 »
Jambon cuit 18 t
Saucisson 2» t
Florentine 18 »
Langues fourrées It >
Poisson d*uno livre 18 »
— 1/2 livre à 1 livre 12 >
-— au-dessous '. . 7 >
462 NOTES ADDITIONNELLES
Francs. Sois. Denieit.
Morue et merluche 9
Ton mariné 16
Harengs salés, la pièce 2
Beurre, la livre 1 •
Fromage du district 10
Fromage étranger 16
Sucre en pain 1 4
— rapô 1 •
Cassonnade 1*** qualité 18
— 2'» qualité 16
— 3« qualité 14
— 40 qualité 12
Miel 8
Huile d'olive, fine 16
— à brûler 12
— de lin 13
— de noix et de poisson 1 •
Vin du district, le pot à la Saint- Michel
à Pâques 7
— après Pâques 9
Raisin, le quintal 7 t
Eau-de-vie, la livre 6
Vinaigre, le pot ! . 5
Bierre, bouteille noire. 12
Mouton, la pièce 18 t
Bœuf de 500 pesant 250 »
Menon 16 •
Brebis et chèvre 12 •
Cochon de six mois 20 t
Peau de bœuf, le quintal 80 t
— de menon et de chèvre, la pièce .... 6 t
— de mouton 2 15
Cuir de bœuf en poil, le cent 190 •
Cuir vert lavé, le quintal 150 t
— en détail, la livre 2 t
Fesses de cuir vert 1 »
— de cuir rouge . . . 1 12
Ventre lise 1 16
Ventre lavé, noir et blanc 2 12
Ventre accouplé 2 »
Souliers d'hommes & deux semelles 8 »
NOTES ADDITIONNELLES 463
Francs. Sols. Deniers.
Souliers ferrés & deux semelles 9 »
— d'hommes à une semelle 6 t
— ferrés à une semelle 7 »
— de femme à une semelle 4 10
— d'enfant de six à douze ans 3 >
— d'enfant au-dessous 2 >
Papier, grande-cloche, la rame 8 t
— petite cloche 5 10
— bâtard 12 >
— à lettre, (grand) 10 •
— raisin 10 t
— à lettre, (petit) 7 10
Graisse, le quintal 60 »
Suif, la livre ' 1 4
Chandelle, la livre 16
Mirte en feuille, la charge 17
Fer en barre, le quintal 36 •
— en fonte 30 •
Plomb, la livre 10
Cuivre 1 16
Acier 1 10
Céruse 13
Chanvre écru, la livre 13
— peigné 1 10
Lin, brut 10
— peigné 1 05
Laine de boucherie, (district) le quintal . « 80 t
— de montagne 60 »
— de matelas (étrangère) 136 •
— d*agneau 89 •
Cambouche commun, la livre 8
— en couleur 10
Sedan de 4 1/2 le pan 8 13
Louviers de 4 1/3 9 7
Elbeuf laine 6 i
F.lbeuf ordinaire 4 13
Drap fin, rayé, Silésie. 3 7
— naturel de Louviers 6 13
— de montagne 3 7
— de collon à poil. •••• 1 4
Serge d*Orange 19
464 NOTES ADDITIONNELLES
Francs. Sois. Denien.
Serge Saint-Flour 8
Caliaouk, commun 1 4
— fin 1 16
— refin 2 13
Drap Caliaouk 38
— Sagalis 10
Étoffe de laine (district) 1 »
Burate (district) 12
— de montagne 1 >
— surfine de ménage 1 4
Drap de Silôsie 1 12
— de Pépol 1 »
Écarlate et bleu 1 1(5
— Montauban 1 4
— fin de Vienne, 5 pans de large 3 3
— — 6 pans de large 4 »
— Sainte-Afrique 1 t
Camelot, poil 2 13
— demi-soie 1 9
— laine 1 »
MoUetton de Saumiôres 1 »
— plus fin 17
— Rouen-lys 1 12
— — croisé 2 »
Segovie lissé 1 1
— couleur fine 2 9
— croisé 1 7
— couleur refine 2 »
Satin, Ljon 1 12
— fin 2 »
— plus fin 2 8
— surfin sur soie 2 13
Serge d'Agen et de Rouen 14
— fine 1 12
— surfine 2 3
Étamine 1 12
— fine 2 » >
Voile fin 28 >
Flanelle lissée 1 12 >
— croisée 2» •
Cazimir 4» >
NOTES ADDITIONNELLES 465
Francs. Sols. Déniera
Tricot en laine 34
Velours, coton de Rouen 4 »
Quimordo 2 12
D'Ancien plein 2 »
Étamine de Reims 1 15
— du Mans 1 17
— surfine 2 13
Drap de coton mi -croisé 1 9
Burate en couleur 11
Sicilienne 16
Toile de coton, futaine blanche 16
— fine 1 4
— surfine 1 12
Toile de coton en couleur 1 »
— peinte 11
— fine 1 4
— surfine 2 t
Coton, fabrique du pajs, le pan 1 »
Toile grise, ordinaire 1 12
— fine 15
— blanche, ordinaire 16
— fine 11
— surfine 1 12
— de Paris »
— d'Auxonne 16
Souliers de toile, simples, pour hommes ... 2 15
— pour femmes ... 2 10
Rebattat commua 7
- fin . • ". 12
Calezarde 13
— fine 19
Échevaux, fil de quarante-huit tours 2 6
— trente tours 2 »
Écorce de chôae-vert, le quintal rendu & Grasse 2 14 »
Chapeaux pour enfants de~ huit à dix ans, fa-
brique de Claviers 5t »
Chapeaux pour enfants de six ans 3 » >
«^ petits enfants (fabrique du pajs) ..25 >
— pour hommes 3» t
— en laine de Marseille, brodés pour
hommes 5Ô »
466 NOTES ADDITIONNELLES
Francs. Sols. Déniais.
Chapeaux pour hommes, dits Agnelis .... 810
— — Perse 9 15
— — Mélangé .... 11 »
— — Demi-Castor . . 17 10
— — — surûn 22 »
Nota.— Nous avous conserré Torthographe.
MAXIMUM DES VIVRES ET DENRÉES COLONIALES
A VENCE
Fr. Sols Deniers
2 6 la livre et le panai
» le panai
Fr. Cent
. 4 >
. 4 50
t t
. 4 »
. 3 50
1 5 >
Figues communes . . . •
» l'* qualité . . . t 3 6
Lentilles > 2 6
Pois pointus » 3 t > >
Fèves >>> > »
Haricots > 3 5 > »
Pommes l'* qualité . . > 1 6
» 2* qualité ..il
Châtaignes cuites ...» 3
Raves » 1
Oignons » 1
Raisins t 5
Gruyère 1 •
Poivre t 5
Pain s 3
Blé 4 5
Pieds de mouton ... 1 »
» de bœuf .... t 12
Langues de bœuf. . . » 12
Ch&taignes l'"* qualité. 4 10
» 2« qualité. 3 »
Glands » 18
Noix 2 5
Œufs, la douzaine . . » 18
^OTA. — On trouvera le maximum des denrées pour Nice, dans VHUlaire
de Nice, par M. Toselii.
le panai.
le panai.
NOTES ADDITIONNELLES
467
XXIV. — EMIGRES DE GRASSE.
1791. — L'évoque, les abbés More, Bruéry, Cavalier, Martellj,
Guize, Aubert, Chérj, Pajaa, Chevalier, Pontevôs, Comte, Jour-
dan, Bernard, Bonafous, Bérenger, Cresp, Joubert, Mercurin.
1793. ^ MM. les avocats Bartel, Alziarj, Gaitte, Marcj, Lam-
bert et Benoit Autran, notaire.
Les seigneurs Albert Durand-Sartonx, Albert Théas, Lombard
de Gourdon, de Montgrand, Geoffroy du Rouret, capitaine de vais-
•ean, Fautrié, artilleur.
ÉMIGRÉS DE GRASSE
6 norembre 1798.
Achard, prêtre.
Alziary, Ange.
Augier J.-J.
Bartel.
Beaumont.
Belissime.
Bertrand.
Bruéry.
Calvi.
Crouét.
Cresp.
Durand-Sartoux.
Fan ton.
Geoffroy.
Gui/ol, Albert.
Imbert.
Lambert, Elzéar.
Lemore.
Levens.
Luce Gasparl.
Marcy.
Maubert.
Mercurin.
Mougins, Jean-Baptiste.
Mouton.
Payan.
Pilar, Michel.
Pontevôs.
Paulin, René.
Prunière.
Roberti.
Roberti, veuve Blacai.
Sicard.
Théas.
Trabaud.
DÉTENUS MIS EN LIBERTÉ
il noTcmbre 1794.
Alaman, P.-Clande, détenu & Trans.
Audibert Franç3is, de Caille, détenu à Draguignan.
Baudoin, El., détenu à Draguignan.
46S NOTES ADDinOXXELIJBS
Brun. Antoiae. détena à Dra^ui^nan.
Brrin, Joseph et sa femme, d:f-teniis à Dragaignan.
Brun, Françiz.-s, déteaa à Loi^es.
Blan*?. Jx^i-jes^ id. id.
Blanc. Jean- E.. id. id.
Ba3m:^n;. Paaliae dêienae à Lorgnes.
Chiris, J.-Esp.^ de FaTence. déteaa à SeîUans.
Caralier. P.-L.. déteaa à Dragaîgnan.
Chaaret. F.-César. détena à Dragaignan.
Descales, Anne, id. id.
Flotte. Anioiae. id. id.
Geoffpov. M. -Th., id. id.
Geoifrov, Louis, id. id.
Giraud. Félioie, 14 ans, détenae à Draguignan.
GauQ. avocat et femme SaissT, Melchi or, détenus à Draguignan.
Girard, P.. lo ans, dêtena à Draguignan.
Gens, £., id. id.
Hermine, Ch., id. id.
Héraut, F.-D., id. id.
Latii, Teuve Rajmondis, détenue à Draguignan.
Lautîer, Jacques, detena à Draguignan .
Lombard. Ch.. détenu à Dragaignan.
Lemore. déteaa à Lorgnes.
Michel, Marie, femme Geoffror, détenu à Draguignan.
Perrache, veuve, détenue à Draguignan.
RavmonJis. Claude, id. id.
RavmoaJis, Mar^uet. détenu à Draeui^nan.
La Roquette, Marguet, id. id.
Raphel, id. id.
Suffren, P.-Xavier. id. id.
Théas. Ch.-F., id. id.
Théas, J. -Paul-Louis, id. id.
EMIGRES DU DISTRICT DE GRASSE
de 1793 à 1795.
Grasse : .\lbert d'Aix et la dame Théas son épouse (Cailles) ;
Albanellv, Frans^is, prêtre (Saint- Vallier) ; Alziarj, Ange, avocat
(Saint- Vallier] : Buéri, prêtre; Bartel, prêtre; Chevalier, prêtre;
Comte, prêtre ; Chéri, prêtre: Chéri, Raphaël, curé de Magagnosc ;
Etienne-François Pruniére, ex-évôque ; Fanton, ofSicier d'artillerie;
NOTES ADDITIONNELLES
469
ilaitte, Jean- Joseph, homme de loi ; Geoffroy, Jean-Louis, capi-
taine de vaisseau (Le Rouret); Guisol, Jean, prôtre; Jaury, prêtre;
Imbert, François, prôtre ; Jourdan, prôtre; Lombard, Jean-Paul ;
Marcy, Honoré, homme de loi (Opio) ; Méro, prôtre ; Pontevez,
prôtre; Pagan, prôtre; Pilard, Joseph, curé de Placassier; Ro-
berti, Antoine-Joseph, âls d*Alexandre,lieutenant-colonel ; Robert,
dit Moissac, ancien militaire ; Sicard, François, menuisier; Rai-
mondi. Octave, fils de François.
Antibes : Barquier, Alexandre, commissaire des guerres ; Cu-
gnac, Emmanuel, ancien commandant d*Antibes (Séranon) ; Cimon,
Louis-Théodore, ancien conseiller d*Aix (Biot) ; Merle, Joseph,
prôtre ; Joubert, Antoine, prôtre ; Raybaud, Pierre, prôtre.
Amirat: Paulin-Rôné-Alphonse, major; S. Ferréol, de Mar-
seille ; Féraud, Raynard.
Andon : Charrier, curé (Caille),
Le Bar : Cavalier, prôtre.
Briançonnet : Grasse-Briançon, capitaine de vaisseau.
Chateauneuf : Carlaven, Claude-Trophime, prôtre,
Gars : Flotte Saint-Antonin ; Théas Saint-Antonin.
Les Mujouls : Grimaldi, Sauveur-Pascal ; Villeneuve, âls, hé-
ritier d'Antoine-François ; Douce, Alexandre, curé.
Opio : Chauve, Mathieu, curé.
Salagriffon : Rasque, Jean-François.
Vence : Aubin; Bouyon , Marcellin ; Bouyon , Marguerite;
Cayron, Marie ; Féraudy, directeur au séminaire; Fanton, fils ;
Icard, Louis, organiste de la cathédrale ; Gandolfe, frères, prêtres;
Méro, prôtre ; Pisani, ex-évôque de Vence ; Varrache, ex-chanoine
de Vence; Villeneuve, Pierre-Paul-Hélion ; Suche, Claire,
Nice comptait de 4,000 h 5,000 émigrés.
Les registres concernant les biens des émigrés forment une cen-
taine de volumes in-folio, dans les archives de la Préfecture des
Alpes-Maritimes .
XXV. — POPULATION DU DISTRICT DE GRASSE.
1794.
1794
1878
1791
1878
Grasse . . . 11.604
Le Mas . . .
467
Antibes . . . 4.133
5.134
Mouans . . .
438
é
Cannes et lies 2.626
3.621
Mujouls . . .
256
Aiglan ... 240
Mougins. . .
1.330
1.506
470
NOTES ADDITIONNELLES
m\
Andon. • • .
122
Auribeau. • .
554
Amiral . . .
121
Le Bar . . .
1.206
Biot
1.000
Briançonnet .
496
Caille ....
160
CaussoU. . .
19
ChÂteauaeuf .
1.0G2
Cipiôres . • .
986
CoUoDgues. .
163
Conségudes .
252
Cabris. . . .
1.800
LeCannet . .
1 189
Clermont. . .
31
Escragnolles .
346
Les Ferres . .
292
Oars ....
240
Ooardon. . .
280
1878
1.093
Mandeliea . •
La Napoule .
Pégomas. . .
Opio
Le Houret . •
Roquesteron .
La Hoquette .
Saint-Auban •
Saint-Césaire.
Saint-Val'ier.
Sallagriffon .
Sartoux .
Séranon .
Le Tignet
Yalbonne
Vallauris
Yalderoure
VeDce. .
MALES
Un an & dix-sept 575
Dix-huit ans à vingt-six 244
Yint-six ans & soixante 481
Soixante ans et au-dessus 140
1.272
17U 1978
00
453
368
80
166
209
607
1.099
538
160
90
338
151
060
1,479
350
2.732
1.576
FEMELLES
431
180
521
160
1.440
1.292
1.440
2.732
XXVI. — ETAT DESASTREUX DES PAYS DE LA VALLEE
DE LA VÉSUBIE
ArcbiTes de la commune de Belvédère, 1794 à 1796.
c Nous ressemblons, dit le rapport, à un malade épuisé par de
fréquentes saignées. » (10 ventôse an 4). Saint-Martin-Lantosque
a en trois cents bastides brûlées, les combats du Raoûs et de TAu -
ihion ont promené le fer et la flamme dans tout le territoire de la
BoUène, Belvédère, place de défense respectable, offre le spectacle
NOTES ADDITIONNELLES 471
le plus lamentable. Ses granges ont été brûlées, ses vacheries et
ses bergeries saccagées, ses maisons pillées. Venanson est ruinée.
Saint-Mastin-Lantosque réclame 879,889 frênes.
LaBollône — 848,985 —
Belvédère — 339,488 —
Venanson — 110,435 —
Le canton de Roquebilliore a perdu 3,000 moutons, 1,500 va-
ches, 300 bœufs, 100 mulets, 300 porcs.
Le 25 janvier 1794, la République émettait son décret d*un em-
prunt forcé et progressif.
Avec 1,000 fr. de rente on devait donner àTÉtat 100 francs.
— 1.500 - — 200 —
— 2,000 — — 300 —
— 3,000 — — 600 —
— 4,000 — — 1,000 —
— 5,000 — — 1,500 —
— 6,000 — — 2,000 —
-. 7,000 — — 2,800 -
— 8,000 — — 3,000 —
— 9,000 — — 4,500 —
An delà de 9,000 la taxe était la totalité de Texcédant de 4,500 fr.
10,000 fr. étaient taxés 5,500 fr.
XXVII. — PAPIER DE CONFIANCE.
1791. — Grasse met en circulation un papier de confiance (24
août). On en fait pour 4,000 fr., 3 sous^ iO sous,2ô sous, qui n'au-
ront cours que dans la commune.
XXVIII. — OCTROI D'aNTIBES. — DROITS PERÇUS.
Lorsqu'on 1804, Antibes établit ses droits d*octroi, elle observe
que pour sa population évaluée à 5,500 habitants, on consomme par
an, bœufs 200; veaux, 25 ; moutons, 400; porcs, 200. Il entre dans
la ville 200 charges de vin étranger; 600 quintaux de poisson ; 30
quintaux de viande salée.
Chaque bœuf et chaque vache paiera dix fr. par tête ; chaque veau
3 fr. ; mouton et chèvre. 90 cent.; agneau 30 cent.; cochon, 3 fr.50;
▼in, la charge de 200 litres, 4 fr. ; poisson, le quintal, 2fr. 50,
viande salée, 2 fr. 50.
472 NOTES ADDITIONNELLES
(Archives d'Antibes. — Registre des délibérations. — An IX, an
X, an XI)
On augmentera ces droits en 1808, ce qui donnera une recette de
18,513 fr.
Remarquons qu*on ne mangeait pas autant de viande qu*aujour-
d'hui.
XXIX. — CHEVALIERS DE MALTE INTERNÉS A ANTIBES
EN 1798. (1)
Les chevaliers de Malte qui s'étaient rendus k Bonaparte, mar-
chant vers l'Egypte, furent internés à Antibes. Il y en a une qua-
rantaine : Anne Charles Bailly-Fresnay, P. René du Pin Laguéri-
viôre , C. L. Lachastre, F. H. Cornet, F. Guillaumanche, F.
Chassegnay, I. J. Tigné, F. Grimaudet, Roche-Bouel, J. B. Bouet
ou Buet, CF. d'Andignô, J. B. Lavarde, E. Jacquesson, J. L.
Enard Jaquet, L. M. Ant. Grimaldi, P. L. Bort, Ch. Laureston,
A. Lapanouze, M. A. E. Saint-Exepêre, F. H. Morel, L. A. d'An-
say, C. L. Bude Guébriant, L. P. C. G. Lebôgue, I. et Ch. Lapa-
nouze, L. Lyvône, C. Gombervelle, R. J. Dupeyron, C. Mérigny,
A. L. Malard, J. F. M. Saint-Félix, P. R. du Pin, M. F. Mondion,
J. B. Latreille, Livade, C. D. Boyer, C. Duchâtel, L. H. M. Cau-
lincourt, Ch. Gueiche, l. L. Douhet, M. Folin, N. F. Boyer. Le
chevalier Caulincourt détenu dans le château par le grand-maître
depuis le 2 février 1791 n'a pu rentrer en France. Il déclare fixer
sa résidence à Antibes.
XXX. — STATISTIQUE DU DÉPARTEMENT
DES ALPES-MARITIMES EN 1814
par le sieur Gappeli.b, Secrétaire général de la Préfecture.
1® Au lieu de cinquante familles étrangères, il en compte deux
mille pour la saison d'hiver 1813-1814. Il célèbre les qualités ai-
mables du baron do Hank, chambellan du prince de Saxe, la science
de Sulzer, médecin du prince, la charité inépuisable des étrangers
pour les pauvres de Nice et en particulier des bienfaits multipliés
du prince Frédéric de Saxe Gotha. « Il a plus donné qu'il n*a dé-
pensé pour lui même. »
(1) Archives de la commune d*Antibes.
NOTES ADDITIONNELLES 473
2^ Il donne la statistique suivante dont nous extrayons certaines
parties de 1799 à 1806 :
Les filatures de soie ont rapporté 10,000 rups de cocons, dont 180
quintaux de soie grègo au prix de 1,400 francs le quintal.
70 quintaux de soie fagottière au prix de 900 francs le quintal.
L'eau de fleur d*oranger fr. 48.000
— de rose 2.400
Pommade 24.000
Fleurs d'oranger (salées en tonne), 30 francs le quintal. . 9.000
Huile volatille de fleurs d*oranger à 72 francs la livre . . 96.000
Huile d'aspic à 100 francs l'estagnon 1.000
Huile de lavande ù 160 francs Testagnon 480
Huile de thjm à 220 francs Tes tagnon 440
Tanneries : 280 douzaines de peaux de mouton habillées
en vert & 30 francs
— 60 douzaines de peaux de mouton habillées en
rouge à 30 francs
— 360 douzaines de peaux de chèvre et mouton
en maroquin à 50 francs
— 2,500 quintaux de peau de veau ou de vache
en empeigne à 100 francs
Le produit des tanneries de 1799 à 1806 a été de 275,000 francs.
Il y a des tanneries à Puget-Théniers, à Sospel, à Breil.
Deux chamoiseries : Saint Dalmas-le-Selvage et Villeneuve-
d*Entraunes.
Une filature de couvertures de laine à Saint-Étienne.
Trois fabriques de chapeaux à Puget-Théniers (3« qualité).
Une fabrique — à Saint-fttienne id.
Les mines de Tende ont rapporté 31,000 francs de 1799 à 1806.
Les fabriques de papeterie, de verrerie, d'indiennes, de toile, de
coton, de rubans filoselle ont été abandonnées depuis 1793.
Il j a douze martinets, deux cent quarante fours & chaux et à
plÂtre.
474 NOTES ADDITIONNELLES
XXXI. — LOGE MAÇONNIQUE DE GRASSE
sous le titre de : La Nouvelle Amitié.
A LA GLOIRE DU G.'. A.*. (L.\ N.'.A.'.) DE l'uNIVEHS.
au nom et sous les auspices du S.*. G.*. M.*.
TABLEAU
des Frères qui composent leR: L'^ S^r, Jean, sous le titre
de: La Nouvelle Amitié à tOr.\ de Grosse en Provence,
tracé le 27"« jour du S"» mois de l'aa la V.". L.\ 5785,
époque de rinstallation des nouveaux officiers.
OFFICIERS.
Noms, qualités civiles, offices et qualités maçonniques.
F.'. Gérard, avocat au parlement, Vénérable, chevalier de l'Ordre.
F.*. Boulaj, cadet, négociant, premier surveillant, chevalier de
rOrdre.
F.\ de Lombard, marquis de Gonrdon et Montauroux,cap. au rég.
Roj.-Lorraine, cavalerie, second surveillant. Élu.
E/. Gazan. avocat au Parlem., subdélégué de l'Intend., ex- Vénéra-
ble, membre de la T.*. R.*. Grand L cz: prov. de Provence ; chev.
de rOrdre.
F.'. Isnard,avoc. au Pari. Orateur confirmé, associé libre de la
R.'. L z=^ de r Amitié h 1*0. d*Aix et de celle des Amis réunis de
rOr. du régiment de la marine, infanterie, chev. de 1*0.*.
F.\ Luce de Gasparj, ancien major de dragons au service de la
Pologne, orateur. Me.'.Pt.*.
F.'. Roubaud, fils, avocat au Parl.,secrétaire-arçhivaire. Me.'.Pt.'.
F.', de Bain, secret, de correspondance. Me.*. Pt.*.
F.*. Roubaud d'Antelmy, écuyer, trésorier. Me.'. Pt.*.
F.'. Boulay, aîné, négociant, garde-des-sceaux et timbre. Élu.
F.'. Gérard, prêtre chanoine de TÉglis. cath., trésorier des aumé-
nes, confirmé. Me.*. Pt.*.
F.', de Court, écujer, seigneur d'Esclapon, expert. Élu.
F.'. Isnard, aîné, négociant, expert. Me.*. Pt.'.
F.*. Luce, aîné, négociant, maître des cérémonies, commis, de la
T.*. R.'. Grande L !=l! provinciale dans TAtelier, ass. libre de la
R.'. L ^=^ de la Constance à TOr.*. d'Antibes et de celle des Amis
NOTES ADDITIONNELLES 475
réunis & rOr.*. du régiment delà marine infanterie. Chev. de
rOrd.
F.*, de Robert, chevalier, seigneur d*Escragnolles, anc. off. de ca-
valerie, maître des cérémonies. Maître.
F.*. Debezieux, architecte du temple et des banquets. Élu.
F.'. Bounin, négociant, infirmier. Ecossais.
F.*. Gazan de Seillans et Clausonne, infirmier. Élu.
F.*. Bonafons, négociant, Terrible. Élu.
F;*. Luce cadet, négociant. Thuileur. Me.". Pt.'.
F.*. Augustin Chaix, musicien, directeur d'harmonie. Maître.
MEMBRES.
F.*, de Barrigue de Fontainieu, conseil, au Pari. off. de la T.*. R.*.
G.*. L t=i P.*. Vénérable de la R.*. L îHî d'Aix et en cette qualité
membre né de T Atelier, chev. de 1*0.
F.*, de la Touloubre, av. au Pari., Grand-Maltre-Président de
la T.'. R.'. G.'. LCZ2 P.*. associé honoraire de R.*. Lî==:de la
Parfaite Harmonie & rOr^'. de Toulon et de celle de la Réunion
des Élus & l'Or.', de Marseille, associé libre de la R.*. L ^Hî du
Choix de l'Homme libre & TOr.*. d*Aix ; ex-Vénérable de celle de
TAmitié, môme Or.*, et en cette qualité membre né de rAtelier,
chev. de l'Or.*.
F.*. Chevalier de Bain, off. du Rég. do Vermandois, inf., Cheval,
de rOr.-.
F.' . Jean- Jacques Fargeon, nég. , parf . du Roi et de la Cour, Me. \ Pt. * •
F.'. Maximin Roubaud, av. au Pari., Me.*. Pt.*.
F.', de Reboul, lient, partie criminel en la Sénéch, Maître.
F.'. Bernard, av. au Pari., Maître.
F.*. Marcj, apprenti.
F.*, de Geoffroy du Rouret, off. d'artillerie, apprenti.
ASSOCIÉS LIBRES.
/ F.*. Gazan fils, av. au Parlement, G'^.-secrétaire de la T.*.
R.'. G.'. L C3 P.-, secrétaire de la R.*. L^^ de l'Amitié
et associé libre, de celle du Choix de THomme libre &
rOr.*. d'Aix.
F.*. Isuard» cad. nég, membre de la T.*. R.\ G.*. C3 P.*.
a \ Vénérable de la R.*. L i=i du Triomphe de TAmitie à
rOr.-. de Draguignan.
F.*, de Roubaud, très. -gén. de France au bureau des finances
de Prov., membre de la T.-. R.*. G.-. L= P.*. Véné-
rable de la R.'. L==3de l'Union des Alpes & l'Or.'. d'Aups.
o
a
476 NOTES ADDITIONNELLES
F.'. Turrel. av. au Pari, docteur en droit, Vénérable delà R.*. L
c=î des Amis intimes à TOr.*. de Paris, député de Tatelier au G.*.
Or.', de France.
F.*. Merendol, av. au Parlement, membre de la R.'. L î^ de l'A-
mitié h rOr.-. d'Aix. député de l'Atelier à la T.-. R.\ G.'. L :=!
P.*. de Provence.
F.*, de Thorenc, C^ de S. Empire, M** des camps et armées du Roi.
F.', de Thorenc, chef d'escadre des arm nav. de Sa Maj.
F.*, de Rouband, secrétaire du Roi.
F.*, de Fanton d'Andon, lieutenant-gén. en la Sénéch.
F.*, de Luce-Seillans, écuyer.
F.*. Spitalier-Seillans, résidant à l'Or.*, de la Martinique, de St-
Pierre et membre de la R.*. L î=: de la Sincérité des Cœurs,
au même Or.*.
F.-. Abbé de la Susse, prêtre de l'Ordre de Clugni.
HARMONIE.
F.*. Chaix, directeur, Violons: F.-. Boulaj, aîné; F.*. Chaix; F.'.
Isnard, l'aîné; F.'. Debézieux.
Flûtes : F.-, de Bain, off.; F.'. Bernard.
Clarinettes: F.*. Marcj; F.'. Fargeon.
Violoncelles: F.*. Roubaud d'Antelmj; F.*, de Bain.
Alto: F.*, de Court.
F.*. Issaurat, servant.
Adresse directe et permanente de la R.*. L :=: A. M. Gazan, av. au Pari.,
subdélégué de Fintendance de Provence, à Grasse.
Scellé et timbré par nous garde de sceaux
et timbre de la R.'. L :iz
F. Boulât l'aîné.
Par mandement de la Rr. :=2
F.'. Roubaud, fils.
Secrétaire.
(Àrch, de la Préf. de Nice — S. F, E, — Confréries laïques,)
(Communication due à M. de Flamard, archiviste de la Préfecture.)
CONCLUSION
Nous avons essayé d'accomplir la lâche que nous nous
étions imposée : raconter les événements de la grande
Révolution française dans les Alpes-Maritimes. Vivant
aujourd'hui à près d'un siècle de distance de cette com-
motion sociale qu'on est convenu d'appeler Vémancipor-
tion de la société française^ nous pouvons résumer les
biens et les maux que nous en avons retirés.
D'abord nous ne justifierons jamais les hommes qui
croiraient nécessaire de verser le sang et d'abattre les
têtes pour le triomphe d'une doctrine. La conscience pu-
blique, comme la conscience individuelle, répudiera tou-
jours les moyens violents. Fasse le ciel que nous en finis-
sions avec les terroristes !
Les excès en tout genre,qu'ils viennent delà liberté,ou de
l'autorité, sont funestes à l'une ou à l'autre cause. Ici-bas
tout doit aller deux à deux, en se conciliant, et non en se
divisant : ordre matériel et ordre moral, force et douceur,
liberté et autorité, droits et devoirs, pouvoir civil et pou-
voir spirituel, droits de l'État et droits de l'Église.
1789 devait être une sorte de concordat entre le chef
d'État et la Nation pour que le pouvoir fût tempéré par
des assemblées parlementaires, par un ministère respon-
sable, en sauvegardant TinviolabiUté du chef d'État. Voilà
pour Vordre politique.
478 CONCLUSION
Vordre social j consacrait régalité des citoyens devant
la loi.
U ordre administratif, mieux ordonné, divisa laFrance
en départements, en arrondissements, en cantons et en
communes, de manière que tout tendît à l'unité et re-
flétât l'image de la nation entière.
Dans Vordre judiciaire a été fondée aussi l'unité de la
législation, et l'indépendance du pouvoir dans la magis-
trature.
Dans Vordre financier j la révolution a remplacé le
vieux système des impôts par les contributions directes
et indirectes mieux réglées.
Dans Vordre économique j elle a proclamé la liberté do
commerce et de l'industrie.
Dans Vordre morale elle a donné la liberté de con-
science et de pensée.
Nous ne nierons pas que c^tte ère de liberté ait im-
primé un nouvel essor aux progrès dont nous sommes les
heureux témoins et dont nous récoltons les fruits abon-
dants. La vie commerciale, industrielle, artistique, scien-
tifique et intellectuelle coule à plein bord dans toutes les
parties de la France, jusqu'aux extrémités. Les peuples
étrangers qui veulent nous imiter participent aux mêmes
bienfaits.
Observons maintenant la partie faible. Assurément,rien
n'est parfait en ce monde et il n'y a pas de lumières sans
ombres. Mais il faut qu'il y ait une juste proportion entre
la lumière et les ombres.
Depuis nos conquêtes modernes,resprit public a exagère
la liberté au dépens de l'autorité, le bien-être matériel au
dépens du bien-être moral. A force de vouloir être libre,
un parti voudrait se passer de loi et d'autorité ; à force
de chercher le bien-être ici-bas; on essaierait d'oublier ses
immortelles destinées et l'acquisition d'une patrie meil-
leure.
CONCLUSION 479
Certains esprits, faisant abstraction de Dieu et de reli-
gion, prétendent expliquer tout sans Dieu, composer des
ouvrages sans y introduire le souffle religieux, sans y
prononcer même, de parti pris, le nom de Dieu ; ils par-
lent de morale sans Dieu, de loi sans Dieu, d'instruction
de rÉtat sans Dieu, d'école sans Dieu. Ils décorent cette
morale du nom de morale indépendante.
Voilà le mal de notre société contemporaine, mal qui a
sa source dans ce qu'ont émis de dangereux les écoles
philosophiques et politiques du XVIIP siècle. En mon-
trant les hommes et les abus, on a attaqué les institutions
elles-mêmes.
La réforme a une fois de plus dépassé le but qu'elle s'é-
tait proposé ; et nous ne sommes pas encore assis sur nos
véritables bases : nous oscillons sans cesse.
C'est en vain que les admirateurs outrés de 1789
exaltent 1830, 1848, 1870 comme de nouvelles secousses
imprimées au mouvement libéral qui, selon eux, ne doit
plus s'arrêter jusqu'à son entier épanouissement. Belle
réforme qui s'accomplit dans le sang et dans les ruines !
Pourtant nous serions les ennemis de notre siècle, si
nous n'avouions les progrès qui , dans nos Alpes-
Maritimes, s'ajoutent au bienfait providentiel d'un mer-
veilleux climat. A Dieu ne plaise que nous ne soyons
pas enthousiastes de ce que nous voyons ! Ce que nous
n'admettons pas : ce sont les moyens violents, les haines
de partis ; ce que nous n'admettons pas, c'est que saturés
des bienfaits du christianisme, on veuille agir en dehors de
lui et contre lui ; c'est que bien loin de reconnaître l'es-
prit libéral de TÉglise, on l'accuse injustement d'être Ten-
nemie de la liberté et de la civilisation, elle qui, depuis sa
fondation , civilise, éclaire, travaille,défriche,con vie toutes
les nations au banquet de la science. Dans quel progrès
accompli, dans quelle œuvre de bienfaisance, dans quelle
science ne rencontrez-vous pas, toujours, des moines et
480 CONCLUSION
des prêtres. Est-ce que de notre temps les R. P. Moigno
et Secchi, Lacordaire et Montalembert et tant d'autres
n'ont pas été savants en demeurant fervents catholiques?
Est-ce que dans toutes les sociétés intelligentes vous ne
trouvez pas de nombreux ecclésiastiques qui étudient avec
elles ? Ah ! il est une certaine science délétère, qui au-
jourd'hui consiste à faire table rase de Dieu, du Christ, de
rÉvangile, de la Bible, et ose tout penser, tout dire et
tout écrire.
Les catholiques ne peuvent vouloir de cette science.
Pour nous le progrès n'est pas là. Nous améliorons, nous
étudions,nous approfondissons, nous cherchons,mais nous
inclinons notre raison devant l'autorité religieuse ; jamais
nous ne sacrifions l'autorité. Nous reconnaissons qu'il y a
trois autorités qui sauvegardent le monde : autorité reli-
gietisej autorité civile^ autorité paternelle. Or le grand
mal c'est que de nos jours ces trois autorités sont forte-
ment ébranlées.
Les trois hommes qui ont contribué le plus à notre
grande révolution, ont commencé l'attaque.' En parlant
contre les abus de rautorité,ils les ont sapées toutes les trois,
Voltaire, en attaquant V autorité r^/i^tew^^ ;Montesquieu,
V autorité civile^ Koxx^s^dM^V autorité paternelle. Y oxxX&i"
vous le salut ? Eh bien ! Tout en conservant nos libertés
acquises, revenons au principe d'autorité. Bâtir seu-
lement sur la liberté, bâtir sans Dieu, sans autorité, c'est
poser sur le vide ; demain détruira ce qu'on édifiera au-
jourd'hui. Que l'enfant respecte le père, que le citoyen
obéisse aux lois, que l'homme rende à Dieu le devoir qui
lui est dû et la société est sauvée. L'insubordination, l'in-
discipline, l'irréligion, ce seraint les fléaux qui nous dévo-
reraient. Prenez y garde. Cavete^ consules.
FIN.
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Dédicace v
789. Chapitre I**^. — Assemblée
Consliiuante ... 3
2 l•^ Éiat des Alpes-Mari-
tiraos 3
'i 2. Assemblées provincia-
les 12
g 3. États-Géiiéraux . . 25
^ 4. Premier cri d'alarme 34
g 5. Nouvelles circuiiscrip-
tioiis 40
2 6. Deux ii'me cri d'alarme 41
g 7. Troisièmecri d'alarme 48
g 8. Quatrièmecri d'alarme 57
^ 0. Trouilles de Grasse . 61
791« § lu. (Craintes et alarmes . 65
g II. Atîdires reli.'ieuses . 69
^. 12. Mon de Mirabeau . 72
jl 13. Fuite du Roi . . . 74
g i4. Troubles d'Antibes . 78
Chapitre II. — Assemblée léyis-
lalive .... 88
g !«'. Le représentant Is-
nard 88
2 2. Défection dans l'armée 1)2
792. g 3. Terrible année . . 94
I 4. Troubles .... 95
^, 5. Préparatifs de guerre lUO
>j 6. Le irénéral d'Anselme 1U3
g 7. Les Marseillais à Aii-
tibes 110
g 8. Armée du Var . .113
Chapitri: IIL — Convention na-
tio'ialf 116
g l*'.Occupatioa du comté
de Nice 116
g 2. Armée piémoniaise . IJ3
g 3. Premières victimes à
Nice 125
2
1793. i
l
2
i
Pages.
1792. i 4. Fête du 19 novembre. 131
5. Cabale contre d'An-
selme 135
6. Alarme du 4 jan-
vier . . . . 143 144
7. Général Biron. . .146
8. Attaque de CastilloQ. 149
9 Attaque de Sospel . 150
10. Situation intérieure . 153
11. Défection de Dumou-
ries 158
12. Combat du Baous . 162
13. Combat de l'Authion. 167
14. Fédéralisme . . . 169
15. Arrestaliot» de Bru-
net 175
16. Armée des Alpes-Ma-
ritimes 179
17. Combat de Giielte . 183
18. Combat d'Cteile . . 192
19. Terreur .... 195
20. Deuxièmecombatd'U-
^p[le 212
21. Prise dé Toulon ! .* 215
2-2. La Guillotine. . 222 223
23. Hoche à Nice . . . 232
24. Prise de Suorge . . 234
25. Attaque du col des
Fenêtres . . . .241
26. Robes[>ierre . . . 245
27. B«»naparte à Antibes. 250
28. Chue de iiobespierre V5I
255
20. Air.u/os militaires . 258
3). Kellerniiinn . . . 260
31 Los Barbets ... 263
32. Situation içénérale . 270
piTRr. IV. — Le Directoire . 273
l»»" Victoire de Loaco. • 274
91
1794. j;
f:
l
i
1795.
i
i
CUAI
482
TABLE DES MATIERES
Pages.
1796* g 2. Bonaparte général en
à chef 278
1798. g 3. Dix-huit fructidor. . 282
g 4. Masséna à Antibes . 289
g 5. Bonaparte et Lascaris. 292
g 6. Faitmaritimed'Antibes 293
g 7. Zèle républicain . . 296
Chapitre V. — Le Consulat et
VEmpire .... 299
1799. g i^'DébarauementàFréjus 299
g 2. MortaeChampionnet SOI
g 3. Masséna à l'armée
d'Italie 302
1900. g 4. Blocus de Gènes . . 304
g 5. Les Barbets . .317
1901. g 6. Concordat. . . . 318
à 7. Administration. . .321
g 8. Guerres de l'Empire. 325
I 9. Pie VII à Nice . . 327
g 10. Sixième coalition . 328
1914. g il. Pie VII à Nice . . 331
g 12. Abdication de Napo-
léon 332
Chapitre VI. —Les Deux Res-
taurations .... 334
g 1" Nice retourne à la Sa-
voie 334
8 2. Grasse et Antibes . . 336
1915. g 3. I^s C?nt jours . . 340
p 4. Blocus d'Antibes . . 352
'^ 5. Instruction publique . 367
^6. Travaux publics . .371
1916. Fastes chronologiques . . 373
à Travaux publics depuis 1816 392
1979. Instruction publique depuis
1SI6 393
Insdustrie et Commerce . 395
Notes additionnelles . . 397
g l«'. Notice du général
Luce-Gaspari . . . 397
g 2. Fra|?onard de Grasse 419
g 3. Barrière de StJeannet 425
g 4. Famille de Revel-St-
André 426
4i3
i44
448
450
451
Pftg«t.
1916. g 5. Famille d\\uvare. . 428
à I 6. Mgr Colonnad'Isiria. 432
1979. g 7. Chanoine de Cessole. 435
g 8. Acte de Mariage de
Masséna . . . .438
g 9. Lettre de M«« la Ma-
réchale Masséna . . 439
g 10. Arrestation des barbets 440
à 11. Déserteurs autrichiens 442
g 12 Documents sur les
Villeneuve- Vence
g 13. Lettre du marquis de
Vence
g 14. Districts de Grasse et
de Saint-Paul . .
g 15. Département des Al-
pes-Maritimes.
^ 16. Division diocésaine .
B 17. Paroisses supprimées 453
g 18. Argenterie et cloches
des églises . . . .455
I 19. Envoi à la monnaie . 456
g 20. (•ontributious patrio-
tiques 456
g 21. Prêtres assermentés. 458
22. Garde-nationale . . 460
23. Maximum des vivres 461
24. Émigrés du district
de Grasse ....
g 25. Population du district
d« Grasse ....
g 26. État désastreux de la
Vésubie ....
g 27. Papier de confiance .
g 28. Octroi d'Antibes . .
g 29. Chevaliers de Malte
à Antibes . . . . ^2
g 30 Statistique du dépar-
tement des Alpes-Ma-
ritimes en 1814 . . .472
g 31 Loge maçonnique de
Grasse 474
Conclusion 477
467
469
470
471
471
TABLE GÉNÉRALE
Abbo (Marie-Anne), mère deMM. Mou-
pns de Roquefort, membres du Tiers-
Etat en 1789. — 8.
Abbon. Aoon, capiscole du chapitre de
Veace, prête le serment, fait partie
du Conseil de Vence, sauve les reli-
ques de saint Véran et de saint Lam-
bert, 5.
AcciARDi, AcHiARDf, comte de Saint-
Léger (Nico),conseillormunicipHl, 336.
AcHARD, bourgeois de Saint-Paul, ofûcier
municipal de Saint-Paul, 6, 86.
AoHEisEN, vallon de Sospol et Col, 129.
Agnès (sœur) de Grasse, 373.
AoocT (Antoine de Flotte d'), seiiçneur
de Gars etSaiut-Auban. Famille illus-
tre de Provence qui remonte à 11-28.
Les d'Agout de Flotte étaient déjà
seigneurs de Saint-Auban. Andon, et
coseigneurs de Vence et de Malvans.
Labrancheaînéedesd'Agout(Agoult),
comtes deSault, commence en lOOi,
sous l'empereur Henri IV, 9, 96.
AïKKSY, coseigneur de Briauronnet,
ancienne famille de l'arrondissement
de Grasse, 9. 205.
Alarmr (I*' cri d'alarme\ !"aoùt 1789.
— 34, 41. 48,57,61,65, 12^,144.
Alasséo. combat naval, 13 mars 1795.
— 259.
Alba.n'elly, famille bourgeoise de Grasse,
8. François, cbanoine de Grasse, 7.
Albkrti, commandant de place à Lan-
tosque, 316.
Albittb (frères de Dieppe^, ardents et
cruels conventionnels (et non Alberti),
176, 251, 252.
AixtoEB, famille d'Antibes, 10.
Allemagne (voir Dallemagne.)
Alliqati, aide-camp du comte Saint-
André, 213.
Alli db Mvgaraxi (voir Macarani).
Alpark. montagne du territoire de Sos-
pel, 129.
Alpes-Maritimrs érigées en départe-
ment. 30 janvier 1793. — 146.
Alziary, ancienne famille de Provence
qui part de Roquestéron et forme plu-
sieurs branches, d'où :
Alziary, comte de Malaussène, 9.
Alziary. chanoine de Vence, 5.
Alziary, avooatde Grasse, 97.
Alziary dk Ro:)rEKORT, viguier de Saiut-
Paul, et ses filles Pauline et Blanche;
Alz'ary de Roquefort (Jean-Antoinej,
Al/.iarv François, frère de Jean- An-
toine, juge de* Saint-Paul, 6. 177, 184,
189, 190, 191.
AnnARRÈRE, commandant du génie, 305,
309.
Amic, famille de Grasse, 8.
André, famille bour;^eoise do Vence, 5.
Andrkossy. comte de rEmpiro, lieute-
nant-général, né à Caste! nandary en
1761, arrière-p<»tit-fils de l'ingénieur
Andréossy, sedistingaà Landau, sui-
vit Honaparte à l'armée d'Italie, puis
en Egypte... C'était aussi un savant,
et un àmi des arts. Il est mort à Mon-
tauban en 1828. — 3r)3.
Andrioli, poète et capitaine Niçois, aussi
vaillantsoldat que bon littérateur, 168,
374.
Angoulè.mb (duc d'), 346; duchesse, 364.
Ansrlmk, général, sa notice, 103. Bon
arrivée à l'armée du Var, occupation
de Nice et autres faits militaires, jus-
qu'à sa disgrâce, 103 à 142. Né à Apt,
484
TABLE GENERALE
22 juillet 1720, il fut porté dès Vd^e
de cinq ans sur les rôles du ré!];imeut
de Soissons, comme fils d'oriicier. Il
est mort dans sa ville natale en 1812.
C'était un bon littérateur.
Antibes, sa statisiiciue en 1789. — 9.
Dilîérents faits importants, 27, 41, 4*2,
44, 51. 52. 55, 56, 58, 79, 84, 92, 100.
105. Assassinat. 1 12. Quartier général,
114, 114. Faits divers, 145, 14S, 155,
219, 245. Glorieux fait d'armes, 293.
174, Restauration, 339. Cent jours,
340. Blocus, 352.
AosTE^du:d'),filsdu roi Victor-Amédée,
180.181, 195,212.
Appian, assassiné à Grasse, 286.
Archieb. curé de Vence, 5, 70, 319.
Ajièna, Corse, établi à Nice, défend
d'Anselme, 135. 181, 193,380.
Arqe.ntevu (d'), général piémon tais, 234,
274,276.
Argot (d'), lieutenant-colonel du 1 1"«,
106.
Arnoux, adjointe Antibes, 342.
AsGRos, commune de l'arrondissement
et du canton de Puget-Théniers entre
le Var et l'Estéron, 183, 195.
AsPÉnx (baron d'), mijor autrichien,353.
AspREMONT, commune de l'arrondisse-
ment de Nice, canton de Levons, rive
gauche du Var. 306, 310.
AspRKMONT (comte d'), 308.
AssEMiiLÉE Constituante, 3. Assemblée
LéOISLATlVE, 88. ASS.CMBLÉE PROVIN-
CIALE. 13.
AuRERNON (Albarnus, Albarnon), an-
cienne famille d'Antibes, venue du
Bar, qui date du XFV» siècle. 155,
338. Le plus célèbre de cette famille
est Philippe Aulienion, né à Antibes
en 17.57, commissaire des guerres,
mort à Paris en I8.i'2. Son Gis Joseph
sera préfet de Versailles et pair de
France.
AuRERT, famille de Grasse, 8.
AuBRY, bon dessinateur «le Nice, 374.
AuDiBERT, curé de Gréolières. 98.
AuDiBERTi, comte de Saint-^îtienne, 336.
AuDiFFRET (chevali M- d'), 164.
AoaEREAU, duc de Cjsti.;lione, maréchal
de France, naquit à Paris le 11 no-
vembre 1757, d'un maçon et d'une
fruitière. Ce fut Tun*» des gloires mi-
litaires de la République et de l'Em-
pire Il est mort à sa terre de laHous-
saye (Seine-et-Marne), le 12 juin 1826.
Andréodsy a écrit ses mémoires. On
lui reproche ses dilapidations en Ita-
lie, connues sous le nom de fourgon
d'Aïujrreaii, 274. 275.
AuarER, chanoine de Grasse. 7.
AuousTLNs de Grasse, 7; de Nice. 12.
AuLAGMiiR, armurier de Grasse. 205.
AuniiiEvu, commune de l'arrondissement
et du canton de G risse. Troubles, 73.
AussEL, cliirurgien à Vence, 5.
AuTHioN, raonia.^ne céléb/e du terriloire
dd La Bollène. Batailles. 167, 314.
AuTRiGHiE.Ns, déserteurs, 442.
AuvARE (Mémoires du chevalier d'). fa-
mille du Comté de Nice, 11, 123.
1-24, 165, 242, 432.
AuzLAS, bourgeois de Vence, 5.
AvÉNAS, consul de Nice, 11.
Batn (de), sous-préfet de Grasse, 55,
344,318.
BvLDULxi, prévôtduchapitrc de Nice,l2.
Balègne (de), feld maréchal autrichien,
152.
Banel, général français. 274.
Banquets rkpudlicalns, 217. 218.
BvRDvROux de Gras.se, 7.
Baruentane (mirquis. Puget de), géné-
ral né àPatisen 1747, colonel du ré-
giment d'Aunis avant 1789. commua-
dant de la 8** division militaire de
1791 à 1796; mort à Paris en 1828.
BARniKRi, comm indint de la garde na-
tionale de Grasse. 62 204.
Barbets, 263, 281,317. 3?2. 440.
B\RLi, chanoine de Nice, 12.
Baruuier (de), ancienne famille d'Anti-
bes, dont est ori^in lire le comte de
Birquier (Joseph-Divid, général. Il
était en 1792 lieutenant-colonel, gé-
néral de bfigide en 1793. Il suivit
Leclerc à Saint-Domingue en 1801;
eut le comm indement apr>s la mort
de Ferrand; revint ap/ès une hoao-
rable capitulation en 1809.11 est mort
à Paris, 31 octobre 1814. - lU, 114,
174. 178.228,23».
BAROuiER(de),mai.-e d'\n»ihe8, 145,337.
Bar^uier (de), curé d'Antibes. 61.
BvRRvL(P ulde^.gén-iral, 124, \ib, 128.
B\rrvlis. ciia:ioine de Nice, 12.
Barrvlh, oftio'ier du régiment de Nice.
138. 139.
Barras (comte de), né à Fos-Emphoai
(Var), mena une vie fort dissipée
dans sa jeunesse ; servit comme offi-
cier dans les Indes, revint en France
TABLE GENERALE
48S
et embrassa les idées révolutionnaires
les plus avaiicées, vota la mort de
Louis XVI, »'t fui l'un des plus vio-
leuts oratt'urs de la Couventiuii. Il est
mort en 18^29. 105, 158, 171, 173,
Mb, IUd, 210. 215.
BARarÈKB DE Svint-Jkannet, membre de
la se:onde Législati ve,52, 1 88,230, 425.
B\RTF.L, famille de Grasse, 8.
Baudoin, l'aveui^le. llù.
Baudry, adjudaut du régiment des Ar-
dénués, 49.
Baussy. chanoine de Saint-Paul. 6.
Baussy, conseiller municipal de V^once,
5, 346.
Bayastro, nirois, vaillant armateur, in-
trépide marin et ami de Masséna. On
Ta app 'lé le J fan-Bail Niçois. Né à
Nice en 1760, il est mort dans sa pa-
trie, le 10 mars 1833. Nice a donné
son nom aune de ses rues, 304, 315.
Beauveau (de), gouverneur de Provence,
36.
Brluiosgo, général piémontais, 165.
Bellëgarde (de), général piémontais,
234.238.311.
Bellissime de Roquefort, maire de Si-
Paul. 6. 14. 18.
Belmon s vaillant capitaine niçois, 184.
Belmondi, chanoine de Nice. 12
Belvéi ère, commune de l'arrundisse-
ment de Nice, canton de Saint-Mar-
tiu-Lantosque. sur la rive gauche de
la Gordolas(|ue, affluent de la Vésu-
bie. i26, 152, 161, 169, 181.296, 312,
316, 374.
BÉKÉDKrriNs de Saint-Pons à Nice, 12,
à Lérius. 7.
Bendfjun. hameau de Châteanueuf-Le-
vens, 133.
Bànetvkl (de.', réfugié à Nice, 118.
B^OLRT, col du territidrede Sospel.164.
BéRANGER, maire de Vence, 5, 13, 289.
Brranger, famille de Grasse, 8.
Bèranoeri. cliaiioine de Nice, 12.
Berlier, Cfimmandant d'artillerie à An-
tibes, 229. 33.J.
Brrxvrd. famille de Grasse, 8, 197,
Bern.\rdi, famille de Grasse. 8, 203.
BERifARD,(Joseph).chRnoiuede(jrasse,7.
Bkrnardi d'Antibes, 229.
Ber!iardixe8 d*Antibes, 7.
BfiRRE, commune de l'arrondissement
de Nice, canton de Conles. 13?. 133.
Bebthif.r prince de Waijram et de Neuf-
châtel. nls de Tingénieur Berthier,
naquit à Versailles en 1753. Il était à
17 ans officier d 'état-major. Il se pré-
cipita de son balcon dans un accès de
lièvre chaude, à Bamberg. l*' juin
1815. Un de ses frères, aussi général,
servira dans l etat-major de l'armée
d Ir^lie, sera comte de TEmpire en
1810, et mourra à Grosbois, 18 août
1819. - 2-29, 269.
Bertrand, pénéral de l'empire, 340.
Bian«:hi, général aufrichien, 352, 353.
Bl\nz\, capitaine piémontais, 2l2.
Biron (de), général franrai.** : i^a notice,
146; ses faiU et gestes^ 146 à 158.
BiscARRA. chanoine de Nice. 12. Bis-
CARRA, peintre du roi, né à Nice, 22
février 1790, mort le 13 avril 1851. 11
était fils du trésorier général.
BiscARRtT, général piémontais, 165.
BiZA.NRT, général franrais. 274.
Blacas, s .int prélre do Vence, supérieur
du Peit-Sè m inaire de Vence, grand
vicaire de Fréjus, 246, 371.
Blacas. notaire de Vence. 5. 83.
Blacas (de), marquis de Garros, 7.
BLANQur. le c(»nveijti<»nnel, né à Drap
en 1759. fit ses études au collège roy«S
de Nice. Il est mort du choléra à
Paris en 1832, laissant l'économiste
Blanqui (Ad(dphe) né àNice, en 1798
et Louis, né à Puget-Théniers en
1804. - 121. 143. Ui.
Blanqui (de), coseiu'ne'jr d'Aiglun, 9.
BoMPARD (de^ deGrasse.chefd'escadre,8.
BoNA, capitaine niçois, 208:
BoNAFO.NS. famille de Cirasse, 8.
Bonaparte (Napoléon). 146, 238, 250.
278, 292. 299. 32e. 332.
Bonneau, d'Antibes. 10, 14.
Bonn EAU. émiL'ré. 261.
Bonnefoy ou Bonefoy, poète dramati-
que, né à Bonson, exécutée Paris en
I7V3. — 113,
HoNNÉcoRvr. dit le Romain, 132.
Bonnet, bourgeois de Saint-Paul, 6.
Bonson, commune de Tarrond.dePuget-
Tliéniers, cant.de Hoquesléron, 183.
BoTTiÈRi. chanciine de Nice, 12.
BoTTiERi (avocat), exécuté à Nice. 211.
Bouchard u'Audetf.rre (de), d'Antibes,
50. 51.
BouNA, général autrichien, 314.
HouNiN DE Cabris, 8, 9.
BOURRON-CONDÉ, 1 1 .
BouTHiLLiERS ide), préfet du Var, 345.
BouvoN. commune de larrondissemeDl
de Grasse, canton de Coursegoules,
sur la rive gauche de l'Estéron, 187.
iw
TABLE GENERALE
BoYER deGhoisy, famille d*Antibes, 10,
BoYON, bourgeois de Vence, 5.
Brvchm\nn, général autrichien, 194.
Braûs, col du territoire de l'Escarène,
313, 314.
Breil, arrond. de Nice, chef-lieu de
canton, sur la rive droite de la Roya,
127, 315.
Brentano, général piémontais, 130, 307.
BnroNOLLES, pacte fédératif, Afjà 47.
Bnoïs,colquidomineSospel.lO."),lf)<5,314
Bruérv, famille de Grasse, 9.
Brune, maréchal de France.néàBrives-
la-Gaill;irde, on 1763, assassiné à Avi-
gnon par le peuple.^ aoùtl8lo. — 347.
Brunet (Gaspard), général français, né
à Valensoles (Basses-Alpes), maré-
chal de camp en 1791, mort sur l'é-
chafaud à Paris, G novembre 1793. —
114, 170, 127, 13>. 140, IGl. 168,175.
Brunet (Jean-Biiptiste), général fran-
çais, né à Reims en 1763 ei mort à
Vitryen ISil. — 305, 308, 313.
BruslÉ, général français, '234,243.
Cacciardi (baron];, conimaudunt du fort
Mont-AIban, 117, 121. — La famille
Cacciardi était en possession du
fief de Berre.
(JAUNES, commune de l'arrondissem. de
Grasse, canton de Vence, sur la route
nationale, sur le chemin de fer, 80,
81, 307.
(Iah.le, commune ih» l'arroudisseni. de.
Grasse, canion de Sainr-Auhan, 330.
(iAiRE (Barthélémy , de Rriançon, ingé-
nieur militaire, 67.
(jaissotti m: Roluion (chevalier de\ 1 18.
Famille noble et illustre de Nioe, ori-
ginaire de Puget-Théniers. Le cheva-
lier de Houhion avait une autre frère
le comte de Roubion. Tous deux
étaient filsdu célèhro ministre d'État.
( Charlos-Louis) (^aissotti . ixrand-
chaiîcelier, man|uis de Saint-Victor,
mort à Turin en 17 76.
Calvy, baron de Vignole, gvassois,202.
Calvy, commandant de la garde na-
tionale de Vence et coniniandaiit des
gardes côtes, 5.
Cambron-ne, général, 3'«0.
Campon (de), capitaine piémuntais. 165.
Campréoon. général du génie, 305.
Canal (comte de), officier piéniontais,
164, 169, 181.
Cannes , ville de l'arrondissement de
Grasse, cheMieu de canton, port de
mer, route nationale, chemin de fer
d'Italie avec em branchement sur
Grasse, 106, 109. 341.
Gapei.et ( le grand et petit), cols du
territoire de Belvédère qui domioeot
le Raoûs, 163.
Gaprara (régiment et colonel), 157, 188.
190.
Capucino, officier piémontais, 212.
Capucins à Cannes, à Grasse^ à Nice, 7.
12. 137.
Caravadossy (baron de). 11, 186,^
mille noble du comté de Nice, origi-
naire d'Espagne.
Caretto, officier piémontais, 164.
Carmes à Lagbet, 12.
Carnot, le i:onventiounel, 278.
Carré, capitaine piémontais, 164.
Casabi.vnca (Raphaël), cumtededereai-
pire, général, né a Vescovato (Corse)
173u, mort à Bastia en 1825. fit par-
tie du régiment provincial Corse en
1772devint lieutenant colonel en 1799.
— Son fils sera aide de camp de Mas-
séna, colonel d'infanterie, et sera tué
dans la campagne de Russie en 1812.
— 159. 234, 279, 280.
Casarianca, officier de la suite de Na-
poléon , dans le débarquement aa
GoHeJuan. 341.
CASoNr, chanoine de Nice, 87.
Castel-Giseste, du tenir. d'Ulelle. 193.
Castelueeiî, feld-maréchal autrichien.
1-26, 128, 129, 152.
C\STELiAM.\nK, officier piémoutuis, 181.
(iASTEi.i-ANE (de), officier des chas.seurs
des Ardennes, 49.
C.vsTELLANE (de), famille des environs de
Grasse, 8.
Castim.ox. commune de l'arrondissem.
de Nice, canton deSospel, 129,149,150.
Cavalikr. famille de Grasse, 8.
(iKRisiKRE. quartier de Lantosque. 181.
Cer\()m, général lVan«;ais, né à Sovéria
((^orse) en 1768, servit dans le réi^i-
nienl-royal Corse : il fut lue d'un
boulet de canon à Eckmiilh, 22 avril
1809, pendant qu'il déployait une
carte de l'état-major sous les yeux
do Larmes et de Masséna II était
aussi brave général, que sivant et
lettré, 161. 251, 276.
Cessoi.e (de) et Cbssomnes, 374, 335.
CHARAri), à Nice, 122, 147. 208.
Chabert, de Vence, 90, 189.
Chadlais (duc de), frère du roi, 159.
TABLE GENERALE
487
Ghabran (de), général français, 232 254.
Chaudron, adjoint d'Antibes, 337.
Ghampionnet , général français, né à
"Valence en 1762, d'un avocat et d'une
paysanne. Il était israélite et fils na-
turel. On le surnomma Championnel,
Setit champignon. Il eut une jeunesse
issipée, quitta le pays et s'engagea
dans les gardes wallonnes. Il servit
au siège de Gibraltar. Il était général
en 1793. Il est mort à Nice, 9 janvier
1800. - 300, 301,302.
Charles-Emma NU i:l, 376.
Chablbt, général français, 274, 275.
Chartoqnb, colonel français, 153.
Ch A RTON, général français, 10 1 à 107,234,
262.
Chartroux. officiel munic.de Nice, 284.
Château de Nice. 374.
Chateauneuf-lk8-gr\sse. commune de
rarroudissement de Grasse, canton du
Bar, 52.
Ghatkauneuf-Randon, préfet des Alpes-
Maritimes. 321.
Château- 8alk, d'Antibes, 250.
Ghautaro, famille de Grasse, 8.
Gh^ry, chanoine de Grasse, 7.
CaiRV, famille de Grasse, 8.
Chevaliers de Malte, à Antibes,294,298.
Chbvretrl, chanoine de Grasse, 7.
Ghivai.jèry (de), colonel piémontais, 150.
CiNETTi(d(î), général français, 316.
Gissé (de), archevêque d'Aix, 319, 374.
Clapiers (marquis de), seigneur de Ca-
bris, 8.
Clans, commune de l'arrondissement
de Puget Théniers, canton de Saint-
Sauveur, sur la rive gauche de la Ti-
• née. 182. 194, 195.
Cloches et objets sacrés des églises, 41,
93. 94. 95, 225.
Closade, cap. de génie, français, 153.
Clubs. 122, 147,258.
CoLBERT (comte de) émigré, 184, 364.
Collège d'Antibes, 370.
GoLLi (baron de), général piémontais, né
eo I760à Alexandrio. suivit lesguer-
ras des Alpes-Maritimes jusqu'en
1796 ; commanda ensuite les troupes
papales et fut vaincu à Faênza par
Victor, en 1797. Il est mort vers 1812.
Sun fils suivit Napoléon. Il était ma-
rié avec la sœur d'Alûeri, 163, 167,
183, 234. 242,260.
CoLLOT D'Hbrbois, ué à Paris en 1750.
Auteur dramatique, il se fit un nom
par ses discours populaires, arriva à
la Convention, vota la mort de Louis
XVI. Déporté en 1795, il est mort de
la fièvre jaune à la Guyanne, 234.
CoLONNA d'Istria, évéquc de Nice, 318.
331. 374,432.
Concordat de 1801. — 318.
Constituante, 86.
Consulat, 301.
Contes, commune de l'arrondissement
de Nice, chef-lieu de canton. 150.
Conté, secrétaire de l'évéque de Nice, 7.
Convention nationale, 116.
CoRVKsi, capitaine français, 161.
CoL'couLE, roc escarpé de Breil, 1 79.
Gourmette, fief des Villeneuve-Tour-
rette, 289.
Gourmette, chirurgien de Vence, 4, 227.
CouRSEOouLEs, commuoe de l'arrondis-
sement de Grasse, chef-lieu de can-
ton, 185 à 188.
GouRsiN (d^). général français, 340.
GouRT.maire de Grasse,famille de Grasse,
8, 198.
CouRTEN(dp), major-général à Nice, 102,
117 à 126.
Crrsp, famille de Grasse, 8.
Cresp, maire de Grasse. 230.
Cresp, peintre de Grasse, 8.
Gresp-Gindal, de Saiiit-Gézaire. 290.
Crosnier, de Grasse. 206.
CuÉBRis, commune de l'arrondissement
de Puget-Théniers, canton de Roques-
teron, 139, 184, 195.
CuuGiA, capitaine piémontais, 158
CuoNAC(de). gouverneur d'Antibes, 91,
34, 41, 48, 60, 137, 145.
Culte rétabli, 258.
CuRAULT, familles de Grasse et d'Anti-
bes, 10, 203.
Dabray, niçois, conventionnel, 143,146.
154. 251, 328, 331.
Daoan, 'jfficier piémontais, 181
Dagorrrt. général français, né à Saint-
Lô, d'une famille noble, servit en 1775
dans le régiment de Tournésis, se dis-
tingua dans la guerre de sept ans et
en Corse. Il mourut d'épuisement à
Urgel, après avoir conquis la Cerda-
gue, 10 avril 1794.11 eut les honneurs
du Panthéon, 114, 133, 151, 152.
D'Allemagne, général français, baron,
né à Périeux, près de Belley.en 1754,
s'engagea à 19 ans dans le régiment
de Hainault. Il fit la guerre d'Améri-
que. Il obtint un sabre d'honneur, à
488
TABLE GENERALE
Lodi, commanda Home après Mas-
ftéua en 1708, eut encore un salire
d'honneur en 1800. Il est mort à Ne-
mours. 25 juin 1813.- 234 à ;245. 262.
Daluis, commune de rarrondissement
de Puget-Tliéoiers, canton de Guil-
laume«(, 195.
Dani, jeune oTiner ni<.!ois. d'une famille
Doble des comtes de l'Escarène, 182.
Dalmvs. fdmille de Grasse, 8, 205.
Déesse- Raison, 203.
DéFLY. famille de Nice, 122, 322.
DELLÉnA.^énéral autrichien,! GO, 1G7 234.
Despixoy, général français, né à Valen-
ciennes en 176*. sera en 180! gouver-
neur d'Alexandrie. Il joi.^nait à fart
militaire, des connaissances littéraires
très- variées, 153, ICI à 11)0, 212.
Devaux, général français, 1G5, 315.
Directoire, 273.
District de Grasse et de St-Paul, i48.
Disette, 147, 140, 257.
Dolle, famille (rÀntibes, 229.
Dominicains de Grasso et de Nice, 7, 12.
DoMMARTix, général français d'artillerie,
suivit Bonaparte en Eûjypte, et mourut
au sié^e do St-Jean-d'Aore. Bona-
parte l'avait en grande estime, 234,
249, 274.
DoxAUDY. chanoine, curé de la cathé-
drale de Nice, 434.
Daap, commune de rarrondissement de
Nice, canton de Contes, 313.
Drol'OT, général français, 305, 340.
Dubois-(]r\nc^., conventionnel ardent,
né à Charleville, de famille noble,
1747. Député aux États-Généraux, il
suivit toutes les Assemblées jusqu'aux
Cinq-Cents. Bonaparte le mit décote.
Il mourut à Rethel en 1814.— 109.
DunoLT.HvoK, préfet des Alpes-Maritimes,
32 1 à 328.
Ducos, aide-de-camp de Masséna, 23 i,
290.
DuciOMMiF.R, f^énéral français (Jean-Fran-
çois-(^0(|uille). né à la Guadeloupe
Î736; Ois d'un riche planteur de b
Martinique, il entra dans l'armée à
l'Aire de 13 ans Nommé député de la
Martinique à la Convention, il aima
mieux suivre la carrière des armes. 11
prit Toulon. U fut tué d'un éclas d'obus
à St-Sébastien le 17 novembre 1794.
Son nom lut inscrit au Panthéon. Ses
deux lils péri.ent aussi d.uis la cam-
pagne des Pyrénées et sa (ille épousa
le général Dumoustier, 193, 215.
I DuMERBioN. général françaifi. np en 1734,
I Ht comme volontaire ix guerre de
j S?pt-ans, se distiogai en Corse. En
1789, il n'était encore que capitaine
des grenadiers. Eu 1792. il é'ait irêoé-
j rai de division. U mourut à Paris en
17'J7. Bonaparte en p. riait avec éloge,
, 114, 125 à 179, 232 à 244.
I DuMOLRihiz, général français. 158.
DupAix, oflicicr français/l61.
Durand-Sartoux, 8, i03.
Dlr\nte baron", général, historien de
Nice, 374.
Duraxteau (Luc), général français, né à
Beaune en 1747. entra dans le régi-
ment de Médoc. se distingua en Cône,
sui\it Bonaparte en E:^ypte. IM, 164.
DuRAXLs, commune de l'afrondissempot
de Nice, canton de Levens. sur la
rive gauche de la Vésubie, 263. 312.
Ederlk. général français, 332, 335.
Écoles : Ecole centrale, 369 ; écoles pri-
maires, 225.
Elpmtz, général autrichien, 305 à 313.
ÉMIGRÉS, 41, 48, 65, 72, 74, 84, 92.
104, 117.
Emoxd u'Esclevixs, famille d'Amibes,
10, 113, 145, 186, 330.— Balthaztr
(Joseph), le plus célèbre de cette
famille fut général, baron de TEm-
pire. Né à Antibes. 20 mars 1765,
il était petit-fils de Joseph-MicM
Emond d'Esclexinsetde Bartholomée
de Boyer de Cholsy. il fut lieutenant
en 1786 du régiment de la Martinique;
fît la campagne d'Egypte; revenu en
France, il continua de monter en
grade ; comliatlit glorieusement à
Lutzen en 1813 et alla mourir en Bo-
hême de ses blessures, 5 août 1813
Empire. 332.
Ernest fd'), régiment suisse. 99, 120.
Escars (duchesse d'), aux îles de Lé-
rins. 325.
E?GRAnxoLEs (Robert d'). famille noble
de l'arrondissement de Grasse,9,387.
EsriTALiER, chanoine de Vence, 5.
IÏtats d'Aix et deLamrbsc, 13, 14,18,19
États-Généraix, 21, 25.
EuziÈRE. famille de Saint-Paul, 6.
EvPSALTiERjCommissairedes vivres, I0('
119, 229.
F
Farre, général français, 237
Fanton, famille de Grasse, 8.
TABLE GENERALE
489
Pa5tox. famille de Vencp, 5.
Fastes Chronologiques de 1816 à 1878.
— 373.
Fauvette (La), navire, 325.
Féd^.rvlisme, 160 à 171, 210.
FtOÈRATION. 45.
Féraud. famille de Grasse, 8.
FftRUS, commissaire (leF \ ivres, 109,134.
Fétes Républicaines, *245à248; 254 à
2.15, 206.
FioHiERA. chanoine de Nice, 12.
Flaoct (ctimp du), territoire de Roque-
billière et de Belvédère. 161, 180.
Flory, chanoine-curé de Saint-Paul, 6.
Flory. curé de Si- Paul, 6.
Flotte 'i\e), ancienne branche de la
famille d*Afçôul, seiîçneur de Saint-
Auhan et de Gars, 9.
Flourens, préfet des Alpes-Marit., 321.
Fo:iCENEz, commandant de Villefraii-
che, 121.
FoREX, général autrichien, l65.
FouRcoiN (camp de), sur la rive droite
de la Roya, 314.
Fragoiiard. peintre de Grasse, 8. 419.
Francesghi, aide-de-camp de Soult, 310.
Franciscains, à Antihes. à Cannes, à
Grasse. 7; à Nice, à Menton, à Sos-
pel, à Saorge, à Lantosque, 12.
Frbimvmobte, roi des Alpes-Marit. 261.
Fréron. conventionnel ardent, naquit à
Paris en 1765 ; quoique filleul du roi
Stanislas, protégé de .Madame Adé-
laïde, tante de Louis XVL il devint
l'un des plus grands ennemis de la
monarchie. Il vota la ni( rt de Louis
XVL 11 mourut sous-préfet de Saint-
Domingue en 1802. — 171 à 181,195;
210 à 214.
Fuite du noi, 74.
Gaite, Gaitte, de Vence, 5.
Gaitte, dit Crillnn de Grasse, 8, 197.
Galera (hiron de , 238 à 240.
Gardane (de), comte de l'Empire, géné-
ral,né à Marseille en 1766,servit dans
les dragcms de Boufflers en 1780; fut
porté à l'ordre du jour à Linières, à
Arcole, à No\ i et à Marenixo. Napo-
léon disait de lui nue c'était un gre-
nadier pour la t.iille comme pour le
conrage. Il brilla à Austerlitz. àléna,
à Eylau. Tl mourut à son chfttrau de
Lincel. le 23 juillet 1818. Le gouver-
nement lui décerna un sabre d'hon-
neur à MarengOy 114, 166, 185.
Garde Nationate, 174. 177, 222 à Î26,
247 à 256, 3i9 à 330
Gapdinqui, famille de Saint-Paul. 6.
Garidrlli, grand-vicaire de Nice, el
chanoine, 12, 146, 258.
Garin, chanoine de Nice, 12, 319.
Garix (baron). Nice, 147.
Garni r, général fran(;ais, fils d*un ma-
çon auvergnat, s'engagea volontaire ;
il ncquilt.-i plus Nice depuis l'eiitiée
des Français, et acquit la villa La
Cosie. bien d'émisrré (villa Peillon),
114. 21M. 255 à 279, 283. 305 à 321.
Gars, commune de l'arrondissement de
Grasse, cm ton de Saint-Auban, 96.
Gaspari (voir Luce.)
Gasq, curé de Grasse, et famille de
G asse, 7, 8.
Gasq, François, président du Tribunal
de Grasse, 229.
Gatti-Mentone, chevalier piémontais ,
244.
Gattières. commune de Tarrondisse-
menl de Grasse, canton de Vence, 93,
Gauthier dk KERvrouEN, général fran-
çais, né à Brest en 1735, fut en 1755
élève ingénieur de marine sous le
comte d'Esting à Saint-Domingue, fit
partie de Tex (.édition de Corse, alla
en Amérique a\ecRochanibeau. passa
à Tarmée des Pyrénées en 1792 et ar-
riva à Nice le 8 mars 1793. avec le
grade de maréchal de camp. Il fut élu
général de division le 13 juin 1795,
suivit Bonaparte en Italie en 1796. Il
sera inspecteur général de l'infanterie.
114, 160. 232,234. 279.
Gautier d'Auret^rre. antibois, marié
avec une fille de Bouchard d'Aube-
lerre, 341. 347 à 351.
Gaz\n, famille d'Antibes, 10, 145, 155»
330, 338. — Nommons les hommes
les plus célèbres : Gaz an , Nicolas,
adjudant-général, qui se distingua
dans la campagne d'Italie et mourut
glorieusement pendant le blocus d'An-
cone, dont il était le gouverneur, en
1799. — Gaz AN, Marie- Joseph, né à
.Antihes en 1785. fut d*abord attaché
de léj^ation à Malte; entra, en 1804. à
l'école militaire de Fontainebleau
comme sous-lieutenant ; il reçut d'ho-
norables bles.^ures à la bataille de
Dresde; c'est pnurqutu on lui donna le
commandement dos îles de Lérint,
fK)ur se reposor. En 1825, il passa à
'état-major de Paris ; fut envoyé, en
490
Table générale
1835, comme gouverneur d'Ancooe ;
il reçut son brevet de général de di-
vision en 1815 et devint directeur du
personnel de la guerre. Le choléra
l'enleva le 12 juillet I8C9.
GAZAN.dc Grasse. 8. 101, 339,344.- Ga-
ZAN. Honoré-Théodore- Mai; i me, lieu-
tenant-général, comte de la Pcyriére,
naquit à Grass»*, le 29 octobre' 1765,
de JosepLi Gazan, avocat, et de Auue-
Clairc Luce. A 15 ans, il était sous-
lieutenant dans les canouniers gardes-
côtes; major de la girde nationale en
1789, lieutenant-colonel dans le *2«
bataillon du Var cantonné à Vence,
19. septembre 1791 ; il en partit le 12
janvier 1792 pour entrer comme ca-
pitaine diins le 27' d'infanterie; il fit
partie de Tarmée du Rhin. En 1799,
il est général de division et s'illustre
à Gènes avec Masséna; il assistée
Mareugo ; il fera les campisnes de
Polo&rné et d'Espagne. Napoléon le
nomma comte en 1808. En 1814. il
commandait la 9* division militaire;
était pair de France en 1815 Il
mourra en 1841.
Géxes, 304. 308.
Geoffroy, du Rouret, curé d'Antibes;
il avait d*abord été grand vicaire de
Grasse. 7, 8. 319. 365.
GÉRARD, famille de Grasse. Gérard cadet,
maire de Grasse, 8, 170, 229. 271.
Gérard, Marguerite, peintre, 8, 424.
Germ\no , trois frères, capitaines pié-
mootais, de bonne famille de Nice,
152,
GiAConi, baron, maire de Nice, 122,131,
147.
GiLETTA, avocat de Nice, exécuté. 211.
GiLETTB. commune de l'arrondissement
de Puiçet-Théniers, canton de Ro-
questeron, au confluent du Var et de
l'Estéron. 183, 11*0 à 192.
GixELLE qui a créé la marquetterie ni-
çoise, 375.
Girard, famille de Grasse. 8, W^.
Girard, famille de Nice. 306.
Girard, maire de Vallauris, 13.
GiRAUD, famille deGras.<4e. 8.
Giraudi, de Nice, exécuté, ^^5, 177.
Glandchamp (de), D*. colonel fram'ais,
352.
Glaxj\nd ;de). 365.
Glocester îduc de), à Nice, 11.
GoBBRT, capitaine français. 311.
GrORDELASQUE, afOueut de la Vésubie, 261 .
1
I
GoRCPP, général autrichien, 295 à 305 et
à314.
GoupiLLEAU DE MoNTAiGU, né daos celt«
ville, fut député de la Vendée à 11
Législation et à lu Convention. Con-
ventionnel ardent, il vota la mort de
Louis XVI et siégea à la Montagne,
il a fini ses jours en 1823. Son cousin,
conventionnel comme lui, étant an
moment de la condamnation de Loais
XVI dans le département du Var,
envoya son vote pour la mort par
écrit. On Tappelle Goupileau de
FoNTENAY ; c'est celui dont il est parié
dans notre histoire, 121, 135, 147.
GR4iLLiER,juge de paix à Antibes, 145,
2-29.
Grasse, chef-lieu d*arrondissement du
Var de 1790 à 1860 et des A Ip?»-
Maritimes depuis 1860. — 7, émeute
eu 1789, faits divers. 51, 52, 57. 61,
80. 86. 90, 97; —quartier général,
109, — faits divers, 114,137, 145.156.
161, 174. 177, 195. 166 à 206,222,224
226; 247 à 256, 291, 297, 329, 330,
336, 344, 315.
Grasse DU Bar;^ comte de). famille noble,7.
Grasse-Bri^.nçon, famille noble. 7.
Grégoire (abbé), conventionnel, né près
de Luné\ ille en 1756, élève des Jésui-
tes de Nancy, fut Tun des premiers
du clergé a suivre le Tiers-État en
1789, présida T.Assembléc nationale
pendant la prise de la Bastille or-
ganisa le service du département des
Alpes- Maritimes et de la Principauté
de Monaco qui y fut annexée; il sera
du Consoil des iinq-cents, sénat«>ur,
comte de l'empire et mourra en 1822.
— no. 142, 156. 157, 158.
Grêolières, commune de l'arrondisse-
ment de Grasse, canton de Cours<^
poules, 82.
Grimaldi (marquis de), de Gagnes, 6.34.
Grimvldi (baron de Sausse), Nice, H.
306, 331.
Grimaldi iPrince de Monaco), IGi, 234.
244, 336. 344.
Grimaldi. Marie-Christine, femme d'A-
lexandre Alziar}*,visaiier de St-Paul,5
Grimaldi, André, évéque du Mans, 6.
Grimaldi. prand vicaire de Nice. 319.
GuÉRiN, Charles et Théodore de Venc^
5, 55, 105. 287. 289. 290. 300.
GuEVARRE. famille de Saint-Paul, 6.
Guide, famille d'Antibes. Dprniorvi'îaiei
10, 145, 155, 170. —Guide Joseph »«
TABLE GENERALE
491
distingaa dans la campagne de Russie.
Guide Victor, pair de Franco, naquit
à Antihes, 28 novembre 1783, servit
d'abord dans l'administration des \i-
vres eu 1804. En 1810 fut conseillor
d'Étal, préfet de Montpellier en 1814;
préfet de V^ersailles et pair de France
soQs Louis-Philippe.
GciBE, de Nice, 284.
GciLLADERT, général Antibois, 383.
GuiLLAUSiKS, arrondissement de Puget-
Tliéuiers, chef-liou de canton, 13i).
GciLLOT, capiUiinc français, 193.
Guillotine, 223, 224.
Hachette - Desportes (Henri ), dernier
évéque de Glandèves, 76.
Hamcl, général français, 234, 235.
Hautefecille (de), aide-de-camp d'An-
selme, 121.
HèRAM, général fraudais à Antibes, 277.
HocRB, général français, 215, 232, 287.
HooD. amiral anglais. 170.
Hôpitaux militaires, 257.
HoTHAM, vice-amiral anglais, '259.
Hugues, famille de Vence, 5.
Imbert, famille de Grasse, 8.
IsFEftXBT, col des Alpes-Maritimes, 259.
IssTRUCTio.N publique, 367, 393.
IssAiTRAT. de Saint-Paul, 6.
Imabd, de Grasse, 8, 230, 285, 322.
1»ARD, de Grasse, le conventionnel, ba-
ron de l'Empire, 8, 88, '?9,90, 96, 143,
144. 156, 251,324. 327.
IsRARD. de Vence, 5.
Isola, commune de l'arrondissemeet de
l^uget-Tliéuiers , canton de Saint-
Êtiènne, 161.
Jabla.xowski, voir Zablanowski.
«^AGOT, conventionnel (non Junot), 156,
157. 158.
''AxsoNNET, général français, 263.
"[AfiiE, famille de Grasse, 8.
•AunE de Saint-Hilaire, botaniste, 8.
jA|tRY, grand vicaire de Nice, 7.
''QlBERT (Bartbélemy), général français,
dé à Pont-de-Vaûx (Ain), simple vo-
lontaire en 1791, suit Anselme dans
les Alpes-Maritimes ; il succombe à
Novi, le 15 août 1799.- 161, 163.
576, 297.
'■ouRDAK, famille de Grasse, 8.
Junot, aide-de-camp de Napoléon, 179,
252, 253. Corrigez Junol et mettez Ja-
got, 156.
K
Kaim, général autricbien, 307.
Kellermann, général français, duc de
Valmy, maréchal de France, séna-
teur, naquit à Strasbourg en 1735,
servit avec distinction dans la guerre
de Sept-ans et obtint le grade de ma-
réchal de camp en 1788. Il eut avec
Dumouriez le commandement de l'ar-
mée de la Moselle. Il mourut a Paris
en 1820.
Son fils, François servit aussi avec
distinction à Marengo. à Austerlitz,
à Bautzen, à Waterloo et fut général
de division en 1814 Exclus de la cham-
bre des Pairs en 1816. il n'y reutra
qu'en 1830 sous Louis-Philippe, 158,
169, 179, 260. 269
KuEssiF.wicK, général Autrichien, 305,
306.
li
La AGE (de), marquise de Vence, 4.
Ladaume, de Marseille, 399.
La Bollènr, commune de l'arrondisse-
ment de Nice, canton de Saint-Martin-
Lantosque, 12t:, 181, 281.
Ladorde, général français, 179.
La GsRisE^colde St-Mariin-Lantosque,
261.
La Fon, chef do brigade, 245.
La Gaude, commune de l'arrondissement
de Grasse, canton de Vence, 80.
La Giandola, hameau deBreil,l79, 180.
La Harpe, général français, né dans le
canton de Vaud (Suisse) en 1754, s'at-
tacha au service de la France. 11 fut
tué en 1796 entre Lodi et Crémone.
234,251,259, 274 à 276.
La Lombarde, col des Alpes-Maritimes,
260, 263.
Lamarre, famille d'Antibes; des deux
Lamarre : l'un d'eux était notai re. l'au-
tre chirurgien. Masséna épousa la fille
du chirurgien, 10. 44. 178,221. 229.
Lambert, émigré, 186, famille do Grasse.
8, 198.
Lamoi'ret. oflicier du débarquement de
l'empereur, 341.
La Napolle. hameau do Mandelieu, sur
la mer. au pied de l'Estérel, et sur la
rive droite de la Siagne.
Langlois, général français, 235 à 244.
Lannes, général français, duc de Mon-
m
TABLE GENERALE
tebello, né à Lectoure en 1769, était
fils (Fun ganon d'écurio. Il s'eorôia
comme volontaire en 1792, devint gé-
néral de brigade en 171)7, se couvrit
de gloire à Monfebello en 1800, et
contribua à la victoire de Marengo.
11 fut en \SH maréchal de l'empire
et duc de Montehello, se signala à
Austerlitz, àléua.àEyiau et à Fried-
land, et mourut à la bataille d'Esling
18U7. Son corps fut transporté au
Panthéon, 27b a 283.
Lantosque. commune de l'arrondisse-
ment de Nice, canton dX'telle, qui
donne son nom à la haute vallée de
la Vésubie, 126.281. 31?.
La Planvroia (marquis de), gouverneur
de Nice, 11, 42, 67, 92.
Lapovpk, général franrais, 162, 170,252.
La Roque (comte), général piémonfais
pleindebravourp,139,164, 169 193.194.
La Roquette, commune de 1 arrondis-
sement de Nice, canton do Levens.
Lasalcettk, conventionnel, 262.
Lascaris. illustre famille de Nice, 219,
Labource, conventionnel, ministre pro-
testant de MontpellitT. Il fut exécuté
avec les Girondins, le 31 octobre 1793.
121, 147.
Latii., futur cardinal, grand vicaire de
Monseig. Pisani, évé<iue de Vence, 5.
La T« un, conmiune de 1 arrondissement
de l*uget-Tliéniers, canton du Villars,
311.
Lattehmann, général autrichien, 305 à
312.
Laval (de), capitaine piémoniais, 164.
LAcnENTi de Uelvédéro. 127. 162.
L\ui\ENTi (comti»), de Nice, 251, 279.
Imvet, do Saint-I*aul, 6.
liAYHSAC (de), colonel français 152, 153.
L^.A (de), premier consul de Nice, 11.
Lk Hah, commune de l'arrondissement
do (irasse, chef-lieu de canton 68,96.
LKimuN.général fianrnis, 161,163,235.242
Lk («MiiK, ancien lief du territoiie de
Tourn»fte.Vence, 289.
IiK(î\NNi-;T,('ommune de l'arrondissement
de (irasse, canton deCIunnes. 149.
LmnANgo.s, g«'Miéral français, 234, 235.
Li'';uiHi.\Tivi:, 88.
LKMoni!, famille lie Grasse, 8.
L^:oTAiun (lie), clie\ aller, nirtns, 163.
LfcHiNM ,'lles du canton de ("aunes). —
(8uint-IIonorat et Sainte-Marguerite),
63, 138.
Leroy de Beury, d'Antibes, 10.
L*EscARÈNE, commune de larrcDdisse-
ment de Nice, chef-lieu de canlOQ,
130, 133. 161, 3;2.
Leseurre, consul de France, à Nice,34
41.48. 60. 75. 85.92, UH),à 121.
Les Fr.Np.TRES.col et Madone des Alpes-
Maritimes. '.i60, 261.
Lespïnasse (l'Espinace), général fran-
rais. '^62.
Lhs Rosiers (col de Raùs\162.
Les Rosilres, col des Alpes^Mariti-
mes, 327.
Lestenduaire , commandant d*£ntnu-
nés, 177.
Lesuirf, général français. 303 à 315.
Levens, commune de' rarrondissemeot
de Nice, chei-lieu de caoton, 126,
:>08, 312.
Levfnza, baisse du territoire deSospel.
130.
LiNCEL (de), commandeur de Nice. 9.
Li.NiÈRES, col territoire du Mouliuet,164
LoAXO (bataille de), 275. 277.
Lombard de Roquefort (d'Aotibes), 10,
18, 27. 114.
Ix)MBARD de Gourdon (de Grasse). 9.
LosTEVNE. capitaine piémontais, 181.
Louis XVI, 144.
Louis XVin, 339.
LucE, famille de Grasse, 8, 203, 399.
Luge-Gaspari, comte de Bel val, 8. 35.
notice complète, 399.
Lycée de Nice. 370. 373.
Maccarani (de), noble niçois, 186,209,
234 à 242. 336.
Macqaro. général français, 334, 251.279.
Malaussène. commune de Tarrondisse-
ment de Puget-Tliéuiers, canton do
Villars, 183.
Mallet, archidiacre du chapitre d»*
Grasse, 7.
Mallet, famille de Vence. 5.
Manfreoi. chevalier, ofQcier piémontais.
234, 239.
Mangiado, col du territoire de Sospel,
129,130.
Manouines, quartier du territoire dT-
telle, 182.
Mantéga. quartier du Moulinet, 165,
180. 196.
MvRnoT, général d'état-major, 303.
Marcy. famille de Grasse. 8.
Mari, trois frères, prêtres niçois, massa-
crés, 133.
T.VBLE GENERALE
493
Marie, commune du territoire de Puget-
Théiiiers, Cdulou de St-Sauveur,323.
Marnst, otlicier l'rariçais, 269.
Mars, cbanuiue de Veuce, guillotiné,
5, 137, 223.
Mars, notaire de Vence, 5.
Marta. camp retranché de la Roya,235.
Martelly, famille de Grasse, 8, 204.
Mariin, commandant du 3*^ bataillon de
la Haute-Ga.oniie, 19 .
Martin, contre-amiral, 259.
Ma8sén\, maréolial de France, prince
d'Ësliiig, duc de Rivoli, pairdePVan-
ce, 10, 101, 120, 127, 132,152 à l5:slG5,
2l2à2i2.2b9à294,30l à3;4,438, 439.
Ma8sé.\a, Marcel, oncle du maréchal,
229, 277, 288, 316.
Massène, capitaine niçois, 169.
Massilia, chanoine de Nice, 12.
Maurert de Grasse, 8, 251.
Maucune, général fraiH.ais, 305, 314.
Maure de Grasse, 8, 202.
Maurel de \%'nco, 5.
Maxiuum des vivres. 214.
Mazas. général français, SOI.
Mêlas, feld-maréchal autrichien, qui
eut le commandement eu chef de
i796 à 1800. — 304 à 308.
MouG\UD, général tranvais, 305 à 313.
Merclrin, famille de Grasse, 8.
Mérès, capitaine de génie, francais.232
Méro, secrétaire del'évéquede Vence, 5.
ME8NARD.généralfrancais,274,306à 315.
Micas, adjudant-général, français, 153,
lui.
MicHAUD (\lexandre et Jean-Louis),
comtes de Beauretour, 119. 335, 336.
MiCHAUD (Alexandre), lieutenmt-géné-
rai, comte do Beauretour, naquit à
Nice, le 22 juillet 1772; arréui à la
tête de 300 miliciens, les volontaires
marseillais au Pont-Ma^nan. Il émi-
gra à Turin, où présenté au Roi pir
le comte de la Ruque.il serait comme
officier dans les troui)»\s {>iémi)nlaisP8.
II prit ensuite du Si>rvice dans l'ar-
mée russe, 1 1 devint ai<le-de-camp de
l'empereur Alexandre. C'est lui qui,
au congrès de Paris, obtint de l'em-
pereur Alexandre que Nice retounuU
au roi de Piémont. Le roi le nomma
comte de Beauretour et lieuteuant-
géuéral. Ses enfants et ses petits- fils
sont des familles les plus honorables
de Nice.
MicHACD ( Jean-Louis ) , frère d'.AIe-
zandre, naquit à Nice, le 21 juin
1775. II suivit son frère dans la car-
rière des armes, et arriva au grade
de colonel. S'étan'. aussi attaché à
l'Empereur de Russie, qui Taima éga-
lement, il resta à son service, même
après la Restauration. 11 fut nommé
gouverneur de Crimée, fortifia Sébas-
topole, V appela des familles de Nice
qui y établirent des comptoirs, et
aida, quoique si éloigné, à la prospé-
rité commerciale de sa ville natale.
MiESGHOLOwsKi, général polonais, 164,
311.
Mii.AN (archiduc de), à Nice, 11.
MiLLEPOuncHEs, moutague du territoire
de la Bollène, 165, 167, 235.
MiLLEViLLB (de), à Antibes. 352, 364.
MiLLo (de), gouverneur de Monaco, 336.
MiLLO, capitaine nirois. 182.
Mi.NiMES, ordre religieux de Nice, '2.
MiOLLis (Sextius) , général français .
comte TEmpire, né à Aix en 1759,
servit à 19 ans dans le régiment de
Soissonnais. accompagna Rocham-
beau en Amérique, son frère curé de
Brignolles, lui dut son élévation à
révéché de Digne. Un autre de ses
frères fut adjudant-génénil , et un
auitrième baron de l'Empire et préfet
u Finistère. Le général MioUis est
mort à Aix en 1828.— 110, 111, 114,
119, 161, 229. 274.
Mirabeau, 18, 72, 73.
MiRAiiEAL' (de% marquise de Cabris, 8.
Missio.NS, 3J0.
MoLiJÈRE (de), capitaine piémontais, 169.
MoLTCK (de;, commandant des sapeurs,
3 10.
! Monaco (principauté), 49, 50, 84, 86,
211. 33b\
MoNTAFiA (marquis de), général pié-
I montais, 162, 164.
I Mo.NTALBAN, fo.t de Nice, 305, 312.
I Mo.nt-Choisv (de), à Antibes, 10.
; MoNTESviLiou (de). 105 à 115.
Mo.NTùRAND, gouverneur des îles de Lé-
rins, 6. 60, 72.
Mo.NTPENsiER (de), aide-de-camp de
liiron, 154. 156.
Mo.NTRÉDO.N, général français, 155 i 161.
MoRANoiÈ. général français, 161.
More, famille de Grasse, 2o3.
MouuiNSDE Roquefort, famille de Grasse
dont les deux frères, l'avocat Mougios
et le curé de Grasse, furent en 1789,
membres des États-Généraux, puis de
l'Assemblée (^instituante. Ils étaient
494
TABLE GENERALE
fils de Jean-Joseph Mougins de Ro-
quefort, décédé a Grasse en 1782, âgé
88 ans, et d'Anne Abbo, aussi déce-
dée à Grasse, le 4 octobre 1793, à
l'Age de 84 ans, Mougins, aîné, l'a-
vocat, laissa pour fils Mougins Ca-
mille, aussi avocat, né à Grasse, le 5
novembre 1792. qui fut membre du
Conseil général du Var, chevalier de
la Lngion-d'Honneur, et de 1851 à
1864 maire de Grasse. lia laissé trois
fils, le conseiller d'Aix, le docteur
d'Antibes, et Mougins-Grasse, 7, 8,
13, 15, 18, 25, 35, 109, 112. 198,
251, 348.
MouQiNS, famille de Saint-Paul, 6, 122.
Mougins, commune de l'arrondissement
de Grasse, canton de Cannes, 8'i, 105.
Moulin (du), général frantjais, 229.
Moumnet, commune de l'arrondisse-
ment de Nice, canton de Sospel, 164.
MouRET, général français, 2iU, 235.
Mujouls, commune de l'arrondissement
de Grasse, canton de Saint-Auban,95.
MuRAOUR, grassois, docteur-médecin de
la suite du débarquement de l'Empe-
reur au Golfe-Juan, 340, 341.
MuRAT, prince, vice-roi de Naples, 348.
Napolkon, voir Bonaparte.
Navkllo, chanoine de Nice, 12.
NicK. statistique en 1789. — 10. Faits
divers, 07, 7'i à S'i, I IG à 147, 207 à 217,
223 à 248,27 1 à2S3,3l)r> h 315.322 à 335.
Nicolas, général français, 251.
Niej\, pont pt torrent de Sospel. 129,
150. 157.
NiKL, famille de Grasse, 8, 230.
NiNUP, général autrichien, 310.
O
Orermann, gouverneur de Nice, 102,
117, 118.
OcTRors municipaux, 321.
Olivari, chanoine de Nice, 12.
Ollivier, prêtre exécuté h Grasse, 223.
Ollivier, famille d'Antihes, 333 à 350.
Omer de Talon, prisoimier de Sainte-
Marguerite, 325.
Oneille, ville de la rivière de Gènes, 120.
Oratoriens de Grasse, 7.
Orenoo, comte de Roquestéron, 8.
Orestis (comte de), 140, 370.
Ornano, maréchal de F'rance, 341.
Ortoman, général français, 104, 166,
176.
Osasque (d*), famille noble da Piémont,
129, 161, 164, 165. 336, 346. Le fiU
cadet du général d'Auvare, Alexan-
dre, capitaine d'artillerie, épouse eo
juin 1878 une demoiselle cTOsasqoe.
Ott, général autrichien, 304. 308.
OuDiNOT, duc de Reg^io, maréchal de
France, né à Bar-le-I)uc en 1767, était
fils d'un négociant. Il prit du service
en 1784 dans le régiment du Médoc;
puis euti-a volontaire en 179UdaDs le
à*"» bataillon de la Meuse et partit de
là. A 26 ans, il sera colonel ; général
de brigade en 1794: général de divi-
sion en 1798; se concerte avec Sa-
chet pendant le blocus de Gènes. Il est
mort gouverneur dos Invalides, 13
septembre 1847. Ses quatre fils ont
tous servi dans l'armée , ainsi que
trois de ses petifs-fils. Bar-le-Dac lui
a érig<j une statue. C'était une Ame
chevaleresque et chrétienne. 310.
3l.^>.
Paar, général autrichien, 3! I .
Panisse-Pary (marquis de). 6.
Paouspaou, major piémontais, 191.
Papox, capitaine milicien, 193.
Parra, général français à Ântibes, ba-
ron de l'Empire, 277.
Partouneaux (de), général français, né
à Romilly sur-Auhe en 1771, fit ses
études à Loiiis-h» Grand ; il s'enrôla
comme volontaire à Paris en I71H,
fut nommé. sons-licMiteiiant dans lo
régimentdeilainautet conihattildatis
l'armée des Alpes. H se disiiiiij^ua au
sié.iie de Toulon ou il fut noinmA ad-
judant général. Chef de bataillon, il
commanda les îles Sainte-Marguerite,
et en 1790 suivit Bonaparte en Italie.
Il se distin£?ua à Rivoli, devint géné-
ral de brii^'ade; lut fait prisonnier à
Novi. Nommé général de division en
1803 il continua de s'illustrer. Pri-
sonnier des russes en 1813, il obtint
sa délivrance en 1814. Les électeurs
du Var le nommèrent député en 1820.
Il commandait la division de Marseille
en 1830. Il mourut à Menton, le II
janvier 1835.— 193.
Pascalis, général français, 305 à 307.
Passeroni, chanoine de Nice, 12.
Paulian, de Nice. 306, 321.
Paullvm (baron de\ maire de Nice. UT,
283.
TABLE GENERALE
495
mncesse), à Nice, 332.
nille de Saiut-Paul. 6, 348.
mmuoe de l'arroadissement
, canioa de r£scarène. 118.
y général français, 274, 293,
, général français, 305.
i au territoire de Sospel, 165.
rqais de Châteauneuf,l 1, 277.
ésident du Tribunal de Nice,
Nice, 327, 331.
omte de), commandant du ré-
de Coni, 305.
[ (prince), général autrichien,
?ioEO.N, général français, né à
e en 1760, Gt ses premières
14 ans dans le réi^iment de
Il arriva en 1791 à rarniéo du
nme adjudant-major dans le
iUon de la Haute-Garonne. Il
léral de bri^jade en 1794, sui-
>oléon en Italie. Il mourra
Qortellementà Vérone. 5 avril
234, 274.
cier français, 274.
ite de), chef d'état-major à
son fils le chevalier, 102, 117
30, 164.
I. marquis de la Gaude, dernier
ie Vence, 5,64 à 76, 98, 319.
(de la), voir La...
I, famille d'Amibes, 155.
[de), branche qui descend de
e d'Agout, 7.
!f de l'arrond* de Grasse, 469.
nvET, colonel jdu l06«àAn-
>1.
^SERMRNTÉS, 458.
ipitaine marin. 326.
chanoine de Nice, 12.
îjénéral autrichien, * 60, 264.
;de), dernier évt^que de Grasse,
1,78.
.8TEUIL (de), baron de Chà-
f, 8, 9.
iNiERS, chef-lieu d'arrondisse-
département des Alpes-Ma-
139, 182, 531.
famille de Grasse, 8.
énéral français, 307.
(de), officier du Comté de
2.
Raoicati, major piémontais, 150, 151,
194, 234 à 238.
Rambaud, adjudant-général, 261.
Rangé, famille de Grasse, 8.
Rancher, poète niçois, 374.
Raoul, général français, 305. 306.
Raty, chevalier piémontais, 164.
Raous, Raus, col célèbre du territoire
de Belvédère, 162, 18t.
Rayraud de la Colle, 6.
Raybado, chanoine de Saint-Paul, 6.
Raybaud, directeur du collège de Gras-
se, 370.
Raymo.nd, baron de Conségudes, 6.
Rbibacd d Antibes, 78, 389.
Reibaud de Clausonne, antibois, 10, 338.
Reille, famille d'Antibes, 9, 10, 338.
Reille, maréchal de France, luiron de
TEmpire. naquit a Antibes le 6 sep-
tembre 1775 (Vllororé Reille. bour-
geois d'Antibes et de demoiselle Vac-
quier de Saint-Antoniu. vençoise. Il
reçut les premières leçons de Tabbé
Blanc, curé de Garros. En 1792, il
combatavecle grade de sous-lieutenant
à Rocoux et à Nerwinde, assiste au
siège de Toulon en 1793. est aide-de-
camp de Masséna, fait la campagne
d'Italie avec Bonaparte, et sMllustreà
Lodi. à Arcole, en Suisse, au blocud,
de Gênes, à Austerlirz, léna ; Napo-
léon le prend pour aide-dc-camp, il
l'envoie en Espagne où à Gironne il
bat 10.000 espagnols avec cinq batail-
lons. Il dirige la jeune garde à Wa-
gram. Ce n'est pas de sa faute, si
nous ne ga>;nàmes pas la bataille à
Waterloo. En 1819, il se rallia au
gouvernement. Il est mort à Paris le
26 février 1860, dans sa 85* année.
En 1814, il avait épousé la fille de
Masséna. Il a laissé un fils, 303, 346.
Reinardi, général, baron de l'Empire,
devint comte de Belvédère, 327.
Restauration, 334.
Revel (comte de), Thaon, général, 129,
150,176,426.
RiDOTTi (de), capitaine piémontais, 182.
Ricord, famille de Grasse, 348.
RicoRD le conventionnel, 177 à 195,
210 à 227. 243,244.
RiJOUARD, évoque constitutionnel du
Var, 76, 98.
RiouFFE, famille de Cannes, 9, 155.
Ritter, conventionnel, 255.
496
TABLB OENERAUB
Rivas, lieutenant-coloael d'étatma-
jor, 112.
Rivière (marquis de la), lieutenant-gé-
néral, 349.
RoBËSPiERRB, le jeune, à Nice, 177 à
185, 195. 210 à 227, 234 à254. Les
deux Robi»spierro naquirent à Arras.
Ils étaient tiis d'un avucat, et fi.ent
leurs éiudt*8àLi<)uis-le-Gr.ifid, Robes-
pierre l'aîné, noDimé aux États-géné-
raux, suivit ensuite toutes les phases
do la g.ande Révolution. Il lit nom-
mer son frère à la Convention. Tous
deux votèrent la mort de Louis X Vl.
tous deux périrent sur l'échafaud, 26
juillet 1794.
RocGATi, ofûcier piémonlais, 126.
RocHAMDEAU, comte d » Vimeur, général,
naquit en 1775 à Vt»ndôme. Son père
en était gouverneur avec le titre de
lieutenant des muréchaux de France.
Il prit part à la guerre (rAmérique à
la tète d'un corps de 6,000 hommes.
De retour en France, il accepta le
commandement de l'armée du Nord
en 1791. Ilt'ut emprisonné en 179) et
ne dut son silut qu'à la chute de Ro-
bespie.re. Son fils le suivit en Amé-
rique. Il se trouva avec Suchet au
combat de Saiiit*Liureat-du-Var. Il
mourut à Leipsick. le 19 octobre
1813. - 161. 305 à 312.
RoMKY, maire de Nice. 322.
RoQLE ((Jomte de la;. \o\r La.
RoQUEniLi.ÈRK, commune de l'arrondis-
sement de Nice, canton de Saint-
Martin-Lantosque, 126.
RoQUESPvnviÈRE , hameau de Duranus,
263, 280.
Ro^uKSTKRON, commune de l'arrondisse-
ment de Puget-ïhéuiers, chef-lieu de
canton, 187.
Roquette.— V^oir La.
RoQUETTE-S[\riNK, comniune de l'arron-
dissement de Grasse, canton de Can-
nes, 64.
Rosiers et Rosières.— Voir Les.
RossY, ffénéral français, 151, 152.
Rossi, vicaire général de Nice, 318.
RosTAN, famille de Vence, 5.
RosTAN Christophe, chanoi nede Vence,5.
RouBAri). famille deG;asseJl), 143.230.
Rounio-N (Cuissot ti de), famille du Comté
de Nice. 118, 330.
Rouret (Du).— Voir Geoffroy.
RoL'STAX, famille de Grasse, 8.
RousTA-N',chauoine-ihéologaldeGrasse,7.
RuscA, général français, né à Dolcé-
acqua; Toselly dit qu'il naquit à Brigi,
209 à 234, 27*5, 327 à 333.
S
Sacre de l'Empereur, 324.
Saint-Aoapitb, oflicier piémonlais, 194.
Saint-Amour, gouverneur de Saorse.
125, 234 à 243.
Saint-André (Comte de) Thaon. Il, 114
à 122. 127 à 133, 150, 165, 181, 193,
426.
Saint- A.NT01 NE (sieurs de) ofliciers pîé-
moutais, 182, 195.
Saint-Blaiss. commune de Tarrondis-
sementdeNice.canton de Leveus,t34
Saixt-Gésairb, commune de l'amnidis-
sement de Grasse, ciotoa de Saint-
Vallier. 291.
Saint-Etienne, commmune de l'arron-
dissement de Puget Théniers. chef-
lieu de canton, sur la Tinée, 195.
Saint-Etienne (Comte de), 176.
SAiNr-KERRÉOL,comm mdanf de lagarde-
nationale d'Antibes, V«, 10, 44, 137.
S.viNT-FLoniGK (Chevalier de Coinin),
commandant de la placeàAutibes,364.
Saint-Hilairb, général franç..ais, Comte
de l'Empire, naquit sous les drapeaux
à Rihemont (Aisne) en 1746. était
sous-lieutenant (\ 14 ans dans les hus-
sards de Biuck. A Castiglione il rei;ul
le surnom de chevalier sans peur et
sans reproche. Bimaparto Taimait
beaucoup. En I79'J il eut le cominan-
denieat de la 8® division militaire. 11
s'illustra à .\ustejlitz. à léna.à E>lau.
Blessé à Esslincj, il mourut à Vienne
en 180.1 (.ii m J).— 10 1, 234, 229,269,
274, 308.
Saint-Isidore, région de Nice, rive gau-
che du Var, lu5, ICI, 3o7.
Saint-Jean de Belvédère, redoute, 169.
Sai.nt-Jea.nnet, commune d»» l'arroudis-
seinent de Grasse, canton de Vence 36.
Svint-Jl'lien cmipde Roquehi Mère, 153.
Saint-Laurent-du-Var , coniiuune de
l'arrondissement de Grasse, canton do
Vence, sur la rive droite du Var, IU5.
101, 307.
Saint-Martin-Lantosque. commune de
l'arrondissement de Nice, chef-lieu de
canton. 261, 2SI.
SviNT-MAnTiN-nu-VAR, commune de l'ar-
rondissemenl. canton de Le «eus, 1.4,
Salnt-Paui.-di'-Var, commune de l'ar-
TABLE GENERALE
497
rondissement de Grasse, canton de
Vence, 6, 57, 82, 83.
SAiNT-PiERRË^commune du département
des Basses-Alpes, 139.
Saint-Sauveur, ae la Tiuée, commune
de l'arrondissement de Puget-Thé-
niers, chef-lieu de canton, 182.
Saint-Sauveur de la Bollène, redoute,
180, 181.
Saint- Vallier, commune de l'arrondis-
sement de Grasse, chef-lieu de can-
ton, 68, 312.
Sainte -Anne, col des Alpes -Maritimes,
259, 263.
Sante-Hélène, quartier de Nice, 307.
Sainte-Marguerite, la grande île de Lé-
rins, avec son fort, 137, 138. 165.
Sainte-Marquërite, frères, capitaine ni-
çois, 187. 188.
Sainval (M"«»), nées à Roquefort, 6.
Saissy. sieur de Séranon, 8, 119.
Salaoriffon, commune de l'arrondis-
sement de Grasse, canton de Saint-
Auban, 144.
Salamitr, famille de Gars, 96. 97.
Salicktti. né à Bastia en 1757, fut
un conventionnel ardent, .\vocat gé-
néral en Corse, il fut député aux
États-généraux en 1789; il vota la
mort de Louis XVI, échappa au 9
thermidor, fit partie du conseil des
Cinq-Cents. Ministre de la police à
Naptesen 1807, il mourra subitement
dans cette ville en 1809. - 195, 224,
234. 234.251, 269.
Sanglier (Désiré de), major d'Antibes,
10, 91, 99, 114,145. 156, 179.
Saoroe, commune de l'arrondissement
de Nice, canton de Breil, 125, 126,
234 à 243.
Sapia, professeur de rhétorique à Nice,
374.
Sartou^ ingénieur à Autibes, 10.
Sassernô (Agathe- Sophie), poète de ta-
lent, née à Nice en 1814, de Louis
Sassernô. l'aîné de six frères, colonel
et aide-de-camp -de Masséna, et de
Marie-Sibille Chartroux, commença
très-jeune à cultiver la poésie. Ses
œuvres reflètent une Ame triste et mé-
lancolique (1852 à 1856). Sa cantate,
composée en l'honneur de Charles-
Albert, en 1847 fut couverte d'applau-
dissements. On cite encore la Guerre
saillie (1848). Nos grands poètes lui
ont adressé des félicitations méri-
tées. Elle est morte à Nice le 6 juin
1860. C'est le libraire Charpentier qui
s'est chargé d'éditer ses œuvres.
Savornin, famille de Vence, 5.
Savournin, famille de Vence, 5.
SAVOuRNiN(Joseph), archidiacre deVence,
5.319.
Savournin ( François ) , chanoine de
Vence, 5.
Savournin (Jean), maire de Vence, 5,
18, 19, 33.
Saut de la République ( territoire de
Duranus), 263.
Sauteron, sieur de Séranon, 8.
Schèrer, général français, né en 1747,
mort à Chaunv, en 1804 ; sa notice
page 258, 259. 2iB9, 274 à 280.
SèBASTiANi. général français, 252.
Seirol, montagne du territoire de Ro-
quebillière entre la Vésubie et la Ti-
née, camp retranché, 168.
Sêminairb de Vence, 371.
Serrât, famille d'Antibes, 229.
Sérurier, général français, comte de
l'Empire, né à Laon en 1742, d'un of-
ficier de la maison du roi, était lieu-
tenant à douze ans. Il fit avec Marbeuf
l'expédition de Corse en 1768. Il sera
général de division en 1795. Il était
en 1814 gouverneur des Invalides. Il
mourutii Paris le 24 décembre 1829.
Laon lui a érigé une statue en 1863.—
114, 161. 165, 169, 185, 234,241,251,
261, 274, 276.
Seytre, famille de Grasse. 197.
SicARD, chanoine de Saint-Paul, 6, 192.
SiGALB. commune de l'arrondissement
de Puget-Théniers, canton de Roques-
té ron, 195.
SiRAS, général français, 313.
Sliwarick. général autrichien, 319,352.
SoLA (Jean-Pierre), évoque de Nice, 374.
SoLioNAG (de), général français. 305à 314.
Sospel, commune de l'arrondissement
de Nice, chef-lieu de canton, 125, 129.
133, 150, 274.
Souquet, colonel d'artillerie à (knnes, 9.
Souzzo (prince), 415.
Strasoluo, général autrichien, 150 à 160,
180. 182.
SucHR, famille de Vence, 5.
SucHE, prévôt du chapitre de Vence, 5.
SucHBT, général français, duc d'Albu-
fera, maréchal de France, né à Lyon
en 1770, s'enrôla comme volontaire
en 1702. fut élu chef du 4* bataillon
de l'Ardècbe, combattit au siège de
Toulon, se distingua à Loano, fit par-
32
198
TABLE GENERALE
tie 6û Italie de la division Masséna.
11 s'illustra enfin sur tous les champs
de bataille. Il est mort à Marseille, le
3 janvier 1826. — 304 à 315.
TALLBYRilMO, 300.
TÀULANB(de llsie), 7.
Teller, général autrichien, 165.
Terres-Rouoes de Belvédère, 181.
Terreur (la), 165, 222, 223.
Testoris, major piémontais, 184.
Tête DE Pins, 180, 181.
Tête des Rosiers, 152.
Tnéxs, famille de Grasse, seigneurd' An-
don et de Gars, 8, 9. 97, 202.
TiRANTY, conventionnel, de Nice, famille
originaire de Lf'vens, 142, 230.
ToRiNi, chanoine de Nice, 12.
ToRRBiLLE d'Antibes, 155.
Toulon (siège), 104, 215.
Tour de rôle, 10.
TouRRETTE-Levens, commune de Tar-
rondissemeut de Nice, canton de Le-
vons, 131.
TouRRETTB- Venge, commune de Tarron-
diss.-de Grasse, canton du Bar, 180.
TouRRB, famille d'Autibes, maire d'An-
tibes, 10, 343, 374.
Thâbaud, ofQcier du Comté de Nice,
129, 133, 150, 151.
Travaux publics, 371, 392.
Trimênil, mont du territoire de Belvé-
dère, 163.
Trinquiéri (comte) de Venanson, 11,
102. 182.
Trinquiéri, chanoine de Nice, 12, 102,
319.
Truouet, amiral, né à Toulon en 1752,
d'un chef d'escadre, gouverneur du
port de Toulon, il entra dans la ma-
rine à l'ilge do 12 ans, se sip;nala dans
Texpédition de Corse, suivit d'Ësting,
Tamiral de Grasse, de Guichen et ne
Vaudreuil. Il fut chef d'escadre en
1792 et quelque temps après contre-
amiral. Lié avec Barras, il dirigea le
ministère de la marine. En 1807 il
était préfet-Maritime de Rochefort.
Pair do France sous Louis XVIII, il
fut élevé au grade d'amiral par Louis-
Philippe en 1831 . Il est mort à Paris
en 1839, et il a son tombeau au Père-
Lachaise, 114, 117, 121, 131.
TuEGH, mont et redoute du territoire de
la Bollène, 166, 167, 179, 181.
TuRRAU, conventionnel, 255.
Ulm, général autrichien, 313.
Utelle, commune de rarrondissement
de Nice, chef-lieu de canton, 179,191
212, 311,313.
Yagca, colonel piémontais, 188.
Vachot, générai français, 249.
Vacquier, famille de Vence, 5.
Yallauris, commune de rarroadiiiê-
ment de Grasse, canton d'Antib68,5S,
68, 137.
Valperoa (de;, évéque de Nice, 11,102,
119.
Vanoly, terroriste de Vence, 219, 227.
Vantrin, famille d'Antibes, 323, 371.
Vassau de Sainte-Marguerite (voir 8t6-
Marguerite.)
Veillon de Nice, 121.
Venanson (comte de), voir Trinquiéri
Ventabrbn, col du territoire de Sospel,
167, 168.
Venge, commune de rarrondisseDientâl
Grasse, chef-lieu de canton, andeii
évéché, 4, 14, 20, 29, 34, 45. 48, 53,
69, 82, 90 à 99, 106, 107, 218 à 247,
286, 309, 340, 346.
Vernaghan, chanoine de Vence et wpé-
rieurdu séminaire, 5.
ViAL, curé de Vence, 5, 62, 70, 72.
ViAL, famille d^Antibes, 10, 330, 338.
ViAL, Honoré, général de division, né à
Autibes,22 février 1766, entra comme
volontaire dans l'armée en 1788, loi-
vit Tarmée des Alpes et obtint le bre-
vet de général de brigade. Il moonit
à Leipsick, 13 octobre 1813.— Vul,
Jacques, baron de l'Empire, aussi gé-
néral, eut son brevet de général efl
1813. Il est mort à Antibes le 20 mai
1855. Il était aussi savant qu'babilf
guerrier et ami de Lasalle. — Vial,
Sébastien, général, succomba à Or-
cano, en 1809, quand il venait d*ètre
nommé général. Il fut quelque tempe
aide-de-camp de Gasabianca, pan '
d'Honoré Vial.
ViGosE, général français, 274.
Victor, général français, duc de Bellooe
maréchal et pair de France, naquit à
la Marche (Vosges) en 1764. Son père
était huissier. Il entra en 1781 comme
volontaire dans le 4« bataillon d'artil-
lerie à Grenoble. Il était en 1792 dans
1 le 3* bataillon de la Drôme, puis dans
TABLE GENERALE
499
le 3« bataillon des Bouches-du-Rbône.
Avec 600 hommes, il se défendit en
1793 contre 3,000 piémontais à Goa-
raze , se trouva sous Lapoype au
siège de Toulon. Il reçut un sabre
d'honneur à Marengo, brillai à Téna,
à Friedland, à Montereau. Il est mort
le !«' mars 1841, laissant deux fils et
une fille, 274, 275.
Victor -Amédée, 124, 149.
Victor-Emmanuel, 374.
Vidal, famille de Grasse, à Nice, 122.
Vidal, d'Antibes, 178.
Vioan, capitaine piémontais, 150.
ViONOLLE ( Comte Martin de), général
français, né près de Montpellier en
1764, entra en 1780 comme cadet dans
le régiment de Barrois. Il se distin-
gua a Tarmée des Alpes. Quoiaue
blessé à la tète dans le combat de Li-
nières, au milieu de 200 hommes du
91* tués ou blessés, il garda ses posi-
tions. Il fut nommé chef d'état-major
au camp de Millefourches en 1794. Il
suivit Bonaparte en Italie, fut fait gé-
néral de brigade à Gastiglione. C'est
lui qui en 1814 ramena les troupes
françaises d'Italie. Il est mort le 15
novembre 1824. Il était préfet de la
Corse en 1815.— 114.
VrLLAREY(de), grand vicaire de Nice,3l9.
ViLLEFRANCHE, commuue de Tarrondis-
sement de Nice, chef-lieu de canton,
rade très-belle, 312.
ViLLENEuvE-LouBET, commuue de Tar-
rond.de Grasse, canton de Vence, 108.
Villeneuve, famille illustre de Provence
qui a formé plusieurs branches:
Villeneuve-Bargemon, 7.
Villeneuve- BEAUREaARD, 7.
Villeneuve-Mons, 7, 211.
Villeneuvb-Mouans, 9.
Villeneuve-Saint-Cézaire, 7, 23.
Villeneuve-Tourrette-Fayence, 7.
Villeneuve-Tourrette- Venge, 80, 211.
Villeneuve-Trans, 211,
Villeneuve- Venge, 4, 23, 36, 443.
Villeneuve- Joseph, écuyer de Saint-
Auban, 9.
Villier, Louis, maire de Nice, 230.
Viozbnna, commune de la rive gauche
de la Roya, 260.
Visitandines, 7, 97, 109, 374.
Vital général français, 234.
Viterbe (Chevalier de) 152, 153, 182.
W
Wallis, général autrichien, 271.
Weldenfeld, général autrichien, 310,
312.
WiN's (de), feld-maréchal allemand, 180,
181 à 189, 193, 195. 213, 234.
WoLMANN, général autrichien, 313.
T
Ypsilanti (prince), 415.
Z
Zablonowski, général polonais au ser-
vice de la France, naquit en 1769, fit
ses études à Brienne avec Bonaparte;
il était en 1789 lieutenant dans le
royal-allemand au service de la France;
il fut envoyé en 1802 à St-Domingue,
où il trouva la mort à la tète de la
légion polonaise qu'il commandait,
305, 312, 314.
ZiM, général d'artillerie, 162 à 165, 167.
Zimmermann, général autrichien, 193.
Un certain nombre d'errata se sont glissés dans le cours de l'ouvrage. Nous en
donnons ici la correction.
Lisez : Page Ligne
noble 4 1
infirmier 12 15
franche 63 12
Sanglier 104 22
Goupilleau 121 19
Vergniaud 154 23
Jagot 156 32
Montafia 167 21
Mangiabo 161 18
Albitte 176 10
Lisez :
à Gilettc . .
n'attend pas.
Albitte . .
Albitte . .
à Lorgnes .
à reprendre .
de Talon. .
1814 . . .
puis .
Servites
Page
192
Ligne
32
232
30
251
28
252
16
255
1
303
21
325
2
331
21
401
17
413
5
Il
:-,
/